Signature électronique : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 20/00875

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Signature électronique : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 20/00875
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 20/00875 – N° Portalis DBVS-V-B7E-FIYD

Minute n° 23/00189

[P]

C/

[J], [H], [H]

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 11 Février 2020, enregistrée sous le n° 17/00019

COUR D’APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2023

APPELANTE :

Madame [O] [P]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

Monsieur [A] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

Madame [C] [H]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

Madame [Y] [H]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 04 Avril 2023 tenue par Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 07 Septembre 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme WILD

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUDL, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme WILD , Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

[A] [H] est décédé le 3 septembre 2012 et a laissé, pour lui succéder :

-Mme [Y] [H], épouse [F], sa fille,

-Mme [C] [H], sa fille,

-M. [A] [J], son fils,

-Mme [O] [P], légataire universelle.

Par actes d’huissier des 14, 15 et 19 décembre 2016, Mme [P], a fait assigner Mme [C] [H], M. [A] [J] (sous le nom «[H]») et Mme [Y] [H] devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines afin d’obtenir leur condamnation à lui rembourser un prêt.

Selon ses dernières conclusions récapitulatives, Mme [P] a demandé au tribunal de:

– condamner les défendeurs solidairement à lui payer la somme de 37.500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2016 ainsi que 6.000 euros de dommages-intérêts

– les condamner in solidum aux dépens ainsi qu’à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

En réponse, les défendeurs ont demandé au tribunal de:

– débouter la demanderesse de ses prétentions

– condamner celle-ci à payer à chacun d’eux la somme de 6.000 euros pour procédure abusive

– la condamner à leur payer la somme de 2.000 euros d’indemnités d’occupation augmentée des intérêts au taux légal à compter du jour du jugement à intervenir

– la condamner à leur payer la somme de 15.000 euros de dommages-intérêts pour soustraction d’une partie des biens de la succession, avec intérêts au taux légal à compter du jugement

– la condamner à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 11 février 2020, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a:

– déclaré recevable l’action de Mme [P] 

– débouté Mme [P] de l’intégralité de ses demandes 

– débouté M. [J] et Mmes [H] de l’intégralité de leurs prétentions 

– condamné Mme [P] aux entiers dépens 

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile 

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

En premier lieu, le tribunal a relevé qu’il n’était pas contesté que M. [A] [H] s’appelait en réalité M. [A] [J] et qu’il était représenté par un avocat de sorte que le vice de procédure de l’assignation ne lui avait pas causé de grief. Il a ajouté que l’annulation des actes de procédure devait être demandée au juge de la mise en état sous peine d’irrecevabilité et qu’en conséquence, l’assignation n’était pas annulée et le moyen tiré de la prescription était rejeté.

Sur l’existence du contrat de prêt, le tribunal a jugé que l’examen du document du 30 décembre 2011 ne permettait pas d’affirmer avec certitude que [A] [H] était le rédacteur des différentes mentions de sorte que le document ne pouvait valoir que commencement de preuve par écrit. Il a ensuite retenu que Mme [P] n’apportait pas d’éléments extrinsèques desquels découlerait l’existence d’une obligation de rembourser incombant à [A] [H].

Il a débouté les défendeurs de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive au motif que les défendeurs ne caractérisaient pas l’abus qui aurait été commis par Mme [P]. Il a également rejeté la demande d’indemnisation formée par cette dernière dans la mesure où elle ne rapportait pas la preuve d’une faute commise par les défendeurs, leurs moyens n’outrepassant pas les limites du raisonnable et constituant l’expression de la défense de leurs droits.

Enfin, sur les demandes d’indemnité d’occupation et de dommages et intérêts au titre des objets dérobés, le tribunal a débouté les consorts [H] au motif qu’ils ne rapportaient pas la preuve que Mme [P] avait dérobé des biens de la succession et qu’elle était restée 2 mois au domicile de [A] [H] suite à son décès comme ils l’affirmaient.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz en date du 29 mai 2020, Mme [P] a interjeté appel aux fins d’annulation et en tout état de cause d’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes, l’a condamnée aux dépens et a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions du 14 avril 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [P] demande à la cour de:

-faire droit à son appel

-infirmer partiellement le jugement entrepris sur les chefs du jugement critiqué dans l’acte d’appel

-débouter les intimés de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

Statuant à nouveau dans cette limite,

-condamner M. [A] [J], Mme [C] [H] et Mme [Y] [H] solidairement à lui payer la somme de 37.500 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 août 2016, date de notification de la mise en demeure

-condamner M. [A] [J], Mme [C] [H] et Mme [Y] [H] solidairement à lui payer la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts

-condamner M. [A] [J], Mme [C] [H] et Mme [Y] [H] in solidum à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

-condamner M. [A] [J], Mme [C] [H] et Mme [Y] [H] in solidum aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel

-confirmer le jugement entrepris pour le surplus.

Au soutien de ses prétentions, Mme [P] expose qu’en matière de prêt, la reconnaissance de dette fait présumer la remise des fonds, de sorte qu’il incombe aux intimés de prouver qu’elle n’a pas payé les travaux. Elle affirme qu’ils échouent à rapporter une telle preuve.

Elle soutient que la reconnaissance de dette, le testament établi en septembre 2011, les factures et les chèques qu’elle produit permettent de prouver la réalité et l’ampleur de l’obligation de [A] [H]. Elle fait valoir que chaque intimé est personnellement débiteur de la dette à concurrence de sa part successorale et qu’elle n’a pas à attendre l’issue du partage successoral pour obtenir le paiement de sa créance.

Enfin, elle expose que les accusations portées à son encontre dans le cadre de l’instance ont été sources de détresse émotionnelle constitutive d’un préjudice moral.

Par leurs dernières conclusions du 10 mai 2022, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. [A] [J], Mme [C] [H] et Mme [Y] [H] demandent à la cour de :

– rejeter l’appel de Mme [P] et le dire mal fondé

– confirmer le jugement entrepris, au besoin par substitution de motifs

– déclarer irrecevable, subsidiairement mal fondées, l’ensemble des demandes de Mme [P]

– condamner Mme [P] aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel, ainsi qu’à leur payer une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, les intimés exposent qu’il existe un doute important sur l’auteur du document du 30 décembre 2011, qui vaut donc commencement de preuve par écrit et non reconnaissance de dette. Ils considèrent que Mme [P] ne justifie pas des paiements allégués et contestent la valeur des documents qu’elle produit, notamment du testament du 29 septembre 2011. Ils affirment qu’il s’agit d’une machination de Mme [P] pour contourner le principe de la réserve héréditaire, qu’elle n’est pas recevable à solliciter leur condamnation personnelle alors que la succession n’est pas réglée. Ils ajoutent que la solidarité et l’indivisibilité mentionnées dans le document du 30 décembre 2011 ne peuvent leur être imposées car ils n’ont jamais pris cet engagement. Ils soutiennent enfin que les documents litigieux ont été établis alors que leur père était sous emprise et affaibli par la maladie.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la portée de l’appel

Il convient de relever que l’appel ne porte que sur les dispositions ayant débouté Mme [P] de l’intégralité de ses demandes. Aucun appel n’a été formé contre les dispositions du jugement ayant débouté M. [A] [J], Mme [C] [H] et Mme [Y] [H] de leurs demandes relatives à l’annulation de l’assignation, à la prescription, au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, au titre des objets qui auraient été volés, et au paiement d’une indemnité d’occupation. Les intimés n’ont en effet pas maintenu ces demandes devant la cour et ont sollicité la confirmation du jugement.

La cour n’est donc pas saisie des dispositions du jugement ayant débouté les intimés des demandes ci-dessus.

Sur la recevabilité de la demande

L’article 724 du code civil dispose que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt. Il en résulte qu’ils peuvent être poursuivis par les créanciers de la succession, sauf notamment s’ils démontrent qu’ils ont renoncé à celle-ci.

L’article 873 du code civil dispose que «les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part successorale et hypothécairement pour le tout; sauf leur recours, soit contre leurs cohéritiers, soit contre les légataires universels, à raison de la part pour laquelle ils doivent y contribuer».

Par ailleurs, l’article 1220 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 et applicable au litige, dispose que « l’obligation qui est susceptible de division doit être exécutée entre le créancier et le débiteur comme si elle était indivisible. La divisibilité n’a d’application qu’à l’égard de leurs héritiers, qui ne peuvent demander la dette ou qui ne sont tenus de la payer que pour les parts dont ils sont saisis ou dont ils sont tenus comme représentant le créancier ou le débiteur ».

Il résulte ainsi de ces deux textes que le décès d’un débiteur a pour effet d’entraîner de plein droit la division des dettes héréditaires entre tous les héritiers ou légataires universels ou à titre universel au prorata des droits de chacun. Les créanciers disposent du droit de poursuivre la totalité de la succession pour obtenir le paiement de leur créance ou peuvent en poursuivre le recouvrement contre chacun des héritiers, au prorata de leurs droits respectifs, étant précisé que la situation n’est pas différente lorsque le créancier de la succession se trouve être l’un des cohéritiers.

La demande en paiement d’un créancier de la succession, même héritier lui-même, formée contre l’un ou l’ensemble des héritiers est recevable en dehors des opérations de comptes, liquidation et partage puisqu’elle ne tend pas aux mêmes fins dans la mesure où elle n’a pour seul but que le paiement de sa créance alors que le partage implique nécessairement l’allotissement des indivisaires à hauteur de leurs droits et met fin à l’indivision.

S’il résulte de l’attestation de dévolution successorale établie par Me [S], notaire, le 1er juillet 2014 que Mme [P] fait partie des ayant-droits de [A] [H], décédé, et que M. [A] [J], Mme [C] [H] et Mme [Y] [H] sont ses cohéritiers, il convient de relever que Mme [P] n’a introduit le présent litige que pour solliciter le paiement de la créance qu’elle invoque et non pour mettre fin à l’indivision et solliciter le partage qui relève d’une procédure distincte.

Dès lors Mme [P] doit être déclarée recevable à agir contre M. [A] [J], Mme [C] [H] et Mme [Y] [H] ses cohéritiers, dans la limite toutefois, des parts successorales de chacun.

Sur l’existence et l’étendue de l’obligation

*sur la valeur probante de la reconnaissance de dette du 30 décembre 2011

Il résulte des articles 1341 et suivants du code civil, dans leur rédaction applicable au litige (devenu l’article 1359 du même code), que l’acte juridique portant sur une somme excédant 1.500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique et qu’il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique que par un autre écrit sous signature privée ou authentique.

L’ancien article 1347 du code civil (repris aux articles 1361 et 1362 du même code), prévoit qu’il est fait exception à cette règle lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit, c’est-à-dire «tout acte écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué». Le commencement de preuve par écrit doit être corroboré par des éléments extrinsèques.

Par ailleurs, l’article 1326 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige (devenu l’article 1376 du même code), dispose que «l’acte juridique par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres».

Si, depuis la loi n°2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique, la mention de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres, écrite par la partie même qui s’engage, n’est plus nécessairement manuscrite, elle doit alors résulter, selon la nature du support, d’un des procédés d’identification conforme aux règles qui gouvernent la signature électronique ou de tout autre procédé permettant de s’assurer que le signataire est le scripteur de ladite mention.

Un engagement écrit ne répondant pas aux exigences formelles de l’article 1326 du code civil n’est pas affecté dans sa validité mais seulement dans sa force probante. Il peut constituer un commencement de preuve par écrit qui doit être complété par des éléments extrinsèques afin que soit rapportée la preuve de la portée et de l’étendue de l’engagement.

Le document sur lequel Mme [P] fonde sa demande est un document dactylographié par lequel [A] [H] « reconnaît par ces présentes devoir pour prêt à Mme [P] la somme totale de cinquante mille euros (50.000,00 euros), savoir:

– trente-cinq mille euros (35.000,00 euros), correspondant au financement par Mme [P] de la véranda installée dans la propriété m’appartenant au cours de l’année 2003 par véranda line dont le siège est à [Localité 7].

-quinze mille euros (15.000,00 euros), correspondant au financement par Mme [P] des menuiseries PVC installées dans la propriété m’appartenant par la société Kiclos dont le siège est à [Localité 9] ».

Le document précise également que «il s’oblige à lui rendre et rembourser à elle-même ou à son ordre. Ce prêt est consenti sans intérêt. L’emprunteur pourra se libérer à toute époque, par anticipation, du présent prêt. En cas de décès de l’emprunteur avant le remboursement intégral du présent prêt, il y aura solidarité et indivisibilité entre héritiers et représentant, pour le remboursement de ce prêt».

Il est signé et la date (30 décembre 2011) et le lieu d’établissement (Binic) sont manuscrits. Il comporte en outre le tampon du Service des impôts des entreprises de [Localité 9] daté du 1er janvier 2021.

Aucun élément porté sur le document ou présent dans le dossier ne permet de s’assurer que le signataire de la reconnaissance de dette du 30 décembre 2011, [A] [H], est le scripteur des mentions dactylographiées des sommes en toutes lettres et en chiffres et qu’il a ainsi eu pleinement conscience de la portée de son engagement. Ce document ne répond donc pas aux exigences formelles de l’article 1326 du code civil et ne constitue dès lors pas l’acte juridique exigé par l’article 1341 du code civil pour prouver l’existence d’une reconnaissance de dette.

Si les intimés affirment que leur père était sous morphine, en raison de son cancer, et sous l’emprise de Mme [P] qui aurait été très autoritaire à son encontre et en aurait profité pour lui soutirer ce document, ils ne le démontrent pas.

Ainsi, le dossier médical de leur père, qu’ils produisent, comporte un courrier de Mme [U] [G], docteur, daté du 27 décembre 2012, soit 3 jours avant la signature du document litigieux, qui indique que [A] [H] «va beaucoup mieux [‘]. Il est en bien meilleur état général [‘]. Il n’a plus aucune douleur. A arrêté complètement tous les antalgiques ».

Les attestations portant sur le comportement de Mme [P] à l’égard de [A] [H] sont dénuées de valeur probante en ce qu’elles ont été établies par les intimés eux-mêmes dans le cadre de ce litige.

Enfin, il ne peut être tiré aucune conclusion du fait que la reconnaissance de dette ait été dactylographiée alors que le testament du même jour est entièrement manuscrit dès lors que la forme manuscrite est une condition de validité du testament olographe et n’en est pas une pour la reconnaissance de dette.

Le document litigieux étant signé de la main de [A] [H], de sorte qu’il émane de celui contre lequel la demande est formée, constitue donc un commencement de preuve par écrit.

En conséquence, il incombe à Mme [P] de compléter ce commencement de preuve par écrit par des éléments extrinsèques.

*sur l’existence d’éléments de preuve extrinsèques

– sur le remboursement des travaux concernant la véranda

Mme [P] produit un testament olographe de [A] [H], daté du 29 septembre 2011, qui indique «  Voici ce qui doit être respecter après ma mort. Tous se qui se trouve dans la maison Mme [P] a le droit de prendre tout ce qu’elle veut car nous sommes ensemble depuis 20 ans à cette date donc elle a beaucoup participé avec moi en ce moment je suis malade elle s’occupe très bien de moi et très gentille envers moi donc je tiens à ce que cette écrit soi bien respecter et écouté. En plus il y à la véranda qui à été financé par Madame [P] [O] il faudra bien entendue qu’elle rentre dans ces frais donc remboursé valeur 35.000 euros» (sic). Il apparaît cependant que, par testament olographe du 30 décembre 2011, inscrit au fichier central des dispositions de dernières volontés, comme mentionné dans l’attestation de dévolution successorale produite par Mme [P], et non contesté par les parties, [A] [H] a révoqué toute disposition testamentaire antérieure.

Dès lors, et sans qu’il soit utile de procéder à une vérification d’écriture, il y a lieu de ne pas tenir compte des dispositions de ce testament du 29 septembre 2011 dans la mesure où [A] [H] a, par cet acte, révoqué sa volonté relative au remboursement de la véranda exprimée dans ce testament. Ce document ne peut donc pas compléter utilement la reconnaissance de dette du 30 décembre 2011.

A l’appui de ses prétentions relatives à la véranda, l’appelante produit deux factures ([L] et Cosse Transports) ainsi que des photocopies de chèques pour un montant total de 27.799,92 euros. Tous les chèques sont émis au nom de «Mr ou Mme [P] [B]».

La facture [Z] [L] du 25 février 2004 est d’un montant de 1.170,07 euros. Il est produit un chèque de ce montant en date du 1” mars 2004 ainsi que 4 autres chèques à l’ordre de M. [Z] [L] (pour les sommes de 2.696,41 euros, 1.974,54 euros, 478,15 euros et 3.500 euros). Cette facture est établie au nom de «Mr et Mme [P] [B]» et à leur adresse à [Localité 8] en Moselle. Elle concerne la démolition d’un mur. Le lieu du chantier n’est pas indiqué et le seul fait que l’entreprise ait son siège social dans le même département que le domicile de [A] [H] ne permet pas d’affirmer que cette facture correspond à des travaux réalisés à son domicile. De plus, la reconnaissance de dette mentionne la société Vérandaline et non [Z] [L]. En outre, la photocopie du chèque du même montant que la facture ne permet pas à elle seule de justifier de son encaissement. De même, les photocopies des autres chèques ne permettent pas de justifier d’un paiement et aucun élément du dossier ne vient démontrer qu’ils ont été établis pour régler des travaux pour le compte de [A] [H] ni même qu’il s’agit des travaux concernés par la reconnaissance de dette.

S’agissant de la facture SARL Cosse Transports du 10 août 2004 pour un montant de 660,75 euros il est produit un chèque correspondant du 16 août 2004.

Si la facture est bien au nom et à l’adresse de [A] [H] et concerne un terrassement de véranda, la photocopie d’un chèque ne permet pas à elle seule de justifier du paiement par Mme [P]. En outre, la reconnaissance de dette évoque les travaux de Vérandaline et non de la SARL Cosse Transports.

Si Mme [P] produit un chèque du 28 avril 2004 pour un montant de 15.000 euros et un chèque non daté de 1.500 euros à l’ordre de Vérandaline, il convient de relever que les photocopies des chèques ne permettent pas à elles seules de justifier de leur encaissement, en l’absence de facture afférente, il n’est pas justifié que ces chèques ont été établis pour régler des travaux au domicile de [A] [H].

L’appelante produit également 3 chèques établis à l’ordre de [A] [H]. Outre le fait que les photocopies ne justifient pas à elles seules de l’encaissement de ces chèques, il n’est pas démontré que ces derniers ont été établis pour le financement de la véranda, objet de la reconnaissance de dette, et il n’est donc pas établi que [A] [H] s’est engagé à rembourser ces sommes à Mme [P].

Ces éléments ne permettent donc pas de corroborer le commencement de preuve par écrit d’une reconnaissance de dette relative au financement de la véranda puisqu’il n’est pas démontré que les chèques produits ont servi au financement de ladite véranda, ni qu’ils ont été encaissés. En conséquence, il n’est pas établi que [A] [H] s’était obligé à rembourser la somme de 35.000 euros à Mme [P] au titre du financement, par cette dernière, d’une véranda. Les prétentions formées par Mme [P] contre les intimés à ce titre seront donc rejetées.

– sur le remboursement des travaux de menuiseries – PVC

S’agissant des menuiseries, l’appelante produit deux factures et des photocopies de chèques pour un montant total de 17.700 euros. Les chèques sont émis au nom de «Mr ou Mme [P] [B]».

La facture de la SA Huis Clos, relative à la fourniture et la pose de fenêtres PVC, pour un montant de 14.900 euros, est établie au nom de Mme [P] mais à l’adresse de [A] [H] et indique l’adresse de ce dernier comme lieu du chantier. Il est donc ainsi rapporté la preuve que cette facture concerne des travaux effectués au domicile de [A] [H]. Si elle a été établie postérieurement à la reconnaissance de dette, elle mentionne toutefois que la commande a été effectuée le 16 décembre 2011, soit avant l’établissement de la reconnaissance de dette du 30 décembre 2011, contrairement à ce qu’affirment les intimés. Au regard de ces éléments rattachant avec certitude la facture aux travaux litigieux, il est certain que la mention d’une société Kiclos, au lieu de Huis Clos, dans la reconnaissance de dette constitue une erreur de plume sans emport sur la valeur probante de ce document.

Mme [P] produit 2 chèques datés du 3 janvier 2012 et du 2 février 2012 correspondants à la facture susmentionnée. Si les photocopies des chèques, à elles seules, ne peuvent justifier du paiement, il est relevé que la facture porte la mention « payé» et indique, au titre des règlements, «11/01/2012 ‘ CA N°6717499 ‘ 4.470» et «03/02/2012 ‘ CA 6717504 ‘ 10.430». Ces numéros correspondent aux numéros des chèques de Mme [P] de 4.470 euros du 3 janvier 2012 et de 10.430 euros du 2 février 2012 tirés sur la banque Crédit Agricole de Lorraine. Il est donc établi que Mme [P] a réglé les travaux de menuiserie pour [A] [H]. Cet élément extrinsèque à la reconnaissance de dette valant commencement de preuve par écrit, rapporte ainsi la preuve complète que [A] [H] s’était obligé à rembourser à Mme [P] la somme de 15.000 euros au titre des travaux de menuiserie-PVC.

Si Mme [P] produit une seconde facture de la SA Huis Clos, relative à la fourniture et la pose de persiennes, pour un montant de 2.800 euros ainsi que 3 chèques correspondants, avec, comme pour la facture précédente, une concordance entre les mentions et les numéros de chèques établissant le paiement par Mme [P], il convient cependant de relever que la date de la commande, le 3 janvier 2012, est postérieure à la reconnaissance de dette et le montant de cette commande dépasse celui que [A] [H] s’était engagé à rembourser. En conséquence, faute de preuve d’un engagement de [A] [H] pour cette dépense supplémentaire, il n’y a pas lieu de faire droit aux prétentions de l’appelante à ce titre.

En conséquence, la cour considère qu’il est établi que [A] [H] s’est engagé à rembourser à Mme [P] la somme de 15.000 euros.

Concernant les affirmations des intimés concernant Mme [P], soulevées pour s’opposer à leur condamnation au paiement, telles que le fait qu’elle aurait dérobé des biens, qu’elle aurait bénéficié de la jouissance gratuite de la maison, qu’elle aurait été la cause de tensions familiales ou encore qu’elle aurait eu procuration sur le compte bancaire de leur père ou qu’elle aurait perçu le capital de la retraite mutuelle des combattants de [A] [H], elles ne sont pas de nature, à les supposer avérées, à avoir une incidence sur l’existence de la reconnaissance de dette. Le fait que l’appelante était mariée avec une autre personne que [A] [H] ne constitue pas plus un obstacle à ce qu’elle lui prête de l’argent pour financer des travaux. Ainsi, ces éléments ne sont pas de nature à démontrer que Mme [P] n’aurait pas payé le coût des travaux, pour la part retenue à hauteur de cour.

En conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [P] de l’intégralité de ses demandes et de retenir qu’elle justifie être créancière d’une somme de 15.000 euros à l’égard de [A] [H], à la date du décès de ce dernier.

Sur la condamnation au paiement

Ainsi qu’il l’a été dit précédemment, il résulte des anciens articles 873 et 1220 du code civil que la créance que détient un cohéritier contre le défunt se divise entre tous les héritiers ou légataires universels ou à titre universel de ce dernier, au prorata de leurs droits respectifs déterminés en fonction de la vocation successorale de chacun. En conséquence, chacun des héritiers n’est tenu que jusqu’à concurrence de sa part et ils ne peuvent être condamnés solidairement au paiement des dettes successorales.

Si le document du 30 décembre 2011, signé par [A] [H], prévoit que «En cas de décès de l’emprunteur avant le remboursement intégral du présent prêt, il y aura solidarité et indivisibilité entre héritiers et représentant, pour le remboursement de ce prêt» il convient de rappeler que ce document n’est qu’un commencement de preuve par écrit. Or l’intention d’engager solidairement tous les héritiers dans le remboursement des sommes dues à Mme [P] n’est corroboré par aucun autre élément extrinsèque.

Dès lors, chacun des intimés ne sera tenu que dans la limite de sa part successorale qui est d’un quart en pleine propriété selon l’attestation de dévolution successorale du 1er juillet 2014.

Une confusion s’opérant dans la personne du cohéritier créancier à concurrence de sa part et Mme [P] étant également héritière pour un quart en pleine propriété aux termes de cette attestation elle doit être également tenue à proportion de sa part dans la succession, ce qui résulte d’ailleurs de ses prétentions puisqu’elle a déduit sa part dans la somme totale qu’elle sollicitait.

En conséquence, M. [A] [J], Mme [C] [H] et Mme [Y] [H] seront chacun condamnés à payer à Mme [P] la somme de 3.750 euros (soit 15.000 / 4)

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

En application de l’ancien article 1153 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit le 6 août 2016.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral et résistance abusive

S’il apparaît que les accusations portées à l’encontre de Mme [P] par les intimés ont été jugées sans emport sur la solution du litige, elles n’excèdent pas les limites du droit à se défendre. En outre, Mme [P] ne justifie pas de son préjudice.

Par ailleurs, dès lors qu’il n’est pas fait droit à l’ensemble des demandes de Mme [P], qui sont en outre fondées sur une reconnaissance de dette ne répondant pas aux exigences formelles de l’article 1326 du code civil, il ne peut être retenu que les intimés ont résisté abusivement.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts sur ce point.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les intimés succombant partiellement à la présente instance, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme [P] aux dépens et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [A] [J], Mme [C] [H] et Mme [Y] [H] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance ainsi qu’à payer à Mme [P] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Ils seront déboutés de leur demande formée sur ce même fondement.

Les intimés succombant principalement en appel, ils seront condamnés in solidum aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à Mme [P] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Ils seront déboutés de leur demande formée sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare les prétentions formées par Mme [P] contre M. [A] [J], Mme [C] [H] et Mme [Y] [H] recevables;

Infirme le jugement rendu le 11 février 2020 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines en ce qu’il a débouté Mme [O] [P] de l’intégralité de ses demandes, l’a condamnée aux entiers dépens et a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Le confirme pour le surplus;

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [C] [H], Mme [Y] [H] et M. [A] [J] à payer chacun à Mme [O] [P] la somme de 3.750 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2016;

Condamne in solidum Mme [C] [H], Mme [Y] [H] et M. [A] [J] aux dépens de première instance;

Condamne in solidum Mme [C] [H], Mme [Y] [H] et M. [A] [J] à payer à Mme [O] [P] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;

Déboute M. [A] [J], Mme [C] [H] et Mme [Y] [H] de leur demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [C] [H], Mme [Y] [H] et M. [A] [J] aux dépens d’appel ;

Condamne in solidum Mme [C] [H], Mme [Y] [H] et M. [A] [J] à payer à Mme [O] [P] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel;

Les déboute de leur demande formée sur ce même fondement.

Le Greffier La Présidente de Chambre

 


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