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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 3 – Chambre 5
ARRET DU 06 JUIN 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/06925 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTA7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 mars 2022 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 20/12661
APPELANT
LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL – SERVICE CIVIL
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté à l’audience par Mme Brigitte RAYNAUD, substitut général
INTIME
Monsieur [N] [V] né le 2 décembre 2001 à [Localité 6] (Penjab, Inde)
comparant
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Anne DEGRÂCES, avocat au barreau de PARIS, toque : C516
(bénéficie d’une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2022/023009 du 20/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 avril 2023, en audience publique, le ministère public et l’avocat de l’intimé ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre
M. François MELIN, conseiller
Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement rendu le 24 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris qui a dit la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile, dit sans objet la demande de M. [N] [V] tendant à voir dire la déclaration de nationalité souscrite le 6 novembre 2019 recevable, ordonné l’enregistrement de la déclaration de nationalité française le 6 novembre 2019 par M. [N] [V] en vertu de l’article 21-12 du code civil, devant le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Pontoise (Val d’Oise), sous le numéro de dossier DnhM 324/2019, jugé que M. [N] [V] né le 2 décembre 2001 à [Localité 6] (Penjab, Inde), a acquis la nationalité française le 6 novembre 2019, ordonné la mention prévue à l’article 28 du code civil en marge des actes concernés, laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens qui seront recouvrés dans les conditions propres à l’aide juridictionnelle et rejeté toute autre demande ;
Vu la déclaration d’appel formée par le ministère public en date du 1er avril 2022 ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 31 mars 2023 par le ministère public qui demande à la cour de dire que le récépissé prévu par l’article 1040 du code de procédure civile a été délivré, infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 24 mars 2022 en faveur de M. [N] [V], et, statuant à nouveau, dire que M. [N] [V], se disant né le 2 décembre 2001 à [Localité 6] (Penjab), n’est pas français, le débouter de ses demandes et ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 13 février 2023 par M. [N] [V] qui demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 24 mars 2022 en toutes ses dispositions, ordonner la mention prévue à l’article 28 alinéa 2 du code civil, condamner le Trésor public à payer Me Anne DEGRÂCES la somme de 1 800 € au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et le condamner aux entiers dépens ;
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 6 avril 2023 ;
MOTIFS
Il est justifié de l’accomplissement de la formalité prévue par l’article 1040 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 13 avril 2022 par le ministère de la Justice.
N’étant pas personnellement titulaire d’un certificat de nationalité française, il appartient à M. [N] [V], en application de l’article 30 du code civil, de rapporter la preuve qu’il réunit les conditions requises par la loi pour l’établissement de sa nationalité française.
Invoquant l’article 21-12 alinéa 3 du code civil, M. [N] [V] qui a souscrit une déclaration de nationalité française le 6 novembre 2019 soutient qu’il est français pour avoir été confié à l’Aide Sociale à l’Enfance le 6 juin 2016.
L’article 21-12 alinéa 3 dispose que :
L’enfant qui a fait l’objet d’une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu’à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu’il réclame la qualité de Français, pourvu qu’à l’époque de sa déclaration il réside en France.
Toutefois, l’obligation de résidence est supprimée lorsque l’enfant a été adopté par une personne de nationalité française n’ayant pas sa résidence habituelle en France.
Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française :
1° L’enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l’aide sociale à l’enfance ;
2° L’enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d’Etat.
Le tribunal a retenu que M. [N] [V] disposait d’un état civil fiable et probant en retenant que l’apostille apposée sur son acte de naissance était régulière.
Le ministère public demande à la cour d’appel de constater que l’apostille figurant sur l’acte de naissance de l’intéressé n’est pas conforme et que cet acte est donc inopposable en France dès lors que le nom et la qualité de la personne qui a délivré l’acte ne sont pas authentifiés.
Conformément aux stipulations de la Convention de la Haye du 5 octobre 1961, les actes d’état civil indiens doivent êtres apostillés. Aux termes des articles 3 à 5 de la convention, cette apostille permet d’attester la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et, le cas échéant, l’identité du sceau ou du timbre dont cet acte est revêtu. Elle doit être conforme au modèle annexé à la convention.
Le « Manuel Apostille » auquel se réfèrent les premiers juges et les parties, édité par le bureau permanent de la Conférence de La Haye de droit international privé prévoit, dans son paragraphe 217, que lorsqu’une ‘autorité compétente’ désignée pour l’apostille dans un Etat donné ne peut vérifier l’origine de tous les actes publics, cette autorité ‘peut estimer opportun de prendre des dispositions pour qu’une autorité intermédiaire vérifie et certifie l’origine de certains actes publics, avant d’émettre elle-même une apostille pour la certification de cette autorité intermédiaire’, ce Manuel rappelle également qu’il est ‘indispensable que l’Autorité compétente s’assure de l’origine de l’acte pour lequel elle émet une Apostille’, la certification des trois points suivants étant exigée :
– l’authenticité de la signature figurant sur l’acte public sous-jacent (le cas échéant),
– la qualité du signataire de l’acte,
– l’identité du sceau ou timbre dont est revêtu l’acte (le cas échéant).
Les paragraphes 15 et 16 du même manuel indiquent en outre que les procédures constituées de plusieurs niveaux d’authentification sont contraignantes et ‘peuvent entraîner une confusion quant à l’acte auquel l’Apostille se rapporte’ et que si ‘la procédure en plusieurs étapes n’est pas nécessairement contraire à la Convention Apostille, elle fait perdurer certains des aspects de la chaîne de légalisation que la Convention Apostille était censée supprimer’.
Ainsi, ces recommandations, qui n’excluent pas l’intervention d’une autorité intermédiaire, ne sauraient justifier l’amoindrissement, voire la suppression de tout ou partie des contrôles exigés par la Convention quant à l’origine de l’acte.
L’acte de naissance de M. [N] [V] indiquant qu’il est né à [Localité 6] le 2 décembre 2001 de [W] [V] et [E] [S] a été enregistré le 31 décembre 2001 et a été délivré par [P] [C] [R], EOMC, à MC [Localité 6] le 12 avril 2021 (signature électronique). Au dos de l’acte, figure le carré d’Apostille émanant de [L] [C] [D], « Députy passport Officer, Regional Passport Officer Minsitry of External Affairs, [Localité 5] » indiquant que le certificat de naissance a été signé par « Alka, joint deputy under secretary » avec le sceau de « [Localité 5] ». Or, Alka est l’autorité intermédiaire et cette autorité n’a attesté ni la signature de l’autorité qui a délivré l’acte ni sa qualité. En effet, le cachet du 21 juin 2021 du joint/Deputy/Under secretary of NRI Affairs, [Localité 5] portant la signature « Alka » mentionne « Government of Punjab, n°17370 signature of DC/Addl.DC/AC (G) authenticated ». Non seulement le nom de la personne qui a délivré l’acte n’est pas mentionné, mais l’abréviation DC/Addl.DC/AC ne permet pas de se référer à sa qualité (EOMC). Ainsi l’apostille figurant sur l’acte de naissance de l’intéressé ne permet pas d’attester la véracité de la signature et la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et ne respecte pas l’objet de la convention précité. En effet, si le manuel Apostille ne spécifie pas que l’autorité intermédiaire doit mentionner dans le cachet qu’il appose le nom de la personne qui a délivré l’acte et sa qualité, cette exigence résulte de l’objet même de l’apostille qui aux termes de l’article 5 de la convention « atteste la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et, le cas échéant, l’identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. »
M. [N] [V] pour justifier que l’apostille est régulière produit un affidavit émanant de AMRIT PAL SINGH, avocat/notaire, qui explique les différents cachets portés sur l’acte de naissance de l’intéressé et soutient que l’apostille est régulière nonobstant l’absence de la mention selon laquelle Alka, l’autorité intermédiaire, a authentifié la signature et la qualité de l’autorité qui a délivré l’acte. Toutefois, cet affidavit n’est pas lui-même revêtu d’une apostille régulière. En effet, dans le carré d’apostille, il est seulement mentionné que l’affidavit a été signé par « Exec. magistrate » agissant en qualité de « Exec. Magistrate ». Si un tampon « attested as identified executive magistrate » figure également au dos de l’acte, le nom de cette autorité ne figure pas, et aucun tampon n’authentifie la signature de AMRIT PAL SINGH, avocat/notaire qui a rédigé l’affidavit. Ce document est donc inopérant pour justifier du processus d’apostille de l’acte de naissance de l’intéressé.
En l’absence d’un acte de naissance régulièrement apostillé, M. [N] [V] ne peut solliciter la nationalité en application de l’article 21-12 du code civil. Son extranéité est constatée et le jugement infirmé.
Succombant à l’instance, M. [N] [V] est condamné aux dépens et ne saurait prétendre à une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Constate l’accomplissement de la formalité prévue à l’article 1040 du code de procédure civile,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau
Rejette la demande de M. [N] [V], se disant né le 2 décembre 2001 à [Localité 6] (Pendjab, Inde), tendant à obtenir la nationalité sur le fondement de l’article 21-12 du code civil,
Rejette la demande présentée sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
Ordonne la mention prévue à l’article 28 du code civil,
Condamne M. [N] [V] aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE