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Ordonnance n 69
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26 Octobre 2023
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N° RG 23/00066 –
N° Portalis DBV5-V-B7H-G4H7
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S.A.R.L. SINGER BTP
C/
L’ASL [Adresse 3]
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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE
RÉFÉRÉ
Rendue publiquement le vingt six octobre deux mille vingt trois par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, assistée de Madame Astrid CATRY, greffière placée, lors des débats, et de Madame Inès BELLIN, greffière, lors de la mise à disposition,
Dans l’affaire qui a été examinée en audience publique le douze octobre deux mille vingt trois, mise en délibéré au vingt six octobre deux mille vingt trois.
ENTRE :
S.A.R.L. SINGER BTP
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS, avocat postulant, et par Me Thomas RIVIERE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
DEMANDEUR en référé ,
D’UNE PART,
ET :
L’ASL [Adresse 3]
Association Syndicale Libre dont le siège social est sis [Adresse 3] représentée par son Président en exercice Monsieur [F] [S] né le 27 juillet 1960 à [Localité 6] (74), de nationalité française, domicilié [Adresse 1]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Emmanuel SOURDON de la SELEURL SOURDON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Guillaume LACAZE, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
DEFENDEUR en référé ,
D’AUTRE PART,
Faits et procédure :
La société SINGER BTP s’est vue confier par l’ASL [Adresse 3] des travaux de rénovation d’un ensemble de lots concernant un immeuble situé à [Localité 5].
A la suite d’un arrêt du chantier, l’ASL [Adresse 3] a fait assigner la société SINGER BTP devant le tribunal de La Rochelle aux fins de la voir condamnée à lui payer la somme de 1 150 098 euros à titre de clause pénale.
A titre reconventionnelle, la société SINGER BTP demandait que l’arrêt du chantier soit prononcé aux torts de l’ASL et sa condamnation à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de bénéfice consécutive à la rupture du chantier et 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon jugement en date du 21 février 2023, le tribunal judiciaire de La Rochelle a :
condamné la SARL SINGER BTP à payer à l’Association Syndicale libre la somme de 157 180,06 € (cent cinquante-sept mille cent quatre-vingt euros et six centimes) au titre des pénalités de retard de chantier,
débouté la SARL SINGER BTP de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
condamné la SARL SINGER BTP à payer à l’Association Syndicale libre la somme de 3 000 € (trois mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SARL SINGER BTP aux dépens ;
rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
La société SINGER BTP a fait appel dudit jugement.
Par exploit en date du 14 septembre 2023, la société SINGER BTP a fait assigner l’ASL [Adresse 3] devant la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d’obtenir, à titre principal et par application des dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision dont appel.
La société SINGER BTP expose que le marché qui lui a été confié serait un marché d’entreprise générale incomplet, excluant les travaux de désamiantage, les travaux de menuiseries extérieures ainsi que les études liées à la maitrise d”uvre.
Elle indique que le délai de travaux prévu aurait été de 19 mois après obtention des autorisations administratives et sur ordre de service.
Elle soutient qu’aucun ordre de service ne lui aurait été donné ou notifié et que la déclaration d’ouverture de chantier, déposée après signature électronique à la commune le 23 septembre 2019, n’aurait pas été portée à sa connaissance, de sorte qu’en ne vérifiant pas cet élément, le tribunal judiciaire aurait à tort écarté la question du point de départ du délai.
La société SINGER BTP fait valoir que le retard de chantier serait dû à des causes extérieures à l’entreprise, liées notamment au retard pris par l’entreprise de désamiantage.
Elle indique ainsi que contrairement à ce qui aurait été retenu par le tribunal judiciaire, la phase de préparation du chantier prévue pour une durée d’un mois, ne pouvait se faire parallèlement aux travaux de désamiantage eu égard à législation en vigueur lui interdisant l’accès au chantier.
La société SINGER BTP expose que le chantier se serait ensuite arrêté pendant la durée du confinement, puis par la faute du maître d’ouvrage, en raison de l’absence d’instruction et de mesure efficace tenant à la mise en place des menuiseries extérieures.
Elle fait valoir que le chantier aurait été à nouveau arrêté, après que des renforts de charpente soient apparus nécessaires, le temps de procéder aux études structures.
La société SINGER BTP soutient que l’exécution provisoire de la décision litigieuse aurait pour elle des conséquences manifestement excessives compte-tenu de l’absence de garantie de restitution de l’ASL [Adresse 3], dont les associés, eu égard au statuts juridiques de la société, n’ont pas d’obligation aux dettes de l’association.
Elle fait en outre valoir que sa situation financière ne lui permettrait pas de faire face à une telle condamnation sans relever d’une mise en redressement judiciaire.
A titre subsidiaire, la société SINGER BTP sollicite que soit ordonné le séquestre de toutes les sommes qui seraient versées au titre de l’exécution provisoire jusqu’à l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers.
Elle sollicite la condamnation de l’ASL [Adresse 3] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société ASL [Adresse 3] s’oppose à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
Elle fait valoir, à titre principal, que la société SINGER BTP n’aurait pas présenté d’observations sur l’exécution provisoire en première instance, de sorte que sa demande serait irrecevable à défaut de justifier, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que la société SINGER BTP ne justifierait pas en quoi le paiement de la dette serait à l’origine d’une procédure collective, ni que l’ASL ne serait pas en mesure de faire face à ses dettes.
Elle soutient par ailleurs que les moyens invoqués par la société SINGER BTP relèveraient de l’appréciation souveraine de la cour d’appel statuant au fond et qu’en tout état de cause, ils ne seraient ni sérieux et ni fondés.
Elle s’oppose à la demande subsidiaire de consignation des sommes dues.
L’ASL [Adresse 3] sollicite la condamnation de la société SINGER BTP à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En réponse, à l’irrecevabilité soulevée à l’audience par l’ASL [Adresse 3], la SARL SINGER BTP fait valoir qu’au terme de son assignation devant le tribunal judiciaire de Paris, l’ASL [Adresse 3] ferait état d’un déficit de plus d’un million d’euros et que ce budget supplémentaire n’aurait jamais été voté par l’ASL.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un examen complet de leurs moyens et prétentions.
Motifs :
Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire :
L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
En cas d’opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d’office ou à la demande d’une partie, arrêter l’exécution provisoire de droit lorsqu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
Il en découle que l’arrêt de l’exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions, cumulatives, suivantes: la démonstration de l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie, et la justification de ce que l’exécution de cette décision risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
Le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs et il suppose la perspective d’un préjudice irréparable et d’une situation irréversible en cas d’infirmation.
Concernant la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire, le deuxième alinéa de l’article 514-3 précité prévoit, plus strictement, qu’elle ne sera recevable à demander l’arrêt de l’exécution provisoire qu’à la condition d’établir, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.
En l’espèce, la société SINGER BTP conteste ne pas avoir formulé d’observations sur l’exécution provisoire en première instance dans la mesure où elle s’opposait aux demandes de son adversaire. Il ne peut cependant qu’être constaté qu’elle n’a pas expressément conclu sur l’exécution provisoire. Elle doit ainsi démontrer, pour être reçue en sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire, que les conséquences manifestement excessives dont elle se prévaut sont apparues postérieurement au jugement de première instance.
En l’absence d’informations sur sa situation financière, la société SINGER BTP échoue à caractériser l’existence d’un quelconque risque de redressement judiciaire, a fortiori révélé postérieurement à la décision de première instance.
En outre, il est constant que le déficit de l’ASL, de plus d’un million d’euros, invoqué par la société SINGER BTP, était existant et connue de cette dernière avant la décision de première instance, l’ASL faisant état de cette difficulté dans son assignation à l’encontre de la société SINGER BTP en date du 22 août 2022.
Il convient par conséquent de considérer que la société SINGER BTP ne rapporte pas la preuve de l’existence de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision déférée.
Dès lors, en l’absence d’élément permettant de caractériser des conséquences manifestement excessives qui se seraient révélées postérieurement à la décision de première instance, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire est irrecevable.
Les conditions de l’article 514-3 du Code de procédure civile étant cumulatives, il n’est pas nécessaire d’apprécier les arguments soulevés au titre des moyens sérieux de réformation ou d’annulation de la décision dont appel.
Sur la demande subsidiaire de consignation :
L’article 521 du code de procédure civile dispose que la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.
En cas de condamnation au versement d’un capital en réparation d’un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d’en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine.
La mesure d’aménagement prévue par l’article 521 du code de procédure civile n’est pas subordonnée aux conditions d’application de l’article 514-3 du même code. Il en résulte que la société SINGER BTP n’a pas à justifier de moyens sérieux de réformation, ni de conséquences manifestement excessives qu’aurait pour elle l’exécution provisoire de la décision déférée.
En l’espèce, les circonstances de la cause et l’importance de la condamnation justifient de faire droit à la demande de consignation de la société SINGER BTP, laquelle est de nature à préserver les droits de toutes les parties en cause en garantissant, pour chacune d’elle, que le montant des condamnations sera versé à qui de droit en cas de confirmation ou de réformation du jugement.
L’équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles.
Décision :
Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :
Déclarons la société SINGER BTP irrecevable en sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal judiciaire de La Rochelle en date du 21 février 2023,
Autorisons la consignation par la société SINGER BTP sur le compte CARPA du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de La Rochelle-Rochefort, les sommes dues en vertu du jugement rendu par le tribunal judiciaire de La Rochelle,
Disons que la société SINGER BTP devra justifier auprès du conseil de l’ASL [Adresse 3] de la consignation de ladite somme dans le délai d’un mois suivant la présente ordonnance ;
Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Disons que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.
La greffière, La conseillère,
Inès BELLIN Estelle LAFOND