Signature électronique : 15 septembre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/00935

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Signature électronique : 15 septembre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/00935
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ARRÊT N°23/

SP

R.G : N° RG 21/00935 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FR2E

[K]

S.A.R.L. MEUBLE@DOM

C/

S.A. CAISSE D’EPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE (CEPAC)

RG 1ERE INSTANCE : 2019J02922

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2023

Chambre commerciale

Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 10 FEVRIER 2021 RG n° 2019J02922 suivant déclaration d’appel en date du 26 MAI 2021

APPELANTES :

Madame [D] [S]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean jacques MOREL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A.R.L. MEUBLE@DOM

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Jean jacques MOREL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMEE :

S.A. CAISSE D’EPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE (CEPAC)

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentant : Me Olivier CHOPIN de la SELARL CODET-CHOPIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

CLOTURE LE : 21/11/2022

DÉBATS : En application des dispositions de l’article 785 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Juin 2023 devant la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 15 Septembre 2023.

Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 15 Septembre 2023.

* * *

LA COUR

Le 6 juillet 2010, la SARL Meuble@Dom a ouvert un compte dans les livres de la Banque de la Réunion (la BR) ensuite devenue la Caisse d’Épargne Provence Alpes Corse (la CEPAC) par fusion-absorption, le compte portant le n° 08016500837.

Le 29 juillet 2014, Mme [D] [S] s’est portée caution solidaire des engagements de la société Meuble@Dom à l’égard de la banque pour un montant de 19.500 euros pour une durée de cinq ans.

Le 15 juillet 2016, un nouvel engagement du même ordre a été conclu dans les mêmes conditions.

Le 30 octobre 2018, la CEPAC a mis vainement en demeure la société Meuble@Dom d’effectuer le règlement du solde débiteur du compte courant qui s’élevait à la somme de 130.850,10 euros.

Le 28 mai 2019, la CEPAC a mis vainement en demeure Mme [S] de lui régler la somme de 39.000 euros en sa qualité de caution.

Par actes d’huissier du 17 septembre 2019, la CEPAC a fait assigner la société Meuble@Dom et Mme [S] devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion.

La société Meuble@Dom et Mme [S] ont conclu au débouté des prétentions de la CEPAC et sollicité la condamnation de celle-ci à leur verser la somme de 140.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la responsabilité fautive de la CEPAC tant dans l’exécution que dans la résolution du contrat portant sur les opérations de télé-règlements.

C’est dans ces conditions que, par jugement rendu le 10 février 2021, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a :

-condamné la société Meuble@Dom en sa qualité de débitrice principale à payer à la Caisse d’Épargne Provence-Alpes-Corse la somme de 134.939,94 euros au titre du solde débiteur ;

-condamné Mme [D] [S] à payer à la Caisse d’Épargne Provence-Alpes-Corse la somme de 39.000 euros en sa qualité de caution ;

-constaté l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;

-condamné la société Meuble@Dom et Mme [D] [S] à payer chacun à la Caisse d’Épargne Provence-Alpes-Corse la somme de 1.000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la société Meuble@Dom et Mme [D] [S] aux dépens de l’instance. Lesdits dépens afférents aux frais de jugement taxes et liquides à la somme de 81.07 euros TTC, en ceux non compris les frais de signification du présent jugement et de ses suites s’il y a lieu.

Par déclaration au greffe en date du 26 mai 2021, Mme [S] et la société Meuble@dom ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance sur incident du 23 mai 2022, le conseiller de la mise en état a :

-constaté que le jugement prononcé le 10 février 2021 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion n’est pas exécutoire par provision ;

-en conséquence, dit n’y avoir lieu à radiation de l’affaire ;

-laissé à chaque partie la charge des dépens et frais irrépétibles qu’elle a exposés pour l’incident ;

-renvoyé la présente affaire à la mise en état du 20 juin 2022 à 14 heures (audience dématérialisée).

L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 novembre 2022 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience collégiale du 7 juin 2023 reportée au 14 juin 2023.

* * *

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 octobre 2022, la société Meuble@Dom et Mme [S] demandent à la cour de :

Vu les conditions particulières de la convention d’échange de données informatiques sécurisée du 17 juillet 2015 ;

Vu les articles 1134, 1147 et 2288 du code civil, dans leur version en vigueur au jour du contrat;

Vu les nombreux manquements contractuels commis par la CEPAC en sa double qualité d’établissement teneur de compte et de prestataire de services de paiements ;

-Recevoir la société Meuble@Dom et Mme [S] en leur appel ;

-Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

-Débouter la CEPAC de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société Meuble@Dom et de Mme [S] ;

-Recevoir la société Meuble@Dom en ses demandes reconventionnelles ;

Vu les trois remises de 200 €, 89.784.62 €, 40.294. 64 € télétransmises les 22 et 23 août 2018 jamais créditées par la CEPAC ;

Vu le montant total des commissions et autres frais bancaires indûment perçus par la CEPAC s’élevant à la somme de 15.262,82 € ;

-Dire et juger que le solde du compte n° 08016500837 est créditeur de la somme de 38.809. 32 €, sauf à parfaire ou diminuer, après réintégration des trois remises jamais créditées par la CEPAC et des frais, commissions et agios indûment prélevées par cette dernière jusqu’à la clôture du compte ;

-Dire et juger brutale la rupture de la convention « EDI» par la CEPAC le 24 août 2018 ;

-Dire et juger que par suite de la fusion absorption de la Banque de la Réunion par la CEPAC, l’obligation de couverture liée à l’acte de caution souscrit par Mme [S] le 29 juillet 2014 en faveur de la Banque de la Réunion, a pris fin le 4 mars 2016 ;

-Dire et juger s’agissant de ce cautionnement, que Mme [S] ne peut être tenue au titre de son obligation de règlement -dans la limite de la somme de 19.500 € – qu’à concurrence du solde provisoire du compte à la date du 4 mars 2016, diminué du montant des remises postérieures ;

En conséquence,

-Condamner la CEPAC à payer à la société Meuble@Dom la somme de 38.809,32 € correspondant au solde final du compte n° 080l6500837 ;

-Condamner la CEPAC à payer à la société Meuble@Dom la somme de 140.000 € en réparation de son préjudice économique ;

-Débouter la CEPAC de ses demandes formées à l’encontre de Mme [S] en sa qualité de caution ;

-Condamner la CEPAC à payer à la société Meuble@Dom ainsi qu’à Mme [S] la somme de 10.000 € chacune au titre de l’article 700 du code civil (sic);

-Condamner la CEPAC aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers avec distraction au profit de Me Jean-Jacques Morel.

* * *

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 octobre 2022, la CEPAC demande à la cour de :

-Recevoir la CEPAC en ses écritures, fins et conclusions et y faisant droit ;

-Confirmer l’entier jugement entrepris ;

-Débouter la société Meuble@Dom et Mme [S] de l’intégralité de leurs demandes ;

-Condamner la société Meuble@Dom, en sa qualité de débitrice principale et Mme [S], en sa qualité de caution hauteur de 39.00 euros, à payer à la CEPAC la somme de 134.939,94 euros au titre du solde débiteur du compte n° 08016500837

En toute hypothèse,

-Condamner la société Meuble@Dom et Mme [S] à payer à la CEPAC la somme de 3.000 euros chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code c procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

* * *

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

A titre liminaire

La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentées au soutien de ces prétentions.

Sur la créance de la CEPAC

La société Meuble@Dom et Mme [S] soutiennent en substance que le solde de son compte aurait dû, non pas être débiteur de 106.733,06 euros mais créditeur de 23.546,50 euros, somme à laquelle il convient de rajouter les frais et commissions indûment prélevées par la CEPAC pour 15.262,82 euros (dont abonnement mensuel EDI de 35 euros débité pendant 16 mois alors que le service de télé règlement a été dénoncé le 24 août 2018), soit un solde créditeur de 38.809,32 euros au total. Elles font valoir que :

-Trois remises d’un montant total de 130.279,56 euros (200 € + 89.784,92 € + 40.294,64 €) n’ont pas été prises en comptes par la banque ;

-La CEPAC a été défaillante dans le traitement des remises de prélèvements télétransmises (non-respect des délais et erreurs dans les montants crédités) comme dans le traitement des remises de chèques et espèces ;

-La CEPAC n’a pas respecté le délai de mise à dispositions des rejets ;

-Ces erreurs et ces retards dans la saisie des remises ont eu pour conséquences d’augmenter le montant et la durée du découvert et de lui faire dépasser fréquemment le plafond de 30.000 euros d’où des facturations de frais et commissions d’intervention et de dépassement indues et des rejets de chèques et de prélèvements au préjudice de ses fournisseurs ;

-La CEPAC a multiplié les commissions d’intervention en appliquant le système dit du « solde de fin de journée », pratique abusive consistant lorsque le solde instantané du compte en fin de journée dépasse le montant du découvert autorisé, à traiter tous les paiements de la journée en incident de paiement et à facturer pour chaque paiement une commission d’intervention.

La CEPAC fait valoir pour l’essentiel que sa créance est certaine, liquide et exigible. Elle argue que :

-Sur les 6499 opérations, 5667 opérations ont été rejetées du fait de manquement de la société Meuble@Dom dans la gestion de ses prélèvements (absence mandat/transaction non autorisée, compte clôturé, contestation d’une opération autorisée, coordonnées bancaires inexploitables compte bloqué, prélèvement SEPA interdit, opérations non admises, refus du débiteur, ordre du client) ;

-A partir du 21 août 2018, en raison des rejets de prélèvement SEPA, le compte de la société Meuble@Dom a fonctionné au-delà du découvert autorisé ;

-En dépit des remises de chèques, le compte de la société n’a cessé d’être débiteur pour atteinte la somme de 106.733,06 euros le 23 août 2018 et 134.939,94 euros le 4 février 2019 en dépit de la notification de découvert ;

-Si des virements ne sont pas passés, rien n’interdisait à la société Meuble@Dom de les ordonner de nouveau dans les jours qui suivaient, ce qu’elle s’est bien gardée de faire ;

-Il résulte des relevés de compte que le solde débiteur n’a cessé de dépasser le découvert autorisé : dès lors les opérations sont revenues impayées entraînant de plein droit des commissions d’intervention de 9 euros ;

-ses défaillances ne sont pas démontrées.

Sur ce,

D’une part, il ressort des dispositions de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février que :

‘Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.’

D’autre part, aux termes de l’article 1315 du code civil :

‘Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.’

C’est au défendeur d’apporter la preuve des faits qu’il invoque à titre d’exception. L’incertitude et le doute subsistant à la suite de la production d’une preuve doivent nécessairement être retenus au détriment de celui qui avait la charge de cette preuve.

Le principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à lui-même est inapplicable à la preuve des faits juridiques.

Si c’est au débiteur qui se prétend libéré de justifier de son paiement, il appartient d’abord à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver.

Enfin, pour rappel, en application de l’article L110-3 du code de commerce, « A l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi. » et selon l’article L123-23 alinéas 1 et 2 « La comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce. Si elle a été irrégulièrement tenue, elle ne peut être invoquée par son auteur à son profit. »

En l’espèce, suivant « CONVENTION ENTREPRISES – CONDITIONS PARTICULIERES » du 6 juillet 2010, la SARL Meuble@Dom a ouvert un compte dans les livres de la Banque de la Réunion (BR). Il est mentionné en bas de page :

« Ce contrat est soumis au conditions générales des comptes courants.

Le titulaire reconnaît avoir reçu un exemplaire de ces conditions (réf.000.2074.1.) outre le document tarifaire correspondant et accepté les conditions. »

Les appelants versent aux débats un « AVENANT A LA CONVENTION DE COMPTE COURANT ET AUX CONTRATS DE SERVICES DE PAIEMENT ASSOCIES » (suite à l’ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions de fourniture des services de paiement et ses textes d’application) dont il ressort que les virements (immédiat, différé ou à échéances ou permanent) sont initiés, notamment, par voie d’échange de données informatisées (EDI) avec confirmation de l’ordre, soit par l’envoi d’un fax de confirmation revêtu de la ou des signatures accréditées, soit par la signature électronique, avec saisie du code confidentiel et que la confirmation de l’ordre doit contenir le nombre d’opération, le montant global de la remise et la date d’exécution souhaitée.

S’agissant de la responsabilité des banques liée à l’exécution d’une opération de paiement (article 6) pour les virements émis par le client payeur, la Banque est responsable de leur bonne exécution à l’égard du client jusqu’à réception du montant de l’opération de paiement par la banque du bénéficiaire. En cas de mauvaise exécution, la Banque restitue au client le montant de l’opération concernée et rétablit le compte dans la situation qui aurait prévalue si l’opération n’avait pas eu lieu. Pour les virements reçus par le client bénéficiaire, la Banque est responsable de leur bonne exécution à l’égard du client à compter de la réception du montant de l’opération. Elle met immédiatement le montant de l’opération de paiement à la disposition du client (article 6.2.2)

Concernant la preuve et les délais de contestation, l’article 8 stipule que lorsque le client conteste avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée ou affirme que l’opération n’a pas été exécutée correctement, il est convenu qu’il appartient au client d’apporter la preuve que l’opération n’a pas été autorisée dans les conditions de l’article 1 ou a été mal exécutée (article 8.1). Pour les opérations initiées par le client (‘hors prélèvements reçus), quel que soit le canal de transmission de l’ordre (agence, EDI, banque à distance), le client payeur doit signaler sans tarder à la banque l’opération non autorisée ou mal exécutée, et au plus tard dans un délai maximum de trois mois suivant la date de débit. A défaut, l’opération est présumée avoir été approuvée par le client, sauf preuve contraire (article 8.2)

Enfin, sur les frais applicables, la convention prévoit que, pour l’accomplissement par la Banque de ses obligations d’information et pour l’exécution des mesures préventives et correctives prévues à l’ordonnance, des frais sont appliqués et sont précisés aux Conditions et Tarifs des principaux services applicables par la Banque (article 9).

Le 29 juillet 2014, Mme [D] [S] s’est portée caution solidaire de la SARL Meuble@Dom dans la limite de 19.500 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard pour la durée de 5 ans intégral au bénéfice de la BR.

Suivant courriel du 13 juin 2016, portant en objet : « Fiche Caution pour renouvellement du découvert » la banque demande à Mme [S] de « actualiser les informations si nécessaires et apposer la date du jour + signature ».

Le 15 juillet 2016, Mme [D] [S] s’est portée caution solidaire de la SARL Meuble@Dom dans la limite de 19.500 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard pour la durée de 5 ans intégral au bénéfice de la CEPAC.

Aux termes d’un courrier du 24 août 2018 adressé à la société Meuble@Dom (et produit par elle), la CEPAC écrit :

« Nous constatons que votre compte ouvert en nos livres sous le numéro 08016500837 présente un mode de fonctionnement anormal compte tenu, d’une part, de son débit irrégulier et d’autre part, du niveau très élevé des rejets de remises de prélèvements qui y sont enregistrés. En outre, les mouvements comptables constatés sur ce compte ne nous paraissent pas en adéquation avec le niveau d’activité de l’Entreprise.

Suite à ce fonctionnement irrégulier, le compte n° 08016500837 se trouve débiteur à ce jour de 106.733,06 euros sous réserve des opérations en cours, et ce pour un découvert accordé de 30.000,00 euros.

De ce fait, nous vous informons de notre décision de mettre fin aux concours susvisés et de suspendre dès aujourd’hui l’émission de prélèvements sur votre accès de banque à distance.

Ainsi et conformément aux dispositions de l’article L. 313-12 du Code Monétaire et Financier, votre autorisation de découvert prendra fin à l’expiration du délai de 60 jours courant à compter de la présente.

Durant ce laps de temps, il ne vous sera plus possible d’utiliser votre accès à distance pour initier vos prélèvements, les autres opérations resteront possibles, sous réserve de la disponibilité de la provision. Vos dépôts de chèques seront par ailleurs pris sous réserve d’encaissement.

A l’issue du délai de préavis, vous devez avoir procédé à la restitution de vos instruments de paiement et votre compte devra avoir retrouvé un solde nul voire créditeur permettant sous réserve des opérations encore en cours de pouvoir procéder à sa clôture.

Nous attirons enfin votre attention sur le fait que tout nouveau dépassement durant le délai de préavis et une absence de régularisation à son issue serait de votre seule responsabilité et nous contraindra à engager toutes procédure utiles au recouvrement de nos créances. »

Suivant courrier recommandé avec accusé de réception daté du 30 octobre 2018, la CEPAC a mis en demeure la société Meuble@Dom de régulariser sa situation, à savoir un compte courant d’entreprise présentant un solde débiteur de 130.850,10 euros, ou de lui proposer un plan de règlement amiable dans les 15 jours suivant la réception du courrier, et qu’à défaut de réaction, le compte sera clôturé et le dossier transmis pour recouvrement par voie judiciaire.

Suivant courrier recommandé avec accusé de réception daté du 12 décembre 2018, la CEPAC a notifié à la société Meuble@Dom la clôture du compte et rappelé à celle-ci qu’elle était redevable de la somme de 130.850,10 euros.

Suivant courrier recommandé avec accusé de réception daté du 28 mai 2019, la CEPAC a mis en demeure Mme [S], en sa qualité de caution solidaire et indivisible jusqu’au 29 juillet 2019 et 15 juillet 2021 de l’engagement de la société Meuble@Dom à hauteur de 39.000 euros, lui rappelant que ladite société restait redevable à ce jour de la somme globale de 139.680,87 euros, se décomposant comme suit :

-Principal 134.939,94 euros

-Agios au taux de 14,05 % à ce jour 104,27 euros

-Agios postérieurs 4.636,66 euros

La CEPAC verse aux débats, outre le projet de traité de fusion, les extraits K bis la concernant et concernant la BR ainsi que la publication au BODACC de la fusion-absorption, des relevés de comptes de la société Meuble@Dom du 1er août 2018 au 4 février 2019 faisant apparaître un solde débiteur de 134.939,94 euros et sur lequel figure de très nombreux frais, tels des commissions d’intervention (plus de 90), des frais de rejet (plus de 30) et des intérêts débiteurs pour 4.379,56 euros.

Les appelants versent aux débats de nombreux échanges de courriels avec la banque, qui s’échelonnent entre novembre 2017 et août 2018, faisant état de nombreux dysfonctionnements, tels un chèque débité deux fois, des dates remise de prélèvements décalées, des retards pour créditer des chèques et d’espèces, des erreurs de saisies des dates de remises d’effets, des erreurs de date de présentation, des retards dans la validation de remises de virement, des retards dans la saisie de remises de chèques, des retard de mise à disposition des impayés et des rejets, des remises de prélèvement non crédités ou crédités partiellement ou encore des remises dont l’encaissement a été reprogrammé.

A ces nombreuses plaintes, les appelants versent aux débats les courriels en réponse de la banque suivante :

-Le 6 décembre 2016 la CEPAC reconnaît le rejet injustifié de LCR (lettre de change relevé ou lettre de change électronique) domiciliée sur le compte suite à la migration du système informatique.

-En septembre 2017, la CEPAC informe Mme [S] :

« Suite à un souci informatique sur une remise de traite, les effets suivant se présentent sur vos comptes aujourd’hui ou demain alors que les échéances sont plus tardives :

Traite de 1.000 € échéance le 30/09/2017 tirée sur CEPAC 11315 00001 08016500837 45

Traite de 3.000 € échéance le 30/09/2017 tirée sur CEPAC 11315 00001 08016500837 45

Traite de 3.000 € échéance le 31/10/2017 tirée sur CEPAC 11315 00001 08016500837 45

En effet, en lieu et place de la date d’échéance, c’est la date du jour de l’import du fichier qui a été incrémentée.

Après contact auprès de notre banque, vous trouverez ci-dessous un mail explicatif concernant traites.

Deux solutions sont possibles :

-vous laissez débiter la traite et rien à faire

-vous refuser le débit e la traite pour motif « date d’échéance erronée » et il conviendra de fournir ce mail à votre banque pour justification »

-Le 2 octobre 2017, la CEPAC reconnaît que le compte de la société Meuble@Dom a été débité le 2 octobre 2017 au lieu du 20 octobre 2017 ; « la seule solution est une demande de rejet (date limite 02/10) au motif « date d’échéance contestée »

-Le 14 mai 2018, s’agissant de prélèvement non crédités ou crédités partiellement, la banque répond : « les remises de 1.144.62 et 26.154.15€ seront crédités demain sur votre compte. Pour les écarts des autres remises, vous allez recevoir les relevés d’impayés. »

-Le 12 juillet 2018, la CEPAC reconnaît une erreur de saisie.

Il résulte de ce qui précède que la CEPAC établit l’existence d’un solde débiteur du compte de la société LINK”mailto:Meub1e@Dom”Meuble@Dom, et ce, en dépit de l’existence de dysfonctionnements de la banque, reconnus pour certains par celle-ci.

Il convient néanmoins de les prendre en compte en déduisant de la créance les frais relatifs aux commissions d’intervention (91 x 9 €), les frais de rejet (32 x 17,50 €), ainsi que les agios (104,27 € + 4.636,66 €) figurant sur le décompte de la banque, celle-ci ne s’étant pas expliquée sur ces dysfonctionnements dénoncés par la société à partir de mois de novembre 2017 et sur la façon dont ils ont été pris en compte, étant remarqué par ailleurs que lesdits frais ne sont justifiés par aucun document contractuel (conditions générales, document tarifaire).

En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu’il a condamné la société Meuble@Dom en sa qualité de débitrice principale à payer à la Caisse d’Épargne Provence-Alpes-Corse la somme de 134.939,94 euros au titre du solde débiteur.

Dans ces conditions, il convient, statuant à nouveau, de condamner la société Meuble@Dom en sa qualité de débitrice principale à payer à la Caisse d’Épargne Provence-Alpes-Corse la somme de 128.820,01 euros (134.939,94 ‘ 819 ‘ 560 ‘ 104,27 ‘ 4.636,66) euros au titre du solde débiteur.

Sur la demande de dommages et intérêts

La société Meuble@Dom et Mme [S] soutiennent que les dysfonctionnements de la CEPAC sont à l’origine de la dégradation de la cotation IEDOM de la société Meuble@Dom courant 2018 ce qui a entraîné la perte de son crédit fournisseur auprès de la société EULER HERMES : elle s’est alors trouvée contrainte de payer les approvisionnement au comptant, ce qui mécaniquement, faute de trésorerie suffisante pour s’approvisionner, a provoqué une baisse substantielle de son chiffre d’affaire.

La société Meuble@Dom et Mme [S] font encore valoir que la CEPAC a n’a pas respecté le délai de préavis d’un mois édicté à l’article 12.2 des conditions particulières de la convention d’échange de données informatiques sécurisées du 17 juillet 2015 à compter de la lettre de résiliation en suspendant le jour même le service de paiement à distance, service essentiel à l’activité de la société

La CEPAC fait valoir pour l’essentiel que les appelants ne justifient pas du moindre préjudice.

Sur ce,

Il résulte de dispositions de l’article 1142 du code civil dans sa rédaction applicable au litige que ‘Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur.’

Et plus généralement, aux termes de l’article 1147 du même code civil dans sa rédaction applicable au litige : ‘Le débiteur est condamné s’il y a lieu au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’ait aucune mauvaise fois de sa part.’

Les conditions de fond de la responsabilité contractuelle sont : une défaillance contractuelle, un dommage prévisible et un lien de causalité entre les deux.

Les causes exonératoires de responsabilité, outre l’absence de faute et/ou de dommage et/ou de lien de causalité entre la faute et le dommage, sont la force majeure, la faute de la victime ou le fait d’un tiers.

En l’espèce, c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la société Meuble@Dom les pièces versées aux débats par la société Meuble@Dom étaient insuffisantes à démontrer la faute de la banque, la réalité et l’étendue de son propre préjudice à hauteur de 140 000 euros dont elle se prévalait et débouté en conséquence cette dernier de sa demande reconventionnelle.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef par adoption de motifs.

Sur le cautionnement

La société Meuble@Dom et Mme [S] soutiennent que l’obligation de la caution étant une obligation accessoire à une obligation principale, invoquant l’article 2290 du code civil qui énonce que le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses. Elles en déduisent qu’après réintégration des remises omises et des frais et agios non causés, le solde du compte étant devenu créditeur, la CEPAC doit être déboutée de sa demande contre Mme [S].

Elles considèrent qu’en tout état de cause, quand bien même substituerait un solde débiteur à la clôture du compte, Mme [S] ne pourrait pas être tenue au titre du cautionnement du 29 juillet 2014 consenti en faveur de la BR du fait de la fusion-absorption de la BR par la CEPAC qui a pris effet le 4 mars 2016. Il s’ensuit que Mme [S] ne reste donc seulement tenue dans la limite de la somme de 19.500 euros au règlement du solde éventuellement débiteur du compte à la date du 4 mars 2016 mais sous déduction des remises postérieures. Or, les remises postérieures à la fusion ont éteint l’obligation de règlement du cautionnement du 29 juillet 2014.

La CEPAC fait valoir pour l’essentiel qu’est antérieure à la fusion la dette de la caution qui s’est engagée pour le remboursement d’un prêt souscrit avant la fusion : la fusion par voie d’absorption de la BR par la CEPAC est effective depuis le 1er mai 2016. Il s’ensuit que Mme [S], qui s’est engagée à garantir le remboursement du solde débiteur du compte de la société Meuble@Dom ouvert dans les livres de la BR, aux droits de laquelle elle est venue avant la fusion-absorption intervenue en mai 2016, reste tenue du paiement des sommes dues en dépit du fait qu’il n’ait été exigible que postérieurement. Or, aucun paiement n’a été effectué par la société Meuble@Dom en sa qualité de débitrice principale.

Sur ce,

D’une part,

Aux termes de l’article 2288 du code civil : ‘Celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.’ et selon l’article 2290 du même code :

‘Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses.

Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses.

Le cautionnement qui excède la dette, ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses, n’est point nul : il est seulement réductible à la mesure de l’obligation principale.’

D’autre part,

Il résulte des dispositions des articles L. 236-1 et suivants du code de commerce consacrés à la fusion et la scission qu’une ou plusieurs sociétés peuvent, par voie de fusion, transmettre leur patrimoine à une société existante ou à une nouvelle société qu’elles constituent.

La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires.

Dans le cas d’une fusion-absorption sans création de société nouvelle, ce qui est le cas en l’espèce, la société absorbante perd la personnalité morale à la date à laquelle les associés ont approuvé l’opération, sauf si le contrat prévoit que l’opération prend effet à une autre date, peu important la date à laquelle est intervenue sa radiation du RCS. Dès cette date, la société absorbée ne peut plus effectuer aucun acte juridique, ce à peine de nullité non susceptible de régularisation de celui-ci.

En cas d’absorption de la société créancière, la caution demeure, au titre de son obligation de règlement, tenue de garantir les dettes nées antérieurement à la fusion, peu important qu’elles ne soient pas exigibles à cette date.

La dette cautionnée a pour origine une ouverture de compte consentie le 6 juillet 2010 par la BR à la société Meuble@Dom. A la suite d’un traité de fusion simplifié conclu les 23 et 25 février 2016, la fusion par voie d’absorption de la BR par la CEPAC est effective depuis le 1er janvier 2016 (effet rétroactif prévu contractuellement) 2016. A cette date, la dette cautionnée était déjà née dans le patrimoine de la BR même si elle n’était pas exigible.

Par conséquent, Mme [S] est tenue en sa qualité de caution à l’égard de la CEPAC du fait de l’engagement de caution pris le 29 juillet 2014 et rien ne permet d’exclure le cautionnement pris le 15 juillet 2016 dont la validité même n’est pas remise en cause.

Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que les premiers juges ont condamné Mme [S] à payer à la CEPAC la somme de 39 000 euros en sa qualité de caution.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [S] et la SARL Meuble@Dom, parties perdantes pour l’essentiel, seront condamnées aux dépens d’appel ; en revanche, l’équité commande en l’espèce de dire n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens doivent rester à la charge de ceux qui les ont engagés, en première instance comme en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

CONFIRME le jugement rendu le 10 février 2021 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion, sauf en ce qu’il a condamné la société Meuble@Dom en sa qualité de débitrice principale à payer à la Caisse d’Épargne Provence-Alpes-Corse la somme de 134.939,94 euros au titre du solde débiteur ;

LE REFORME sur ce point ;

Statuant à nouveau sur le seul chef infirmé,

CONDAMNE la SARL Meuble@Dom en sa qualité de débitrice principale à payer à la Caisse d’Épargne Provence-Alpes-Corse la somme de 128.820,01 euros au titre du solde débiteur ;

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL Meuble@Dom et Mme [D] [S] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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