Signature des contrats : le mandat apparent applicable

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Signature des contrats : le mandat apparent applicable
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En matière de signature des contrats, la théorie du mandat apparent est pleinement applicable si le prestataire a pris le soin de vérifier que le salarié signataire du contrat avait pouvoir pour le faire ; sur ledit contrat, doit néanmoins figurer le tampon de la société et la signature du dirigeant.

Résumé de l’affaire : La SAS Paritel, opérateur de services de communication, a signé un contrat de 63 mois avec la SAS Le Riviéra, exploitant un hôtel, le 16 septembre 2019. Ce contrat incluait des services de téléphonie, d’internet, de maintenance et de ligne mobile. Après une mise en demeure restée sans réponse, Paritel a résilié le contrat et a réclamé un montant total de 11 216,90 euros, comprenant des factures impayées et des indemnités. La SAS Paritel a ensuite déposé une requête en injonction de payer, et le tribunal de commerce a ordonné le paiement de 11 006,20 euros à Paritel. La SAS Le Riviéra a formé opposition, mais le tribunal a rejeté ses demandes et a condamné Le Riviéra à payer plusieurs sommes, y compris des frais de téléphonie et des indemnités de résiliation. Le Riviéra a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et des dommages-intérêts pour procédure abusive. Paritel a également demandé la confirmation du jugement et le paiement de diverses sommes. La procédure a été clôturée le 14 mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 septembre 2024
Cour d’appel de Riom
RG n°
23/00423
COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 04 Septembre 2024

N° RG 23/00423 – N° Portalis DBVU-V-B7H-F66O

VTD

Arrêt rendu le quatre Septembre deux mille vingt quatre

Sur APPEL d’une décision rendue le 20 décembre 2022 par le Tribunal de commerce de CUSSET (RG n° 2021/002130)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Anne Céline BERGER, Conseiller

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier, lors de l’appel des causes et Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

La société LE RIVIERA

SAS immatriculée au RCS de Cusset sous le n° 847 556 115

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentants : Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Ahcene BOZETINE de la SELARL BOZETINE AMNACHE HALLAL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS (plaidant)

APPELANTE

ET :

La société PARITEL OPERATEUR

SAS immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 343 163 770

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentants : Me Xavier BARGE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Hugues FRACHON, avocat au barreau de PARIS (plaidant)

INTIMÉE

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 23 Mai 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 04 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Paritel Opérateur (la SAS Paritel) est un opérateur de service de communication dédié aux petites et moyennes entreprises.

La SAS Le Riviéra, qui exploite un hôtel de tourisme à [Localité 4], a le 16 septembre 2019, signé un contrat de services de communication d’une durée de 63 mois avec la SAS Paritel, prévoyant les prestations suivantes :

– opérateur fixe Access Absolu pour un montant de 100,71 euros HT par mois ;

– opérateur internet Access ADSL Cloud Pro pour un montant de 14,90 euros par mois ;

– maintenance pour un montant de 35,99 euros HT par mois ;

– ligne mobile Nomadeo Star pour un montant de 29,90 euros HT par mois.

Suite à une mise en demeure du 13 février 2020 de régler une somme de 1 251,43 euros au titre du service de téléphonie et de maintenance, restée sans réponse, la SAS Paritel a résilié le contrat et a émis les factures correspondant à la résiliation anticipée. Elle a ainsi mis en demeure la SAS Le Riviéra de payer la somme de 11 216,90 euros, à savoir 10 491,05 euros au titre des factures impayées, 720 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement (article L.441-6) et 5,85 euros au titre de la lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR).

La SAS Paritel a déposé une requête en injonction de payer.

Par ordonnance du 6 avril 2021, le président du tribunal de commerce de Cusset a ordonné à la SAS Le Riviéra de payer à la SAS Paritel la somme de 11 006,20 euros, dont la créance principale était de 10 491,05 euros.

La SAS Le Riviéra a formé opposition par LRAR du 16 septembre 2021.

Par jugement du 20 décembre 2022, le tribunal a :

– déclaré recevable en la forme l’opposition de la SAS Le Riviéra, et au fond l’en a déboutée ;

– se substituant à l’ordonnance d’injonction de payer du 6 avril 2021 :

– condamné la SAS Le Riviéra à payer à la SAS Paritel la somme de 1 461,05 euros au titre des frais de téléphonie, outre 840 euros au titre du dépôt de garantie, majoré de 640 euros d’intérêts de retard ;

– condamné la SAS Le Riviéra à payer à la SAS Paritel la somme de 8 190 euros au titre des indemnités de résiliation, outre 80 euros d’indemnités forfaitaires pour factures impayées ;

– condamné la SAS Le Riviéra à payer à la SAS Paritel la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SAS Le Riviéra aux dépens, comprenant ceux de la procédure d’injonction de payer et liquidé les dépens pour frais de greffe à la somme de 100,84 euros ;

– rejeté toutes les autres demandes, fins et conclusions des parties.

Il a énoncé qu’il ne ressortait pas des pièces versées aux débats que la SAS Le Riviéra aurait régulièrement contesté ou/et résilié son contrat avec la SAS Paritel selon le formalisme prévu au contrat liant les parties ; qu’ainsi l’annulation de l’installation sur papier libre n’était pas conforme aux dispositions contractuelles ; que le matériel avait été installé et utilisé ; que la SAS Le Riviéra avait décidé unilatéralement de cesser d’utiliser le service proposé par la SAS Paritel après quelques mois d’usage ; qu’elle ne justifiait d’aucun motif d’annulation du contrat et qu’en conséquence, elle serait déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions, et condamnée à payer les sommes sollicitées par la demanderesse.

La SAS Le Riviéra a interjeté appel du jugement par déclaration du 8 mars 2023.

Par conclusions régulièrement déposées et notifiées le 7 mai 2024, l’appelante demande à la cour, au visa de l’article 1103 du code civil, de :

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

– statuer à nouveau :

– condamner la SAS Paritel à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– condamner la SAS Paritel au paiement de la somme de 4 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la SAS Paritel aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Rahon, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et notifiées le 10 avril 2024, la SAS Paritel Opérateur demande à la cour, au visa des articles 1103, 1154, 1156, 1212, 1231-3 et 1231-6 du code civil, L.441-10 et D.441-5 du code de commerce, de :

– constater que la SAS Le Riviera a souhaité bénéficier des services de téléphonie et de maintenance auprès d’elle ;

– dire et juger que la SAS Le Riviera est débitrice d’un montant de 1 461,05 euros au titre des services de téléphonie et 840 euros au titre du dépôt de garantie ;

– dire et juger que la SAS Le Riviera est débitrice d’un montant de 8 190 euros au titre des frais de résiliation ;

– dire et juger que la défaillance de la SAS Le Riviera dans le paiement de sa dette lui cause un préjudice qu’il convient de réparer ;

– dire et juger que la SAS Le Riviera ne justifie aucune faute de sa part ;

– en conséquence, confirmer le jugement rendu le 20 décembre 2022 par le tribunal de commerce de Cusset ;

– condamner la SAS Le Riviera à lui payer la somme de 1 461,05 euros au titre des frais de téléphonie et 840 euros au titre du dépôt de garantie majorée selon le taux d’intérêt contractuel de 1,50% par mois à compter de l’exigibilité des montants dus, auquel s’ajoute une indemnité forfaitaire de 40 euros par facture impayée, soit 640 euros supplémentaires ;

– condamner la SAS Le Riviera à lui payer la somme de 8 190 euros au titre des indemnités de résiliation majorée selon le taux d’intérêt contractuel de 1,50% par mois à compter de l’exigibilité des montants dus, auquel s’ajoute une indemnité forfaitaire de 40 euros par facture impayée, soit 80 euros supplémentaires ;

– condamner la SAS Le Riviera à lui payer la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice subi ;

– débouter la SAS Le Riviera de ses demandes à son encontre ;

– confirmer le jugement rendu le 20 décembre 2022 par le tribunal de commerce de Cusset en ce qu’il condamne la SAS Le Riviera à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– condamner la SAS Le Riviera à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

– condamner la SAS Le Riviera aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 mai 2024.

MOTIFS

– Sur l’opposabilité du contrat à la SAS Le Riviéra

L’appelante soutient que le contrat de prestations a été signé par M. [Y] [T] qui a précisé sa qualité de salarié ; qu’elle est une société par actions simplifiées représentée par son président, seul habilité à l’engager à l’égard des tiers. S’agissant du pouvoir produit par la SAS Paritel, elle fait valoir que M. [R] était en Algérie à la date mentionnée sur le pouvoir, et que ce document est en outre très sommaire. Elle relève au surplus que le bon de commande est réputé avoir été signé le 16 septembre et son avenant le 5 septembre.

Elle conteste toute ratification tacite du contrat par un commencement d’exécution du contrat.

Enfin, elle considère que la SAS Paritel ne peut pas se prévaloir de la théorie du mandant apparent car le salarié était en possession du cachet pour l’apposer sur les factures remises aux clients de l’hôtel et sur les bons de livraison, et non pour engager la société sur plusieurs années.

La SAS Paritel verse aux débats un pouvoir signé par le président de la SAS Le Riviéra ‘M. [R] agissant en qualité de gérant de la société’, la SAS Le Riviéra, au bénéfice de M. [T] agissant en qualité de salarié. Il a été donné pouvoir à l’intéressé pour ‘engager la société par un contrat de téléphonie (matériel, services, surveillance)’. Il est signé en date du 16 septembre 2019 à [Localité 4].

Or, ainsi que le fait valoir la SAS Paritel, si la SAS Le Riviéra allègue que le signataire était en Algérie à cette date (il est versé un billet d’avion à cette fin), il reste que la théorie du mandat apparent est applicable : en effet, la SAS Paritel a pris soin de vérifier que le salarié signataire du contrat avait pouvoir pour le faire ; sur ledit contrat, figurent le tampon de la société et la signature du dirigeant, ce qui n’est pas contesté.

Au surplus, le pouvoir n’est pas postérieur à la signature des contrats qui ont été signés le 16 septembre 2019 puisque le contrat de téléphonie du 16 septembre se substitue au contrat conclu le 5 septembre : ‘Annule et remplace les contrats de services n°92258 signés le 5/09/2019″.

Les signatures de M. [Y] [T] présentes sur le contrat de téléphonie et sur le bon de commande sont similaires. La SAS Paritel ayant pris la précaution de se voir justifier le pouvoir du salarié, a légitimement pu croire en la réalité de la délégation de M. [T].

La SAS Le Riviéra sera déboutée de sa demande d’inopposabilité du contrat, précision faite que le tribunal avait omis de statuer sur ce point.

– Sur la nullité du contrat

La SAS Le Riviéra a signé le 16 septembre 2019 avec la SAS Paritel :

– un contrat de services (contrat sur lequel la SAS Paritel fonde ses demandes en paiement) portant sur :

– opérateur fixe Access Absolu pour un montant de 100,71 euros HT par mois ;

– opérateur internet Access ADSL Cloud Pro pour un montant de 14,90 euros par mois ;

– maintenance pour un montant de 35,99 euros HT par mois ;

– ligne mobile Nomadeo Star pour un montant de 29,90 euros HT par mois ;

– un bon de commande de matériels ;

– un état des lieux de son installation ;

– un mandat donné à Viatelease de conclure avec tout établissement financier un contrat de location longue durée du matériel objet du bon de commande portant sur le financement d’un matériel de communication en 21 trimestres pour un montant mensuel de 280 euros HT.

La SAS Le Riviéra soutient que les dispositions du code de la consommation applicables aux contrats conclus hors établissement lui sont applicables ; que celles de l’article L.221-5 n’ont pas été respectées : le procès-verbal de bon fonctionnement du matériel ne pouvait être signé avant l’expiration du délai de rétractation de 14 jours et l’intimée ne justifie pas lui avoir remis le document intitulé ‘Droit de Rétractation’. Elle ajoute que la remise du formulaire ne suffit pas en raison d’une contradiction et confusion dans la faculté pour le SAS Le Riviéra d’exercer son droit de rétractation, puisqu’elle ignorait le point de départ de celui-ci, aucun élément n’étant précisé sur la notification de la cession par le loueur cédant Viatelease au bailleur/cessionnaire Locam du matériel objet du bon de commande initial émanant de Paritel. Elle précise que l’unique formulaire de rétractation fourni concerne les trois contrats (Riviéra/Paritel ; Riviéra/Locam ; Riviéra/Viatelease).

La SAS Paritel fait valoir que si la SAS Le Riviéra n’est pas un professionnel des télécommunications, elle ne justifie pas de son nombre de salariés à la date de signature du contrat.

Toutefois, elle estime avoir respecté les prescriptions de l’article L.221-5 du code de la consommation en rappelant le délai légal de rétractation et en fournissant un modèle de courrier reprenant les éléments essentiels de l’exercice de ce droit. Elle ajoute que si la SAS Le Riviéra avait manifesté sa volonté de résilier le contrat, le matériel correspondant aurait été enlevé sans autre conséquence sur le droit de rétractation que celle rappelée dans le formulaire de rétractation ; que par ailleurs, la SAS Le Riviéra ne justifie pas avoir exercé ce droit de rétractation ; que la SAS Le Riviéra a utilisé le matériel même postérieurement au 3 octobre 2019 et ne peut penser s’être rétractée du contrat. Elle conteste l’existence d’informations contradictoires sur le droit de rétractation.

Sur ce,

L’article L.221-3 du code de la consommation énonce que ‘les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicable aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.’

En l’espèce, les contrats ont été signés à [Localité 4] où la SAS Le Riviéra a son siège social et lieu d’exercice de son activité professionnelle ; ils ont donc été signés hors établissement selon la définition donnée par l’article L.221-1, soit hors du siège de la société Paritel.

L’installation d’un matériel téléphonique et la vente de services de téléphonie n’entrent pas dans le champ de l’activité principale de la SAS Le Riviéra qui exerce une activité d’hôtel-restaurant selon son extrait Kbis. Cette dernière justifie par ailleurs ne pas employer plus de cinq salariés au moment de la signature des contrats (pièce n°18 : copie du registre du personnel).

Le droit de la consommation relatif aux contrats signés hors établissements est donc applicable.

En vertu de l’article L.221-5 du code de la consommation, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L.111-1 et L.111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L.221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat. (…)

Selon l’article L.221-7, la charge de la preuve du respect des obligations d’information mentionnées à la présente section pèse sur le professionnel.

L’article L.221-8 prévoit que dans le cas d’un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l’accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues à l’article L. 221-5.

Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible.

L’article L.221-9 énonce que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L.221-5.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l’accord exprès du consommateur pour la fourniture d’un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l’expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l’exercice de son droit de rétractation.

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L.221-5.

Enfin, en vertu de l’article L.242-1, les dispositions de l’article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l’espèce, les conditions générales des services opérateur du contrat de services stipulent à l’article 2 :

‘Sous réserve de l’applicabilité de l’article L.221-18 du code de la consommation, le client dispose d’une faculté de rétractation, sans avoir à motiver sa décision, dans un délai de quatorze jours à compter de la souscription à l’offre Opérateur ou de la réception du bien dans son intégralité si l’offre souscrite comporte la livraison d’un matériel.

La rétractation doit être exercée avant l’expiration du délai ci-dessus mentionné par l’envoi en recommandé avec accusé de réception du formulaire de rétractation annexé au présent contrat ou tout autre déclaration, dénuée d’ambiguïté, exprimant la volonté de se rétracter.

La dépose des matériels sera effectuée par la société Paritel Opérateur aux frais du client à hauteur de 300 euros. Les démarches effectuées auprès de l’opérateur historique donnent lieu à des frais forfaitaires de 150 euros (…).’

La SAS Paritel se prévaut ensuite de la pièce n°2 intitulée ‘Etat des lieux et information précontractuelle’ énonçant en page 3 que les informations relatives au droit de rétractation et le modèle de lettre de rétractation figurent au verso.

En page 4, figure en titre la mention ‘Droit de rétractation’ et il est ensuite exposé :

‘Conformément à la loi N°2014-344 du 17 mars 2014 et au décret d’application n)2014-1061 du 17 septembre 2014, vous avez le droit de vous rétracter de l’ensemble des contrats régularisés ce jour (fourniture de matériel, location, maintenance, service opérateur) sans donner de motif et ce, dans un délai de 14 (quatorze) jours après la livraison de l’intégralité des matériels visés à votre bon de commande, constatée par la signature du bon de travail. (…)’.

Figure ensuite un modèle de lettre à adresser à la SAS Paritel.

Il est donc mentionné un délai de 14 jours après la livraison de l’intégralité des matériels visés au bon de commande ; il est également indiqué la possibilité de se rétracter de l’ensemble des contrats souscrits. Cet unique formulaire de rétractation concerne ainsi les trois contrats.

Or, ainsi que le relève la SAS Le Riviéra, le contrat de location signé le 16 septembre 2019 entre Viatelease et la SAS Le Riviéra énonce que ‘les conditions particulières qui suivent valent demande irrévocable de location aux conditions générales ci-après et le contrat formé par ces conditions générales et particulières aura existence et effet après signature du contrat de location ci-dessous par le bailleur’.

Le matériel a été installé le 23 septembre 2019, le procès-verbal de bon fonctionnement ayant été signé à cette date par la SAS Le Riviéra.

Il en résulte une contradiction et une confusion dans la faculté pour le client, la SAS Le Riviéra, d’exercer son droit de rétractation, ce dernier ignorant le point de départ de celui-ci, aucun élément n’étant par ailleurs donné sur la notification de la cession par le loueur cédant, Viatelease, au ‘bailleurs cessionnaire’ du matériel objet du bon de commande initial signé avec la SAS Paritel.

Dans ces conditions, il sera jugé que la SAS Paritel ne justifie pas avoir délivré à la SAS Le Riviéra de manière lisible et compréhensible l’ensemble des informations précontractuelles exigées par le code de la consommation sur l’exercice de son droit de rétractation, et notamment sur le point de départ exact de celui-ci. La sanction applicable est donc la nullité du contrat. Le bailleur n’étant pas dans la cause, la caducité du contrat de location financière ne pourra pas être constatée.

Par conséquent, la SAS Paritel sera déboutée de ses demandes en paiement résultant de l’exécution des stipulations contractuelles, le contrat étant annulé. Le jugement sera infirmé en ce sens.

– Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La SAS Le Riviéra soutient que la SAS Paritel a tenté de lui imposer un contrat de location de matériel de téléphonie très onéreux en le faisant signer par un salarié dépourvu de pouvoir ; que malgré le refus de son président de poursuivre le contrat avant l’installation du matériel, la SAS Paritel a insisté en engageant la présente procédure abusive. Elle sollicite une indemnité de 10 000 euros à ce titre.

Outre le fait que l’ensemble de l’argumentation de la SAS Le Riviéra n’a pas été suivi par la cour, le simple fait de succomber ne suffit pas à caractériser un abus dans l’exercice de son droit de mettre en oeuvre une action en justice. Cette demande d’indemnisation sera rejetée.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Succombant à l’instance, la SAS Paritel sera condamnée aux dépens d’appel et à verser à la SAS Le Riviéra une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La distraction des dépens sera ordonnée au profit de Me Rahon, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction,

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau :

Rejette le moyen soulevé par la SAS Le Riviéra tiré de l’inopposabilité du contrat à son égard ;

Prononce la nullité du contrat de service de communication signé entre la SAS Paritel Opérateur et la SAS Le Riviéra le 16 septembre 2019 ;

Déboute en conséquence la SAS Paritel Opérateur de ses demandes en paiement formées contre la SAS LE Riviéra, fondées sur l’exécution de ce contrat annulé ;

Déboute la SAS Le Riviéra de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la SAS Paritel Opérateur à payer à la SAS Le Riviéra une somme de 2 500 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Paritel Opérateur aux dépens de première instance et d’appel ;

Ordonne la distraction des dépens au profit de Me Rahon, avocat.

Le greffier, La présidente,


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