COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
21e chambre
ARRET N°
REPUTÉ
CONTRADICTOIRE
DU 8 JUIN 2023
N° RG 20/00049 – N°��Portalis DBV3-V-B7E-TVSP
AFFAIRE :
ASSOCIATION AGS / CGEA ILE DE FRANCE OUEST UNEDIC …….
C/
[S] [G]
…
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu
le 14 Décembre 2019
par le Cour d’Appel de VERSAILLES
N° Chambre : 21
N° Section :
N° RG : 17/01497
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Laure SERFATI
Me Charlotte HODEZ de
la AARPI Hodez Roufiat Avocats Associés
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
ASSOCIATION AGS / CGEA ILE DE FRANCE OUEST UNEDIC
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Laure SERFATI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2348 –
APPELANTE
****************
Madame [S] [G]
née le 14 Mars 1962 à [Localité 7] SENEGAL
de nationalité Sénégalaise
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Charlotte HODEZ de l’AARPI Hodez Roufiat Avocats Associés, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0028 substituée par Me Marjolaine PARADIS avocat au barreau de PARIS
SCP BTSG mission conduite par Me [L] [P] es qualité de « Mandataire liquidateur » de la ‘société ELITEA’ nommé par jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 12/9/2019.
[Adresse 1]
[Localité 5]
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE – MONNYER, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,
Mme Florence SCHARRE, Conseiller,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
FAITS ET PROCÉDURE
Se prévalant d’un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 5 avril 2011 avec la société à responsabilité limitée Elitea France, ayant pour gérant M. [O] [V] et Mme [Z] [I], et comme activité déclarée ‘les services à la personne, intervention à domicile auprès des personnes valides ou invalides et les enfants’, afin d’exercer les fonctions de ‘responsable de secteur’ moyennant un salaire mensuel brut de 3 000 euros, et affirmant n’avoir jamais été rémunérée de son travail avant d’avoir fait l’objet d’un licenciement verbal le 31 octobre 2012, Mme [S] [G] saisissait le 3 juillet 2013, le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins d’entendre juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement rendu le 31 janvier 2017, le conseil déboutait Mme [G] de ses demandes et la condamnait aux dépens.
Sur appel de cette décision, la cour d’appel de Versailles (21ème chambre) a statué par arrêt réputé contradictoire rendu le 14 février 2019, comme suit :
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre le 31 janvier 2017, sauf en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité au titre de l’absence de visite médicale,
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne M. [V], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Elitea France à payer à Mme [G] les sommes suivantes, avec les intérêts légaux à compter du 6 août 2013 :
– 56 000 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 5 600 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 950 euros bruts à titre d’indemnité de licenciement,
– 3 000 euros bruts à titre d’indemnité de préavis, outre 300 euros bruts au titre des congés payés afférents,
Condamne M. [V], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Elitea France à payer à Mme [G] les sommes suivantes, avec les intérêts légaux à compter de ce jour :
– 6 000 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 18 000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 2 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonne à M. [V], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Elitea France de remettre à Mme [G] un bulletin de paie, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision,
Rejette les autres demandes de Mme [G],
Condamne M. [V], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Elitea France, aux dépens de première instance et d’appel.
Sur assignation délivrée par Mme [G] le 27 juillet 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a, par jugement du 12 septembre 2019, prononcé la liquidation judiciaire de la société Elitea et désigné la SCP BTSG, prise en la personne Maître [L] [P], en qualité de mandataire liquidateur.
Mme [G] a sollicité la garantie de l ‘AGS CGEA relativement aux créances salariales résultant de l’arrêt du 14 février 2019.
Par acte du 27 décembre 2019, enregistré le 6 janvier 2020, l’AGS CGEA d’Ile de France Ouest a formé tierce opposition contre l’arrêt rendu le 14 février 2019 en demandant à la cour de rétracter cette décision en ce qu’il a condamné la société au paiement des sommes […] et, statuant à nouveau, de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 31 janvier 2017.
Suivant arrêt rendu le 13 janvier 2022, la présente cour a ordonné la réouverture des débats et invité, d’une part, Mme [G] à justifier de la signification de l’arrêt rendu le 14 février 2019 au représentant de la société Elitea, et, d’autre part, les parties à présenter leurs observations sur l’éventuel caractère définitif de l’arrêt prononcé le 14 février 2019 par la cour d’appel de Versailles (21ème chambre), ainsi que sur la recevabilité du recours en tierce opposition en ce qu’il tend à rétracter l’arrêt et à confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 31 janvier 2017.
Par ordonnance d’incident en date du 16 novembre 2022 , le conseiller de la mise en état a dit que les fins de non recevoir élevées par Mme [G] relevaient du pouvoir juridictionnel de la cour d’appel statuant au fond sur la tierce opposition.
‘ Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 28 juin 2022, l’AGS CGEA d’Ile de France Ouest demande à la cour de :
Dire et juger Mme [G] mal fondée en ses fins de non-recevoir et exceptions d’irrecevabilité et l’en débouter,
A titre principal,
Dire et juger qu’elle est recevable et bien fondée en sa tierce opposition à l’encontre l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 14 février 2019 (RG 17/01497),
Rétracter l’arrêt du 14 février 2019 en ce qu’il a condamné « M. [V] ès qualités de mandataire ad hoc de la société Elitea France » et/ou la société Elitea à payer à Mme [G] les sommes suivantes :
– 56 000 euros à titre de rappels de salaires du 5 avril 2011 au 31 octobre 2012 et 5 600 euros à titre de congés-payés afférents
– 950 euros à titre d’indemnité légale de licenciement
– 3 000 euros à titre de préavis
– 300 euros à titre de congés payés sur préavis
– 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive
– 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé .
– 2 000 euros à titre de l’article 700 du code de procédure civile
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 31 janvier 2017 ;
Débouter Mme [G] de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Condamner Mme [G] au paiement de la somme de 1500 euros pour abus de droit et 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuer ce que de droit sur l’amende civile.
A titre subsidiaire,
Dire et juger qu’elle est recevable et bien fondée en sa tierce opposition à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 14 février 2019 (RG 17/01497);
Dire et juger que l’arrêt du 14 février 2019 est inopposable à l’AGS CGEA en ce qu’il a condamné «M. [V] ès qualités de mandataire ad hoc de la société Elitea France » et/ou la société Elitea à payer à Mme [G] les sommes suivantes:
– 56 000 euros à titre de rappels de salaires du 5 avril 2011 au 31 octobre 2012 et 5 600 euros à titre de congés-payés afférents
– 950 euros à titre d’indemnité légale de licenciement
– 3 000 euros à titre de préavis
– 300 euros à titre de congés payés sur préavis
– 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive
– 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé .
– 2 000 euros à titre de l’article 700 code de procédure civile
Dire et juger que l’AGS CGEA ne doit pas la garantie au titre des condamnations prononcées au bénéfice de Mme [G].
Dans tous les cas, condamner Mme [G] au paiement de la somme de 1500 euros pour abus de droit et 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Statuer ce que de droit sur l’amende civile.
‘ Selon ses dernières conclusions notifiées le 10 mars 2022, Mme [G] demande à la cour de :
À titre principal,
Dire irrecevable le recours en tierce opposition formé par l’AGS à l’encontre de l’arrêt rendu le 14 février 2019 par la cour d’appel de Versailles (RG n°17/01497) ;
À titre subsidiaire,
Débouter l’AGS CGEA de sa demande de tierce opposition et de rétractation ;
Et ce faisant,
Confirmer l’arrêt rendu le 14 février 2019 par la 21ème chambre de la cour d’appel de Versailles en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Fixer au passif de la société Elitea France les sommes suivantes, avec les intérêts légaux à compter du 6 août 2013 :
– 56 000euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 5600 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 950 euros bruts à titre d’indemnité de licenciement,
– 3 000 euros bruts à titre d’indemnité de préavis outre 300 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 6 000 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 18 000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonner à Maître [P] de la SCP BTSG, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Elitea France, de lui remettre un bulletin de paie, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision.
Déclarer l’arrêt opposable à l’AGS CGEA,
En tout état de cause, débouter l’AGS de toutes ses demandes ;
Condamner l’AGS CGEA à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par exploit d’huissier, en date du 12 avril 2022, l’AGS CGEA a signifié ses conclusions récapitulatives au fond à la société BTSG, prise en la personne de Maître [P] ès qualités, qui n’a pas constitué avocat.
Par message adressé aux parties en cours de délibéré, la cour les a invitées à présenter leurs observations sur l’éventuelle irrecevabilité de la demande reconventionnelle formée par Mme [G] en fixation de sa créance au passif de la société Elitea, nulle signification des conclusions de l’intéressée à la société BTSG, prise en la personne de Maître [P] ès qualités, ne figurant au dossier.
Suivant note du 2 juin 2023, Mme [G] déclare s’en rapporter à la sagesse de la cour.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
I – Sur la demande principale de l’ Ags en tierce opposition :
Selon l’article 582 du code de procédure civile, « La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque. Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit. ».
L’article 591 de ce code dispose que « La décision qui fait droit à la tierce opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers opposant. Le jugement primitif conserve ses effets entre les parties, même sur les chefs annulés.
Toutefois la chose jugée sur tierce opposition l’est à l’égard de toutes les parties appelées à l’instance en application de l’article 584. ».
L’article 584 du même code précise qu’« En cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties au jugement attaqué, la tierce opposition n’est recevable que si toutes ces parties sont appelées à l’instance. ».
Arguant de ce que l’arrêt rendu le 14 février 2019 serait définitif et qu’il n’y aurait pas d’indivisibilité du litige, Mme [G] soulève la fin de non recevoir de la tierce opposition initialement formée par l’ Ags, qui tend à voir rétracter l’arrêt du 14 février 2019 et confirmer le jugement du conseil de prud’hommes, tirée de la chose jugée.
L’Unedic Ags conteste le caractère définitif de l’arrêt en ce qu’il a été signifié à M. [V] ès qualités de mandataire ad litem, alors qu’un tel mandat n’emporte pas celui de recevoir les significations des décisions de justice.
Il ressort des pièces versées aux débats, qu’au constat de la radiation d’office de la société Elitea du registre du commerce, Mme [G] a saisi le président du tribunal de commerce aux fins de lui voir désigner un ‘mandataire ad hoc’ avec la mission de la représenter dans l’ensemble des procédures la concernant et notamment dans le cadre de la procédure prud’homale qu’elle a engagée devant le Conseil de Prud’hommes de Nanterre et jusqu’à épuisement des voies de recours. Par ordonnance sur requête, en date du 14 juin 2016, le tribunal de commerce a désigné M. [V] [O] en qualité de ‘mandataire ad litem’ de la société Elitea’«’avec pour mission de représenter la société dans les termes de la requête ».
Par acte d’huissier délivré le 27 février 2019, Mme [G] a fait signifier l’arrêt rendu le 14 février 2019 par la Cour d’appel à M. [V], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Elitea.
Quelle que soit la dénomination du mandat, il est de droit, en toute hypothèse, que la radiation d’office d’une société à responsabilité limitée du registre du commerce et des sociétés, n’a pas pour effet de mettre fin aux fonctions de son gérant.
M. [O] [V] était toujours gérant, ainsi qu’il ressort de l’extrait Kbis versé aux débats, de la société Elitea à la date de la signification, celle-ci n’encourt pas de critique de ce chef.
Il s’ensuit que l’arrêt du 14 février 2019, régulièrement signifié, est définitif et conserve ses effets entre les parties en ce qu’il a condamné la société au paiement de diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire.
Dès lors qu’il n’existe pas d’indivisibilité entre la décision de condamnation de l’employeur établissant définitivement des créances à son égard et la décision déterminant l’étendue de la garantie de l’ Ags (18-10.929), la tierce opposition sera jugée irrecevable en ce qu’elle tend à voir rétracter l’arrêt rendu le 14 février 2019à l’égard de toutes les parties et confirmer le jugement de première instance.
II – Sur la demande subsidiaire de l’ Unedic Ags et les demandes reconventionnelles de Mme [G] :
II – a) Sur les demandes en fixation au passif des sommes allouées par l’arrêt du 14 février 2019 et d’injonction à Maître [P] de la SCP BTSG, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Elitea France, de délivrer un bulletin de paie, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision :
Faute pour Mme [G] d’avoir fait signifier ses conclusions au mandataire liquidateur ces demandes sont irrecevables.
II – b) sur l’opposabilité de l’arrêt du 14 février 2019 à l’ Ags :
A titre subsidiaire, l’ Ags demande à la cour de juger cette décision inopposable, Mme [G] sollicitant à l’inverse, à titre reconventionnel, que l’arrêt du 14 février 2019 lui soit déclaré opposable.
Nonobstant sa demande reconventionnelle, Mme [G] soulève, au visa des dispositions des articles 910-4 du code de procédure civile, l’irrecevabilité de cette prétention que l’ Ags n’a formulée qu’aux termes de son second jeu de conclusions, en date du 22 février 2022, ce à quoi l’Ags objecte que ce texte est inapplicable à la procédure en tierce opposition.
Selon l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
C’est à bon droit que l’ Ags soutient que la tierce opposition n’introduit pas un appel de sorte que le tiers opposant n’a pas la qualité d’appelant et qu’il ne peut en conséquence se voir opposer les dispositions des articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile.
La fin de non recevoir sera rejetée.
Par arrêt en date du 14 février 2019, la cour a partiellement accueilli les prétentions de la salariée aux motifs suivants :
‘Sur le licenciement :
Mme [G] affirme avoir fait l’objet d’un licenciement verbal le 31 octobre 2012.
Mme [G] a été engagée par la société Elitea par contrat de travail à durée indéterminée signé le 5 avril 2011 en qualité de responsable de secteur moyennant une rémunération mensuelle de 3 000 euros. Dans un mail du 25 septembre 2012, M. [V], gérant, indiquait à son associée, Mme [I] que ‘Mme [G] a notamment besoin de sa feuille de licenciement’. Puis dans un message du 14 octobre il écrivait que ‘[S] nous attend pour l’indemniser rapidement’. Il résulte des courriers produits que les serrures de l’entreprise ont été changées courant octobre 2012, interdisant à la salariée l’accès aux locaux Dans ces conditions il convient de retenir que la salariée a été licenciée verbalement au 31 octobre 2012.
Le licenciement, qui est intervenu verbalement, sans lettre en énonçant les motifs, est sans cause réelle et sérieuse.
La salariée peut prétendre à une indemnité légale de licenciement […]
Le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur le rappel de salaire :
La salariée réclame 56 000 euros à titre de rappel de salaire, outre les congés payés, pour la période du 5 avril 2011 au 31 octobre 2012.
L’employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition. Dès lors, il appartient à l’employeur de démontrer que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou qu’il ne s’est pas tenu à sa disposition
L’employeur, qui ne justifie pas du paiement des salaires réclamés par la salariée, doit être condamné au paiement de la somme de 56 000 euros, outre 5 600 euros bruts au titre des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé de ce chef.
[…]’
L’Unedic Ags expose avoir procédé à des vérifications et découvert que Mme [G], qui prétend avoir été salariée de cette société, a été prise en charge par Pôle-emploi entre le 19 avril 2011 et le 20 juillet 2012 et qu’elle a perçu le revenu de solidarité active du 1er avril 2011 au 31 octobre 2012.
Rappelant l’adage selon lequel la fraude corrompt tout, l’ Ags soutient que Mme [G] a donc trompé la religion de la cour en déclarant faussement à l’appui de ses demandes avoir travaillé pour cette société alors qu’elle était inscrite au chômage et indemnisée par Pôle-emploi, et ce pour obtenir abusivement la garantie de l’Ags.
Mme [G] réplique qu’elle n’a jamais été de mauvaise foi, qu’elle s’est inscrite à pôle emploi après la fin de son contrat de travail en qualité d’employée à domicile au sein de la société Logivitae le 7 avril 2011, qu’elle a déclaré à Pôle-emploi le contrat de travail conclu avec Elitea France et qu’elle a régulièrement perçu les allocations de chômage en raison du fait qu’elle n’était pas rémunérée par cette société. Elle offre de rembourser les allocations chômage perçues au cours de la période litigieuse lorsqu’elle sera payée des salaires alloués par l’arrêt du 14 février 2019.
La bonne foi étant toujours présumée, c’est à celui qui allègue la fraude d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, l’ Unedic Ags verse aux débats le rapport de M. [X], responsable du service Prévention et Lutte contre la fraude de la direction Pôle-emploi Île de France, en date du 9 juin 2020, duquel il ressort les éléments suivants :
« Suite à une cessation d’inscription en date du 31 janvier 2011, Mme [G] s’est réinscrite comme demandeur d’emploi le 12/04/2011 suite à la perte de son emploi d’employée à domicile auprès de la société Logivitae le 07/04/2011.
Au cours de son inscription comme demandeur d’emploi, elle a déclaré à Pôle-emploi :
– être sans emploi à compter du 12/04/2011 et ce jusqu’au 18/09/2011 au vu de ses déclarations de situation mensuelle,
– avoir été en arrêt maladie à compter du 19/09/2011 […] (qui a entraîné une suspension de l’indemnisation)
– être de nouveau sans emploi du 19/10/2011 au 20/07/2012 au vu de ses actualisations mensuelles,
En revanche, elle n’a pas déclaré à Pôle emploi:
– Une reprise d’activité d’une journée en intérim pour la période du 06/09/2011 au
06/09/2011auprès de la Société Aura Recrutement,
– Avoir perçu un salaire brut d’un montant de 81 euros au titre de cette activité,
A noter que cette information est parvenue à Pôle-emploi par le biais de la transmission automatique de données avec les entreprises de travail temporaire (ETT), ce qui lui a généré un indu d’un montant de 55, 41 euros.
– Une reprise d’activité au sein de la société Elitea France du 5 Avril 2011 au 31 Octobre 2012.
En conséquence, madame [S] [G] de part ses déclarations a perçu l’intégralité de ses allocations de chômage (ARE) durant les périodes du 19/04/2011 au 31/08/2011, du 04/09/2011 au 18/09/2011, puis du 19/10/2011 jusqu’à la fin de ses droits le 20 juillet 2012, soit un total de 426 jours d’indemnités pour un montant total brut et net de 7 855,71 euros.
Il est à noter que l’intéressée a également perçu la somme de 312,39 euros le 01/08/2012 au titre de l’aide de fin de droit .’»
Elle communique en outre, l’attestation du directeur de la caisse d’allocations familiales de Paris certifiant que Mme [G] a perçu du 01/04/2011 au 31/10/2012 le revenu de solidarité active.
Mme [G], qui objecte avoir pu régulièrement percevoir l’allocation de retour à l’emploi, nonobstant la conclusion du contrat de travail litigieux, en raison de la défaillance de l’employeur, verse aux débats le courrier dactylographié, établi sur en-tête de Pôle-emploi, au nom de M. [A] conseiller, en date du 2 mars 2020 – ainsi libellé : « Vous aviez bien déclaré le poste de responsable de secteur service à la personne que vous avez occupé chez Elitea France du 5 avril 2011 au 31 octobre 2012 ; vous avez toujours été transparente vis-à-vis de l’institution Pôle emploi (entre autre) et n’avez cherché à dissimuler quoique ce soit de votre vie professionnelle » – courrier dont l’ Ags expose que Pôle-emploi ignore dans quelles circonstances il a pu être établi en faveur de Mme [G].
Mme [G] ne critique pas sérieusement le fait que les actualisations mensuelles qu’elle adressait à Pôle-emploi ne faisaient nullement état de la situation professionnelle qu’elle a invoquée à l’égard de la société Elitea.
Il est remarquable de relever que si au cours de la période litigieuse, Mme [G] a déclaré l’arrêt maladie dont elle a bénéficié, elle n’a nullement mentionné l’emploi dont elle s’est prévalue devant la juridiction prud’homale.
S’il est constant que le contrat de travail ayant lié Mme [G] à la société Logivitae a été rompu le 7 avril 2011, l’intéressée n’explique pas comment elle a pu s’inscrire à Pôle-emploi le 12 avril 2011, soit 7 jours après avoir conclu un contrat de travail à durée indéterminée le 5 avril, sans rupture d’emploi, avec la société Elitea stipulant une rémunération mensuelle de 3 000 euros bruts, à une date où elle n’avait pu encore constater une quelconque défaillance de son nouvel employeur au titre des salaires.
En l’état de ces éléments et alors que Mme [G] ne verse en tout et pour tout, pour étayer la thèse d’une activité salariée qu’elle aurait concrètement accomplie pour le compte de la société Elitea, outre les éléments retenus par la cour d’appel dans son arrêt du 14 février 2019, ci-avant reproduits, qu’un courriel de M. [V], en date du 4 décembre 2012 expliquant que depuis son retour du Sénégal, où il s’était rendu 14 mois, il s’interrogeait sur le point de savoir s’il avait le droit de reprendre ‘l’activité seul avec le concours technique de Mme [G] qui a fait une excellente prestation auprès de nos deux premières bénéficiaires’ (pièces n°4 et 6 de Mme [G]), sans lien avec les fonctions de ‘responsable de secteur’ pour lesquelles elle était censée avoir été engagée, il sera jugé que l’ Unedic Ags rapporte la preuve d’une fraude à la garantie légale dont elle a la charge.
L’arrêt rendu le 14 février 2019 lui sera donc déclaré inopposable. L’appelante sera en outre acceuillie en sa demande tendant à voir juger qu’elle ne doit pas la garantie au titre des condamnations prononcées au bénéfice de Mme [G].
La fraude étant ainsi caractérisée, la preuve d’un abus dans l’exercice du droit d’agir en justice est rapportée. Le préjudice en résultant pour l’ Unedic Ags sera réparé par l’allocation de 500 euros de dommages-intérêts pour abus de droit.
Mme [G] succombant à l’instance en supportera les dépens et sera condamnée à verser à l’ Unedic Ags la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
Déclare irrecevable la tierce opposition formée par l’Unedic Ags en ce qu’elle tend à la rétractation de l’arrêt du 14 février 2019 et à la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes du 31 janvier 2017,
Déclare Mme [G] irrecevable en sa demande de fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Elitea et d’injonction à Maître [P] de la SCP BTSG, ès qualités, de délivrer un bulletin de paie, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision
Déclare la demande subsidiaire formée par l’ Unedic Ags recevable et bien fondée,
Juge l’arrêt rendu le 14 février 2019 par la 21ème chambre de la cour d’appel de Versailles inopposable à l’Unedic Ags.
Juge que l’ Unedic Ags ne doit pas la garantie au titre des condamnations prononcées au bénéfice de Mme [G].
Condamne Mme [G] à verser à l’ Unedic Ags la somme de 500 euros de dommages-intérêts pour abus de droit et la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [G] aux dépens.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,