Services à la personne : 8 juin 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/02772

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Services à la personne : 8 juin 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/02772

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

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ARRÊT DU : 8 JUIN 2022

PRUD’HOMMES

N° RG 19/02772 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LA23

SARL AGENCE D’AIDES ET DE SERVICES – AAS-

c/

Madame [T] [V]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 mai 2019 (R.G. n°F 16/02753) par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 16 mai 2019,

APPELANTE :

SARL Agence d’Aides et de Services (AAS), agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 521 410 852

représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

Madame [T] [V]

née le 31 Août 1982 à [Localité 4] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Caroline DUPUY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 mai 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d’instruire l’affaire, et Madame Sophie Masson conseillère,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [T] [V], née en 1982, a été engagée en qualité de responsable de secteur par la SARL Agence d’Aides et de Services – AAS, par contrat de travail à durée déterminée à compter du 11 janvier 2016.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des services à la personne.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [V] s’élevait à la somme de 952,60 euros.

Par lettre datée du 20 mai 2016, Mme [V] a été convoquée à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire fixé au 25 mai 2016.

Par lettre du 27 mai 2016, Mme [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur en ces termes :

« Je vous rappelle que j’ai été embauchée en CDD du 11 janvier 1016 au 11 juillet 2017 au poste de « Responsable de secteur » à temps partiel 80 h par mois.

En premier lieu, le motif de mon contrat de travail à durée déterminée est erroné : la période de formation du 11 janvier au 30 avril 2016 a été inexistante.

Je suis d’ailleurs engagée dans le cadre d’un contrat d’insertion qui me prive de la prime de précarité mais je n’ai bénéficié d’aucune formation, étant au demeurant la seule à bénéficier du diplôme nécessaire au fonctionnement de l’établissement (MASTER 2 Gestion Etablissements sanitaires et sociaux).

En second lieu, le motif de votre départ en congé à compter du premier mai 2016 sans date de retour est un faux motif puisque à ce jour le 27 mai 2016 vous êtes encore présente au sein de l’agence, une évolution dans mon poste est donc impossible contrairement à votre discours lors de mon embauche.

L’Annonce pôle emploi de recrutement était mensongère : pour un 20h/semaine soit 1040h/an, puis au final j’ai un contrat de 80h/mois soit 960h/an soit un mois de travail et salaire en moins et surtout un contrat de moins de 20h/semaine.

J’exerce à temps partiel mais aucun planning fixe dans mon contrat, j’ai donc un horaire à la demande et selon les besoins variables de l’entreprise, ce qui me prive de la possibilité de rechercher un autre emploi à temps partiel pour obtenir une rémunération plus conséquente.

Mes conditions de travail sont déplorables : WC hors d’usage, peu ou pas de chauffage car le compteur électrique n’est pas assez puissant pour l’immeuble, porte de la réserve et WC défectueuse et à ce titre j’en ai fait « les frais » en y restant coincée durant 3 heures!

Travail illégal auprès des gens du voyage, grande communauté implantée dans la commune d'[Localité 3]. Ces derniers viennent à l’agence tous les jours afin que nous nous occupions de leurs papiers administratifs en tous genres (déclarations d’impôts, attestation RSA, demande de CMU…) tout cela contre rémunération directe en liquide sans facture.

De plus depuis mon arrivée j’avais ordre de les recevoir, de m’en occuper, les faire payer et de mettre l’argent dans un tiroir que vous videz à la fin de la journée.

Pour preuve les fichiers « clients divers sur ordinateur ».

Fraude auprès des autorités de tutelle pour Mme [A] [G], cette bénéficiaire et cliente de l’agence est décédée en été 2015. Néanmoins et sous couvert d’un financement APA du Conseil Général de la Gironde nous y intervenons entre 30 et 40h par mois pour y réaliser l’entretien de la maison, la cuisine et l’entretien du jardin de sa fille Mme [A] [I] [L] [Y].

Le personnel de l’agence n’est pas au courant de cette fraude. Les contribuables payent donc nos salariés au titre de l’APA pour une bénéficiaire décédée.

Autre fraude pour Mme [E] [J], qui est bénéficiaire de la PCH à hauteur de 45,63h/mois à hauteur de 17,77€/heure financée. Mme [E] ne souhaitant pas payer la différence entre les 17,77€ financé et le tarif de l’agence à 22 € TTC, nous y intervenons sur une moyenne de 20 à 24h/mois, alors que vous facturez de façon mensuelle au conseil Général de la Gironde 45h de prestation par mois. Ainsi, Mme [E] ne règle aucune différence et vous réalisez une marge plus qu’intéressante au détriment des contribuables.

En tant que responsable de secteur et malgré mon absence de fiche de poste je suis en charge de la réalisation des plannings des intervenants. À ce titre j’ai aussi constaté des manquements graves au code du travail. Ainsi M. [S] [R] employé en tant que « jardinier » a un planning de travail allant du 3 juillet 2015 au 16 avril 2016 alors que ce dernier n’a eu que 2 contrats de travail, un CDD du 5 octobre 2015 au 31 décembre 2015 pour preuve la DADS 2015, et son STC et un second contrat CDI du 1 mars 2016 au 29 mars 2016.

Vous nous demandez systématiquement de poser des congés payés sur des jours fériés! Surtout sur la dernière période d’activité, vous avez tout mis en ‘uvre pour me faire craquer !

Vous faites des réflexions sur un ton particulièrement agressif, vous me filmez et m’enregistrez ostensiblement avec votre téléphone portable en m’expliquant que vous aurez ainsi des preuves contre moi !

A de multiples reprises, j’ai essayé de discuter avec vous pour obtenir régularisation de ma situation, que vous cessiez de me faire participez à vos agissements illégaux et d’exercer des pressions.

Vous n’avez au contraire fait que redoubler d’agressivité à mon égard.

Votre comportement me contraint à prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs.

Je vous demande de m’adresser en retour ma rémunération pour le mois de mai, mon solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation destinée à pôle emploi. Je vous prie de croire, Madame, en l’expression de mes sentiments distingués. »

Par lettre du 30 mai 2016, la société a notifié à Mme [V] une sanction disciplinaire de mise à pied de deux jours.

Invoquant une exécution déloyale du contrat et demandant que soit constatée que sa prise d’acte s’analyse en une rupture anticipée et abusive du contrat, Mme [V] a saisi le 8 décembre 2016 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu en formation de départage le 3 mai 2019, a :

– condamné la société à payer à Mme [V] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail,

– condamné la société à payer à Mme [V] la somme de 12.981 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture du contrat de travail indéterminée aux torts de l’employeur,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

– condamné la société à payer à Mme [V] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société aux dépens.

Par déclaration du 16 mai 2019, la société a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 31 janvier 2020, la société demande à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

– débouter Mme [V] de l’ensemble de ses demandes,

– la condamner à une somme de 1.905,20 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi sur le fondement de l’article L.1243-3 du code du travail,

– la condamner à une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 avril 2020, Mme [V] demande à la cour de’confirmer le jugement, de débouter la société de ses demandes au titre de dommages et intérêts, d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de l’ensemble de ses demandes et de la condamner au versement d’une indemnité complémentaire de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel ainsi qu’aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 février 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 31 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exécution déloyale du contrat

Lors de l’engagement de Mme [V], a été signé un contrat de travail à durée déterminée établi le 7 janvier 2016 en vertu duquel Mme [V] a été engagée en qualité de responsable de secteur dans le cadre d’un temps partiel modulé (80 heures par mois), pour une durée de 18 mois, du 11 janvier 2016 au 11 juillet 2017, en remplacement du chef d’exploitation de Mme [K] pour raisons de congés de celle-ci à partir du 1er mai 2016, suivis d’une formation à partir du 23 novembre 2016, avec la précision qu’il était prévu une période de formation au poste du 11 janvier 2016 au 30 avril 2016 afin d’assurer la transition.

La société produit également un contrat unique d’insertion établi le même jour, pour un emploi de ‘management de structure de santé, sociale ou pénitentiaire’ selon un horaire hebdomadaire de 20 heures, précisant au titre des ‘actions d’accompagnement professionnel’ ‘la remobilisation à l’emploi’ et une demande de prise en charge du 11 janvier au 10 juillet 2016.

Pour voir confirmer le jugement déféré, Mme [V] fait valoir les éléments suivants :

– elle n’a bénéficié d’aucune formation, malgré la signature d’un contrat d’insertion ;

– Mme [K], gérante de la société, ne disposait ni des diplômes nécessaires ni d’une expérience lui permettant de diriger une agence de services d’aide à la personne ;

– le motif du contrat de travail à durée déterminée était erroné, Mme [K] n’ayant pas été absente alors que la société a bénéficié d’une aide à l’embauche dans le cadre du contrat d’insertion conclu entre les parties ;

– il lui a été demandé de participer à des actes frauduleux ainsi que rappelés dans la lettre de prise d’acte de la rupture de son contrat ; ces agissements reposent pour partie sur les déclarations faites par Mme [D], fille de Mme [K], qui travaillait à l’agence mais a été licenciée en février 2016 ;

– le non-respect de la réglementation du temps de travail avec notamment :

* la non-conformité de l’horaire hebdomadaire mentionné au contrat d’insertion (20 heures/ semaine) avec l’horaire mensuel de 80 heures figurant au contrat de travail à durée déterminée,

* l’absence dans le contrat de répartition des horaires de travail, Mme [V] contestant avoir signé un avenant à ce sujet ;

– l’obligation de travailler les jours fériés ou de prendre des jours de congés à ces dates,

– l’engagement d’une procédure disciplinaire non fondée reposant sur des accusations mensongères de comportement irrespectueux et un départ prématuré de l’agence ;

– des conditions de travail très dégradées ainsi que rappelées dans la lettre de prise d’acte.

La société sollicite l’infirmation du jugement contestant les allégations de Mme [V] quant à l’incapacité de sa gérante à diriger un service d’aides à la personne ou l’obtention d’aides indues ainsi que le défaut d’établissement de contrats de travail à durée déterminée pour l’un des salariés (M. [S]).

Elle fait valoir par ailleurs qu’une formation interne a été dispensée à Mme [V], Pôle Emploi ayant validé l’aide accordée tout en précisant que la salariée, compte tenu de son expérience, pouvait exercer ses missions sans qu’une formation soit nécessaire.

Concernant la durée du travail, la société souligne que les bulletins de paie témoignent d’une durée hebdomadaire de 21,60 heures donc conforme et invoque un avenant précisant l’horaire de travail que Mme [V] conteste avoir signé. Elle ajoute que Mme [V] n’a pris qu’un jour de congé le lundi de Pentecôte.

La société conteste les déclarations faites par Mme [D], fille de la gérante, qui ‘réglerait ses comptes avec sa mère’, et produit les attestations de l’intervenante au domicile de Mme [A] ainsi celle d’une cliente, Mme [E], enfin celle de M. [S], qui démontreraient le caractère mensonger des accusations de fraude.

Enfin, elle prétend que la sanction adressée le 30 mai était justifiée, précisant n’avoir été destinataire de la lettre de prise d’acte que le 1er juin.

Sur le cadre de la relation contractuelle

Contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, le document produit en pièce 1 par la société correspond au formulaire Cerfa établi par le Ministère du travail pour le contrat unique d’insertion.

Au demeurant, Mme [V] ne conteste pas avoir signé ce document, indiquant seulement ne pas en avoir eu une copie.

Ainsi que l’a relevé le jugement déféré, la situation de Mme [V], qui était au chômage depuis plusieurs mois, autorisait le recours à un tel contrat destiné aux personnes sans emploi rencontrant des difficultés d’accès à l’emploi.

En revanche, il appartient à la société, qui a conclu un tel contrat, de justifier de la formation interne donnée à Mme [V], étant observé au surplus que le contrat de travail à durée déterminée signé entre les parties prévoyait aussi une période de formation au poste prévue du 11 janvier au 30 avril 2016 alors même que la demande d’aide sollicitée au titre du contrat d’insertion portait sur une période plus longue allant jusqu’au 31 juillet 2016.

La société ne justifie d’aucune action, la seule affirmation d’un accompagnement interne n’étant pas la démonstration de la réalité de la formation dispensée à Mme [V], d’autant qu’il convient de relever qu’aux termes du contrat de travail à durée déterminée, Mme [V] était appelée à remplacer la gérante de la société à compter du 1er mai et ne pouvait donc plus bénéficier d’une formation de la part de celle-ci, contrairement aux mentions portées dans la demande d’aide publique présentée par la société dans le formulaire de contrat d’insertion.

Par ailleurs, le motif invoqué dans le contrat de travail à durée déterminée n’est pas établi, la société ne justifiant ni même n’alléguant des congés prétendus de Mme [K] ou de la formation vers laquelle celle-ci devait ensuite s’orienter.

Le manquement invoqué par Mme [V] quant au détournement des finalités du contrat unique d’insertion à ce titre est donc établi.

Sur le non-respect de la réglementation du travail

D’une part, la discordance entre le temps de travail hebdomadaire prévu dans le contrat unique d’insertion, soit 20 heures par semaine, et celui mensuel figurant au contrat de travail à durée déterminée, soit 80 heures, est établie, même si, de fait, Mme [V] a été rémunérée pour 86,60 heures par mois.

D’autre part, les mentions portées au bulletin de paie du mois de mars 2016 corroborent l’affirmation de Mme [V] quant à l’obligation de prendre une journée de congé pour les jours fériés dès lors qu’il a été fait une retenue de 7 heures pour la journée du 28 mars 2016 qui correspondait au lundi de Pâques.

Enfin, s’agissant de la répartition des horaires de travail, c’est par des motifs justifiés en droit et pertinents en fait, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que la société ne justifiait pas avoir respecté les obligations lui incombant dans le cadre d’un contrat de travail à temps partiel.

Sur le travail dissimulé et les conditions de travail

C’est par des motifs également justifiés en droit et pertinents en fait, que la cour adopte, que les premiers juges ont écarté comme non établis les manquements allégués par Mme [V] à ce sujet.

Sur les fausses déclarations de la société auprès du conseil général

S’agissant en premier lieu des faits dénoncés à propos de Mme [A], Mme [V] fait valoir que la société a continué à faire intervenir une salariée pour le compte de cette cliente, en bénéficiant de l’aide qui lui était accordée par le conseil général, après le décès de celle-ci.

Pour s’en défendre, la société produit pas moins de trois témoignages de la salariée concernée, Mme [C] épouse [B] (pièces 9, 18 et 33) ; la pièce 33 est la reproduction à l’identique de la pièce 9 si ce n’est qu’un ajout a été apporté aux déclarations de ce témoin, le contenu de la pièce 33 étant le suivant :

‘ Je suis intervenue au domicile de Mme [A] [G] en tant qu’aide à domicile et affirme de Juin 2014 à Juillet 2016 [mention ajoutée entre les lignes]

que durant ce temps là Mme [A] était bien présente et que je ne suis pas au courant que cette personne est décédée (…)’.

Or, Mme [V] justifie par sa pièce 31 du décès de Mme [G] [A] le 4 septembre 2015, ce qui ne peut que conduire à retenir le caractère mensonger des attestations émanant de Mme [B] ou du moins, du rajout qui été apporté dans la pièce 33 produite par l’employeur.

Mme [V] a d’ailleurs déposé une déclaration de main courante auprès de la brigade de gendarmerie d'[Localité 3] le 19 avril 2020 (enregistrée sous le n° 01424/01488/2020).

Dans la mesure où Mme [V] établit par ailleurs que des prestations ont continué à être facturées au Conseil Général après le décès de la cliente (pièces 12 et 13 intimée), la fraude à laquelle elle expose avoir été contrainte de participer est établie.

***

S’agissant de Mme [E], selon Mme [V], compte tenu du refus de la cliente de régler la différence entre le taux horaire financé par le conseil général et celui pratiqué par la société, il aurait été convenu d’une réduction du nombre d’heures avec la cliente mais d’une facturation sur une base de 45 heures par mois.

Ainsi que le relevaient les premiers juges, les faits ont été dénoncés par Mme [D], fille de la gérante, dont les déclarations ne peuvent être considérées comme mensongères du seul fait d’un différend manifeste l’opposant à sa mère.

En outre, ces déclarations sont corroborées par le contrat de la cliente qui fait état de 2 heures hebdomadaires d’intervention (pièce 16) ainsi que par la comparaison des factures adressées au conseil général systématiquement pour 45 heures par mois alors que les planning de l’intervenante mentionnent un nombre d’heures très inférieur : 12 heures en septembre 2015, 18 heures en octobre 2015, 20 heures en novembre 2015, 12h30 en décembre 2015, 20 heures en janvier et février 2016, 22h30 en mars 2016, 20 heures en avril 2016 et enfin, 22H30 en mai 2016 (pièces 17 et 18).

En cause d’appel, la société a produit une seconde attestation de la cliente qui déclare que Mme [P] [K] la véhicule régulièrement à sa demande.

La cour observe que la fiabilité de ce témoignage est très relative tant au regard des observations relevées précédemment concernant les attestations émanant de Mme [B] que du caractère imprécis des déclarations de Mme [E] qui, si l’on adopte la thèse de la société, reviendrait à considérer que Mme [K] assurait certains mois les fonctions de chauffeur à hauteur de plus du double des heures facturées et du près du quadruple pour d’autres mois et qu’ainsi, par exemple en septembre 2015, la cliente aurait été véhiculée 33 heures soit en moyenne l’équivalent d’une journée par semaine.

La cour retiendra en conséquence, comme les premiers juges, que les faits de fraude dénoncés par Mme [V] sont également établis à l’égard de cette cliente.

Sur la sanction disciplinaire de mise à pied notifiée le 30 mai 2016

C’est par des motifs également justifiés en droit et pertinents en fait, que la cour adopte, que les premiers juges ont écarté l’irrégularité de la procédure suivie mais ont considéré que la preuve des faits sanctionnés n’était pas rapportée, la cour ajoutant qu’aucun horaire de travail n’ayant été convenu, il ne pouvait être fait utilement reproche à la salariée de ne pas l’avoir respecté.

L’ensemble des faits retenus comme établis justifient amplement les manquements allégués à l’encontre de l’employeur au titre du non-respect de son obligation d’exécution loyale du contrat de travail et la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a alloué à Mme [V] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

La prise d’acte de la rupture d’un contrat de travail à durée déterminée par un salarié produit les effets d’une rupture du contrat aux torts de l’employeur si les faits invoqués par le salarié sont établis et caractérisent des manquements suffisamment graves de l’employeur à ses obligations empêchant la poursuite de la relation contractuelle.

Ainsi que l’ont retenu les premiers juges, les manquements invoqués par la salariée au titre de l’exécution déloyale de son contrat sont d’une gravité suffisante et justifient que la rupture soit prononcée aux torts de l’employeur qui a été à juste titre condamné au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’aurait dû percevoir Mme [V] jusqu’au terme de son contrat de travail.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

La société, partie perdante en son recours, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à Mme [V] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel en sus de la somme allouée par le jugement déféré sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL Agence d’Aides et de Services aux dépens ainsi qu’à payer à Mme [T] [V] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Dit que copie de la présente décision sera adressée, à toutes fins utiles, par le greffe à Monsieur le procureur général près la cour d’appel de Bordeaux.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire

 


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