Services à la personne : 7 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01577

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Services à la personne : 7 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01577

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 7 JUIN 2023

N° RG 21/01577

N° Portalis DBV3-V-B7F-UQ4X

AFFAIRE :

[J] [W]

C/

Société ALTRIS ADHAP SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 9 février 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de SAINT GERMAIN EN LAYE

Section : D

N° RG : F 19/00139

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Roselyne MALECOT

Me Marie-Catherine CHALEIL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dont la mise à disposition a été fixée au 17 mai 2023 puis prorogée au 7 juin 2023, dans l’affaire entre :

Madame [J] [W]

née le 11 octobre 1973 à [Localité 4] (Guinee)

de nationalité guineenne

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Roselyne MALECOT, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 304

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/003800 du 30/04/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

Société ALTRIS ADHAP SERVICES

N° SIRET : 478 226 400

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Marie-Catherine CHALEIL, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 172

INTIMEE

***************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 9 mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [W] a été engagée par la société Altris ADHAP Services, en qualité d’assistante de vie, par contrat de travail à durée déterminée du 29 juillet 2016 au 1er août 2016 pour une durée mensuelle de 60 heures, puis par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2016 pour une durée mensuelle de travail de 100 heures.

Par avenant du 1er mars 2017, la durée du travail a été portée à 151,67 heures par mois puis ramenée à 120 heures par mois par avenant du 31 octobre 2017.

L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective des entreprises à la personne du 20 septembre 2012.

Le 16 mai 2019, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par avis de la médecine du travail du 12 octobre 2020, la salariée a été déclarée inapte à son poste.

Par lettre du 27 octobre 2020, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 6 novembre 2020.

Elle a été licenciée par lettre du 10 novembre 2020 pour inaptitude physique avec impossibilité de reclassement à son poste de travail dans les termes suivants:

« (‘) Suite à une étude de poste et des conditions de travail réalisée le 16/09/2020, et à un échange avec le médecin du travail le 02/10/2020, ce dernier vous a déclaré inapte à votre poste de travail au cours d’une visite médicale de reprise en date du 12/10/2020. Cette visite médicale a été organisée suite à votre arrêt de travail pour maladie.

L’avis du médecin du travail précise : « la salariée pourrait occuper un poste sans port de charges lourdes, sans postures contraignantes, ni déplacements à pieds prolongés, dans un autre contexte organisationnel et relationnel ».

Comme nous vous en avions informé par courrier du 26/10/2020 (Information du salarié sur l’impossibilité de reclassement), et au cours de l’entretien préalable du 6/11/2020, nous avons effectué les recherches de reclassement suivantes :

– Proposition de votre profil aux autres structures du réseau,

En tenant compte des conclusions du médecin du travail ainsi que de nos échanges, nous avons le regret de constater que les recherches menées en vue de votre reclassement n’ont pas permis de trouver un autre emploi approprié à vos capacités, parmi les emplois disponibles.

Nous ne pouvons dès lors que confirmer l’impossibilité dans laquelle nous nous trouvons de vous reclasser à un autre poste que celui pour lequel vous avez été embauchée et pour lequel vous êtes aujourd’hui déclaré inapte.

C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de vous licencier en raison de votre inaptitude physique et de l’impossibilité de vous reclasser. »

La salariée a été dispensée d’effectuer son préavis.

Par jugement du 9 février 2021, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye en sa formation de départage (section activités diverses) a :

– fixé le salaire moyen mensuel de Mme [W] à la somme de 1 209,60 euros bruts,

– condamné la société Altris ADHAP Services à verser à Mme [W] la somme de 4 330,01 euros bruts au titre du rappel de rémunération lié aux déplacements pour la période de septembre 2016 à novembre 2019, et à la somme de 433 euros au titre des congés payés y afférents,

– ordonner la remise des bulletins de paie, de l’attestation Pôle emploi, du certificat de travail et du reçu pour solde de tout compte modifiés,

– dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, Mme [W] bénéficiant de l’aide juridictionnelle,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– condamné la société Altris ADHAP Services à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 21 mai 2019 date de réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et du prononcé pour le surplus

– rappelé que par application de l’article R. 1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire est de droit pour la remise des documents et pour les indemnités énoncées à l’article R. 1454-14 dans la limite de neuf mois de salaires et fixé pour ce faire la moyenne des trois derniers mois à la somme de 973 euros,

– condamné la société Altris ADHAP Services aux entiers dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 27 mai 2021, Mme [W] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [W] demande à la cour de :

– la juger recevable et bien fondée en son appel,

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf celles relatives au rappel de rémunération lié aux déplacements et aux intérêts de droit,

statuant à nouveau,

– juger que son ancienneté a couru à compter du 1er août 2016,

– fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme brute de 1 528,83 euros correspondant à une durée mensuelle de travail de 151,67 heures,

– ordonner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,

en conséquence,

– condamner la société Altris ADHAP Services à lui verser les sommes suivantes :

. rappel de salaire sur la base d’un temps complet de septembre 2016 à février 2017 et de novembre 2017 au 14 novembre 2019 : 6 814,04 euros,

. congés payés y afférents : 681,40 euros,

– juger que la société Altris ADHAP Services a retenu, à tort, à la salariée des salaires au motif de congés sans solde non sollicités par cette dernière,

en conséquence,

– condamner la société Altris ADHAP Services à lui verser un rappel de salaire d’un montant de 2 925,43 euros pour la période allant d’octobre 2016 à avril 2019, outre les congés payés y afférents d’un montant de 292,54 euros,

– juger que l’absence de mention des heures de trajet entre les différents lieux d’intervention qui constituent pourtant du temps de travail effectif, caractérise du travail dissimulé,

en conséquence,

– condamner la société Altris ADHAP Services à lui verser une indemnité pour travail dissimulé d’un montant de :

. à titre principal : 9 172,98 euros,

. à titre subsidiaire : 7 257,60 euros,

– juger que la société Altris ADHAP Services a commis de graves manquements portant atteinte à sa santé,

en conséquence,

– condamner la société Altris ADHAP Services à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre à hauteur de 10 000 euros,

– juger que la société Altris ADHAP Services a exécuté de manière fautive et déloyale la relation de travail,

en conséquence,

– condamner la société Altris ADHAP Services à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre à hauteur de 10 000 euros,

– juger que la société Altris ADHAP Services n’a pas respecté les dispositions du code du travail relatives au maintien de salaire pendant un arrêt de travail,

en conséquence,

– condamner la société Altris ADHAP Services au paiement des rappels de salaire suivants :

. pour les périodes du 5 juin 2018 au 8 juillet 2018 et du 12 octobre 2018 au 8 novembre 2018:

* à titre principal : 633,28 euros, outre les congés payés y afférents de 63,33 euros,

* à titre subsidiaire : 133,15 euros, outre les congés payés y afférents de 13,31 euros,

. pour la période du 19 novembre 2019 au 17 janvier 2020 :

* à titre principal : 928,86 euros, outre les congés payés y afférents de 92,89 euros,

* à titre subsidiaire : 428,73 euros, outre les congés payés y afférents de 42,87 euros,

à titre principal,

– juger que les graves manquements réitérés de la société Altris ADHAP Services à ses droits rendent bien fondée la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs de l’employeur,

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs de la société Altris ADHAP Services ayant effet au 10 novembre 2020, date de notification du licenciement, et emportant les conséquences d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– juger inconventionnel le plafonnement prévu par l’article L.1235-3 du code du travail,

en conséquence,

– condamner la société Altris ADHAP Services à lui verser les sommes suivantes :

. indemnité compensatrice de préavis :

* à titre principal : 4 586,49 euros correspondant à trois mois de salaire en raison du statut de travailleur handicapé et calculé sur la base d’un temps complet, outre les congés payés à hauteur de 458,65 euros,

* à titre subsidiaire : 3 628,80 euros correspondant à trois mois de salaire en raison du statut de travailleur handicapé et calculé sur la base d’un temps partiel de 120 heures par mois, outre les congés payés à hauteur de 362,88 euros

. indemnité de licenciement :

* à titre principal : 1 130,70 euros calculée sur la base d’un temps complet,

* à titre subsidiaire : 905,25 euros calculée sur la base d’un temps partiel de 120 heures par mois, étant précisé que l’employeur lui a versé, en suite de son licenciement, une indemnité légale de licenciement d’un montant de 816 euros,

. indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :

* à titre principal : 18 345,96 euros calculés sur la base d’un temps complet et correspondant à 12 mois de salaire,

* à titre subsidiaire : 14 515,20 euros calculés sur la base d’un temps partiel et correspondant à 12 mois de salaire,

Si, par extraordinaire, la Cour d’Appel de céans ne faisait pas droit à la demande de résiliation judiciaire aux torts et griefs de la société Altris ADHAP Services,

à titre subsidiaire

– juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– juger inconventionnel le plafonnement prévu par l’article L.1235-3 du code du travail,

en conséquence,

– condamner la société Altris ADHAP Services à lui verser les sommes suivantes :

. indemnité compensatrice de préavis :

* à titre principal : 4 586,49 euros correspondant à trois mois de salaire en raison du statut de travailleur handicapé et calculé sur la base d’un temps complet, outre les congés payés à hauteur de 458,65 euros,

* à titre subsidiaire : 3 628,80 euros correspondant à trois mois de salaire en raison du statut de travailleur handicapé et calculé sur la base d’un temps partiel de 120 heures par mois, outre les congés payés à hauteur de 362,88 euros,

. indemnité de licenciement :

* à titre principal : 1 130,70 euros calculée sur la base d’un temps complet,

* à titre subsidiaire : 905,25 euros calculée sur la base d’un temps partiel de 120 heures par mois, étant précisé que l’employeur lui a versé, en suite de son licenciement, une indemnité légale de licenciement d’un montant de 816 euros,

. indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :

* à titre principal : 18 345,96 euros calculés sur la base d’un temps complet et correspondant à 12 mois de salaire,

* à titre subsidiaire : 14 515,20 euros calculés sur la base d’un temps partiel et correspondant à 12 mois de salaire,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Altris ADHAP Services à lui verser la somme de 4 330,01 euros au titre du rappel de rémunération lié aux déplacements pour la période allant de septembre 2016 au 14 novembre 2019, outre les congés payés y afférents à hauteur de 433 euros,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Altris ADHAP Services à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 21 mai 2019, date de réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

– ordonner la délivrance des bulletins de paie mensuels, de l’attestation Pôle emploi et du certificat de travail conformes à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document, la cour d’appel de céans se réservant la faculté de liquider l’astreinte,

– condamner la société Altris ADHAP Services à verser à Me Roselyne Malecot la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Altris ADHAP Services aux entiers dépens, y compris les frais d’exécution de la décision à intervenir.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Altris ADHAP Services demande à la cour de :

– déclarer Mme [W] recevable en son appel,

– déclarer Mme [W] mal fondée,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à verser à Mme [W] la somme de 4 330,01 euros au titre du rappel de rémunération lié aux déplacements pour la période de septembre 2016 à novembre 2019 et la somme de 433 euros au titre des congés payés y afférents, ordonné la remise des bulletins de paie, de l’attestation Pôle emploi, du certificat de travail et du reçu pour solde de tout compte modifiés et l’a condamnée à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 21 mai 2019,

– confirmer pour le surplus le jugement entrepris,

– débouter Mme [W] de sa demande de résiliation du contrat de travail,

– débouter Mme [W] de ses demandes plus amples ou contraires,

– dire que chacun des parties conservera la charge de ses frais et dépens,

– dire n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la requalification du temps partiel en temps complet de septembre 2016 à février 2017 et à compter de novembre 2017 jusqu’en novembre 2019

La salariée fait valoir, qu’en dehors de la période allant du 1er mars au 31 octobre 2017 au cours de laquelle elle relevait d’un avenant ayant porté sa durée de travail à temps complet, l’employeur lui a fait signer plusieurs contrats différents à temps partiel et qu’en tout état de cause elle relevait des dispositions du contrat de travail à temps partiel du 24 août 2016.

La salariée explique que l’employeur ne respectant aucun délai de prévenance et établissant des plannings après la réalisation de ses interventions de sorte que ses plannings hebdomadaires et mensuels- édités notamment après les interventions réalisées ou en fin de mois- font apparaître qu’elle était présumée avoir travaillé à temps complet. Elle précise que ces plannings font apparaître qu’elle ne travaillait pas toujours d’une semaine à l’autre et d’un mois à l’autre les mêmes jours de la semaine et aux mêmes heures et que son jour de repos fixé le samedi était régulièrement modifié voire annulé avec des fluctuations d’horaires.

La salariée ajoute que l’employeur ne rapporte pas la preuve qu’elle n’était pas placée dans l’impossiblité de prévoir à quel rythme elle devait travailler, et qu’elle devait se tenir à sa disposition.

L’employeur objecte que la relation salariale qui prévaut dans les services à la personne est spécifique dans la mesure où elle combine une flexibilité du travail, des temps et des heures de travail avec une exigence d’adaptation permanente de la qualité du service aux attentes des bénéficiaires des prestations, le législateur ayant prévu plus de souplesse et des règles dérogatoires au droit commun du droit du travail.

Il précise qu’il respecte la procédure requise pour chacun des contrats de ses salariés alors qu’il est adhérent au réseau de l’entreprise Adhap, première franchise de service à la personne au niveau national. Il explique qu’il applique la convention collective dont les dispositions autorisent des adaptations à l’horaire de travail des salariés en raison des nécessités de service correspondant à des situations d’urgence.

L’employeur expose qu’il a toujours fait droit aux demandes de modifications du temps de travail de la salariée et qu’elle ne peut pas laisser entendre qu’il a dactylographié les avenants qu’il lui a fait signer, la salariée y ayant librement apposé sa signature.

**

Aux termes de l’article L.3123-6 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, ‘le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L’avenant au contrat de travail prévu à l’article L.3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.’.

Il résulte des dispositions de l’article L. 3123-14 3° du code du travail qu’en l’absence de stipulations au contrat de travail relatives au jour du mois auxquels sont communiqués par écrit les horaires de travail des salariés des entreprises et associations d’aide à domicile, ceux-ci doivent l’être avant le début de chaque mois.

L’absence d’une telle communication fait présumer que l’emploi est à temps complet et il incombe alors à l’employeur de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur. (Soc., 20 février 2013, pourvoi n° 11-24.012, Bull. 2013, V, n° 46)

Pour renverser cette présomption, l’employeur a une double preuve à rapporter:

– celle de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue,

– celle de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition et les juges du fond doivent vérifier que cette double preuve est rapportée.

Par ailleurs, aux termes de l’article L.3123-24, ‘une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu peut déterminer le délai dans lequel la modification de la répartition de la durée du travail est notifiée au salarié.

Ce délai ne peut être inférieur à trois jours ouvrés. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, ce délai peut être inférieur pour les cas d’urgence définis par convention ou accord de branche étendu ou par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement.

La convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, la convention ou l’accord de branche étendu prévoit les contreparties apportées au salarié lorsque le délai de prévenance est inférieur à sept jours ouvrés.’.

Les dispositions de la section 2 de la convention collective relative à la durée effective du travail prévoient, aux termes de l’arrêté du 3 avril 2014 portant extension de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne, que:

‘Amplitude quotidienne de travail

L’amplitude quotidienne de travail est d’au plus 12 heures.

L’amplitude quotidienne de travail peut être portée à 13 heures pour les activités auprès de publics fragiles et/ ou dépendants. Cependant, en cas de dépassement du temps normal contractuel de trajet du domicile au lieu d’intervention (cf. point d, section 2), le dépassement constaté doit alors s’imputer sur l’amplitude quotidienne maximale de travail de 13 heures.

L’amplitude quotidienne de travail est calculée sur une même journée de 0 heure à 24 heures. (2)

Durée maximale quotidienne

La durée quotidienne du travail effectif est en principe de 10 heures, toutefois dans la limite de 70 jours par an elle pourra être portée à un maximum de 12 heures.

La durée quotidienne maximale du travail s’apprécie dans le cadre de la journée, c’est-à-dire de 0 heure à 24 heures.

Durée maximale hebdomadaire

La durée hebdomadaire de travail effectif ne peut dépasser 48 heures ou 44 heures sur une période quelconque de 12 semaines consécutives.

i) Répartition de l’horaire de travail

Le détail des interventions accomplies par le salarié auprès des bénéficiaires est tenu à sa disposition par l’employeur. Le salarié peut le consulter à tout moment.

La répartition de l’horaire de travail peut être modifiée en fonction des impératifs de service.

Pour un salarié à temps partiel, les modifications relatives à la répartition de son horaire de travail doivent lui être notifiées dans un délai qui ne peut être inférieur à 3 jours calendaires sauf dans les cas suivants :

-absence non programmée d’un (e) collègue de travail ;

-aggravation de l’état de santé du bénéficiaire du service ;

-décès du bénéficiaire du service ;

-hospitalisation ou urgence médicale d’un bénéficiaire de service entraînant son absence ;

-arrivée en urgence non programmée d’un bénéficiaire de service ;

-maladie de l’enfant ;

-maladie de l’intervenant habituel ;

-carence du mode de garde habituel ou des services assurant habituellement cette garde ;

-absence non prévue d’un salarié intervenant auprès d’un public âgé ou dépendant ;

-besoin immédiat d’intervention auprès d’enfant dû à l’absence non prévisible de son parent.

En contrepartie d’un délai de prévenance de modification des horaires inférieur à 7 jours, dans le respect des plages d’indisponibilité devant figurer impérativement au contrat de travail, le salarié a la possibilité de refuser 7 fois par année civile la modification de ses horaires, sans que ces refus ne constituent une faute ou un motif de licenciement et sans que ces heures ne puissent être déduites d’une quelconque manière. (3)

Tout refus de modification d’horaire doit être confirmé par écrit par l’employeur au salarié. Cette confirmation devant reprendre la proposition d’horaire d’intervention refusée, le nombre de refus comptabilisé par l’employeur dans l’année civile ainsi que les plages d’indisponibilités contractuelles. (3)’.

Cet arrêté d’extension a été censuré par le Conseil d’État qui, dans sa décision 381870 du 12 mai 2017, a annulé les stipulations précitées du i) de la section 2 [du chapitre II], en tant qu’elles permettent, en dehors des cas d’urgence dont elles fixent la liste, d’abaisser à trois jours calendaires le délai minimum de notification des modifications de l’horaire de travail .’.

L’article 1er de l’avenant du 6 octobre 2017 portant révision du chapitre II de la convention collective faisant suite à cette décision prévoit que ‘ Le point b de la section 3 du chapitre II de la partie 2 de la convention collective est remplacé comme suit :

« b) Organisation du travail à temps partiel

L’organisation du travail d’un salarié à temps partiel doit se faire conformément au droit commun, avec notamment :

‘ ‘ un respect des délais de prévenance prévus pour les entreprises du secteur des services à la personne rappelés au point i) de la section 2 (1), sauf pour la réalisation d’interventions urgentes;

‘ ‘ la possibilité pour l’employeur d’imposer au salarié l’accomplissement d’heures complémentaires dans la limite de 33 % de la durée contractuelle ;

‘ ‘ la période minimale continue de travail par jour est fixée à une heure. Elle se définit comme une période continue, comprenant le temps éventuel de déplacement entre les interventions au sein de cette même période, sans qu’intervienne d’interruption non rémunérée ;

‘ ‘ enfin, les entreprises s’engagent à mettre en place toutes les mesures nécessaires à garantir aux salariés à temps partiel les mêmes droits que ceux reconnus aux salariés à temps plein. L’employeur s’engage à garantir aux salariés embauchés à temps partiel et soumis aux stipulations spécifiques du travail à temps partiel, l’égalité d’accès aux possibilités de promotion, de carrière et de formation. ».

L’article 2 prévoit que ‘ Après le dernier alinéa du point i) de la section 2 du chapitre II de la partie 2 de la convention collective est ajouté le paragraphe suivant :

« En contrepartie d’un délai de prévenance de modification des horaires inférieur à 7 jours, dans le respect des plages d’indisponibilité devant figurer impérativement au contrat de travail, le salarié a la possibilité de refuser 7 fois par année civile la modification de ses horaires, sans que ces refus ne constituent une faute ou un motif de licenciement et sans que ces heures ne puissent être déduites d’une quelconque manière.

Tout refus de modification d’horaire doit être confirmé par écrit par l’employeur au salarié. Cette confirmation devant reprendre la proposition d’horaire d’intervention refusée, le nombre de refus comptabilisé par l’employeur dans l’année civile ainsi que les plages d’indisponibilités contractuelles. »

Il résulte de tout ce qui précède que la convention collective, qui ne vise plus un délai de prévenance de trois jours ouvrés mais de sept jours pour modifier le planning prévisionnel, lequel doit être communiqué au salarié avant le début de chaque mois sauf cas d’urgence listés dans la convention.

Au cas présent, il convient d’examiner les conditions dans lesquelles la salariée a été informée de ses horaires de travail et de leur modification, notamment en cas d’urgence.

L’article 6 relatif à la durée du travail du contrat à durée indéterminée à temps partiel ( 60 heures mensuelles) signé par la salariée le 29 juillet 2016 puis le 24 août 2016( 100 heures mensuelles) indique que :

– conformément aux dispositions conventionnelles applicables, la société se réserve la possibilité de faire effectuer à Mme [W] des heures complémentaires dans la limite de 33% de la durée mensuelle du travail prévue au présent contrat,

– chaque mois un détail des horaires journaliers sera communiqué. Ce détail précise le nom des bénéficiaires et la durée de chaque intervention,

– à titre indicatif, il est indiqué que les horaires de travail seront répartis sur les plages horaires prévisionnelles indicatives suivantes : 6h-23h,

– le salarié pourra être amené à effectuer des présences nocturnes entre 22h et 7h,

– le jour de repos habituel de Mme [W] est fixé au samedi ( dimanche pour le contrat du 29 juillet 2016). Celui-ci pourra éventuellement être modifié,

– Mme [W] déclare n’avoir aucune plage d’indisponibilité.

L’article 2 du contrat de travail de la salariée rappelle également les cas dans lesquels la durée et la répartition des horaires sont susceptibles d’être modifiées en fonction des impératifs de services aux personnes et, notamment, reprend la liste précitée des situations définies par la convention collective applicable.

Les dispositions contractuelles respectent donc les dispositions du code du travail et de la convention collective applicable sauf en ce que l’employeur ajoute à ces dispositions la mention ‘en fonction des impératifs de services aux personnes et notamment…’, la liste de la convention collective étant limitée, sans possibilité de prévoir d’autres cas d’urgence.

La salariée a été en arrêt de travail du 03 au 10 novembre 2017, du 28 mai au 08 juillet 2018, à mi-temps thérapeutique du 09 juillet au 31 août 2018, puis à nouveau en arrêt de travail du 5 octobre 2018 au 10 mars 2019, du 05 juin 2019 au 23 juin 2019 et enfin du 15 novembre 2019 jusqu’à la rupture.

Durant les périodes travaillées, la salariée produit des plannings mensuels dont la date d’édition est mentionnée en bas de page. A défaut d’autre preuve de la communication par l’employeur à la salariée de ses horaires de travail, la cour retient cette date comme valant remise effective de ses horaires mensuels.

Les plannings communiqués par la salariée en 2016 et 2017 ont été tous édités le 12 décembre 2017 et l’employeur n’apporte aucun élément justifiant la date exacte de remise de ces documents chaque mois.

Les plannings mensuels en 2018 sont édités :

– le 2 février pour les mois de janvier et février,

-le 28 février pour le mois de mars,

– le 30 mars pour le mois d’avril,

– le 7 mai pour le mois de mai

– le 4 octobre pour le mois de septembre.

Certains planning ont été réédités le mois suivant pour prendre en compte les modifications intervenues.

Les plannings de 2019 ont été remis en main propre à la salariée contre émargements en début de mois avec la mention ‘ sous réserve de modifications’.

La comparaison entre les plannings hebdomadaires remis à la salariée et ceux réédités à la suite de modifications montrent que l’employeur a souvent ajouté des prestations de travail à la salariée en milieu de journée ou en soirée ( pièces n° 16 et 23)

Ces plannings établissent la grande variation alléguée par la salariée dans l’organisation du travail s’agissant du jour, du lieu et de l’horaire, sans aucune constance d’une semaine à l’autre, sur une plage horaire allant en moyenne de 9h à 20h.

La salariée a été régulièrement amenée à commencer sa journée de travail à 7h et à la terminer à 21h, avec une grande pause dans la journée.

La salariée a également effectué des journées de 9 à 12h en 2017 (à cinq reprises) mais toujours inférieures à 7h45 pour le reste de la relation contractuelle, ce qui reste d’ailleurs très exceptionnel, le temps moyen journalier de travail étant de 2 à 5 heures.

C’est aussi à juste titre que la salariée souligne qu’elle n’a pas toujours bénéficié d’un repos quotidien de 11 heures entre deux interventions, c’est le cas notamment en décembre 2017 (le 24 décembre 2017 : 14h -21 h, puis le 25 décembre 2017 : 7h-13h, puis 18h30-20h).

Il ressort des SMS produits par la salariée que ces plannings hebdomadaires lui étaient remis le vendredi pour la semaine suivante .

Par ailleurs, la salariée établit par la copie de SMS adressés par l’employeur en 2018 et 2019 que l’employeur l’a informée à plusieurs reprises de la modification de son emploi du temps le jour-même (08/08/2018), ou la veille (les 28 /05/201/18- 16//07/2018, 02/04/2019-10/04/2019-02/05/2019-26/09/2019), et régulièrement moins de 7 jours à l’avance ( plusieurs SMS pièce n° 15), s’agissant d’annulation en dernière minute de prestations ou de prestation ajoutées  

(-25/05/2018- 13/08/2018).

L’employeur ne justifie pas que les modifications intervenues correspondent àl’un des cas d’urgence visés par la convention collective applicable, sauf pour la modification intervenue le 16 avril 2018 pour congé maladie d’un autre salarié.

En outre, la salariée a été amenée à travailler à plusieurs reprises le samedi, son jour de repos.

En définitive, il ressort de l’ensemble de ces éléments que pendant une grande partie de la relation contractuelle l’employeur n’a pas remis à la salariée le planning mensuel avant le début du mois et n’a pas respecté le délai de prévenance imposé de 7 jours, faute d’établir l’existence d’un cas d’urgence.

S’il est exact que pour prendre en compte les contraintes particulières d’exercice des entreprises d’aide à domicile, soumises à des variations d’horaires importantes, le législateur les a exonérées de l’obligation de faire figurer, dans les contrats de travail, la répartition des horaires, il n’en demeure pas moins que les salariés ne doivent pas être placés dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme ils doivent travailler en raison d’une instabilité des horaires à laquelle les soumettrait l’employeur.

Dès lors, l’absence de communication régulière des plannings pendant plusieurs années fait présumer que l’emploi est à temps complet et l’employeur ne rapporte pas la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue de manière anticipée, et d’autre part, que la salariée n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de son employeur.

Le contrat à temps partiel sera donc requalifié en un contrat à temps complet de septembre 2016 à février 2017 puis de novembre 2017 à novembre 2019 et ce d’après le tableau remis par la salariée (pièce n°17) qui a déduit de son décompte les temps d’absence (mi-temps thérapeutique, arrêts de travail) et dont le mode calcul n’est pas discuté par l’employeur.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de rappel de salaire qui s’élève à la somme de 5 326,81 euros sur le tableau produit et non à la somme de 6 814,04 euros comme indiqué et non justifié dans les écritures de la salariée outre 532,68 euros de congés payés afférents. Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.

Sur le rappel de salaire au titre des congés sans solde

La salariée prétend que l’employeur a procédé quasiment chaque mois à des retenues de salaire pour des montants non négligeables au motif qu’il s’agissait de ‘ congés sans solde’ et qu’elle n’a pas demandé à bénéficier d’un tel congé à l’exception du mois de décembre 2016.

L’employeur réplique que la salariée était régulièrement absente pour raisons personnelles.

***

L’employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition. Dès lors, inverse la charge de la preuve l’arrêt qui retient que le salarié n’établit ni avoir fourni un travail ni s’être trouvé dans une situation imposant le versement de son salaire, alors qu’il appartient à l’employeur de démontrer que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou qu’il ne s’est pas tenu à sa disposition. ( soc., 23 octobre 2013, pourvoi n° 12-14.237, Bull. 2013, V, n° 248 -publié)

Ayant constaté que l’employeur ne justifiait pas que le salarié avait demandé à bénéficier d’un congé sans solde ou ne s’était pas tenu à sa disposition, la cour d’appel a exactement décidé, sans inverser la charge de la preuve, que l’intéressé avait droit au paiement de sa rémunération. ( Soc., 27 janvier 2016, pourvoi n° 14-11.860)

En l’espèce, les parties s’accordant pour le mois de décembre 2016, l’employeur ayant versé au dossier la feuille de pointage de la salariée.

Par ailleurs, l’employeur produit aux débats des lettres de la salariée qui lui demande pour les mois d’avril, mai et juin 2017 de lui ‘diminuer ‘ ses heures de sorte qu’elle ne peut pas pour ces mois-ci contester le fait que l’employeur a retenu d’office des journées de congé sans solde .

La salariée produit les plannings mensuels remis par l’employeur en début de mois et ceux ensuite modifiés en fin de mois dont il ressort par comparaison entre ce qui a été prévu et ce qu’elle a réellement effectué qu’elle a été absente à plusieurs reprises entre février et mai 2018 ‘sans motif’ ou pour des ‘raisons personnelles’.

Par lettre du 2 mai 2018, l’employeur a notifié à la salariée un avertissement en raison de ses absences imprévues.

Par extrait de relevé de temps informatisé, l’employeur établit également que la salariée a été absente sans motif en avril 2019 et par lettre de ‘mise au point’ du 8 novembre 2019, l’employeur rappelle à la salariée qu’elle doit justifier de ses absences.

Pour les dernières périodes litigieuses correspondant aux mois d’octobre et novembre 2016, l’employeur n’établit pas que la salariée a sollicité un congé sans solde ou ne s’est pas tenue à sa disposition

En conséquence, il sera fait droit à la demande de la salariée uniquement pour ces deux mois pour la somme de 389,20 euros, outre 38,92 euros de congés payés afférents sur la base du tableau en pièce 17, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur l’obligation de sécurité

La salariée indique avoir été engagée alors qu’elle bénéficiait du statut de travailleur handicapé dont l’employeur avait connaissance et qu’elle n’a eu qu’une visite auprès de la médecine du travail en janvier 2017. Elle précise que l’employeur a omis d’organiser la visite de reprise à son retour le 9 juillet 2018 et l’a fait travailler dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique puis de nouveau à raison de 120 heures par mois en septembre 2018 sans avis du médecin du travail, en modifiant son planning hebdomadaire en avril 2019 quand son mari a signalé à l’employeur ses problèmes abdominaux et n’a ensuite pas limité ses déplacements quand le médecin du travail l’a demandé en juillet 2019.

Elle estime que l’employeur a délibérément occulté la médecine du travail et ce en dépit des problèmes de santé dont elle se plaignait dans le cadre de l’accomplissement de ses fonctions et qui se sont dégradés au fil des mois, l’employeur ne rapportant pas la preuve qu’il a pris les mesures nécessaires afin que les conditions de travail ne dégradent pas davantage son état de santé.

L’employeur objecte que le contrat de travail de la salariée a pu normalement être exécuté jusqu’à son examen par le médecin du travail le 2 janvier 2017, que le médecin de la CPAM a décidé de la reprise à mi-temps thérapeutique et que s’il n’a pas procédé à l’examen d’embauche et que s’il est bien fautif de ne pas avoir procédé à l’examen de reprise après l’arrêt de travail du 28 mai 2018, il n’en est résulté aucun préjudice pour la salariée qui a repris son poste de travail et dont le dernier avis médical l’a déclarée apte.

L’employeur ajoute que pour la période postérieure, il a saisi le médecin du travail pour la visite soit organisée dans un délai de huit jours à compter de la reprise de la salariée, ce simple retard n’étant pas un manquement grave, aucune atteinte à la santé de la salariée n’étant avérée. L’employeur affirme avoir fait tout son possible pour respecter ensuite les préconisations du médecin du travail, la salariée étant ambivalente en ce qu’elle demande la requalification de son contrat de travail à temps plein alors que ce serait contraire aux préconisations médicales. Il précise également que la salariée lui a fourni en novembre 2019 un arrêt de travail antitadé et deux arrêts de travail contradictoire du même jour.

***

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité.

. de septembre 2016 à mars 2019

La salariée, qui travaillait à temps complet depuis le 1er mars 2017, est repassée à 120 heures par mois le 1er novembre 2017. Elle a été en arrêt de travail du 28 mai au 07 juillet 2018, du 5 octobre 2018 au 10 mars 2019. Elle a été en mi-temps thérapeutique du 8 juillet 2018 au 31 août 2018.

Il est établi que la visite d’embauche de la salariée s’est tenue avec plusieurs mois de retard et qu’elle a repris son travail à mi-temps thérapeutique en juillet 2018 après un accident du travail sans visite de reprise du médecin du travail, la salariée ayant ensuite signé un avenant à raison de 120 heures par mois en septembre 2018.

L’employeur a ensuite organisé une visite de reprise le 15 mars 2019 et la salariée a été déclarée apte à la reprise de sorte que le retard pris par l’employeur pour organiser la visite d’embauche et l’absence de visite de reprise en juillet 2018 sont établis mais la salariée ne justifie d’aucun préjudice résultant de cette situation.

.à compter d’avril 2019

Si le mari de la salariée a informé l’employeur en avril 2019 que son épouse rencontraient des difficultés de santé l’empêchant d’assurer le lever et le coucher des clients, ce dernier en a tenu compte en modifiant le planning mais aucune pièce n’établit qu’il avait été tenu au courant préalablement de cette situation.

La salariée a été ensuite en arrêt de travail du 05 juin 2019 au 23 juin 2019.

La salariée a sollicité un nouvel examen du médecin du travail qui par attestation de suivi du 8 juillet 2019 a proposé un aménagement technique et/ou organisationnel de son poste : ‘ essayer de regrouper les interventions dans un petit secteur afin de limiter les déplacements’, la salariée n’ayant pas le permis de conduire.

En tout état de cause, le médecin du travail n’a pas déclaré inapte la salariée en juillet 2019.

Sur demande du médecin du travail, le docteur [I] de l’Assistance Publique des Hôpitaux de [Localité 6], a préconisé le 11 juillet 2019 ‘un renforcement de la prise en charge médicale avec augmentation des anti-algiques, avis auprès d’un centre anti-douleur et une demande d’invalidité afin de favoriser un exercice à temps partiel , ce qui permettrait un allégement du rythme de travail avec une compensation financière. L’inaptitude me semble prématurée et ne saurait être justifiée qu’en cas d’échec de ces démarches et après un avis spécialisé gynécologique’.

Il ressort des plannings que l’employeur n’a pas respecté la recommandation du médecin du travail une vingtaine de fois entre juillet et novembre 2019 en lui demandant d’intervenir le même jour chez deux clients qui ne résidaient pas comme elle à [Localité 7] En [Localité 7] (cf [Localité 5] /[Localité 3]).

Enfin, la salariée a été arrêtée le 15 novembre 2019 et a bénéficié d’une pension d’invalidité en avril 2020.

Le 12 octobre 2020, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude après étude de poste et échanges avec l’employeur.

La salariée se prévaut de certificats médicaux de son médecin du travail et de ses arrêts de travail mais l’employeur réplique à juste titre qu’il n’a pas eu connaissance du contenu de ces documents médicaux, notamment du certificat du 13 janvier 2020 d’un gynécologue qui conclut à la contre-indication de réalisation de tâches habituelle de la salariée à son poste.

Dès lors, l’employeur établit qu’il a respecté au mieux les recommandations du médecin du travail.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’obligation de sécurité.

Sur l’exécution fautive et déloyale du contrat de travail

La salariée soutient que l’employeur l’a fait travailler plus de six heures d’affilée sans pause à plusieurs reprises, que l’employeur ne lui a pas versé l’indemnité forfaitaire à laquelle elle peut prétendre pour la quatrième interruption d’une durée supérieure dans la même journée et qu’il ne lui a permis également de bénéficier des repos journalier et hebdomadaires qui relèvent du droit de la santé, ce que conteste l’employeur.

. Sur la durée du temps de travail

En application de l’article 2 relatif au travail de nuit, du titre I de la section II de la convention collective, ‘est considéré comme travail de nuit, la période de travail effectif qui s’étend de 22 heures à 7 heures’ (…)Le travailleur de nuit bénéficie d’une pause d’au moins 20 minutes dès lors que son temps de travail effectif atteint six heures.’

Il est établi que la salariée a assuré la garde d’une personne bénéficiaire plus de six heures d’affilée, soit de 13 heures à 23 heures, le 25 septembre 2016, les dispositions conventionnelles n’ont donc pas été respectées à une reprise pendant toute la relation contractuelle.

. Sur l’indemisation forfaitaire au-delà de trois interruptions

La convention collective prévoit que :’Temps entre deux interventions (1)

Les temps entre deux interventions sont pris en compte comme suit :

-en cas d’interruption d’une durée inférieure à 15 minutes, le temps d’attente est payé comme du temps de travail effectif ;

-en cas d’interruption d’une durée supérieure à 15 minutes (hors trajet séparant deux lieux d’interventions), le salarié reprend sa liberté pouvant ainsi vaquer librement à des occupations personnelles sans consignes particulières de son employeur n’étant plus à sa disposition, le temps entre deux interventions n’est alors ni décompté comme du temps de travail effectif, ni rémunéré.

Une journée de travail comporte un maximum de quatre interruptions.

g) Pluralité d’interruptions dans une même journée de travail

Dans la branche, une journée de travail peut comporter plus d’une interruption d’activité ou une interruption supérieure à 2 heures.

Une même journée de travail peut comporter un maximum de 4 interruptions, dont 2 ne peuvent pas dépasser 2 heures chacune.

Lorsque dans une même journée de travail, surviennent plus de 3 interruptions d’une durée supérieure à 15 minutes chacune, une indemnisation forfaitaire est versée au salarié pour la quatrième interruption d’un montant qui ne pourra être inférieur à 10 % du taux horaire du salarié concerné.’.

La salariée justifie qu’elle a effectué à sept reprises en mars et avril 2019 plus de trois interruptions dans la même journée de travail, l’employeur contrevenant donc aux dispositions de la convention collective.

. Sur le repos journaliers et hebdomadaires

Aux termes des articles L.3131-1 et L.3131-2 du code du travail, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret. Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut déroger à la durée minimale de repos quotidien prévue à l’article L. 3131-1, dans des conditions déterminées par décret, notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d’assurer une continuité du service ou par des périodes d’intervention fractionnées.

La convention collective prévoit que :

‘L’amplitude quotidienne de travail est d’au plus 12 heures. L’amplitude quotidienne de travail peut être portée à 13 heures pour les activités auprès de publics fragiles et/ ou dépendants.

Est considéré comme travail de nuit, la période de travail effectif qui s’étend de 22 heures à 7 heures. Le travailleur de nuit bénéficie d’un repos quotidien de 11 heures consécutives.’

Il ressort des plannings de la salariée et de ceux identiques de l’employeur qu’elle a eu un repos quotidien uniquement de 10 heures à plusieurs reprises pendant la relation contractuelle entre mars 2017 et janvier 2018.

Toutefois, il ne s’agissait pas d’un travail de nuit puisque la salariée terminait sa journée à 20h30 ou 21 heures, et reprenait le lendemain matin à 7 heures de sorte que l’employeur n’a pas contrevenu aux dispositions de la convention collective applicable.

En revanche, il est établi que la salariée a travaillé chaque jour entre le 18 mai et le 9 juin 2017, soit 23 journées sans aucun repos, ce qui n’est pas conforme aux dispositions de l’article L.3132-1 du code du travail qui ‘ interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine’.

. Sur l’atteinte portée à la dignité de la salariée

Il ressort des plannings et du SMS du 26 mars 2019 que la salariée a été amenée à effectuer à quelques reprises des temps de ménage des bureaux de la société Altris ADHAP Services.

La salariée a été engagée en qualité d’assistante de vie et son contrat ne prévoit pas qu’elle effectue des heures de ménage pour le compte de l’employeur.

En conséquence, la salariée établit que l’employeur n’a pas respecté les dispositions légales, conventionnelles et contractuelles relatives à l’organisation de son travail à plusieurs reprises.

Ces manquements de l’employeur seront réparés par l’indemnisation de la salariée qui a subi un préjudice résultant de cette situation. Le jugement sera donc infirmé et l’employeur condamné à verser à la salariée la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

Sur le rappel de salaire au titre du maintien de salaire pendant un arrêt de travail

La salariée sollicite un rappel de salaire de l’employeur pendant les arrêts de travail au motif qu’il n’a pas complété son salaire après versement par la CPAM des indemnités journalières.

Les parties ne s’opposent pas sur le principe du complément de salaire à apporter par l’employeur mais ce dernier invoque l’absence de remise par la salariée de toutes les attestations de la CPAM et indique qu’il a procédé les 22 et 29 novembre 2019 depuis la saisine du conseil de prud’hommes, puis le 29 juin 2020, à une régularisation de salaires d’après les documents remis par la salariée (pièces n°36, 46 et 57 de l’employeur).

La salariée sollicite un rappel de salaire complémentaire mais la cour relève qu’elle ne produit toujours pas au dossier les attestations de la CPAM au titre des versements des indemnités journalières qui permettraient à l’employeur de procéder à la régularisation à laquelle il s’est engagé, de sorte qu’il ne sera pas fait droit à sa demande pour les périodes du 5 juin au 8 juillet 2018, du 12 octobre au 8 novembre 2018 et du 19 novembre 2019 au 17 janvier 2020.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur les temps de déplacement entre deux lieux d’intervention de septembre 2016 au 14 novembre 2019

La salariée affirme que l’employeur entretient délibèrement une confusion entre le temps de déplacement professionnel pour se rendre d’un lieu d’intervention à un autre lieu d’intervention et le temps, en dehors du temps de déplacement, entre deux interventions. Elle explique que l’employeur ne prévoit pas sur les plannings de temps de déplacements entre deux interventions alors qu’elles ne sont pas situées à la même adresse et que les déplacements sont supérieurs à 15 minutes.

L’employeur objecte que le temps de travail de la salariée inclut le temps de trajet pour se rendre d’un client à l’autre et qu’elle retient, si besoin, une durée d’un quart d’heure pour faire ce trajet, conformément aux dispositions de la convention collective.

La convention collective prévoit en sa section II que :

e) Temps de déplacement entre deux lieux d’intervention

Le temps de déplacement professionnel pour se rendre d’un lieu d’intervention à un autre lieu d’intervention constitue du temps de travail effectif lorsque le salarié ne peut retrouver son autonomie.’.

Par ailleurs, comme indiqué précédemment,’en cas d’interruption d’une durée inférieure à 15 minutes, le temps d’attente est payé comme du temps de travail effectif ‘.

Il ressort des plannings mensuels à compter d’octobre 2016 et hebdomadaires à compter d’octobre 2017, que la salariée est amenée à se rendre successivement chez des clientqui ne résident pas dans la même commune ou dans sa propre commune, à [Localité 7].

Dans certains cas, l’employeur inclut le temps de déplacement dans le temps de travail effectif puisqu’elle se trouve, par exemple, à 10 heures chez le premier client puis à 11 heures chez le second.

Pour les autres situations dont se prévaut la salariée, son argument repose sur l’exemple du mois de septembre 2016 qui est détaillé dans ses conclusions.

Toutefois, la salariée ne communique pas le planning de ce mois pour que la cour soit en mesure d’apprécier si la salariée avait l’impossibilité de rentrer chez elle et de retrouver son autonomie avant de se rendre directement chez le client suivant.

La salariée produit ensuite un tableau récapitulatif mensuel de sa demande sans davantage d’explications, les tableaux hebdomadaires sur lesquels sont indiqués les adresses des clients n’étant versés au dossier qu’à compter d’octobre 2017.

Ainsi, la salariée retient 11 heures de temps de déplacement pour le mois d’avril 2018, ce qui ne résulte pas de ces plannings hebdomadaires, la salariée enchaînant les interventions de sorte que le temps de trajet devient du temps de travail effectif ou disposant d’au moins une heure entre deux interventions, l’un des clients résidant, comme elle, à [Localité 7].

Enfin, les dispositions de la convention collective trouvent alors à s’appliquer alors que l’employeur justifie que le temps de déplacement de 15 minutes (au maximum) entre deux clients est rémunéré, ce que l’employeur appelle ‘intervacation’ dont la salariée a bénéficié du paiement tel que mentionné sur les bulletins de paye, et ce pour une durée totale d’intervacations comprise entre 1 heure et 5 heures par mois pour un contrat dont la cour rappelle qu’il a été notamment fixé à 100 ou 120 heures de travail.

La décision des premiers juges sera infirmée et la salariée sera donc déboutée de sa demande de condamnation de rappel de rémunération au titre des déplacements.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

La salariée affirme que l’absence de mention de toutes les heures consacrées aux temps de déplacement sur les bulletins de paye démontre l’intention frauduleuse de l’employeur et caractérise le travail dissimulé, ce que conteste l’employeur.

La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 2°du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l’occurrence, la salariée a été déboutée de sa demande au titre du rappel de rémunération sur les déplacements entre chaque client.

En conséquence, l’élément intentionnel n’étant pas caractérisé, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de débouter la salariée de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsqu’un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que l’employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée. Si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d’envoi de la lettre de licenciement.

La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l’initiative du salarié et aux torts de l’employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au soutien de sa demande de résiliation de son contrat de travail, la salariée invoque les manquements suivants :

– la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, ce qui a été précédemment établi,

– les retenues de salaire indûment opérées par l’employeur au titre des congés sans solde , ce qui seulement établi pour les mois d’octobre et novembre 2016, l’employeur justifiant ensuite sur toute la relation contractuelle du bien-fondé des retenues sur salaire,

– la violation de l’obligation de sécurité, ce qui a été précédemment établi pour 2016 et 2017 mais pas pour 2018 et 2019,

– une exécution fautive du contrat travail, ce qui est établi,

– le rappel de salaire au titre du maintien de salaire pendant un arrêt de travail, ce qui n’a pas été établi,

-la violation des dispositions de la convention collective relatives aux déplacements entre deux interventions, ce qui n’est pas établi,

– le travail dissimulé en raison des déplacements non comptabilisés sur les fiches de paye par l’employeur, ce qui n’est pas établi.

Dès lors, plusieurs manquements de l’employeur à ses obligations légales et contractuelles sont établis et suffisamment graves pour empêcher la poursuite par la salariée de son contrat de travail.

La rupture intervenue le 10 novembre 2020 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières de la rupture

La salariée a été licenciée pour inaptitude non professionnelle et a déjà perçu les indemnités de rupture.

Toutefois, la demande de requalification du contrat de travail à temps plein étant fondée, il convient donc de faire droit à la demande de complément de l’indemnité compensatrice de préavis selon les calculs de la salariée et conformément aux dispositions de l’article L.5213-9 du code du travail applicable à la salariée qui bénéficie du statut de travailleur handicapée (soit trois mois de salaire au lieu de deux), calculs non utilement contestés par l’employeur (pièce n°52).

La salariée peut également prétendre à un rappel d’indemnité légale de licenciement, sur la base d’un salaire brut mensuel reconstitué à temps plein de 1 528,83 euros, également non discuté en son montant par l’employeur.

Enfin, la salariée bénéficie d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au visa des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 qui, contrairement à ses prétentions, sont compatibles avec les dispositions de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT, celles de l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996 n’étant pas d’effet direct en droit interne.

En application des dispositions de l’article L.1235-3 qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié, Mme [W] ayant acquis une ancienneté de quatre années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 mois et 5 mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée (1 528,83 euros bruts à temps complet), de son âge (47 ans), de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi au regard de son statut de travailleur handicapé et de ce que la salariée est en invalidité 1ère catégorie depuis le 1er avril 2020, il y a lieu de condamner euros à lui verser la somme de 7 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l=article L. 1235-4 du code du travail, il convient d=ordonner d=office le remboursement par l=employeur, à l=organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l=arrêt dans la limite de 6 mois d=indemnités.

Sur les autres demandes

L’employeur sera condamné à remettre à la salarié un bulletin de salaire récapitulatif et les documents de fin de contrat conformes à la présente décision, sans toutefois que la nécessité d’une astreinte ne soit démontrée.

Il y a lieu de rappeler que les intérêts courent au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour le surplus. Les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu=ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.

L’employeur , qui succombe au principal, sera débouté de sa demande reconventionnelle formée en application de l’article 700 du code de procédure civile, en première instance et en appel. Il sera condamné à verser à la salariée une indemnité de 4 000 euros à ce titre, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement , sauf en ce qu’il déboute Mme [W] de ses demandes au titre des déplacements entre les lieux d’intervention, du maintien du salaire pendant un arrêt de travail, d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, en ce qu’il ordonne la remise par la société Altris ADHAP Services à Mme [W] des documents de fin de contrat, et déboute la société Altris ADHAP Services de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

REQUALIFIE le contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein de septembre 2016 à février 2017 et de novembre 2017 au 14 novembre 2019,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail,

DIT que la rupture du contrat de travail, intervenue le 10 novembre 2020, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE en conséquence la société Altris ADHAP Services à payer à Mme [W] les sommes suivantes :

– 5 326,81 euros de rappel de salaire au titre de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,

– 532,68 euros de congés payés afférents,

– 389,20 euros de rappel de salaire au titre du congés sans solde pour octobre et novembre 2016,

– 38,92 euros de congés payés afférents,

– 3 000 euros de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

– 4 586,79 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 

– 458,65 euros de congés payés afférents,

– 1 130,70 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 7 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Altris ADHAP Services à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [W] dans la limite de six mois,

ORDONNE à la société Altris ADHAP Services de remettre à Mme [W] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt, sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte.

DIT que les intérêts au taux légal sur les créances indemnitaires courront à compter du prononcé de la présente décision, et à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation à comparaître à l’audience de conciliation pour les créances salariales,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Altris ADHAP Services aux dépens d’appel et à verser à Mme [W] une indemnité de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marine Mouret, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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