Services à la personne : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03570

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Services à la personne : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03570

C 2

N° RG 21/03570

N° Portalis DBVM-V-B7F-LAEC

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL DELGADO & MEYER

SELARL AGNES MARTIN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 06 JUILLET 2023

Appel d’une décision (N° RG 20/00201)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOURGOIN-JALLIEU

en date du 01 juillet 2021

suivant déclaration d’appel du 02 août 2021

APPELANTE :

Madame [R] [M]

née le 27 Février 1964 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Georges MEYER de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. MJ ALPES prise en la personne de Me [W] [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société 2 AD ASSISTANCE ET AUTONOMIE A DOMICILE

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentée par Me Agnès MARTIN de la SELARL SELARL AGNES MARTIN, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Raoudha BOUGHANMI de la SELARL CABINET CHAUPLANNAZ AVOCATS ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON

CGEA AGS D'[Localité 7]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Défaillante

S.A.R.L. 2 AD ASSISTANCE ET AUTONOMIE A DOMICILE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Agnès MARTIN de la SELARL SELARL AGNES MARTIN, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Raoudha BOUGHANMI de la SELARL CABINET CHAUPLANNAZ AVOCATS ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 mai 2023,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport et M.Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 06 juillet 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 06 juillet 2023.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [R] [M], née le 27 février 1964, a été embauchée le 18 février 2013 par la société à responsabilité limitée (SARL) 2AD Assistance et Autonomie à Domicile, exploitant l’enseigne All Service, en qualité d’agent à domicile, suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel renouvelé jusqu’au 18 août 2013.

A compter du 19 août 2013, la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

La durée de travail mensuel initialement fixée à hauteur de’60 heures mensuelles, a été portée à 100 heures par mois à compter du 1er avril 2013, puis à 120 heures par mois à compter du’1er’novembre 2013.

Le contrat était soumis à la convention collective nationale des entreprises des services à la personne du 20 septembre 2012, étendue par arrêté du 3 avril 2014 et entrée en vigueur le’3’novembre 2014.

Par courrier recommandé en date du 1er août 2017, signé collectivement par plusieurs collègues de travail, Mme [R] [M] a dénoncé des anomalies concernant l’exécution de son contrat de travail auprès de la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile et a sollicité une régularisation de sa situation.

Par courrier en réponse en date du 9 août 2017, la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile a indiqué aux salariées qu’elles seraient reçues lors d’un prochain entretien.

Par courrier en date du 7 septembre 2017, la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile a convoqué les salariées à un entretien fixé au 21 septembre 2017.

A cette date Mme [R] [M] a remis à l’employeur un écrit récapitulant ses demandes.

Le 29 septembre 2017 la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile a dressé un compte rendu de l’entretien.

A partir d’octobre 2017 la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile a procédé à la régularisation du niveau de qualification de la salariée et modifié la comptabilisation des temps de déplacement accomplis entre deux interventions.

Par requête en date du 29 mai 2018, Mme [R] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu d’une demande de remise de documents concernant le décompte de son temps de travail par l’employeur.

Par courrier en date du 30 octobre 2019, Mme [R] [M] a notifié sa démission à la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile.

Dans le dernier état de ses demandes devant le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu, Mme [R] [M] a sollicité la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein à compter du mois de septembre 2014, la réévaluation de sa classification professionnelle ainsi que le paiement de diverses sommes liées à l’exécution de la relation contractuelle.

Par jugement en date du 1er juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu a’:

– fixé le salaire de référence de Mme [R] [M] à 1.493,40€.

– dit recevables les demandes de Mme [R] [M]

– dit que le contrat de travail de Mme [R] [M] est requalifié en contrat de travail à temps plein à compter du mois de juin 2015.

– condamné la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile, prise en la personne de son représentant légal à verser à Mme [R] [M]’:

– au titre de rappels de salaires la somme de 10.896,44€

– au titre d’indemnité de congés payés afférents la somme de 1.089,64€

– dit que les fonctions exercées par Mme [R] [M] correspondent à la qualification conventionnelle d’assistante de vie 3 niveau 4.

– condamné la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile à payer à Mme'[R]'[M] la somme de 121,12€ outre 12,12€ de congés payés afférents au titre de rappels de salaires basés sur le taux conventionnel dont elle aurait dû bénéficier.

– condamné la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile à payer à Mme'[R]'[M] la somme de 1.200€ à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée du travail et de l’obligation de sécurité.

– condamné la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile à payer à Mme'[R]'[M] la somme de 500€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

– dit que les sommes accordées porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice.

– ordonné la rectification des bulletins de salaire de 2015, 2016 et 2017 ainsi que du certificat de travail sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter d’un délai de 4 mois, suivant la notification delà présente décision.

– dit que le conseil se réserve la liquidation de ladite astreinte.

– condamné la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile à verser à Mme [R] [M] la somme de 1000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– débouté Mme [R] [M] de toutes ses autres demandes aussi bien principales que subsidiaire.

– dit que les sommes à caractère salarial bénéficient de droit de l’exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution, en application de l’article R. 1454-28 du code du travail

– condamné la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile aux entiers dépens.

– débouté la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile de sa demande reconventionnelle de versement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 10 juillet 2021 pour Mme [R] [M] et sans date pour la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile.

Par déclaration en date du 2 août 2021, Mme [R] [M] a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.

Par jugement en date du 5 octobre 2021, le tribunal de commerce de Vienne a placé la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile en liquidation judiciaire, Maître [O] [W] étant désignée ès qualités de liquidateur judiciaire. Celle-ci est intervenue volontairement à l’instance le 2 février 2022.

L’AGS-CGEA d'[Localité 7] a été assignée en intervention forcée selon acte d’huissier en date du’28 avril 2022.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 avril 2022, Mme'[R] [M] sollicite de la cour de’:

«’Vu les articles, 9, 11, 139, 142 et 489 du code de procédure civile,

Vu l’article R. 1454-19-1 du Code du travail,

Vu le code du travail et les articles L. 1451-1, L. 3121-1, L. 3121-4, L. 3171-4, L. 1222-1 et L.’4121-1,

Juger recevable, justifié et bien-fondé l’appel interjeté par Mme [R] [M];

Juger ses demandes recevables, justifiées et bien fondées ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Jugé que les fonctions exercées par Mme [R] [M] correspondent à la qualification conventionnelle d’assistante de vie 3 niveau IV ;

– Condamné la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile à payer à Mme [R] [M] la somme de 121,12€ outre 12,12€ de congés payés afférents au titre de rappels de salaires basés sur le taux conventionnel dont elle aurait dû bénéficier.

– Jugé que le contrat de travail de Mme [R] [M] est requalifié en contrat de travail à temps plein à compter du mois de juin 2015.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile à verser à Mme [R] [M]:

– Des rappels de salaires au titre de la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein ;

– Des dommages et intérêts pour non-respect des règles en matière de durée de travail et manquement à l’obligation de sécurité ;

– Des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Mais infirmer le quantum de ces condamnations fixées par le jugement entrepris et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile les sommes suivantes:

– 16.937,42 € s’agissant des rappels de salaires sur la base d’un contrat de travail à temps plein, outre la somme de 1.693,74 € au titre des congés payés afférents ;

– 15.000 € s’agissant des dommages et intérêts pour non-respect des règles en matière de durée du travail et manquement à l’obligation de sécurité ;

– 5.000 € s’agissant des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail’;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Fixé le salaire de référence de Mme [R] [M] à 1.493,40 € ;

– Ordonné la rectification des bulletins de salaire de 2015, 2016 et 2017 ainsi que du certificat de travail sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter d’un délai de 4 mois, suivant la notification de la présente décision ;

– Débouté Mme [R] [M] de toutes ses autres demandes aussi bien principales que subsidiaires, lesquelles tendaient à condamner la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile à verser à Mme [R] [M]:

– A titre principal, au titre des heures supplémentaires effectuées en 2015, 2016 et 2017, à titre principal la somme de 3.445,72 € outre la somme de 344,57 €€ au titre des congés payés afférents, et à titre subsidiaire la somme de 1.033,18 € outre la somme de 103,32 € au titre des congés payés afférents,

– A titre subsidiaire, au titre des heures complémentaires effectuées en 2015, 2016 et 2017, la somme de 3.384,86 € outre la somme de 338,82 € au titre des congés payés afférents ;

– La somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait du non-paiement des heures supplémentaires ;

– Et la somme de 9.552,78 € correspondant à l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;

Et, statuant à nouveau :

A titre principal,

Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile, au titre des heures supplémentaires effectuées en 2015, 2016 et 2017 par Mme'[R] [M] :

– À titre principal, la somme de 3.445,72 €outre la somme de 344,57 €€ au titre des congés payés afférents ;

– À titre subsidiaire, la somme de 1.033,18 € outre la somme de 103,32 € au titre des congés payés afférents.

A titre subsidiaire,

Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile la somme de 3.384,86 € € au titre des heures complémentaires effectuées par Mme [R] [M] en 2015, 2016 et 2017, outre la somme de 338,82 € au titre des congés payés afférents ;

En tout état de cause,

Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait du non-paiement des heures supplémentaires ;

Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile la somme de 9.552,78 € correspondant à l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;

Ordonner à la SELARL MJ Alpes de remettre à Mme [R] [M] un bulletin de salaire et des documents de rupture (certificat de travail, solde de tout compte et attestation Pôle emploi) conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50€ à compter de l’expiration d’un délai de 10 jours suivant la notification de la présente décision ;

Se réserver le droit de liquider l’astreinte ;

Fixer le salaire de référence de Mme [R] [M] à 1.582,13€ ;

Et, y ajoutant :

Déclarer que l’arrêt à intervenir sera commun et opposable à l’AGS-CGEA d’Anncey’;

Condamner l’AGS-CGEA d'[Localité 7] à garantir le paiement des sommes allouées ;

Juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal, à compter de la demande en justice ;

Condamner la SELARL MJ Alpes, ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile à verser à Mme [R] [M] la somme de 2.500€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la même aux entiers dépens de l’instance.

Rejeter toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif.’»

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 2 février 2022, Maître [O] [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile sollicite de la cour de’:

«’Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu du 1er juillet 2021,

Vu les articles L. 3121-1 et suiv, L. 3245-1, L. 8323-1 du code du travail,

Vu la convention collective applicable,

Vu les pièces versées aux débats,

Juger irrecevables les demandes de Madame [T] tendant à la condamnation de la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile en liquidation judiciaire à lui payer diverses sommes.

– Confirmer le jugement en ce qu’il a fait droit à la demande de Mme [R] [M] de modification de qualification conventionnelle et lui allouer les sommes de 121,12 € à titre de rappel de salaires, outre les congés payés afférents.

– Infirmer le jugement en ce qu’il a fait droit à la demande de Mme [R] [M] mal de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et l’en débouter.

– Infirmer le jugement en ce qu’il a alloué à Mme [R] [M] un rappel de salaires de’10.896,44, outre les congés payés afférents,

Statuant à nouveau, débouter Mme [R] [M] de ses demandes à ce titre.

– Confirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de rappels de salaires au titre d’heures supplémentaires et/ou d’heures complémentaires et indemnité de congés payés afférents.

– Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé qu’aucun travail dissimulé n’est caractérisé à l’encontre de l’employeur et en e qu’il a débouté Mme [R] [M] de sa demande de paiement d’une indemnité forfaitaire de 9.552,78 € pour travail dissimulé.

– Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile à payer à Mme [R] [M] une indemnité de 1.200 € au titre d’un prétendu non-respect des règles en matière de durée du travail et manquement à l’obligation de sécurité.

Statuant à nouveau, débouter Mme [R] [M] de ses prétentions à ce titre.

– Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile à payer à Mme [R] [M] une indemnité de 500 € au titre d’une prétendue exécution fautive du contrat de travail.

Statuant à nouveau, débouter Mme [R] [M] de ses prétentions à ce titre.

– Réformer le jugement en ce qu’il a condamné l’employeur à rectifier les bulletins de salaire sous astreinte de 50€ à compter de l’expiration d’un délai de 120 jours suivant la notification de la décision à intervenir.

– Confirmer le jugement en ce qu’il a jugée Mme [R] [M] mal fondée en l’ensemble de ses autres prétentions.

– Réformer le jugement en ce qu’il a fixé le salaire de référence de Mme [R] [M] à la somme de 1.493,40 €.

Statuant a nouveau, le fixer à la somme brute de 1.246,56 €.

– Condamner Mme [R] [M] à payer à Maître [O] [W], SELARL MJ Alpes, es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile, d’une somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner Mme [R] [M] aux entiers dépens. »

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article’455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 23 mars 2023.

L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 24 mai 2023, a été mise en délibéré au’6’juillet’2023.

MOTIFS DE L’ARRÊT

A titre liminaire, il convient de relever qu’aucune partie n’a formé appel principal ou appel incident sur la disposition du jugement qui dit que les fonctions exercées par Mme'[R]'[M] correspondent à la qualification conventionnelle d’assistante de vie 3 niveau IV ni sur les dispositions qui ont condamné la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile à lui payer la somme de 121,20 euros au titre de rappels de salaires basés sur le taux conventionnel applicable et 12,12 euros bruts au titre des congés payés afférents, de sorte que ces dispositions sont définitives.

1 ‘ Sur l’exception d’irrecevabilité des demandes en condamnation dirigées contre la société en liquidation judiciaire

Les instances en cours devant la juridiction prud’homale à la date du jugement d’ouverture de la’procédure collective’étant poursuivies en présence des organes de la procédure ou ceux-ci dûment appelés, la demande en paiement d’une’créance résultant d’un contrat de travail, antérieure au jugement d’ouverture’est recevable dès lors que la juridiction prud’homale en est saisie avant l’ouverture de la procédure.

Surtout, la cour constate qu’au dispositif de ses dernières conclusions, l’appelante sollicite la fixation de ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile, de sorte que l’exception d’irrecevabilité est rejetée.

2 ‘ Sur les prétentions au titre du temps de travail

2.1 ‘ Sur la demande de requalification du temps partiel en temps plein

Aux termes de l’article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

L’article L. 3123-1 du code du travail énonce’:

Est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée du travail est inférieure :

1° A la durée légale du travail ou, lorsque cette durée est inférieure à la durée légale, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou à la durée du travail applicable dans l’établissement ;

2° A la durée mensuelle résultant de l’application, durant cette période, de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou de la durée du travail applicable dans l’établissement ;

3° A la durée de travail annuelle résultant de l’application durant cette période de la durée légale du travail, soit 1 607 heures, ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou de la durée du travail applicable dans l’établissement.

En application des dispositions de l’article L 3123-9 du code du travail, le nombre d’heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

Au visa de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures complémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, l’avenant entré en vigueur le 1er novembre 2013 définit un nombre d’heures de travail mensuel fixé à 120 heures.

Le contrat de travail de Mme [M] prévoit la possibilité d’effectuer des heures complémentaires dans la limite de 10 % des heures mensuelles prévues au contrat, soit’12’heures maximum.

Or, le bulletin de salaire de juin 2015 mentionne 168,74 heures de travail effectuées.

Par ailleurs, il est établi que l’employeur a décompté le temps de travail affectif selon un aménagement du temps de travail sur l’année.

En premier lieu, le mandataire se prévaut d’un accord d’entreprise en date du’20’décembre 2012 qui définit des modalités d’aménagement du temps de travail et organise la répartition de la durée du travail sur l’année.

Mme [M] soutient que cet accord collectif n’est pas valable faute pour l’employeur de démontrer que le délégué du personnel signataire de l’accord représentait la majorité des suffrages exprimés lors des précédentes élections professionnelles et que l’accord d’entreprise a été approuvé par la commission paritaire de branche en violation des dispositions des articles L 2232-21 et L 2232-22 du code du travail dans leur version applicable au litige, et qu’au demeurant, l’employeur ne justifie pas de son dépôt au greffe du conseil de prud’hommes tel que prévu par les dispositions de l’article D. 2231-2 du code du travail dans sa version applicable au litige.

Or, l’employeur manque de justifier du dépôt de cet accord au greffe du conseil de prud’hommes tel que prévu par les dispositions de l’article D. 2231-2 du code du travail relevant du chapitre relatif aux conditions de validité des accords collectifs de travail.

Le mandataire argue de la conformité des termes de l’accord aux dispositions de la loi du’20’août 2008 sans s’expliquer sur la représentativité de Mme [D] [E], déléguée du personnel signataire de l’accord, ni sur l’approbation de l’accord par la commission paritaire de branche, ni sur le dépôt de l’accord au greffe du conseil de prud’hommes.

Aussi, la cour relève que le mandataire ne produit pas d’exemplaire de l’accord invoqué qui aurait été signé par Mme [M] tel qu’il le prétend.

Dès lors, faute de preuve du respect des conditions de validité de l’accord d’entreprise celui-ci n’est pas opposable à Mme [M].

En second lieu, pour appliquer une annualisation du temps de travail, le mandataire invoque un accord du 13 octobre 2016 relatif à l’aménagement du temps de travail attaché à la convention collective nationale des entreprises à la personne, lequel prévoit un principe d’aménagement du temps de travail sur l’année.

Or, ces dispositions conventionnelles ne prévoient la possibilité pour l’employeur de mettre en place unilatéralement un tel dispositif d’aménagement du temps de travail que dans les entreprises qui comptent moins de onze salariés temps plein.

Ainsi l’article 1er de l’accord du 13 octobre 2016 stipule :

«’Dans les entreprises de moins de 11 salariés équivalents temps pleins (ETP) qui ne disposent pas de représentant du personnel et s’il n’y a pas eu de salarié mandaté, l’employeur peut, par décision unilatérale et après avoir préalablement échangé collectivement avec l’ensemble des salariés concernés, choisir d’appliquer l’aménagement du temps de travail sur l’année d’après les dispositions du présent accord.’».

Pour autant, le mandataire, sur lequel repose la charge de la preuve des effectifs de l’entreprise, s’abstient de démontrer que la société comptait plus de onze salariés temps plein de sorte qu’il n’est pas fondé à invoquer l’application de cet accord.

L’accord d’entreprise en date du 20 décembre 2012 étant inopposable à Mme [M], et l’accord collectif du 13 octobre 2016 n’étant pas applicable dans l’entreprise, il n’y a pas lieu d’appliquer une annualisation du temps de travail.

En troisième lieu le mandataire conteste les calculs du temps de travail effectifs présentés par la salariée en s’appuyant sur ses propres relevés d’heures résultant des informations établies par un logiciel «’Apologis’» destiné à la planification des interventions ainsi que sur les informations recueillies par un logiciel «’Alyacom’» permettant le relevé du système de pointage mis à la disposition de la salariée sur son téléphone professionnel.

Il est acquis que le temps d’intervention de l’agent au domicile des personnes constitue un temps de travail effectif en application des dispositions de l’article L. 3121-1 précité.

S’agissant des temps de déplacement pour se rendre d’un lieu de travail à un autre lieu d’intervention, la convention collective des services à la personne prévoit :

«’d – Temps de déplacement entre deux lieux d’intervention

Le temps de déplacement professionnel pour se rendre d’un lieu d’intervention à un autre lieu d’intervention constitue du temps de travail effectif, lorsque le salarié ne peut retrouver son autonomie».

S’agissant du temps qui s’écoule entre deux interventions, la convention collective stipule’:

«’f) Temps entre deux interventions'(1)

Les temps entre deux interventions sont pris en compte comme suit :

– en cas d’interruption d’une durée inférieure à 15 minutes, le temps d’attente est payé comme du temps de travail effectif ;

– en cas d’interruption d’une durée supérieure à 15 minutes (hors trajet séparant deux lieux d’interventions), le salarié reprend sa liberté pouvant ainsi vaquer librement à des occupations personnelles sans consignes particulières de son employeur n’étant plus à sa disposition, le temps entre deux interventions n’est alors ni décompté comme du temps de travail effectif, ni rémunéré.

Une journée de travail comporte un maximum de quatre interruptions.’».

Il convient de rappeler que la notion de temps de travail effectif constitue une notion de droit communautaire à définir selon des caractéristiques objectives, en se référant au système et à la finalité de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du’4’novembre’2003 (CJUE 9 septembre 2003, Jaeger, C 151/02).

En l’espèce, le mandataire fait valoir que le temps de travail effectif a été comptabilisé en intégrant les données du logiciel de planification des interventions, lequel définit les temps de trajet entre deux lieux d’intervention puis en y ajoutant les temps d’attente inférieur ou égal à’15’minutes, conformément aux dispositions de la convention collective précitée.

Cependant, il ressort de ces explications et des éléments produits à la demande du conseil de prud’hommes, à savoir les plannings prévisionnels, les tableaux récapitulatifs inter-vacations et les enregistrements des interventions réalisés par le système de badge de la salariée qui permettent de déterminer les horaires de chaque intervention, qu’il a ainsi mis en compte des temps de trajet définis de manière théorique par un logiciel de planification des interventions, dont les paramétrages restent indéterminés, et ce sans prendre en compte le temps de déplacement effectivement réalisé par la salariée.

Dès lors, l’employeur qui a la charge du contrôle du temps de travail de ses salariés manque de déterminer, le temps réel pris pour effectuer les trajets entre deux lieux d’intervention.

En quatrième lieu, le mandataire excipe d’incohérences relevées dans les décomptes établis par la salariée en ce qu’elle a comptabilisé à chaque intervention un temps d’attente d’une ou deux minutes et qu’elle n’a pas pris en compte ses pauses pour le temps du déjeuner.

Cependant, il convient de rappeler la charge de la preuve des temps de pause incombe à l’employeur.

Aussi, il n’apparaît pas que la salariée n’aurait pas pris en compte les temps de pause dès lors qu’elle a décompté les temps d’interruption entre deux interventions supérieurs à quinze minutes.

Encore, la salariée explicite une méthode cohérente pour chiffrer le temps de travail effectif entre deux interventions en indiquant que sur la base des relevés de badges produits par l’employeur, elle a calculé un temps de déplacement « restant » par différence entre le temps écoulé entre deux interventions et le temps de trajet estimé, puis, lorsque ce temps de déplacement «’restant’» était inférieur ou à égal à 15 minutes, elle l’a additionné au temps de trajet estimé par Michelin.

Enfin, dès lors que l’employeur ne peut se prévaloir d’une annualisation du temps de travail, il n’est pas fondé à arguer des variations d’activité et appliquer des compensations des dépassements hebdomadaires. Aussi il s’abstient d’établir ses calculs du temps de travail hebdomadaire.

Considérant l’ensemble de ces éléments, la cour estime que Mme [R] [M] a accompli les temps de travail effectif revendiqué.

Il ressort des décomptes produits que pour la première fois en juin 2015, les heures effectuées ont eu pour effet de porter la durée de travail accomplie jusqu’à la durée légale.

En conséquence, par confirmation du jugement déféré, il convient de requalifier le contrat de travail en contrat de travail à temps complet à partir de juin 2015.

L’employeur prétend vainement avoir rémunéré la salariée au-delà de 120 heures par mois alors que les bulletins de salaire ne mentionnent pas d’heures complémentaires mais l’application d’une annualisation du temps de travail tenant compte du temps de travail planifié.

Dès lors la salariée est fondée à obtenir un rappel de salaire pour la période courue à compter du 1er juin 2015 jusqu’au 30 novembre 2019 date d’expiration du délai de préavis suivant la démission.

Par infirmation du jugement entrepris, il y a donc lieu de fixer la créance de Mme'[R]'[M] au passif de la liquidation judiciaire de la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile à hauteur de 16’937,42 euros bruts au titre du rappel de salaire résultant de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, outre’1’693,74 euros bruts au titre des congés payés afférents.

2.2 ‘ Sur la demande au titre des heures supplémentaires

L’article L.’3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effective des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

Selon l’article L.’3121-28 du même code, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Aux termes combinés des articles L.’3121-29 et L.’3121-35 du code du travail, les heures supplémentaires se décomptent par semaine, celle-ci débutant le lundi à 0 heure et se terminant le dimanche à 24 heures.

En l’espèce, la salariée produit un planning qui détaille de manière chronologique de mai 2015 à avril 2018, chacune de ses interventions quotidiennes, et qui chiffre la durée de l’intervention, le temps entre deux interventions et le nombre d’heures de travail effectif revendiqué comme étant effectué au-delà de la durée légale hebdomadaire.

Elle verse également aux débats un décompte hebdomadaire des heures de travail effectifs sur la période de mai 2015 à décembre 2017 au 17 septembre 2017 et un décompte des heures supplémentaires revendiquées pour les années 2015, 2016 et 2017.

Ces éléments se révèlent suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre.

Or, il est jugé que l’employeur manque de justifier du temps de travail effectivement réalisé par la salariée et qu’il s’abstient de présenter un décompte hebdomadaire.

Considérant l’ensemble de ces éléments, la cour estime que Mme [R] [M] a accompli les heures supplémentaires revendiquées, représentant une créance de 3 445,72 euros bruts, outre 344,57 euros bruts au titre des congés payés afférents qu’il y a lieu de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile.

Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Partant, Mme [R] [M] est fondée à mettre en compte un salaire mensuel brut de référence fixé à’1’582,13’euros.

2.3 ‘ Sur la demande indemnitaire au titre du préjudice financier subi

Mme [R] [M] invoque un préjudice financier constitué par la privation de sa rémunération pendant plusieurs années impliquant une perte de pouvoir d’achat.

Or aux termes des dispositions de l’article 1231-6 du code civil les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

A défaut de caractériser un préjudice financier indépendant de ce retard, Mme [R] [M] est déboutée de cette demande indemnitaire. Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.

2.4 ‘ Sur l’indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé

Aux termes de l’article L.’8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.’8221-3 ou en commettant les faits relatifs au travail dissimulé prévus à l’article L.8221-5 du même code a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L’article L.’8221-5 du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

La charge de la preuve du travail dissimulé repose sur le salarié, qui doit démontrer l’existence, d’une part, d’un élément matériel constitué par le défaut d’accomplissement d’une formalité obligatoire et, d’autre part, d’un élément intentionnel, constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité.

En l’espèce, l’élément matériel du travail dissimulé ayant consisté à ne pas indiquer sur les bulletins de paie le nombre d’heures effectivement réalisées est établi.

En revanche, la salariée ne démontre pas l’élément intentionnel du travail dissimulé.

En effet elle allègue d’une action volontaire dans l’établissement des plannings et le paramétrage des outils de décompte du temps de travail sans que ces circonstances ne suffisent à établir l’intention pour l’employeur de se soustraire aux déclarations du nombre d’heures de travail accompli.

En conséquence, la demande d’indemnité pour travail dissimulé doit être rejetée, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

2.5 ‘ Sur le non-respect des règles en matière de durée du travail

D’une première part, l’article L 3121-16 du code du travail stipule’:

Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes.

L’article L3121-18 du code du travail prévoit que :

La durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf :

1° En cas de dérogation accordée par l’inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret;

2° En cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret ;

3° Dans les cas prévus à l’article L. 3121-19.

L’article L3121-20 du code du travail prévoit que :

Au cours d’une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a respecté les durées maximales de travail prévues par ces dispositions.

D’une seconde part, la convention collective des services à la personne prévoit des amplitudes de travail maximales de douze heures, pouvant être portée à 13 heures pour les activités auprès des publics fragiles et/ou dépendants.

S’agissant du repos et des pauses la convention collective reprend les dispositions légales y ajoutant «’compte tenu de la nécessité d’interventions quotidiennes liées à la nature particulière des services rendus aux personnes, il est possible de déroger à la règle du repos dominical, pour les activités auprès de publics fragiles et/ou dépendants et pour la garde d’enfants’».

Au cas d’espèce, le mandataire excipe des dérogations prévues par les dispositions conventionnelles pour les interventions auprès de personnes dépendantes et fragiles.

Toutefois, se référant exclusivement aux durées de travail enregistrées dans ses logiciels, il ne justifie pas avoir assuré le respect des durées maximales de travail journalières et hebdomadaires ni le respect des temps de repos, dès lors qu’il est jugé que ces données ne correspondent pas au temps de travail réellement effectué.

Or, il ressort des décomptes de la salariée qu’elle a travaillé à plusieurs reprises plus de 48 heures sur une semaine, plus de six heures consécutives sans pause sur une journée et qu’elle a cumulé 12 jours de travail consécutifs du 15 au 26 février 2016.

Au regard de la régularité des dépassements qui ont porté atteinte au droit au repos de la salariée, il y a lieu, par infirmation du jugement entrepris, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile la créance de la salariée à hauteur de’2’500 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ces manquements.

3 ‘ Sur la demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat

Il résulte de l’article L 1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur incombe au salarié.

D’une première part, il résulte de ce qui précède que l’employeur n’a pas appliqué une classification conventionnelle conforme à l’emploi de la salariée.

Nonobstant le fait que le niveau salarial des taux horaires était au-dessus des minimas, la classification retenue par l’employeur et maintenue en dépit d’un courrier de constatation du 1er août 2017, relève d’un manquement à l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail.

D’une seconde part, il est établi que l’employeur n’a pas décompté le temps de travail effectué par la salariée dès lors qu’il a procédé à une évaluation théorique des temps de trajet sans contrôler le temps de trajet réellement effectué entre deux lieux d’intervention, et ce alors même que la salariée avait précisément sollicité une telle régularisation.

D’une troisième part, Mme [R] [M] établit, par les comptes rendus de réunion du’18’septembre 2014 et 9 avril 2015 qu’il lui était demandé de réaliser, au moins pour une personne, le branchement d’une pompe d’alimentation et de suivre l’alimentation par sonde.

Aussi, le mandataire objecte vainement que ces prestations n’étaient pas sollicitées par l’employeur alors que ces comptes rendus mentionnent expressément «’Pour la pompe : s’assurer que la quantité à passer correspond à ce qui est sur l’écran’».

En outre, ces consignes ressortent de photographie de messages, produits par la salariée, mentionnant le nom du logiciel Alyacom, et notamment le 13 juin 2013 «’pour son alimentation aller doucement (autant de temps que lors de son alimentation normale) et bien rincer après car alimentation par sonde nasogastrique », le message étant signé par M. [V] [F].

La salariée produit encore le message du 8 juillet 2015 indiquant «’bien respecter les horaires indiqués sur planning [‘] afin de respecter les délais pour la pompe’» et le message du’1er’septembre’2016 indiquant «’Lors du passage du matin il faut mettre l’alimentation en place et le soir mettre l’eau (quantité marquée)’», et démontre qu’elle était concernée par ses consignes données pour le temps d’absence des personnes vivant au domicile du malade auprès duquel elle intervenait.

En conséquence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres éléments produits, la salariée établit suffisamment que l’employeur a manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail.

Au regard de la persistance de ces différents manquements pendant plusieurs années et de leur impact sur l’organisation et la qualité du travail attendu, il convient, par infirmation du jugement déféré, de fixer la créance au passif de la liquidation judiciaire de la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile, à hauteur de’2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

4 ‘ Sur la demande de remise des documents

Compte tenu de ce qui précède, il convient d’ordonner la remise à Mme [M] des bulletins de salaire, certificat de travail, solde de tout compte et attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision, sans qu’il y ait lieu de fixer d’ores et déjà une astreinte.

5 ‘ Sur la garantie de l’AGS

Il y a lieu de déclarer le jugement commun et opposable l’AGS et de dire que l’UNEDIC délégation de l’AGS CGEA d'[Localité 7] doit sa garantie selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt.

Aussi il convient de dire que les intérêts sur les sommes dues sont arrêtés au jour du jugement déclaratif par application de l’article L 622-28 du code de commerce.

6 ‘ Sur les demandes accessoires

Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la société’2AD Assistance et Autonomie à Domicile, partie perdante, aux dépens de première instance par confirmation du jugement entrepris, sans qu’il y ait lieu ceux de l’exécution, y ajoutant ceux d’appel.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de confirmer l’indemnité de procédure à hauteur de 1 000 euros allouée par les premiers juges à Mme [R] [M].

En revanche il n’y a pas lieu à indemnisation au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur d’appel.

La société intimée est déboutée de ses prétentions au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, dans les limites de l’appel, après en avoir délibéré conformément à la loi,

REJETTE l’exception d’irrecevabilité’;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

– requalifié le contrat de travail de Mme [R] [M] en contrat de travail à temps plein à compter de juin 2015′;

– dit et jugé que les fonctions exercées par Mme [R] [M] correspondent à la qualification conventionnelle d’assistante de vie (3) niveau IV.

– débouté Mme [R] [M] de sa demande indemnitaire au titre du préjudice financier subi,

– débouté Mme [R] [M] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,

– condamné la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile, à verser à Mme [R] [M] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– débouté la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné la SARL 2AD Assistance et Autonomie à Domicile aux entiers dépens, sauf dire qu’ils ne comprendront pas les frais éventuels d’exécution.

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant des chefs du jugement infirmé et y ajoutant,

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile au bénéfice de Mme [R] [M] les créances suivantes’:

– 16’937,42 euros (seize mille neuf cent trente-sept euros et quarante-deux centimes) bruts au titre du rappel de salaire résultant de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet sur la période du 1er juin 2015 jusqu’au 30 novembre 2019,

– 1’693,74 euros (mille six cent quatre-vingt-treize euros et soixante-quatorze centimes) bruts au titre des congés payés afférents,

– 3 445,72 euros (trois mille quatre cent quarante-cinq euros et soixante-douze centimes) bruts au titre des heures supplémentaires,

– 344,57 euros (trois cent quarante-quatre euros et cinquante-sept centimes) bruts au titre des congés payés afférents,

– 2’500 euros (deux mille cinq cents euros) nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour non-respect des règles en matières de durée de travail.

– 2 000 euros (deux mille euros) nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail,

ORDONNE à Maître [O] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile, de remettre à Mme [R] [M] les bulletins de paie régularisés, le certificat de travail, le solde de tout compte et l’attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;

DIT n’y avoir lieu à fixation d’une astreinte’;

DIT que les intérêts sur les sommes dues sont arrêtés au jour du jugement déclaratif’;

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l’Unédic délégation AGS CGEA d'[Localité 7] qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des’articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux’articles L. 3253-17’et’D. 3253-5 du code du travail’;

DEBOUTE les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles engagés en appel’;

CONDAMNE la société 2AD Assistance et Autonomie à Domicile, représentée par Maître [O] [W], SELARL MJ Alpes, ès qualités de mandataire liquidateur, aux entiers dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

 


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