N° RG 22/00026 – N° Portalis DBVC-V-B7G-G6K3
COUR D’APPEL DE CAEN
Minute n° 2022/
PREMIÈRE PRÉSIDENCE
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 05 JUILLET 2022
DEMANDERESSES AU RÉFÉRÉ :
S.A.R.L. A2MICILE REGION CENTRE
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]
non comparante représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS
Société DOMALIANCE MANCHE
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 4]
non comparante représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR AU RÉFÉRÉ :
Monsieur [F] [R]
[Adresse 1]
[Localité 4]
non comparant représenté par Me Emmanuel LEBAR, avocat au barreau de COUTANCES sbstitué par Me BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022022001956 du 31/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CAEN)
COMPOSITION LORS DES DÉBATS :
PRÉSIDENTE
Madame Frédérique EMILY
GREFFIERE
Madame Estelle FLEURY
DÉBATS
L’affaire a été appelée à l’audience publique du 29 Mars 2022 puis renvoyée à la demande des parties à l’audience du 31 Mai 2022 au cours de laquelle elle a été débattue.
ORDONNANCE
Rendue publiquement contradictoirement le 05 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, et signée par Madame Frédérique EMILY, présidente de chambre déléguée aux fonctions de première présidente selon ordonnance du 3 janvier 2022 et par Madame Estelle FLEURY, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DE LA PROCEDURE
[F] [R], salarié de la société A2micile région centre depuis le 31 janvier 2019 et travaillant pour la société Domaliance Manche,s’est trouvé en arrêt maladie le 18 décembre 2019.
Il s’est aperçu que son employeur n’avait pas souscrit de contrat de prévoyance.
Considérant que la convention collective nationale des services à la personne prévoyait l’obligation de souscrire un tel contrat, le 14 mai 2020, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avranches.
Par jugement du 17 novembre 2021, auquel il convient de se référer expressément, le conseil de prud’hommes d’Avranches a:
-ordonné la mise en place du régime de prévoyance obligatoire sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement à intervenir;
-ordonné le maintien de salaire durant l’arrêt maladie de M. [R];
-condamné l’employeur à verser le maintien de salaire à M. [R];
-ordonné la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein;
-condamné la société A2micile région centre ‘ Domaliance Manche à payer les sommes suivantes: . 9650,16 euros au titre des rappels de salaire sur la base d’un temps plein;
. 965,02 euros au titre des congés payés y afférents;
. 1000 euros au titre de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail;
-dit que les condamnations porteront intérêt légal à compter de la saisine du conseil;
-ordonné à l’employeur de remettre au requérant sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement à intervenir les bulletins de paie rectifiés en fonction du jugement à intervenir et de régulariser les cotisations dues auprès des diverses caisses de protection sociale;
-réservé le droit de liquider l’astreinte;
-débouté la société A2micile région centre ‘ Domaliance Manche de l’intégralité de ses demandes;
-dit ce que de droit dans le cadre de l’application de l’article L1235-4 du code du travail;
-condamné l’employeur à verser la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
-condamné la société A2micile région centre ‘ Domaliance Manche aux entiers dépens;
-dit y avoir lieu à exécution provisoire.
La société A2micile région centre et la société Domaliance Manche ont formé appel de cette décision le 21 décembre 2021.
Par acte d’huissier de justice du 10 mars 2022, la société A2micile région centre et la société Domaliance Manche ont assigné M. [R] devant le premier président de la cour d’appel de Caen, sur le fondement de l’article 517-1 du code de procédure civile, aux fins de voir ordonner la suspension de l’exécution provisoire du jugement, rendu par le conseil de prud’hommes d’Avranches le 17 novembre 2021, pour la mise en place d’un régime de prévoyance sous astreinte, ainsi que pour le maintien et le versement du salaire pendant l’arrêt maladie de M. [R].
Les demanderesses font valoir qu’il existe un moyen sérieux de réformation du jugement soutenant d’une part qu’ elles ne sont pas assujetties aux dispositions conventionnelles non applicables car non étendues et qu’elles appliquent donc les dispositions légales et d’autre part concernant le maintien du salaire de M. [R] durant son arrêt de travail, que celui-ci n’avait pas un an d’ancienneté et ne remplissait donc pas les conditions légales prévues par l’article L1226-1 du code du travail pour que sa rémunération soit maintenue.
Elles soutiennent en outre que l’exécution de la condamnation à souscrire le régime de prévoyance aurait des conséquences manifestement excessives dans la mesure où elles seraient contraintes de souscrire un contrat pour l’ensemble du personnel de la société, contrat qui ne serait valable que pour l’avenir et dont M. [R], qui n’est plus salarié de la société, ne bénéficierait pas. Les deux sociétés précisent que la souscription d’un contrat de prévoyance suppose par ailleurs la mise en place de procédures particulières( accord collectif , référendum ou décision unilatérale de l’employeur ayant valeur d’usage) et que la suppression d’avantages dans l’entreprise est également soumise à des procédures particulières.
La société A2micile région centre et la société Domaliance Manche indiquent enfin que la mesure d »exécution provisoire n’est pas motivée.
M. [R] demande à ce que soit rejetées les prétentions des demanderesses quant à la suspension de l’exécution provisoire et que la société A2micile région centre soit condamnée à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Il soutient qu’il n’existe pas de moyen sérieux de réformation du jugement dès lors que la société A2micile , adhérente au syndicat signataire de la convention collective, devait appliquer ladite convention même si celle-ci n’était pas étendue.
M. [R] fait valoir par ailleurs que la mise en place d’un contrat de prévoyance ne pose pas de difficulté particulière a fortiori s’il est souscrit à titre individuel et qu’il n’est donné aucune explication sur de prétendues conséquences manifestement excessives qui résulteraient du maintien de son salaire pendant son arrêt maladie.
M. [R] précise que rien n’oblige le conseil de prud’hommes à motiver l’exécution provisoire et qu’en tout état de cause il n’est tiré par les demanderesses aucune conséquence de ce moyen.
SUR CE,
Selon l’article 517-1 du code de procédure civile applicable lorsque l’exécution provisoire est facultative, lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522.
En l’espèce, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire est limitée à la mise en place d’un régime de prévoyance sous astreinte et au maintien du salaire et à son paiement pendant l’arrêt maladie de M. [R].
Il sera relevé que l’absence de motivation de la décision d’exécution provisoire n’est pas un critère d’arrêt de celle-ci.
S’agissant de la souscription d’un contrat d’assurance, le conseil de prud’hommes a jugé que l’employeur avait l’obligation de mettre en place la prévoyance obligatoire au sein de sa société qui permet le maintien de salaire des salariés en cas d’arrêt maladie en application de l’avenant n°1 du 25 avril 2013 relatif à la protection sociale de la Convention collective nationale des entreprises de services à la personne.
M. [R] soutient que cette convention doit être appliquée par la société A2micile qui est adhérente au syndicat signataire de cette convention même si la convention n’a pas été étendue puisque l’article L 1262-1 du code du travail prévoit que sans préjudice des effets attachés à l’extension ou à l’élargissement, l’application des conventions et accords est obligatoire pour tous les signataires ou membres des organisations ou groupements signataires.
Il est constant que la convention devait entrer en vigueur le 1er jour du septième mois de celui qui suit l’adoption d’arrêté d’extension.
L’arrêté d’extension a été pris par le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social le 3 avril 2014 mais a exclu de l’extension la partie VI de la convention relative à la protection sociale « en tant qu’elle prévoit un régime conventionnel de prévoyance fondé sur une clause de désignation d’organismes assureurs et une clause de migration, pris en application de l’article 912-1 du code de la sécurité sociale , déclaré contraire à la constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2013-672 DC du 13 juin 2013. »
La société A2micile verse aux débats un courrier de la fédération française des services à la personne et de proximité en date du 19 décembre 2018 dans lequel celle-ci considère que l’avenant modifiant la partie VI de la convention ne s’applique pas aux entreprises adhérentes des organisations syndicales signataires puisqu’aucune date d’entrée en vigueur n’était définie, que la partie VI de la convention n’ayant pas été étendue, elle ne pouvait être appliquée par aucune entreprise et que des dispositions considérées comme contraires à la constitution ne pouvaient être appliquées.
Au vu de ces éléments, il peut être retenu l’existence d’un motif sérieux de réformation du jugement.
Par ailleurs, la souscription d’un régime de prévoyance, qui nécessairement doit être souscrit par l’employeur pour l’ensemble de ses salariés et non pour un seul d’entre eux entraînerait des conséquences manifestement excessives pour l’employeur du fait de la durée de l’engagement et du précédent qui serait ainsi mis en place.
Il sera relevé que cette prévoyance ne pourrait avoir d’effet que pour l’avenir et que M. [R] n’est plus dans l’entreprise.
Dès lors, il sera fait droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire concernant la décision relative à la mise en place d’un régime de prévoyance sous astreinte.
Concernant le maintien du salaire durant l’arrêt maladie de M. [R] et son paiement au salarié, les demanderesses ne justifient aucunement en quoi cette exécution aurait des conséquences manifestement excessives pour elles, ne chiffrant pas le montant dû ni ne s’expliquant sur leur situation financière.
Dès lors, leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire sur ces dispositions du jugement sera rejetée sans qu’il soit besoin d’examiner l’existence d’un moyen sérieux de réformation sur ce point.
Les demandes de « constater » ne constituent pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. M [R] sera débouté de sa demande à ce titre.
Les sociétés demanderesses seront condamnées aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe ;
Arrêtons l’exécution provisoire prononcée par le conseil de prud’hommes d’Avranches dans son jugement du 17 novembre 2021 pour la condamnation à la mise en place d’un régime de prévoyance obligatoire sous astreinte ;
Déboutons la société A2micile région centre et la société Domaliance Manche du surplus de leurs demandes ;
Déboutons M. [R] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la société A2micile région centre et la société Domaliance Manche aux dépens.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE
Estelle FLEURYFrédérique EMILY