REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 3 – Chambre 1
ARRET DU 26 OCTOBRE 2022
(n° 2022/ , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/08437 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6XZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2020 -TJ de PARIS RG n° 17/16807
APPELANTS
Monsieur [D] [N]
né le 27 Août 1953 à [Localité 10] (92)
[Adresse 5]
Monsieur [S], [X] [N]
né le 26 Avril 1659 à [Localité 11] (92), décédé le 7 Décembre 2020 à [Localité 9] (06)
représentés par Me Carole RUFFIN DESJARDINS du cabinet CRD AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1345
INTIMEES
Madame [Y] [P]
née le 06 Septembre 1971 à [Localité 13] (94)
[Adresse 2]
représentée par Me Hélène HADDAD AJUELOS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0172
Madame [G] [O] épouse [C]
née le 22 Mai 1973 à [Localité 7], [Localité 12] (PORTUGAL)
[Adresse 1]
représentée par Me Alain SALGADO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1680
S.A. PREDICA – Prévoyance Dialogue du Crédit Agricole, RCS PARIS n° B334 028 123, ayant son siège social
[Adresse 3]
représentée par Me Stéphanie COUILBAULT de la SELARL CABINET MESSAGER – COUILBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1590
S.A. LCL-LE CREDIT LYONNAIS, RCS de LYON n° 954 509 741, ayant son siège social
[Adresse 4]
représentée par Me Gachucha COURREGE de la SELARL M&C Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0159
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Christelle MARIE-LUCE
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier présent lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DU LITIGE
[A] [N] est décédé le 23 décembre 2016, laissant pour lui succéder ses deux fils, M. [D] [N] et [S] [N], majeur sous curatelle.
[A] [N] avait souscrit 3 contrats d’assurance-vie auprès de la société Predica, distribués par la société Le Crédit Lyonnais en qualité de courtier, dont il était le client.
A la date du décès d'[A] [N], les bénéficiaires désignés :
– du contrat d’assurance-vie Acuity n°[…] étaient Mme [Y] [P] et à défaut ses héritiers,
– du contrat d’assurance-vie Acuity n°[…] étaient [S] [N] et à défaut ses héritiers,
– du contrat d’assurance-vie Lionvie Vert Equateur étaient Mme « [T] [C] » pour 10 % et chacune de ses quatre petites-filles (filles de M. [D] [N]) pour 22,5 %.
Le 3 janvier 2017, les petits-enfants d'[A] [N] et M. [D] [N] sont intervenus auprès de la société LCL pour contester la clause bénéficiaire du contrat Lionvie Vert Equateur.
Le 29 janvier 2017, la société LCL a transmis à Mme [P] le règlement du capital décès du contrat Acuity n°[…].
Le 2 mars 2017, la société LCL a versé à [S] [N] le capital décès du contrat Acuity n°[…] et aux petites-filles d'[A] [N] la part leur revenant du contrat Lionvie Vert Equateur.
Le 3 octobre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné à la société Predica de produire tous les contrats et avenants au bénéfice de toute personne étrangère aux héritiers du souscripteur et a ordonné le séquestre de la part des capitaux décès du contrat Lionvie Vert Equateur dont Mme [G] [C] est bénéficiaire.
Par acte d’huissier du 17 novembre 2017, M. [D] [N] et [S] [N] ont assigné Mme [Y] [P], Mme [G] [C], la société Predica et la société Le Crédit Lyonnais, afin de voir notamment Mmes [P] et [C] condamnées à « rapporter à la succession » tous les fonds reçus par elles.
Par jugement du 4 juin 2020, le tribunal judiciaire de Paris a notamment :
– débouté M. [D] [N] et [S] [N] de l’ensemble de leurs demandes,
– ordonné la levée du séquestre de la somme de 60 127,39 euros détenue par la société Predica,
– ordonné à la société Predica de verser à Mme [G] [C] la somme de 60 127,39 euros,
– dit que ce versement sera effectué, une fois les formalités fiscales préalables de l’article 990 I du code général des impôts accomplies par Mme [G] [C],
– dit que cette somme produit intérêts au taux légal à compter du jour de la connaissance par l’assureur de l’accomplissement des formalités fiscales de l’article 990 I du code général des impôts par Mme [G] [C],
– condamné in solidum M. [D] [N] et [S] [N] à payer à Mme [G] [C] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [D] [N] et [S] [N] à payer à Mme [Y] [P] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [D] [N] et [S] [N] à payer à la société Predica la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M.[D] [N] et [S] [N] à payer à la société LCL la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
M. [D] [N] et [S] [N] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 2 juillet 2020.
Aux termes de leurs uniques conclusions notifiées le 31 août 2020, les appelants ont demandé à la cour :
– de les accueillir en leur appel et de les dire recevables et bien fondés,
– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
et jugeant à nouveau,
– d’ordonner les opérations de compte, liquidation et partage de la succession d'[A] [N],
– de commettre tout notaire qu’il plaira à la cour et lui donner pour mission de procédure aux opérations de de compte, liquidation et partage de la succession d'[A] [N] et à cette fin,
– de dresser un état liquidatif établissant les masses partageables, les rapports des différentes donations, les droits des parties et les attributions,
– de dire et juger que le notaire devra soumettre aux parties un état liquidatif de partage ou établir un procès-verbal de difficultés dans un délai de quatre mois,
– de commettre tel juge pour surveiller les opérations de liquidation partage,
– de dire qu’en cas de désaccord le notaire dressera un procès-verbal de difficultés où il consignera son projet d’état liquidatif ainsi que les contestations précises émises par les parties à l’encontre du projet, en particulier visant les dépassements de la réserve,
– de dire et juger que le notaire adressera au juge commis le procès-verbal de difficultés ainsi que le projet d’état liquidatif en application de l’article 1373 du code de procédure civile,
– de dire et juger qu’en cas d’empêchement des notaire et juge commis, ils seront remplacés par simple ordonnance sur requête rendue à la demande de la partie la plus diligente,
– de condamner la société Predica à restituer immédiatement les fonds qu’elle détient en qualité de séquestre sur le contrat Lionvie Equateur Série […] dont Mme [G] [C] était bénéficiaire à hauteur de 10 % avec intérêt au taux légal à compter du décès d'[A] [N], à savoir le 23 décembre 2016, ce pour un montant de 61 202,00 euros,
– et en conséquence d’ordonner la levée du séquestre au profit des demandeurs,
– de condamner Mme [C] à rapporter à la succession d'[A] [N] tous les fonds perçus par elle suivant donations d'[A] [N] sous quelque forme que ce soit en particulier les libéralités en espèces et autres,
– de condamner Mme [Y] [P] à rapporter à la succession [A] [N] tous les fonds perçus par elle suivant donations d'[A] [N] sous quelque forme que ce soit pour la réalisation de voyages d’agrément, pour l’achat de l’appartement qu’elle occupe, pour les libéralités en espèces et pour le contrat Lionvie Vert Equateur 2 pour un montant de 138 271,40 euros, pour les virements des sommes reçues à Genève pour un montant d’au moins 150 000 euros et pour le règlement des loyers et l’achat de matériel photographique professionnel,
– de dire qu’il existe un défaut de conseil avisé de LCL et Predica à l’égard d’une personne très âgée et vulnérable en acceptant d’établir ou de transférer des comptes d’assurance vie au profit de tiers qui n’ont pas qualité d’héritiers ni qualité à recueillir des donations,
– en conséquence de condamner solidairement LCL et Predica à indemniser les requérants en garantie des sommes qui ne seraient pas restituées par Mme [C] et Mme [P],
– de condamner Mme [C] et Mme [P] en leur qualité d’assistantes de vie du fait de l’exploitation de la faiblesse d'[A] [N] à régler chacune aux requérants, au visa des dispositions des articles 1240 à 1242 du code civil, des dommages intérêts pour un montant de 3 000 euros,
– de condamner de même LCL et Predica pour leur défaut de conseil et de vigilance à l’égard d’un client très âgé et vulnérable, ce solidairement pour un montant de 5 000 euros,
– de débouter les intimées de leurs demandes plus amples ou contraires,
– de condamner chacune des parties intimées succombant au visa de l’article 700 du code de procédure civile pour un montant de 5 000 euros,
– de condamner les parties qui succombent aux entiers dépens, ce au regard des procédures en référé, au fond et pour la présente procédure.
[S] [N] est décédé le 7 décembre 2020.
Suite à l’ordonnance du 2 mars 2021 constatant l’interruption de l’instance et impartissant aux parties un délai jusqu’au 31 mai 2021 pour reprise éventuelle de l’instance, sous peine de radiation, M. [D] [N] a, par message électronique du 21 mai 2021, transmis un acte de notoriété établissant qu’il est le seul ayant-droit de son frère.
L’instance s’est ainsi poursuivie en l’état sans nouvelles conclusions de l’appelant seul survivant.
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 20 novembre 2020, Mme [G] [C], intimée, demande à la cour de :
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 4 juin 2020 en ce qu’il a :
* ordonné la levée du séquestre de la somme de 60 127,39 euros détenue par la société Predica,
* ordonné à la société Predica de verser à Mme [G] [O] épouse [C] la somme de 60 127,39 euros,
* dit que ce versement [de 60 127,39 euros] sera effectué, une fois les formalités fiscales préalables de l’article 990 I du code général des Impôts accomplies par Mme [G] [O] épouse [C],
* condamné in solidum M. [D] [N] et [S] [N] à payer à Mme [G] [O] épouse [C] la somme de 3 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive dans le cadre de la première instance,
* condamné in solidum M. [D] [N] et [S] [N] à payer à Mme [G] [O] épouse [C] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la première instance,
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 4 juin 2020 en ce qu’il a :
* dit que cette somme [60 127,39 euros] produit intérêts au taux légal à compter du jour de la connaissance par l’assureur de l’accomplissement des formalités fiscales de l’article 990 I du code général des impôts par Mme [G] [O] épouse [C],
statuant à nouveau :
– ordonner que la somme de 60 127,39 euros produise intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2017,
– condamner in solidum M. [D] [N] et [S] [N] à verser à Mme [C] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en appel,
– débouter M. [D] [N] et [S] [N] de l’ensemble de leurs demandes ;
– condamner in solidum M. [D] [N] et [S] [N] à verser à Mme [C], au titre de la procédure d’appel, la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 29 novembre 2020, Mme [Y] [P], intimée, demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris dans l’ensemble de ses dispositions,
– débouter M. [D] [N] et [S] [N] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner solidairement M. [D] [N] et [S] [N] à payer à Mme [Y] [P] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 (1382) du code civil,
– condamner solidairement M. [D] [N] et [S] [N] à payer à Mme [Y] [P] une somme d’un montant de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement les demandeurs aux dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 19 janvier 2021, la société Predica, intimée, demande à la cour de :
– juger que la société Predica sera mise hors de cause s’agissant des opérations de compte, liquidation et partage de la succession d'[A] [N] si elles étaient ordonnées,
– prendre acte de ce que la société Predica ne s’est pas dessaisie de la part souscrite au profit de Mme « [T] » [C], à savoir 10 % du capital décès du contrat Lionvie Vert Equateur n° […] (60 127,39 euros) et qu’elle s’en rapporte à la décision à intervenir et réglera cette somme :
* à Mme « [T] » [C] si sa désignation est validée,
* aux deux héritiers de l’assuré, à savoir ses deux fils, [D] et [S] [N], appelants, par deux parts égales, en vertu de la désignation bénéficiaire de second rang (à défaut les héritiers de l’assuré) si sa désignation est annulée,
– rejeter toute demande complémentaire contre Predica au titre de ce contrat et juger que le paiement de cette somme ne pourra être effectué qu’après accomplissement par le(s) bénéficiaire(s) des formalités fiscales impératives préalables prévues à l’article 990 I du code général des impôts,
– rejeter la demande de Mme [C] de condamnation de l’assureur Predica à lui verser des intérêts de retard à compter de sa demande de paiement du 26 mars 2017,
– rejeter toute demande dirigée contre la société Predica au titre du contrat Acuity n° […] souscrit le 26 septembre 2013 et réglé à Mme [Y] [P] en vertu de la désignation bénéficiaire choisie par l’assuré,
– rejeter toute demande de dommages et intérêts, et de garantie, dirigée contre la société Predica qui n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité,
– condamner toute partie perdante à verser à la société Predica la somme de 2 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner toute partie perdante aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Messager Couilbault, représentée par Me Stéphanie Couilbault Di Tommaso, avocat au barreau de Paris, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 30 septembre 2020, la société Le Crédit Lyonnais, intimée, demande à la cour de :
– débouter M. [D] [N] et [S] [N] de leurs demandes dirigées contre le Crédit Lyonnais,
– confirmer le jugement rendu le 4 juin 2020 en ce qu’il a débouté M. [D] [N] et [S] [N] de leurs demandes dirigées contre le Crédit Lyonnais et les a condamnés in solidum à payer au Crédit Lyonnais une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
et y ajoutant,
– condamner solidairement M. [D] [N] et [S] [N] à payer au Crédit Lyonnais une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement M. [D] [N] et [S] [N] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2022.
L’affaire a été appelée à l’audience du 7 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il sera rappelé que les demandes de « juger » et de « prendre acte » ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile lorsqu’elles ne confèrent pas de droits à la partie qui les présente.
La cour n’est dès lors pas tenue de statuer distinctement sur les demandes formulées en ces termes au dispositif des conclusions de la société Predica.
Sur la demande en ouverture d’une procédure de partage judiciaire
En vertu de l’article 840 du code civil, le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé lorsque c’est nécessaire.
Outre que la demande aux fins de partage judiciaire n’avait pas été présentée aux premiers juges de sorte que son irrecevabilité en cause d’appel serait encourue comme le souligne Mme [P] qui s’en rapporte pourtant quant au bien-fondé de cette prétention, il y a lieu de constater que M. [D] [N] est désormais le seul héritier de son père ; avant même le décès de [S] [N], au vu des conclusions des appelants, aucun désaccord n’existait entre eux dans le cadre des opérations déjà engagées devant le notaire saisi amiablement.
Le litige concernant les libéralités qu’aurait consenties [A] [N] en-dehors du cadre familial, s’il influe sur l’actif successoral à prendre en compte, ne correspond à aucune des hypothèses de l’article 840 du code civil.
Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter cette demande des appelants.
Sur la demande de rapports à succession
Le tribunal a souligné d’emblée que cette demande était formulée sans montant ni date.
Devant la cour, les appelants continuent à évoquer les « largesses » dont auraient bénéficié Mme [C] et Mme [P] sans chiffrer celles-ci. Ils admettent qu’ils « ignorent l’importance des donations qui ont été faites à Mme [C], en particulier libéralités en espèces » sans préciser qu’ils n’en caractérisent pas une seule à l’exception du bénéfice du contrat d’assurance-vie Lionvie, et ils se contentent d’« estim[er] pour le moins que le total des dons dépasse les 388 000 €, outre les
avantages professionnels consentis au fil des ans à Madame [P] » pour affirmer qu’elle « a bénéficié de libéralités dépassant les 500 000 € par des virements sur des comptes suisses, par des libéralités en France, par des contrats d’assurance vie, par la participation aux remboursements des crédits pour l’appartement, pour le paiement des voyages à l’étranger, pour l’achat d’un véhicule à Madagascar en l’an 2000 ».
Les appelants réclament néanmoins que « toutes ces donations », non identifiées, soient rapportées à la succession.
Le tribunal a rejeté cette demande de rapport en l’absence de preuve que Mme [C] ou Mme [P] ait bénéficié de libéralités de la part d'[A] [N].
La cour adopte pleinement l’analyse du tribunal sur ce point, la mention de chèques non libellés et de retraits d’espèces dont l’utilisation n’est pas établie étant dépourvue de force probante.
L’utilisation par les héritiers d'[A] [N] de sommations de communiquer destinées à voir Mme [P] déclarer par exemple « toutes les sommes qu’elle a pu percevoir pour couvrir le remboursement de l’emprunt souscrit pour l’achat de son appartement et toutes les libéralités qu’elle a pu obtenir dans une relation qui s’apparente à un abus de faiblesse » ou produire « le détail des sommes provenant des donations de Monsieur [A] [N] sur des comptes en France et à l’étranger » ou « la copie des comptes bancaires en Suisse sur lesquels Monsieur [A] [N] a effectué des virements, pour le moins sur les comptes de la Banque Lombard Odier à Genève, la Banque Cantonale de [Localité 8], la Banque Bordier à [Localité 8], la Banque Falcon à [Localité 14], la Banque Hottinger à [Localité 14], la Banque ABN AMRO à [Localité 14], la Banque EEK à [Localité 6], pour la période de 1989 à 2016 », alors qu’ils indiquent eux-mêmes que ces banques sont celles où leur père avait des comptes ouverts à son nom, s’apparente à une tentative d’inversion de la charge de la preuve qui leur incombe.
Leur pièce n°56, censée établir que des sommes ont été virées du compte ouvert au nom d'[A] [N] à la banque Lombard Odier à Genève vers le compte ouvert au nom de Mme [P] dans cette même banque est un document dactylographié sans aucune mention d’identification de son auteur qui se borne à reproduire cette allégation. Elle est ainsi dépourvue de toute force probante.
Seule la pièce n°58 des appelants justifie d’un transfert de la somme de 36 000 francs le 29 novembre 2000 de « Mr [A] [N] Ministre plénipotentiaire » au bénéfice de « Mlle [P] [Y] Directrice Alliance Française Ambositra Madagascar ». Cependant, outre que ce seul document ne suffit pas à démontrer l’existence d’une libéralité, la mention des fonctions institutionnelles respectives d’ [A] [N] et de Mme [P] sur ce document tendrait même à la contredire.
Enfin, la cour souligne qu’en dépit de l’énoncé des frais de Mme [P] qu’aurait supportés leur père dans une intention libérale, les appelants ne produisent aucune pièce concernant les voyages à l’étranger mentionnés ou l’achat d’un véhicule par exemple. La simple production d’un article confirmant que Mme [P] a exposé des photographies ne suffit pas à démontrer que le matériel qu’elle a utilisé a été financé par [A] [N].
Au demeurant, il convient de rappeler que le rapport à succession ne peut, aux termes de l’article 843 du code civil, être exigé que d’un héritier ab intestat.
Les sociétés LCL et Predica ont évoqué cet obstacle juridique sans que les appelants y répliquent.
Aucun rapport à succession ne peut effectivement être exigé de Mme [P] et de Mme [C] qui n’ont pas cette qualité, sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen de Mme [P] et de Mme [C] fondé sur les articles L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances qui exclut le bénéfice d’une assurance-vie du régime des successions, et en particulier des règles du rapport et de la réduction, ou celui des appelants tiré du caractère exagéré des primes, qui tend à prévoir une exception à cette exclusion.
Pour ce seul motif, le jugement sera confirmé s’agissant du rejet de la demande de rapport.
Sur les fonds du contrat Lionvie Equateur Série […]
Ce contrat a été souscrit par [A] [N] le 30 août 2007 et la désignation bénéficiaire de Mme [C] à hauteur de 10 % et de chacune des petites-filles d'[A] [N] à hauteur de 22,5 % chacune date du 9 août 2016.
Il est constant que les fonds correspondant aux 10 % destinés à Mme [C] n’ont pas été versés et ont été mis sous séquestre auprès de l’assureur par décision judiciaire.
Au soutien de leur demande tendant à voir condamner la société Predica à restituer les fonds qu’elle détient en qualité de séquestre, correspondant aux 10 % du contrat Lionvie dont Mme [G] [C] est bénéficiaire, les appelants soutiennent qu’elle était l’assistante de vie d'[A] [N] et que l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles rend nul et de nul effet le bénéfice du contrat d’assurance-vie.
L’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles, dans sa version en vigueur du 1er octobre 2016 au 12 mars 2021, soit à la date du jugement entrepris, interdisait à certaines personnes effectuant des services à la personne à domicile de recevoir les libéralités de la part des personnes pour qui elles travaillent.
Le tribunal a écarté l’application de cet article en l’espèce au motif que l’incapacité de recevoir édictée par ce texte n’est pas étendue à tous les employés intervenant au domicile de personnes âgées, qu’elle n’est notamment pas applicable aux femmes de ménage, et qu’au vu du code NATAF figurant sur ses bulletins de paie, tel était bien l’emploi de Mme [C].
Par décision n° 2020-888 du 12 mars 2021, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause l’atteinte au droit de propriété porté par l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles, a déclaré que les mots « ou d’un service soumis à agrément ou à déclaration mentionné au 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail » figurant au premier alinéa du paragraphe I de l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations et les mots « ainsi qu’aux salariés mentionnés à l’article L. 7221-1 du code du travail accomplissant des services à la personne définis au 2° de l’article L. 7231-1 du même code » figurant au second alinéa du même paragraphe sont contraires à la constitution. Cette déclaration d’inconstitutionnalité a pris effet à compter de la date de publication de la décision, le Conseil constitutionnel précisant qu’elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.
En application de l’article 12 du code de procédure civile, il convient donc d’office de constater que la prétention de M. [D] [N] et [S] [N] ne peut plus être fondée sur les dispositions de l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles déclarées inconstitutionnelles et que la version applicable de ce texte ne pose plus d’incapacité générale de recevoir pour les assistantes de vie.
Il appartient dès lors à celui qui entend obtenir la nullité de la libéralité de prouver la vulnérabilité ou la dépendance du donateur à l’égard de la personne qui l’assiste.
En l’espèce, les appelants se contentent de faire état de la baisse d’acuité visuelle de leur père et d’indiquer qu’il leur « importe [‘] de savoir si [‘] leur père n’a pas été victime d’un abus de faiblesse en vue d’une captation d’héritage », sans en rapporter la preuve. Ils ne produisent pas même d’attestation de M. [R] dont ils indiquent pourtant qu’il confirmerait l’information selon laquelle Mme [C] aurait fait état de pressions exercées sur [A] [N] par Mme [P].
Comme le soulignent à juste titre les premiers juges d’une part et Mme [P] d’autre part, il y a lieu de relever que les appelants ne remettent pas en cause les facultés de leur père pour les désignations bénéficiaires à leur profit ou les dispositions testamentaires mêmes ultérieures aux désignations bénéficiaires de Mme [P] et Mme [C].
Les appelants ajoutent que Mme [C] ne démontre pas être la réelle bénéficiaire des 10 % du contrat d’assurance-vie puisque ni son nom ni son prénom ne sont exactement ceux indiqués dans la clause bénéficiaire modifiée.
Il est de jurisprudence constante qu’en application de l’article L.132-8 du code des assurances, il appartient aux juges du fond d’interpréter souverainement la volonté du souscripteur pour identifier le bénéficiaire désigné de façon imprécise.
En l’espèce, la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie Lionvie est rédigée au profit de Mme « [T] [C] » pour 10 %.
Il est acquis que Mme [G] [O] épouse [C] était en lien avec [A] [N], dont elle était l’employée. Dans ces conditions, l’erreur portant sur une lettre de son nom marital ne saurait remettre en cause son identification, le prénom « [T] » étant manifestement une simple francisation de son second prénom utilisé à titre de prénom d’usage en France.
La volonté d'[A] [N] ne fait dès lors aucun doute.
Enfin, la circonstance que le bénéfice des 10 % du contrat d’assurance-vie Lionvie représente pour Mme [C] une gratification six fois plus importante que l’intégralité de ses salaires pendant sa période d’activité est totalement inopérante, même pour l’appréciation de l’éventuel caractère exagéré des primes, qui n’est à mettre en rapport qu’avec les revenus et le patrimoine du souscripteur.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a :
– débouté M. [D] [N] et [S] [N] de leur demande de « restitution » des fonds détenus par la société Predica en qualité de séquestre pour 10 % du contrat Lionvie Equateur Série […] soit un montant de 61 202,00 euros,
– ordonné la levée du séquestre de la somme de 60 127,39 euros détenue par la société Predica,
– ordonné à la société Predica de verser à Mme [G] [C] la somme de 60 127,39 euros,
– dit que ce versement sera effectué, une fois les formalités fiscales préalables de l’article 990 I du code général des impôts par Mme [G] [C],
– dit que cette somme produit intérêts au taux légal à compter du jour de la connaissance par l’assureur de l’accomplissement des formalités fiscales de l’article 990 I du code général des impôts par Mme [G] [C].
Dès lors que la restitution réclamée par les appelants est rejetée comme non-fondée, il convient de confirmer également le rejet de leur prétention subséquente tendant à voir condamner LCL et Predica à les « indemniser en garantie des sommes qui ne seraient pas restituées par Mme [C] et Mme [P] ».
Par ailleurs, Mme [C] entend voir ordonner que la somme de 60 127,39 euros produise intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2017.
La société Predica s’y oppose.
Le tribunal a retenu que Mme [C] n’est pas fondée à obtenir que les intérêts au taux légal courent à compter de sa mise en demeure puisque la société Predica a été rendue destinataire d’une opposition à règlement antérieure.
La cour ajoute que le blocage de la part de Mme [C] a été judiciairement ordonnée par l’ordonnance du juge des référés du 3 octobre 2017 et que la libération des fonds n’est pas subordonnée à la seule volonté des appelants, comme le prétend Mme [C] mais à l’issue de la procédure judiciaire au fond, avec le prononcé du présent arrêt qui confirme qu’elle peut en bénéficier.
Il lui appartient désormais d’effectuer les formalités fiscales de l’article 990 I du code général des impôts.
Le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 4 juin 2020 sera donc également confirmé en ce qu’il a dit que la somme à verser par Predica à Mme [C] produira intérêts au taux légal à compter du jour de la connaissance par l’assureur de l’accomplissement par celle-ci de ces formalités.
Sur la demande indemnitaire contre Mme [P] et de Mme [C] pour abus de faiblesse
La demande des appelants à des dommages et intérêts d’un montant de 3 000 euros étant fondée sur les articles 1240 à 1242 du code civil, il y a lieu de rappeler que le premier de ces textes dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Le tribunal a écarté la prétention des demandeurs à ce titre à défaut de pièce étayant leurs allégations quant à un abus de faiblesse.
La cour rappelle qu’il résulte des termes mêmes des conclusions des appelants qu’ils ne caractérisent nullement l’abus de faiblesse qu’ils évoquent à titre de faute, se contentant d’indiquer qu’il leur « importe [‘] de savoir si [‘] leur père n’a pas été victime d’un abus de faiblesse en vue d’une captation d’héritage », admettant implicitement qu’ils n’en rapportent pas la preuve et souligne qu’ils ne produisent pas même d’attestation de M. [R] dont ils indiquent pourtant qu’il confirmerait l’information selon laquelle Mme [C] aurait fait état de pressions exercées sur [A] [N] par Mme [P].
Au demeurant, il y a lieu de noter que les appelants soutiennent, aux termes mêmes du dispositif de leurs conclusions que Mme [C] et Mme [P] auraient « exploit[é] la faiblesse d'[A] [N] », laquelle n’est pas démontrée, « en leur qualité d’assistantes de vie », alors qu’aucune pièce du dossier ne vient corroborer l’existence d’une relation employée/employeur entre Mme [P] et [A] [N], et que le tribunal a retenu à juste titre, à l’issue d’une analyse détaillée du contrat de travail de Mme [C], de ses bulletins de paie et des autres pièces du dossier, qu’il n’était pas établi que celle-ci exerçait auprès de son employeur la fonction d’assistante de vie.
Le jugement sera donc confirmé.
Sur la demande indemnitaire contre les sociétés LCL et Predica
En première instance, M. [D] [N] et [S] [N] faisaient grief à la société Predica d’avoir enregistré les clauses bénéficiaires désignant des non-héritiers.
Le tribunal a écarté toute faute en retenant notamment qu’il ne saurait être reproché à un assureur d’avoir exécuté un contrat d’assurance-vie conformément aux termes de ce contrat et qu’il n’est pas établi qu’un assureur ait l’obligation d’aviser les héritiers d’un souscripteur avant le versement du capital d’une assurance-vie au bénéficiaire désigné ou de vérifier l’identité du bénéficiaire d’une assurance-vie, les demandeurs mettant en exergue les erreurs affectant le prénom et le nom de Mme [C].
Il ne saurait être reproché aux sociétés LCL et Predica d’avoir admis une clause bénéficiaire au profit de tiers qui n’ont pas qualité d’héritiers alors qu’il s’agit justement de l’une des propriétés des contrats d’assurance-vie. De même, il ne peut leur être reproché d’avoir exécuté cette clause, à l’égard de Mme [P], en réglant les fonds correspondants alors que l’assureur y est contractuellement tenu.
Par ailleurs, le grief qui est fait à ces sociétés de n’avoir pas vérifié la qualité des bénéficiaires mentionnées à recueillir des donations manque de pertinence dans la mesure où ni le tribunal ni la cour ne dénient cette qualité à Mme [C] ou à Mme [P]. Il ne saurait donc être reproché à un assureur et à son intermédiaire de ne pas avoir fait une appréciation contraire et refusé en conséquence la mention de leurs noms en qualité de bénéficiaires des contrats d’assurance-vie d'[A] [N].
Les appelants reprochent encore aux sociétés LCL et Predica un défaut de conseil avisé à l’égard d’une personne âgée dont elles ne pouvaient ignorer qu’elle était en situation d’abus de faiblesse et que son état de santé était critique.
En application de l’article 9 du code de procédure civile, il leur appartient de démontrer la vulnérabilité d'[A] [N] et le défaut de conseil allégué.
Il a déjà été vu qu’aucun élément ne corrobore une particulière vulnérabilité d'[A] [N].
Le moyen selon lequel les recueils de bonne compréhension et avis de conseils que LCL et Predica ont soumis à la signature d'[A] [N] démontrent que la banque et l’assureur savaient qu’il existait des risques importants d’abus de faiblesse tend à inverser cette charge de la preuve. Si la signature de ces documents par [A] [N] ne saurait suffire à établir qu’il avait reçu toutes informations utiles, elle ne saurait être interprétée comme le signe d’une inquiétude de la banque et de l’assureur.
Les appelants revendiquent cette inversion de la charge de la preuve en affirmant qu’« il n’appartient pas au client, surtout s’il est âgé, gravement malade et par conséquent vulnérable, d’apporter la preuve d’une bonne information, mais il appartient au banquier de prouver que son devoir de conseil était à la portée de son client ».
Tous les arrêts qu’ils citent pour asseoir cette allégation concernent le devoir de mise en garde du banquier prêteur de deniers ; il n’est pas certain que cette jurisprudence soit transposable au banquier intermédiaire d’assurance ou à l’assureur pour la rédaction ou la modification de clause bénéficiaire à laquelle ni l’un ni l’autre n’a d’intérêt propre au contraire du remboursement d’un prêt.
En toute hypothèse, s’il est établi qu'[A] [N] était âgé de 90 ans lors des désignations bénéficiaires litigieuses et que sa vue était défaillante, aucune pièce du dossier ne vient contredire sa bonne compréhension des informations et conseils qu’il a reconnu avoir reçus en signant les documents intitulés « recueils de bonne compréhension » et « avis de conseils » dont se prévalent LCL et Predica.
Le défaut de conseil imputé à ces sociétés n’est par conséquent pas établi.
Alors que les premiers juges avaient déjà mis en exergue qu’il n’était pas non plus établi qu’un assureur ait l’obligation de vérifier l’identité du bénéficiaire d’une assurance-vie, les appelants se prévalent encore en cause d’appel des erreurs affectant le prénom et le nom de Mme [C] sans davantage démontrer que l’assureur ou son intermédiaire ont une obligation d’exactitude à ce sujet. Ils se bornent à indiquer que « cela semble surprenant compte tenu des règles prudentielles imposées aux banques en particulier en matière de détournement ou de blanchiment d’argent ».
Puisque les appelants ne justifient pas d’un manquement de la banque ou de l’assureur à une obligation avérée, constitutif d’une faute, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts dirigée contre LCL et Predica.
Sur la demande indemnitaire contre les appelants
Le tribunal a condamné in solidum M. [D] [N] et [S] [N] à payer à Mme [P] et de Mme [C] la somme de 3 000 euros chacune pour procédure abusive en retenant qu’ils ont, sans aucune pièce, formé des demandes mettant en cause la probité des défenderesses.
La cour constate qu’en dépit du rejet de leurs prétentions et de cette condamnation en première instance, ils n’ont pas fourni de nouvelles pièces en cause d’appel et se contentent encore de procéder par voie d’allégations, leurs moyens étant surtout constitués d’hypothèses rédigées au conditionnel.
Mme [P] et Mme [C] ont nécessairement subi un préjudice moral compte tenu de la nature vexatoire des allégations portées à leur encontre, s’agissant notamment de l’abus de faiblesse allégué.
Le jugement sera donc confirmé.
L’appel ayant prolongé inutilement le préjudice moral déjà subi par Mme [P] et Mme [C] avec la procédure de première instance, il y a lieu de leur allouer des dommages et intérêts complémentaires de 1 500 euros chacune.
Sur l’amende civile
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
La carence de M. [D] [N] et [S] [N] dans l’administration de la preuve a été, en première instance et en appel, plusieurs fois soulignée.
La cour relève également qu’alors que le tribunal avait déjà noté qu’ils n’établissaient pas l’existence à la charge de la banque et de l’assureur des obligations dont ils alléguaient que le non-respect était fautif, la prétention indemnitaire contre les sociétés LCL et Predica a été réitérée sans nouveau moyen susceptible de l’étayer davantage, ne serait-ce qu’au plan textuel.
Dans ces conditions, la témérité de l’appel conduit à condamner M. [D] [N], tant en son nom propre qu’en qualité d’héritier de [S] [N], dont il était auparavant le curateur, à une amende civile de 1 000 euros.
Sur les frais et dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Il convient, en application de cette disposition, de condamner M. [D] [N], en son nom propre et en qualité d’héritier de [S] [N], aux dépens de l’instance d’appel qui seront recouvrés par la SELARL Messager Couilbault, représentée par Me Stéphanie Couilbault Di Tommaso, avocat au barreau de Paris, conformément à la demande de la société Predica fondée sur les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Il n’y a pas lieu de revenir sur les condamnations aux dépens déjà prononcées dans le cadre d’instances précédentes.
L’équité commande que M. [D] [N] soit en outre condamné à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros à Mme [P], la somme de 3 000 euros à Mme [C], la somme de 2 000 euros à la société LCL et la somme de 2 000 euros à la société Predica.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement prononcé le jugement du 4 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en tous ses chefs de dispositif dévolus à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne M. [D] [N], en son nom propre et en qualité d’héritier de [S] [N], à payer à Mme [Y] [P] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne M. [D] [N], en son nom propre et en qualité d’héritier de [S] [N], à payer à Mme [G] [O] épouse [C] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne M. [D] [N], en son nom propre et en qualité d’héritier de [S] [N], à une amende civile de 1000 euros ;
Condamne M. [D] [N], en son nom propre et en qualité d’héritier de [S] [N], aux dépens ;
Autorise la SELARL Messager Couilbault, représentée par Me Stéphanie Couilbault Di Tommaso, avocat au barreau de Paris, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne M. [D] [N], en son nom propre et en qualité d’héritier de [S] [N], à payer à Mme [Y] [P] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [D] [N], en son nom propre et en qualité d’héritier de [S] [N], à payer à Mme [G] [O] épouse [C] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne M. [D] [N], en son nom propre et en qualité d’héritier de [S] [N], à payer à la S.A. LCL (Le Crédit Lyonnais) la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [D] [N], en son nom propre et en qualité d’héritier de [S] [N], à payer à la S.A. Predica (Prévoyance Dialogue du Crédit Agricole) la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de M. [D] [N] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,