COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 25 MAI 2023
N° 2023/
FB/FP-D
Rôle N° RG 19/18381 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFHVU
[F] [I] épouse [G]
C/
SARL ELICS SERVICES 06700
Copie exécutoire délivrée
le :
25 MAI 2023
à :
Me Anaëlle GUEGUEN, avocat au barreau de NICE
Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau D’AIX-EN-
PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 10 Janvier 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00446.
APPELANTE
Madame [F] [I] épouse [G], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Anaëlle GUEGUEN, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SARL ELICS SERVICES 06700, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023 prorogé au 25 mai 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [I] épouse [G] (la salariée) a été engagée par contrat à durée déterminée de remplacement par la SARL Elics Services 06700, propriétaire de la marque Pro-Seniors, du 1er août 2015 au 31 août 2015, en qualité d’assistante de vie, classification 3.
Les parties ont conclu le 1er septembre 2015 un contrat à durée indéterminée à temps partiel par lequel la salariée a été engagée en qualité d’assistante de vie, classification 2, moyennant une rémunération brute horaire de 10,16 euros pour 40 heures hebdomadaires .
Sa durée de travail a été modifiée par avenants du 27 août 2015 puis du 27 septembre 2015 et par avenant 1er janvier 2016 celle-ci a été portée à temps complet.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des entreprises de services à la personne.
La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment du licenciement.
Le 20 avril 2016 la société lui a notifié un avertissement en ces termes :
‘ Le 08 avril 2015 à 20h00, en arrivant sur la prestation de Mme [O] vous avez eu une altercation d’une part avec Mme [O] et ensuite avec votre collègue Mme [X] au cours de laquelle des insultes ont été échangées et tout cela devant Mme [O] qui est une bénéficiaire de 96 ans qui souffre d’anxiété chronique et auprès de qui nous intervenons justement pour palier à ces troubles.
Tous ces faits ont provoqués chez Mme [O] un gros état de stress et d’anxiété qui est intolérable d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé puisque le 09 mars 2016 nous vous avions déjà notifié par un appel téléphonique que nous ne pouvions accepter votre un comportement inapproprié envers vos collègues et de plus contraire à nos valeurs de respect et d’humanité.
Nous vous avions également demandé de nous faire un retour systématique de toutes situations qui auraient pu provoquer un déséquilibrage au sein du groupe.
Aussi nous n’avons eu connaissance de ce conflit que le 14 avril 2016 par hasard et par une autre collègue qui se trouve sur la mission de Mme [O].
Le neveu de Mme [O] ainsi que l’intervenante principale Mme [V] ont été prévenus en amont sans que jamais vous ne nous informiez de ces faits graves. Ceci est inacceptable car cela nuit gravement d’une part au bon fonctionnement e nos interventions auprès de Mme [O] et d’autre part à l’image de Pro-Séniors.
Nous vous demandons donc d’adopter immédiatement le changement de comportement radical qui s’impose’.
Le 15 février 2017 la salariée a été convoquée à un entretien préalable à éventuel licenciement, fixé le 27 février 2017.
Par lettre du 2 mars 2017 la société lui a notifié son licenciement pour faute grave en ces termes:
‘Dans le cadre de vos fonctions, vous intervenez chez Madame [O] depuis le 11 janvier 2016 pour des gardes de nuits agitées 35h par semaine. Votre mission consiste à assurer une surveillance constante et à veiller au bien être de Mme [O] qui fait des crises d’angoisses qui sont accentuées par la nuit. Pour cela il s’agit de la rassurer en calmant ses crises d’angoisses, de l’accompagner aux toilettes de manière régulière et de se rendre disponible dès que Mme [O] en éprouve le besoin.
Or, le 03 février 2017, Mme [V], auxiliaire de vie référente employée par I’UDAF et intervenante principale de Madame [O], a fait part dans un mail de son mécontentement face à l’état déplorable dans lequel elle a retrouvé Madame [O].
A plusieurs reprises Mme [V] est arrivée le matin et a trouvé Madame [O] couchée, avec la barrière de sécurité relevée. De ce fait, Madame [O] n’a pu se lever seule la nuit pour aller aux toilettes et s’est donc urinée dessus. De plus, Mme [V] a remarqué à plusieurs reprises que les interrupteurs étaient scotchés de manière à ce que Madame [O] ne puisse pas allumer la lumière la nuit.
Enfin, elle m’indique qu’il arrive que vous empêchiez Madame [O] de boire le soir pour qu’elle ne se lève pas pour aller aux toilettes la nuit.
De plus, le neveu de Madame [O] a également fait parvenir un mail à Mme [C], tutrice de Madame [O] le 03 février 2017, dans lequel il décrit que Madame [O] se plaint de son environnement depuis quelques semaines ainsi que du fait que vous l’empêchiez de se lever la nuit pour faire ses besoins, que vous lui interdisiez l’allumage des interrupteurs en les scotchant et que vous vous amusiez avec des draps et couvertures à la couvrir ou découvrir de manière intempestive.
De plus, il précise que Madame [O] souffre de la mauvaise ambiance qui règne chez elle entre les différentes intervenantes. En effet, il apparaît qu’une très mauvaise entente entre l’équipe d’auxiliaires de vie qui intervient, transparaît anormalement chez Mme [O].
Suite à tous ces faits nous avons convoqué le 13 février 2017 toute l’équipe d’auxiliaire de vie qui intervient chez Madame [O] afin de mettre un terme à toutes ces querelles dans le but d’apaiser Madame [O].
Nous avons donc formulé clairement le fait que nous n’accepterions plus aucune attitude de ce genre et que de plus aucune querelle ne serait tolérée. Malgré ces consignes, à peine sortie de cette réunion en étant toujours dans l’enceinte de la société vous avez pris à partie l’une de vos collègues et l’avez agressé verbalement au point que j’ai dû intervenir pour mettre fin au litige.
Vos agissements démontrent un comportement contraire aux obligations nées de votre contrat de travail. En effet, en tant qu’auxiliaire de vie, vous connaissez votre obligation nécessaire au fonctionnement d’une société telle que la nôtre, et vous avez déclaré accepter pleinement cette obligation lors de votre embauche. Or vos actes envers Madame [O] s’apparentent à de la maltraitance.
Vous ne nous avez jamais alerté sur un quelconque problème sur votre prestation.
Lors de notre entretien vous ne vous êtes à aucun moment remis en cause. Nous sommes contraints de douter fortement de la sincérité de votre engagement professionnel et nous nous interrogeons sur votre perception du fondement du métier d’auxiliaire de vie.
Votre négligence, votre manque de respect pour nos usagers fragilisés, ont contribué à dégrader l’image de qualité du service que nous garantissons à nos usagers.
Vous avez dégradé l’image de notre entreprise auprès de nos bénéficiaires. Vos actes ont eu pour conséquence la remise en cause des liens contractuels avec nos clients. Je vous rappelle que vous avez déjà reçu un avertissement concernant votre comportement le 20 avril 2016 suite à une altercation qui avait eu lieu devant Madame [O] le 08 avril 2016 au cours de laquelle des insultes avaient été échangées et qui avait provoqué chez Madame [O] un gros état de stress et d’anxiété.
L’ensemble de ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement nous empêchant de maintenir votre contrat de travail et imposent la qualification de faute grave que nous retenons à votre encontre’.
La salariée a saisi le 14 juin 2017 le conseil de Prud’hommes d’une demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de demandes d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité pour rupture abusive, d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 10 janvier 2019 le conseil de prud’hommes de Grasse a :
– dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse constitutif d’une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise,
– débouté Madame [F] [I] épouse [G] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la SARL Elics Services 06700 de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamné Madame [F] [I] épouse [G] aux entiers dépens.
La salariée a interjeté appel du jugement par acte du 4 février 2019 énonçant :
‘Objet/Portée de l’appel: L’appelante critique les chefs de demande du jugement rendu en ce qu’il a, par une appréciation erronée des faits de l’espèce,
« Dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse constitutif d’une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise», « Débouté Madame [F] [I] de l’ensemble de ses demandes. » « Condamné Madame [F] [I] épouse [G] aux entiers dépens. ».
Par ordonnance d’incident du 23 mai 2019 le magistrat de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel.
Par arrêt sur déféré du 14 novembre 2019 la cour d’appel a infirmé l’ordonnance du 23 mai 2019 et déclaré la salariée recevable en son appel du jugement du 10 janvier 2019 rendu par le conseil de Prud’hommes de Grasse.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 mai 2019 Mme [G] demande de:
REFORMER la décision rendue par le Conseil des Prud’ hommes de Grasse le 10 janvier 2019
DIRE ET JUGER que le licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.
CONDAMNER la société « Elics Services 06700» au paiement de la somme de 400,69 € au titre de l’indemnité de licenciement.
CONDAMNER la société « Elics Services 06700» au paiement de la somme de 16.027,92 € au titre de l’indemnité pour rupture abusive.
CONDAMNER la société « Elics Services 06700» au paiement de la somme de 2.003,49 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.
CONDAMNER la société «Elics Services 06700 » au paiement de la somme de 3.000 € au titre des dispositions contenues à l’Article 700 du Code de Procédure Civile, outre aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 juillet 2019 la SARL Elics Services 06700 demande de:
RECEVOIR la société Elics Services 06700 en ses demande et les dire bien fondée ;
CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Grasse rendu le 10 janvier 2019 ;
Par conséquent,
A titre principal,
DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [G] est justifié pour faute grave;
DEBOUTER Madame [G] de l’ensemble de ses demandes;
CONDAMNER Madame [G] à payer la somme de 2.500 euros à la société Elics Services 06700 au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;
CONDAMNER Madame [G] aux entiers dépens de l’instance.
A titre subsidiaire
REDUIRE la demande d’indemnité pour licenciement abusif de Madame [G];
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2023.
SUR CE
Sur le licenciement
Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l’employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.
Les motifs de faute doivent contenir des griefs précis, objectifs et matériellement vérifiables.
En l’espèce il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société reproche à la salariée les faits suivants:
– un comportement négligent et irrespectueux dans l’exercice de ses fonctions d’auxiliaire de vie de nuit auprès d’une personne âgée vulnérable, contraire aux obligations contractuelles et s’apparentant à de la maltraitance;
– l’agression verbale d’une collègue le 13 février 2017 au sortir d’une réunion justement destinée à mettre un terme aux conflits entre les intervenants auprès de cette personne;
ces faits, intervenus dans un contexte de précédent disciplinaire, portant atteinte à l’image de l’entreprise auprès de ses bénéficiaires.
A l’appui des griefs la société produit :
– le mail de Mme [C], mandataire judiciaire chargée de la mesure de protection de Mme [O], du 3 février 2017 indiquant à l’employeur :
‘Je viens vers vous car j’ai eu Mme [V] en ligne qui m’indique qu’elle rencontre des difficultés avec Mme [F] [G]. A plusieurs reprises Mme [V] est arrivée le matin et a trouvé Mme [O] couchée, avec la barrière de sécurité relevée. De ce fait, Mme [O] ne peut pas se lever seule la nuit pour aller aux toilettes et s’est donc urinée dessus. De plus, Mme [V] a remarqué à plusieurs reprises que les interrupteurs étaient scotchés de manière à ce que Mme [O] ne puisse pas allumer la lumière la nuit. Enfin, elle m’indique que parfois Mme [G] a dans le passé empêché Mme [O] de boire le soir pour qu’elle ne se lève pas pour aller au toilette la nuit.
Ces révélations me dérangent un peu car nous avons signé un contrat prévoyant les nuits agitées. De ce fait, Mme [O] doit pouvoir garder son autonomie la nuit et se lever si elle en a besoin. Cette situation serait à l’origine de tension entre Mme [G] et Mme [V] qui lui aurait fait part de son mécontentement il plusieurs reprises. Il y aurait donc eu plusieurs fois des altercations entre elles, devant [O]. Je vous avoue que cela me dérange beaucoup. Mme [O] est âgée de 97 ans et a besoin de sérénité.
Je souhaite que nous puissions échanger ensemble sur ce sujet afin de trouver le meilleure solution possible pour Mme [O]’;
– le mail de M. [U], neveu de Mme [O], du 7 février 2017 indiquant à l’employeur :
‘Depuis quelques semaines, Madame [O] se plaint de son environnement:
– une personne l’empêche de se lever la nuit pour faire ses besoins,
– lui interdit l’allumage de l’électricité en lui scotchant les interrupteurs,
– et ‘s’amuse’ avec draps et couvertures à la couvrir et découvrir de façon intempestive
Cette situation inacceptable et qui fait penser à des sévices intolérables doit cesser dans les plus brefs délais.
Si vous souhaitez, pour vous aider dans votre démarche, que je rédige un courrier au Juge des Tutelles je suis à votre entière disposition pour le bien-être de ma tante.
Au regard des sommes conséquentes engagées sur ses propres deniers, le minimum attendu est le respect et le confort de sa personne.
Il est impératif que cette situation évolue rapidement dans le bon sens et que Madame [O] retrouve une sérénité bien méritée’;
– l’écrit de Mme [M], responsable de secteur chez Pro-seniors, laquelle rapporte : ‘avoir entendu Mme (la salariée) en date du jeudi 29/12/2016, se vanter tout en plaisantant du fait que Mme [O] était très difficile car elle ne dormait pas du tout de la nuit et se levait toutes les cinq minutes et allumait toutes les lumières sur son passage. Mme [G] nous a alors dit sur un ton amusé : ‘Je vais finir par scotcher tous les interrupteurs de la maison, de manière à ce que Mme [O] ne puisse plus du tout allumer sur son passage et je vais également lui interdire de boire’ Le tout étant dit sur le ton de la plaisanterie, nous n’avons pas tenu compte de ses propos sur le moment. Cependant lorsque nous avons reçu le mail de la tutrice de Mme [O], nous avons alors compris qu’il ne s’agissait pas de plaisanteries’;
– l’écrit de Mme [S], salariée, qui affirme : ‘Mme [G] s’est vantée à une relève que j’avais avec elle le samedi matin, d’avoir eu une explication la veille au soir avec Mme [O], parce qu’elle avait dit qu’elle ne l’aimait pas. Après qu’elle m’ait raconté ce qu’elle lui avait dit, ma seule réponse a été de lui demander si vraiment elle lui avait parler de la sorte. ‘Bien sûr que oui’ a été sa réponse. J’ai vraiment été choquée que l’on puisse s’adresser à une personne âgée dont on a la responsabilité de cette façon.
Cet événement a énormément perturbé Mme [O] à son réveil et toute la matinée, quoique je demande à Mme [O], elle répondait ‘je fais comme vous voulez, c’est vous qui commandez’.
Par ailleurs pour la différencier des autres auxiliaires (Mme [O] a un peu de mal avec les prénoms) : ‘c’est celle qui crie et qui dit : ‘Vous faites ce que je dis, c’est moi qui commande’, nous disait à toutes Mme [O].
La dernière fois que Mme [O] m’a parler de Mme [G], ces paroles étaient : ‘je ne l’aime pas, si elle pouvait m’étrangler pendant mon sommeil elle le ferait’
Avec l’arrivée de Mme [G], l’ambiance avec les collègue a beaucoup changé. Il y avait toujours des ‘quand dira t’on’, du genre ‘une telle dit que …’, ‘j’ai entendu que …’;
J’ai moi-même reçu des attaques verbales et blessantes de Mme [G] dans le cadre de ma vie privée.
Je dois reconnaître que depuis que Mme [G] ne fait plus partie des intervenantes de Mme [O], celle-ci est beaucoup moins stressée’;
– l’écrit de Mme [X], salariée, qui déclare ‘avoir été témoin d’un comportement anormal de la part de Mme (la salariée) envers Mme [O] notamment le 8/04/2016 ou Mme (la salariée) a était agressif verbalement envers Mme [O] ce soir-là, elle lui a crié volontairement dessus sans que ce soit justifier à tel point que j’ai du m’interposer pour la défense de Mme [O] et ma agressé verbalement sur le coup en m’insultant et à claquer le portail violemment. D’une manière générale Mme (la salariée) avait tendance à toujours provoqué des histoires, à s’énerver quand on lui tenai tête. Mme [O] ma fait part à plusieurs reprises du fait qu’elle avait peur de Mme (la salariée) car elle lui imposé des choses afin de privilégié sa tranquilité (donc scotch sur les interrupteurs et interdiction de boire pendant la nuit)’.
La salariée conteste les griefs en affirmant avoir au contraire toujours veillé au bien-être et à l’autonomie de la personne âgée chez laquelle elle intervenait, soulignant que son attachement à préserver l’autonomie de celle-ci, en notamment laissant des recommandations aux autres intervenantes, n’était pas apprécié de toutes.
Elle fait valoir que la société ne rapporte la preuve ni de la matérialité des faits ni de leur imputation en ce que les attestations de la tutrice et du neveu ne rapportent aucun constat personnel et les extraits du cahier de liaison qu’elle produit, contredisent les actes reprochés sur la personne dont elle avait la charge .
S’agissant de l’agression verbale d’une collègue le 13 février 2017, à l’analyse des pièces du dossier, la cour relève que la société ne produit aucun élément de nature à démontrer ce fait, au demeurant énoncé de manière imprécise dans la lettre de licenciement.
En effet l’écrit de Mme [X] qui pour l’essentiel porte sur les faits objet de l’avertissement notifié le 20 avril 2016 dont il n’est pas demandé l’annulation, se limite à apporter une appréciation générale sur le comportement provocateur et réactif de la salariée et celle de Mme [S] à rapporter un effet délétère de la salariée sur les relations entre collègues du fait de commérages et d’attaques personnelles de sorte qu’aucune ne porte sur les faits du 13 février 2017 précisément visés dans la lettre de licenciement.
S’agissant de son comportement à l’égard de la personne dont elle assurait la prise en charge la nuit, la cour constate que la société justifie certes de la réception concomitante de deux mails en février 2017 de la gérante de tutelle et du neveu, dénonçant des actes identiques ou de même nature constitutifs de brimades et se déroulant de nuit.
Elle produit également un écrit de la responsable de secteur rapportant des propos de la salariée faisant directement écho à ces actes mais présentés et perçus fin décembre 2017 comme une plaisanterie ainsi que celui de Mme [X].
Toutefois la dénonciation de la gérante de tutelle ne repose pas sur des faits personnellement constatés mais sur les révélations d’une salariée Mme [V], assurant le relais en journée, dont le témoignage n’est pas fourni.
Celle du neveu n’indique pas de quelle manière et dans quelles circonstances il en a eu connaissance alors qu’aucun élément ne permet de déterminer ses contacts avec sa tante que la salariée affirme à distance pour ne pas résider sur place.
Mme [X] rapporte des doléances de la personne prise en charge sur des contraintes imposées par la salariée afin de privilégier sa tranquillité ‘donc scotch sur les interrupteurs et interdiction de boire pendant la nuit’ mais sans préciser s’il s’agit de faits personnellement constatés, dénoncés par la dame gardée ou relevant de ses propres déductions une fois l’alerte donnée par les personnes extérieures à l’entreprise.
Quant aux propos qui sont prêtés à la salariée par sa responsable, s’ils concernent effectivement des faits ensuite dénoncés relatifs à la pose de scotch sur les interrupteurs et à une privation de liquide pour éviter les allées et venues pour aller aux toilettes, qui apparaissent dès lors constituer à posteriori l’annonce d’un passage à l’acte, encore faut-il que la matérialité de ces faits soit en elle-même établie pour contribuer à les étayer.
Or ni la matérialité de ces faits ni leur imputabilité ne sont objectivées par aucun élément.
L’employeur qui n’a procédé à aucune investigation alors même que n’ayant pas prononcé de mise à pied conservatoire il n’était pressé par aucun délai, ne fournit aucun constat direct, aucune alerte ou remontée des autres intervenantes dans une prise en charge pourtant continue mobilisant plusieurs intervenantes se relayant de jour comme de nuit en remplissant un cahier de liaison sur le déroulé de l’intervention assorti d’observations sur l’état de la dame prise en charge.
Les extraits de ce cahier produit par la salariée, parcellaires d’octobre 2016 à février 2017, font notamment ressortir qu’au moins une autre auxiliaire de vie intervenait régulièrement en alternance la nuit ([R]) ou ponctuellement ([L]), qu’aucune mention d’anomalie n’y figure, à propos des interrupteurs ou de tout autre sujet, à l’exception d’une seule mention en date du 30 janvier 2017 de l’auxiliaire de jour, [N], faisant état d’une dame trouvée trempée au lever après avoir uriné sur elle durant la nuit du fait des barres de lit relevées l’empêchant de se lever. La salariée qui affirme qu’elle n’était justement pas de garde la nuit précédente tout en s’abstenant de produire l’extrait correspondant, n’est en tout cas pas démentie par la société qui ne verse aux débats aucun élément contraire et notamment l’extrait correspondant à la nuit du 29 au 30 janvier 2017.
S’il était loisible à la salariée de reporter sur le cahier de liaison ses observations en omettant la réalité, la cour observe que son descriptif d’intervention faisait état de nuits plus calmes que celles des autres auxiliaires reportant régulièrement des nuits très agitées, avec une personne dormant peu, appelant et criant beaucoup, se levant à de nombreuses reprises pour aller aux toilettes, et il ne peut en être conclu à des agissements de la salariée pour s’assurer une garde plus tranquille.
S’agissant de l’état de la personne prise en charge, aucun élément n’est produit mais il ressort tant de l’existence d’une mesure de tutelle que du contenu du cahier de liaison qu’elle présente à tout le moins une désorientation cognitive de sorte que ses réticences ou propos relayés par les pièces produites ne peuvent garantir leur teneur.
Ainsi au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour dit que la société ne rapporte pas la preuve de faits constitutifs d’une faute grave ni de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.
En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de la rupture
1° l’indemnité compensatrice de préavis
La salariée peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents dont il n’est pas discuté qu’elle est équivalente à un mois de salaire sur la base du salaire que la salariée aurait perçu si elle avait travaillé pendant la durée du préavis, lequel comprend tous les éléments de rémunération, d’où une indemnité compensatrice de préavis qui s’établit à la somme de 2 003,49 euros.
En conséquence et en infirmant le jugement déféré la cour condamne la société à verser à la salariée, dans les limites de sa prétention exempte de toute demande au titre des congés payés afférents, la somme de 2 003,49 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.
2° sur l’indemnité légale de licenciement
Aux termes de l’article L.1234-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié titulaire d’un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.
Selon l’article R 1234-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret n°2017-1398 du 25 septembre 2017, le montant de l’indemnité légale de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté auquel s’ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d’ancienneté.
Selon l’article R1234-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret n°2017-1398 du 25 septembre 2017, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.
Ainsi en faisant application des principes précités et au vu d’une ancienneté de un an et huit mois pour un contrat de travail qui a débuté le 1er août 2015 pour expirer le 2 avril 2017 et d’un salaire de référence calculé sur la base des trois derniers mois selon la formule la plus favorable (2026,31 euros), l’indemnité de licenciement s’établit à la somme de 675,43 euros.
En conséquence et en infirmant le jugement déféré la cour condamne la société à verser à la salariée dans les limites de sa demande, la somme de 400,69 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.
3° les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
La salariée qui disposait de moins de deux ans d’ancienneté peut prétendre en application de l’article L.1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.
Eu égard au montant de la rémunération mensuelle brute perçue par la salariée (2 026,31 euros), de son ancienneté limitée, de son âge, de sa capacité à retrouver un emploi, des seules explications et pièces fournies sur son préjudice, il apparaît que la réparation du préjudice subi par la salariée du fait de la perte de l’emploi, doit être fixé à la somme de 5 000 euros.
En conséquence et en infirmant le jugement déféré la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dispositions accessoires
La cour infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la salariée aux dépens de première instance et a rejeté sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société qui succombe est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
En application de l’article 700 du code de procédure civile il est équitable que l’employeur contribue aux frais irrépétibles que la salariée a exposés en première instance et en cause d’appel. La société est en conséquence condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros pour les frais de première instance et celle de 1 000 euros pour les frais d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la SARL Elics Services 06700 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SARL ELICS Services 06700 à verser à Mme [I] épouse [G] les sommes de :
– 2 003,49 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 400,69 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que les sommes allouées sont exprimées en brut,
Condamne la SARL ELICS Services 06700 à verser à Mme [I] épouse [G] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 pour les frais de première instance,
Condamne la SARL ELICS Services 06700 aux dépens de première instance,
Condamne la SARL ELICS Services 06700 à verser à Mme [I] épouse [G] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel,
Condamne la SARL ELICS Services 06700 aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT