Services à la personne : 23 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/01714

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Services à la personne : 23 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/01714

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01714 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IA5Z

YRD/JL

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AUBENAS

07 avril 2021

RG :20/00047

S.C.O.P. S.A.R.L. …ENTRE VOUS ET NOUS … (SERVICES A DOMICILE ARD ECHOIS)

C/

[O]

Grosse délivrée le 23 MAI 2023 à :

– Me OUALID

– Me DESMOTS

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 23 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AUBENAS en date du 07 Avril 2021, N°20/00047

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Leila REMILI, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.C.O.P. S.A.R.L. …ENTRE VOUS ET NOUS … (SERVICES A DOMICILE ARD ECHOIS)

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Raphaël OUALID de la SELARL SELARL YDES, avocat au barreau d’AVIGNON

INTIMÉE :

Madame [F] [O]

née le 08 Avril 1991 à [Localité 5] (26)

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Serge DESMOTS de la SELEURL SERGE DESMOTS AVOCAT, avocat au barreau de NIMES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/006438 du 06/07/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 23 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [F] [O] a été engagée par la société Scop service à domicile Ardéchois ‘Entre Vous Et Nous’ à compter du 20 novembre 2017, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité d’assistante de vie niveau I, garde d’enfants niveau III, de la convention collective nationale des services à la personne.

Mme [O] a été placée en arrêt de travail du 10 au 27 novembre 2018 avant de bénéficier d’un congé maternité et d’un congé parental à compter du 24 décembre 2018.

Le 24 février 2020, à la suite d’une visite médicale de reprise, le médecin du travail déclarait Mme [O] inapte à tout poste dans l’entreprise.

Par lettre en date du 23 mars 2020, Mme [O] était licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête en date du 23 juin 2020, Mme [O] saisissait le conseil de prud’hommes d’Aubenas afin de solliciter diverses indemnités liées à l’exécution du contrat de travail, des dommages-intérêts pour harcèlement moral et diverses sommes manquant au solde de tout compte.

Par jugement contradictoire du 07 avril 2021, le conseil de prud’hommes d’ Aubenas a :

– condamné la société Scop service à domicile Ardéchois ‘Entre Vous Et Nous’ à verser les sommes suivantes à Mme [F] [O] :

* 3000 euros au titre du harcèlement moral,

* 138,24 euros au titre du temps d’attente,

* 1214 euros au titre du préavis,

* 121,40 euros au titre des congés payés afférents,

* 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leur demandes,

– dit que le jugement est de droit exécutoire pour les rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R1454-14 dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne s’élevant à 1530,35 euros brut,

– mis les dépens à la charge de la société Scop service à domicile Ardéchois ‘Entre Vous Et Nous.

Par acte du 30 avril 2021, la société Scop service à domicile Ardéchois ‘Entre Vous Et Nous’ a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 18 janvier 2022, la SARL Scop service à domicile Ardéchois ‘Entre Vous Et Nous’ demande à la cour de :

A titre principal

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Aubenas en ce qu’il :

* l’a condamnée à verser à Mme [F] [O] :

° 3 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

° 138,24 euros au titre du temps d’attente

° 1 214,00 euros au titre du préavis

° 121,40 euros au titre des congés payés afférents

° 1 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

* a mis les dépens à sa charge

* l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

– débouter Mme [F] [O] de l’ensemble de ses demandes

– condamner Mme [F] [O] à lui payer la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamner Mme [F] [O] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour jugerait l’existence d’un harcèlement moral :

– rejeter l’appel incident et la demande de dommages et intérêts à hauteur de 15 000,00 euros

– limiter les dommages et intérêts à la somme de 500,00 euros

A titre subsidiaire dans l’hypothèse où la cour la condamnerait au paiement des temps d’attente :

– rejeter l’appel incident de Mme [O].

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Aubenas en ce qu’il a accordé à Mme [F] [O] la somme de 138,24 euros au titre des temps d’attente ;

Statuant à nouveau

– la condamner à la somme de 83,42 euros au titre des temps d’attente.

Elle soutient que :

– Mme [O] échoue à établir l’existence d’un harcèlement moral,

– Mme [O] ne produit aucun élément au soutien de sa demande en paiement des temps d’attente.

En l’état de ses dernières écritures en date du 19 octobre 2021, contenant appel incident, Mme [F] [O] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes sauf en ce qu’il a condamné la Scop «…Entre Vous Et Nous…’ à lui verser les sommes de 138,24 euros au titre du temps d’attente et de 3.000 euros au titre du harcèlement moral,

Statuant à nouveau,

– condamner la Scop «…Entre Vous Et Nous…’ à lui payer la somme de 15.000 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Et, y ajoutant,

– condamner la Scop «…Entre Vous Et Nous…’ à payer à [U] [T] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Elle fait valoir que :

– elle a fait l’objet d’un harcèlement moral caractérisé par le dénigrement exercé par la directrice de la structure à son égard,

– ces agissements ont contribué à dégrader son état de santé, ont justifié des arrêts de travail et finalement sa déclaration d’inaptitude.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 03 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 20 mars 2023. L’affaire a été fixée à l’audience du 19 avril 2023.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement

au sens de l’article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui laissent supposer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, Mme [O] allègue avoir été victime d’un harcèlement moral se caractérisant par un dénigrement exercée par Mme [A] [L] auprès de ses collègues de travail, par la volonté de nuire de cette dernière, ces agissements ayant eu une répercussion sur son état de santé comme a pu le constater le médecin du travail qui finira par la déclarer inapte après avoir été placée en arrêt de travail.

A l’appui de ses allégations, Mme [O] verse aux débats :

– une attestation de Mme [K] (sic) : « Après l’entretien de Mme [O], [A] me racontait ne pas la vouloir pour diverse raison dont une qui étais en rapport avec son ancien emploi je cite : (Une ancienne fliquette) Elle nous disait clairement qu’elle ne voulais pas  »ça » dans son équipe. Quelques semaines plus tard elle nous annonça que Mme [O] intégrait l’équipe car je cite : elle avais personne d’autre. A l’arrivée de [F], tous le monde étais froid avec elle du fais que [A] nous avez dis de ne pas faire trop de lien avec elle.

(‘)

« j’ai remarqué que mme [L] étais toute douce avec [F] alors que quand elle était pas la,

elle l’a critiquer beaucoup.

(‘)

« [F] revè de voyager en sac à dos et mme [L] lui a dis que c’étais tous à fait possible de

poser un mois cette été (‘). Plusieurs semaines après [F] à poser ses congés mais la Mme

[L] a totalement changé de discours, et critiquer [F] à toutes les filles : je cite Elle se prends pour qui elle, elle crois quel peu partir un mois et que ses vous qui allez vous taper tous son travail ».

– une attestation de Mme [G] (sic) : « Des le début ou mme [O] étais entrer dans l’entreprise qui avait étais choisi et embaucher par Mme [L] [A], disait que celle-ci ne la convenait déjà plus (‘). Mme [L] ma déjà dit plusieurs fois qu’elle ne voulait pas la garder car elle ne savait que ce plaindre et je cite les propos de Mme [L]  »qu’elle devrait retourner jouer à pokemon go avec son chat » »…« j’ai pu remarquer des messages sur le groupe  »les dingos » que Mme [O] [F] était envoyer chez des personnes en situation d’handicap alors que Mme [O] n’avait aucun diplôme pour ceux-ci »,

– l’attestation de M. [V], son compagnon :« [F] recevait beaucoup d’intervention de dernière minute et souvent il nous a fallu annulé des sorties de prévues pour que [F] aille travailler »

– un échange de SMS entre elle et Mme [L] au cours duquel cette dernière lui demandait de « donner le médicament du soir » alors qu’elle ne disposait, pour seul diplôme obtenu depuis son embauche, que du BAFA,

– ses plannings et le tableau récapitulatif de l’amplitude journalière établissant qu’à plus de 40 reprises, l’amplitude de travail dépassait les 12 heures fixées par la convention collective et, qu’à plus de 20 reprises, l’amplitude dépassait le plafond maximal de 13 heures,

– des échanges de messages sur les réseaux où certaines de ses collègues la traitaient de « petite conne », écrivant que « elle est pas rester chez les poulets’ trop dur le cul sur une chaise au commissariat ou en planque en voiture’ », Mme [L] ajoutant : « [F], [J], [Z], [B]’vont morfler’je les veut plus et vais bien m’amuser », où Mme [L] se met en scène en se prenant en photo avec un pistolet pour répondre à la proposition d’une autre salariée de s’armer d’une « réserve de couteau » pour se séparer des salariés encombrant comme Mme [O],

– son dossier médical de santé au travail mentionnant une souffrance psychique au travail.

– l’avis d’inaptitude du 24 février 2020, après une « étude de poste » et « des conditions de travail » révélant une « souffrance psychique au travail (harcèlement moral) ».

– un certificat de sa psychologue qui atteste « avoir reçu Mme [O], dans un contexte de souffrance liée au travail : le 30/01/20 » et avoir évoqué avec elle « un contexte professionnel lourd, avec pression et surcharge de travail engendrant un stress intense ».

– les arrêts de travail du 10 au 27 novembre 2018 puis du 09 janvier au 02 mai 2019.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Il appartient à l’employeur de justifier que son comportement était étranger à tout harcèlement.

La société ouvrière de production à responsabilité Limitée…Entre Vous et Nous… réplique que :

– si Mme [O] devait donner un médicament, il s’agissait de médicament préparé et placé dans le pilulier par une infirmière diplômée ce qui ne nécessitait aucune formation particulière, Mme [O] devant s’assurer que la personne prenne bien son médicament, ce qui ne peut être considéré comme un harcèlement moral,

– si Mme [O] était envoyée chez des personnes frappées de handicap comme le relève Mme

[G] ce n’était pas pour donner des soins, ce pour quoi Mme [O] ne disposait d’aucune formation, mais pour y exercer ses propres prestations, ce qui ne peut s’assimiler à du harcèlement,

– les échanges (pièce n°19 de l’intimée) sont intervenus sur un réseau de messagerie privé et fermé «Girlpower» auquel Mme [O] n’avait pas accès et qui a été créé par Mme [R] afin d’échanger exclusivement entre quatre personnes : elle-même, Mme [A] [L], Mme [W] [N] et Mme [S] [I], les propos rapportés par Mme [O]

n’émanent pas de Mme [L], cette messagerie à une vocation de «défouloir» entre personnes d’une même entreprise, au demeurant, Mme [O] avait produit en première instance une attestation de Mme [R] qui pourtant la brocardait sur cette même messagerie, ainsi est-ce bien Mme [M] [R] qui écrivait « mais c’est mss grave je porterai le préjudice d’une démission de [O] [ [O]]» puis « elle nous emmerde », Mme [L] ne porte aucune responsabilité dans ces propos. L’employeur relève justement que les échanges incriminants que produit Mme [O] lui ont été fournis par celle-là même qui les a tenus et qui tenait à son égard des propos inconvenants sur une messagerie privée à laquelle elle n’avait pas accès ; effectivement Mme [O] n’apparaît pas comme membre de cette messagerie. Ces éléments ne peuvent donc caractériser un harcèlement moral de la part de Mme [L].

– il n’est pas contesté que l’amplitude de travail de Mme [O] ait pu excéder 12 voire 13 heures, toutefois ces journées étaient très largement compensées par des journées très courtes et par de larges plages de liberté de plusieurs heures, comme le révèlent ses plannings, qui permettaient à Mme [O] de prendre des repos ou de vaquer à ses occupations personnelles avec une grande liberté.

La société appelante produit des attestations de salariées confirmant que Mme [L] essayait de faciliter la vie de ses collaboratrices et associées en composant avec les absences d’une des salariées et l’obligation absolue d’intervenir au domicile de personnes très âgées, handicapées ou d’enfants non gardés en l’absence d’une intervention.

Elle relève également que l’examen du planning de Mme [O] ne révèle pas une pression découlant des horaires pratiqués qui serait oppressante ou préjudiciable.

Enfin, la société appelante produit des échanges entre Mmes [L] et [O] traduisant une complicité entre elles au début de la relation de travail jusqu’à son arrêt.

Mme [S] [I] témoigne : « j’ai rapidement constaté que Mme [O] était régulièrement au siège et proche de Mme [L] [A]. Elle passait régulièrement chez Mme [L] [A] après sa journée de travail ou pendant les week-end».

La cour note que Mme [O] a exercé ses fonctions d’assistante de vie au sein de la société pendant moins d’un an, du 20 novembre 2017 jusqu’à son arrêt de travail pour grossesse pathologique du 10 au 27 novembre 2018, elle a repris jusqu’au 24 décembre, date à laquelle elle va s’arrêter définitivement, d’abord en congé maladie (jusqu’au 17 avril 2018), puis en congé de

grossesse pathologique (du 19 avril au 2 mai 2018) puis en congé maternité (du 3 mai 2018 au 22 août 2018) suivi d’un congé parental jusqu’au 23 février 2019, enfin en absence non rémunérée jusqu’au 23 mars 2019, date de notification du licenciement pour inaptitude.

Enfin, les mentions portées par le médecin du travail dans le dossier médical de Mme [O] comme les énonciations contenues dans le certificat délivré par la psychologue qui a suivi Mme [O] ne procèdent pas de constats opérés par leur auteur sur les conditions de travail de Mme [O] mais rapportent les propos tenus par cette dernière.

Il en découle qu’il ne peut être retenu l’existence d’un harcèlement moral en l’espèce.

Le jugement sera réformé de ce chef.

Sur les temps d’attente

Mme [O] ne formule aucun observation sur ce point sauf à demander la confirmation du jugement de ce chef.

La société appelante fait observer que la convention collective dispose, à la section 2 du chapitre 2 de la 2ème partie :

d) Temps de trajet du domicile au lieu d’intervention

Le temps normal de trajet effectué par le salarié afin de se rendre de son domicile au lieu d’exécution de l’intervention, lieu d’exécution du contrat, ou pour en revenir, ne constitue pas du temps de travail effectif.

Constitue un temps normal de trajet entre le domicile et le lieu d’intervention (compris dans la zone d’intervention) le temps de déplacement professionnel, aller ou retour, d’une durée inférieure ou égale à 45 minutes ou d’une distance inférieure ou égale à 30 kilomètres.

Pour le calcul du temps de trajet ou du nombre de kilomètres, l’entreprise choisira une référence de calcul unique et commune à l’ensemble du personnel, référence qui sera portée à la connaissance du salarié.

Le dépassement du temps normal de trajet fera l’objet d’une compensation financière d’un montant qui ne pourra être inférieur à 10 % du taux horaire du salarié concerné.

e) Temps de déplacement entre deux lieux d’intervention

Le temps de déplacement professionnel pour se rendre d’un lieu d’intervention à un autre lieu d’intervention constitue du temps de travail effectif lorsque le salarié ne peut retrouver son autonomie.

En cas d’utilisation de son véhicule personnel pour réaliser des déplacements professionnels, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à : (voir textes salaires).

f) Temps entre deux interventions

Les temps entre deux interventions sont pris en compte comme suit :

– en cas d’interruption d’une durée inférieure à 15 minutes, le temps d’attente est payé comme du temps de travail effectif ;

– en cas d’interruption d’une durée supérieure à 15 minutes (hors trajet séparant deux lieux d’interventions), le salarié reprend sa liberté pouvant ainsi vaquer librement à des occupations personnelles sans consignes particulières de son employeur n’étant plus à sa disposition, le temps entre deux interventions n’est alors ni décompté comme du temps de travail effectif, ni rémunéré.

Une journée de travail comporte un maximum de quatre interruptions.

g) Pluralité d’interruptions dans une même journée de travail

Dans la branche, une journée de travail peut comporter plus d’une interruption d’activité ou une interruption supérieure à 2 heures.

Une même journée de travail peut comporter un maximum de 4 interruptions, dont 2 ne peuvent pas dépasser 2 heures chacune.

Lorsque dans une même journée de travail, surviennent plus de 3 interruptions d’une durée supérieure à 15 minutes chacune, une indemnisation forfaitaire est versée au salarié pour la quatrième interruption d’un montant qui ne pourra être inférieur à 10 % du taux horaire du salarié concerné.

La société estime qu’il résulte de ces dispositions que :

– le calcul du temps de trajet ou du nombre de kilomètres est effectué sur la seule référence unique et commune à l’ensemble du personnel, référence qui sera portée à la connaissance du salarié. Ces éléments ne peuvent donc pas être remis en cause,

– quand le temps normal de trajet est dépassé, le salarié reçoit une indemnité égale à 10 % du taux horaire correspondant à ce dépassement,

– quand l’interruption entre deux clients est inférieure à 15 minutes, le temps d’attente est payé normalement comme du temps de travail effectif.

La société appelante avance sans être utilement contredite que ses salariés savent que la référence est le logiciel Mappy en utilisant les coordonnées GPS du salarié et du client, qu’en application de la convention collective, ce choix ne peut pas être remis en cause par le salarié, que les interventions font toutes l’objet d’un badgeage chez le client avec le téléphone portable à l’arrivée et au départ, que chaque salarié part le matin de son domicile vers son premier lieu d’intervention, que ce premier déplacement n’est pas un temps de travail effectif mais donne lieu au versement de frais de déplacement sous forme d’une indemnité kilométrique de 0,20 euros/ km, conforme à la convention collective (0,22 euros depuis le 5 novembre 2019), que les distances sont calculées avec les coordonnées GPS de chaque salarié et de chaque client par le logiciel Mappy, en retenant la route la plus directe.

Devant le premier juge, Mme [O] avait présenté une demande pour temps d’attente en cas d’interruption inférieure à 15 minutes qui apparaissait sur les états récapitulatifs mensuels qu’elle produisait en pièce n°3 mais qu’elle ne produit plus devant la cour. Elle ne développe au demeurant aucune argumentation sur ce point.

Mme [O] place la cour dans l’impossibilité d’apprécier les mérites de sa demande, elle en sera donc déboutée.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

– Réforme le jugement déféré en ce qu’il a :

– condamné la société Scop service à domicile Ardéchois ‘Entre Vous Et Nous’ à verser les sommes suivantes à Mme [F] [O] :

* 3000 euros au titre du harcèlement moral,

* 138,24 euros au titre du temps d’attente,

* 1214 euros au titre du préavis,

* 121,40 euros au titre des congés payés afférents,

* 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis les dépens à la charge de la société Scop service à domicile Ardéchois ‘Entre Vous Et Nous… ,

– Statuant à nouveau de ces chefs réformés,

– Déboute Mme [O] de l’ensemble de ses demandes,

– Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne Mme [O] aux dépens de première instance et d’appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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