Services à la personne : 21 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01425

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Services à la personne : 21 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01425

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRÊT DU 21 Septembre 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/01425 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDD5R

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de PARIS le 24 novembre 2015 sous le RG n° F14/13722; infirmé partiellement par un arrêt de la chambre 6-8 de la Cour d’appel de PARIS rendu le 18 décembre 2018 sous le RG n° 16/02822 lui-même partiellement cassé par la Cour de cassation dans son arrêt n°1021 FD rendu le 12 novembre 2020, ayant renvoyé la cause et les parties devant la Cour d’appel de PARIS autrement composée.

APPELANTE

Mme [O] [G]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Laure SERFATI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.R.L. LA MAIN TENDUE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Séverine HOUARD-BREDON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0327

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 mai 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre

Madame Anne MEZARD, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 28 avril 2022

Greffier : Madame Sonia BERKANE, lors des débats

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre de chambre et par Madame Sonia BERKANE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [O] [G] a été engagée par la société à responsabilité limitée (SARL) La Main Tendue suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 17 janvier 2012, en qualité d’assistante de vie.

Par un avenant du 1er mai 2012, le temps de travail de la salariée a été porté de 50 heures à 110 heures mensuelles.

Par un nouvel avenant en date du 1er mai 2013, le temps de travail de Mme [O] [G] a été porté à 130 heures mensuelles.

Par un dernier avenant du 4 janvier 2014, son temps de travail a été porté à 135 heures mensuelles.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective nationale des entreprises de services à la personne, la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 1 238,90 euros.

Le 21 juillet 2014, Mme [O] [G] s’est vue notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :

« Vous êtes actuellement en congés payés suite à notre demande afin que la direction puisse effectuer une enquête vous concernant auprès de nos clients à propos de votre comportement.

En effet,Mme [V], ainsi que Mme [J] vous reprochent de ne pas effectuer les heures demandées. Quant à M. [B], il vous reproche, d’une part, de ne pas, encore une fois, faire les heures établies sur votre planning et, d’autre part, de lui avoir emprunté de l’argent.

Après une longue enquête, nous avons pu vérifier tous les propos rapportés par nos clients et, en effet, nous sommes malheureusement déçus de savoir que tous les faits qui vous sont reprochés s’avèrent exacts.

Par conséquent, nous sommes dans l’obligation de ne plus vous compter parmi nous car votre comportement à porter préjudice à la société. »

Le 29 octobre 2014, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour contester son licenciement, solliciter un rappel de salaire sur la base d’un temps plein, des dommages-intérêts pour non respect de la procédure et non proposition du DIF, ainsi que le remboursement de la taxe OFI.

Le 16 décembre 2015, le conseil de prud’hommes de Paris, dans sa section Activités Diverses, a statué comme suit :

– condamne la SARL La Main Tendue à payer à Mme [O] [G] la somme suivante :

* 1 350 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure

avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement

– déboute Mme [O] [G] du surplus de sa demande

– déboute la SARL La Main Tendue de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamne la SARL La Main Tendue au paiement des entiers dépens.

Mme [O] [G] a relevé appel de ce jugement.

Par un arrêt du 18 décembre 2018, la cour d’appel de Paris a :

– confirmé le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté Mme [O] [G] de sa demande de rappel de salaire sur le fondement d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet

Statuant à nouveau sur cette disposition et y ajoutant

– condamné la SARL La Main Tendue à payer à Mme [O] [G], avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2014, les sommes de :

* 14 885,55 euros à titre de rappel de salaire sur le fondement d’un contrat de travail à durée indéterminé à temps complet

* 1 488,55 euros au titre des congés payés afférents

– dit que la somme de 1 350 euros accordée à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement portera intérêt au taux légal à compter du 16 décembre 2015

– dit que les intérêts seront capitalisés dès qu’ils seront dus pour une année entière

– ordonné à la SARL La Main Tendue de remettre à Mme [O] [G] les documents sociaux conformes à la présente décision

– condamné la SARL La Main Tendue aux dépens et à payer à Mme [O] [G] la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Saisie du pourvoi formé par la SARL La Main Tendue, la Cour de cassation, par un arrêt du 12 novembre 2020, a cassé et annulé l’arrêt rendu le 18 décembre 2018, mais seulement en ce qu’il a condamné la société La Main Tendue à payer à Mme [O] [G] les sommes de 14 885,55 euros à titre de rappel de salaire sur le fondement d’un contrat de travail à durée indéterminée, outre 1 485,55 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2014, dit que les intérêts seront capitalisés et qu’ils seront dus pour une année entière et en ce qu’il a ordonné à la société La Main Tendue de remettre à Mme [O] [G] les documents sociaux conformes à sa décision.

Cette décision a été motivée par le fait que pour condamner l’employeur à payer à la salariée des sommes à titre de rappel de salaire sur la base d’un contrat de travail à temps complet, l’arrêt a retenu que la société ne justifiait pas appartenir à un syndicat professionnel signataire de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne, ni en avoir fait une application volontaire, qu’elle se trouvait donc tenue d’appliquer des dispositions légales relatives à la rédaction des contrats à temps partiels et de mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ce dont elle s’est abstenue.

Mais, la Cour de cassation rappelle qu’en application de l’alinéa 1 de l’article L.3123-14 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, les associations et entreprises d’aide à domicile peuvent, même lorsqu’elles ne relèvent pas d’un accord collectif autorisant la répartition des horaires de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égal à l’année, ne pas mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine des semaines du mois, dès lors que le contrat mentionne la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelles de travail.

Vu les écritures déposées à l’audience et soutenues par son conseil, aux termes desquelles

Mme [O] [G] demande à la cour d’appel de :

– dire Mme [O] [G] recevable en son appel

– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 16 décembre 2015

Statuant à nouveau

– condamner la société La Main Tendue à verser à Mme [O] [G] les sommes suivantes :

* A titre principal : rappels de salaire sur base temps plein :

9 655,76 euros à titre de rappels de salaire

965,58 euros à titre de congés payés afférents

*A titre subsidiaire : rappels de salaire sur base temps de travail contractuel :

3 162,24 euros à titre de rappels de salaire

316,22 euros à titre de congés payés afférents

* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour dépassement de la durée contractuelle du travail

* 1 450 euros à titre de dommages-intérêts pour non proposition du DIF

* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonner la capitalisation des intérêts.

Vu les écritures déposées à l’audience et soutenues par son conseil, aux termes desquelles la SARL La Main Tendue demande à la cour d’appel de :

– dire Mme [O] [G] irrecevable s’agissant des demandes suivantes :

* rappels de salaire sur base temps de travail contractuel :

3 162,24 euros à titre de rappels de salaire

316,22 euros à titre de congés payés afférents

* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour dépassement de la durée contractuelle du travail

* rémunération des temps d’attente entre janvier et juin 2014 :

1 804 euros

180,40 euros

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris le 16 décembre 2015 en ce qu’il a débouté Mme [O] [G] des demandes suivantes :

‘* requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein

* condamner la société La Main Tendue à lui verser :

14 885,55 euros à titre de rappel de salaire sur la base d’un temps plein du 17 janvier 2012 au 31 juillet 2014, demande modifiée et portée à hauteur d’appel après renvoi après cassation à la somme de 9 655,76 euros pour la période de janvier 2012 à juin 2014

1 488,56 euros au titre des congés payés afférents, demande modifiée et portée à hauteur d’appel après renvoi après cassation à la somme de 965,58 euros’

Statuant à nouveau

– débouter Mme [O] [G] de l’ensemble de ses demandes qu’elles soient nouvelles, plus amples ou contraires au jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris du 16 décembre 2015

– condamner Mme [O] [G] à payer à la société La Main Tendue la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner Mme [O] [G] aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur les limites de la saisine de la cour d’appel de renvoi

Ainsi qu’observé à l’audience et soumis au contradictoire des parties, qui en sont convenues, il est rappelé que la saisine de la cour est déterminée par l’arrêt de cassation partielle de Cour de cassation du 25 novembre 2020, qui a cassé l’arrêt du 18 décembre 2018 de la cour d’appel de Paris seulement en ce qu’il a condamné la société La Main Tendue à payer à Mme [O] [G] les sommes de 14 885,55 euros à titre de rappel de salaire sur le fondement d’un contrat de travail à durée indéterminée, outre 1 485,55 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2014, dit que les intérêts seront capitalisés et qu’ils seront dus pour une année entière et en ce qu’il a ordonné à la société La Main Tendue de remettre à Mme [O] [G] les documents sociaux conformes à sa décision.

Il s’ensuit qu’est irrecevable devant la cour de renvoi la demande suivante :

« – condamner la société La Main Tendue à verser à Mme [O] [G] les sommes suivantes :

* 1 450 euros à titre de dommages-intérêts pour non proposition du DIF’.

2/ Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet

Mme [O] [G] sollicite la requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein en faisant valoir que la répartition de ses horaires de travail variait chaque semaine et chaque mois et qu’aucun planning stable ne lui était fixé à l’avance ce qui ne lui permettait pas de travailler pour d’autres employeurs et ce qui l’obligeait à rester à la disposition permanente de la SARL La MainTendue. En outre, elle ajoute qu’il lui était demandé à trois reprises de travailler au-delà de la durée légale de 151,67 heures mensuelles, prévue pour un temps plein, notamment, en septembre 2013 (155,75 heures), en octobre 2013 (161,75 heures), en mars 2014 (168 heures).

En conséquence, elle revendique une somme de 9 665,76 euros à titre de rappel de salaire sur un temps plein et 965,58 euros au titre des congés payés afférents pour la période de janvier 2012 à juin 2014.

L’employeur répond que pour pouvoir obtenir une requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet, alors que le contrat de travail et ses avenants étaient conformes aux dispositions légales, Mme [O] [G] devrait rapporter la preuve qu’elle se trouvait à la disposition permanente de l’employeur et qu’elle était dans l’incapacité de prévoir son rythme de travail, ce qu’elle échoue à démontrer. La société intimée soutient que les plannings étaient établis entre le 20 et le 30, à chaque fin de mois, et qu’ils étaient remis en main propre à tous les salariés.

Mais, la cour observe que, pour toute la période contractuelle, l’employeur ne produit aux débats que 6 plannings couvrant la période de février à juin 2014 (pièces 20 et 21). Il apparaît, en outre, que ces documents ont été édités en 2015, soit postérieurement à la saisine par la salariée du conseil de prud’hommes.

L’examen des bulletins de salaire versés aux débats permet de constater une grande variabilité dans les horaires de travail accomplis chaque mois par la salariée, son salaire de base mentionné sur ses bulletins de salaire étant calculé sur la base de 140 heures en avril 2013 (alors que l’avenant au contrat de travail prévoyait un horaire de 110 heures jusqu’au mois de mai 2013), puis 130,25 heures en mai 2013, 110 heures en juin 2013, 135 heures en juillet 2013, 140 heures en septembre 2013, 161,75 heures en octobre 2013, 123,75 heures en novembre 2013 etc…

Il s’évince de ces considérations que l’importante variabilité des horaires de travail de la salariée en dehors même du cadre minimal fixé par le contrat de travail ne lui permettait pas de s’organiser ni de prétendre à une deuxième emploi et qu’elle se trouvait ainsi contrainte de demeurer à la disposition permanente de la société intimée.

Le contrat à temps partiel sera donc requalifié en un contrat à temps complet à compter de janvier 2012 et il sera fait droit à la demande de rappel de salaire et congés payés afférents formée par la salariée. Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.

3/ Sur la demande de dommages-intérêts pour dépassement de la durée contractuelle du travail

La cour rappelle que devant la juridiction de renvoi, l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit, à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation. La recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles applicables devant la juridiction dans la décision a été cassée, en application des dispositions de l’article 633 du code de procédure civile. Or, en matière prud’homale, dès lors que la saisine du conseil de prud’hommes est antérieure au 1er août 2016, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables en tout état de cause, même en appel.

La demande de dommages-intérêts pour dépassement de la durée contractuelle du travail formée par Mme [O] [G] sera donc dite recevable.

Mais, à défaut pour la salariée de s’expliquer, dans le corps de ses écritures, sur le fondement de cette demande, elle sera déboutée de cette prétention puisque l’article 6 du code de procédure civile fait obligation aux parties d’alléguer des faits propres à fonder leurs prétentions.

4/ Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2014, date à laquelle l’employeur a réceptionné sa convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation.

Il sera ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

La SARL La Main Tendue supportera les dépens d’appel de la présente procédure et ceux de l’arrêt cassé et sera condamnée à payer à Mme [O] [G] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans la limite de sa saisine,

Déclare irrecevable la demande de Mme [O] [G] tendant à voir condamner la société La Main Tendue à lui verser la somme de 1 450 euros à titre de dommages-intérêts pour non-proposition du DIF,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [O] [G] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel la liant à la SARL La Main Tendue en un contrat à temps plein et de ses demandes de rappel de salaire et congés payés afférents sur la base d’un temps complet,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Requalifie le contrat de travail à temps partiel liant Mme [O] [G] et la SARL La Main Tendue en un contrat à temps complet,

Condamne la SARL La Main Tendue à payer à Mme [O] [G] les sommes suivantes :

– 9 655,76 euros à titre de rappel de salaire sur un temps complet

– 965,58 euros au titre des congés payés afférents

– 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2015,

Ordonne la capitalisation des intérêts pourvu qu’ils soient dus pour une année entière,

Déboute Mme [O] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour dépassement de la durée contractuelle du travail,

Déboute la SARL La Main Tendue de ses demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SARL La Main Tendue aux dépens d’appel de la présente procédure et à ceux de l’arrêt cassé.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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