SOC.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 décembre 2018
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 1879 FS-D
Pourvois n° X 17-26.699
et Y 17-26.700 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois n° X 17-26.699 et Y 17-26.700 formés par la société La Poste, société anonyme, dont le siège est […] ,
contre deux ordonnances rendues en la forme des référés le 28 septembre 2017 par le président du tribunal de grande instance de Caen, dans les litiges l’opposant respectivement :
1°/ au Comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’établissement de Colombelles, dont le siège est […] ,
2°/ au Comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’établissement de Verson Caen PDC, dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse aux pourvois invoque, à l’appui de ses recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 21 novembre 2018, où étaient présents : M. Cathala, président, Mme X…, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mme Ott, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, M. Y…, avocat général référendaire, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme X…, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat des Comités d’hygiène de sécurité et des conditions de travail des établissements de Colombelles et de Verson Caen PDC, l’avis de M. Y…, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la connexité joint les pourvois X 17-26.699 et Y 17-26.700 ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon les ordonnances attaquées (président du tribunal de grande instance de Caen, 28 septembre 2017) rendues en la forme des référés, que le 7 février 2017 la société La Poste (La Poste) a, avec plusieurs organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, conclu un accord d’entreprise relatif à l’amélioration des conditions de travail et à l’évolution des métiers destiné à la branche Services-courrier-colis ; qu’il est entré en vigueur le 22 février 2017 ; que les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements de Colombelles et de Verson Caen (les CHSCT) ont, par délibérations des 26 avril et 26 mai 2017, décidé le recours à un expert agréé en raison de l’existence d’un projet important au sens de l’article L. 4612-8-1 du code du travail ;
Attendu que La Poste fait grief aux ordonnances de la débouter de ses demandes d’annulation des délibérations ordonnant expertise votées par les CHSCT et de la condamner à leur verser une certaine somme au titre de leurs frais d’avocat, alors, selon le moyen :
1°/ qu’aux termes de l’article L. 4612-8-1 du code du travail, « le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » ; que ne constitue pas une telle « décision », laquelle est issue d’une manifestation de volonté unilatérale de l’employeur, un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives en charge de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote ; qu’un tel accord n’a pas à être soumis pour consultation au CHSCT ; qu’en décidant le contraire, le président du tribunal de grande instance a violé le texte susvisé, ensemble l’article L. 4614-12 du code du travail ;
2°/ qu’à supposer que le CHSCT doive être consulté avant la conclusion d’un accord collectif représentant une « décision d’aménagement important » ou un « projet important », il ne saurait l’être sur les effets d’un accord déjà conclu, aucune disposition légale ne prévoyant une telle consultation ; qu’en validant une expertise ordonnée le 26 avril 2017 aux fins d’évaluer les conséquences locales éventuelles d’un accord collectif conclu le 7 février précédent, le président du tribunal de grande instance, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef le texte susvisé ;
3°/ que l’existence d’un « projet important » s’apprécie au niveau de compétence auquel est institué le CHSCT qui décide de recourir à l’expertise ; qu’en l’espèce, La Poste avait fait valoir dans ses écritures que l’accord cadre du 7 février 2017 avait vocation à être mis en oeuvre progressivement au niveau de chaque établissement dans le respect des prérogatives des institutions représentatives du personnel et suivant la « méthode de conduite du changement » (articles 2-D, 2-6 et 2-7), imposant leur consultation ainsi que celle des personnels concernés, à laquelle il se référait expressément ; qu’ainsi la mise en oeuvre de l’accord cadre du 7 février 2017 se ferait au niveau des établissements de Colombelles et de Verson Caen après élaboration d’un projet concernant ces établissements, qui serait présenté aux CHSCT, lesquels en apprécieraient alors l’importance et décideraient, le cas échéant, de recourir à un expert ; qu’en homologuant cependant la décision des CHSCT de recourir à une expertise aux termes de motifs inopérants pris du « caractère important » de l’accord du 7 février 2017 « même en l’absence d’effectivité immédiate des mesures pratiques », le président du tribunal de grande instance, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle sur l’existence d’un projet important au niveau de l’établissement de compétence des CHSCT, a privé sa décision de base légale au regard des articles 2-D et 2-3 de l’accord du 7 février 2017, ensemble de l’article L. 4614-12 du code du travail ;
4°/ qu’en se déterminant aux termes de motifs inopérants, dont ne ressort aucun « projet important » au niveau des établissements de Colombelles et de Verson Caen, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 4614-12 du code du travail ;