AFFAIRE : N° RG 21/01573
N° Portalis DBVC-V-B7F-GYP7
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 07 Mai 2021 RG n° 20/00008
COUR D’APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 1
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. AUXI’LIFE 14 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me David DREUX, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me MAROTTE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
Madame [K] [O]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Sophie CONDAMINE, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur
Mme PONCET, Conseiller,
Mme VINOT, Conseiller,
DÉBATS : A l’audience publique du 15 septembre 2022
GREFFIER : Mme ALAIN
ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 17 novembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier
Après la conclusion de deux contrats de travail à durée déterminée à effet du 4 février 2013, puis du 1er mars 2013, Mme [O] a été engagée par l’association [Localité 1] Familles Services en qualité de d’aide à domicile catégorie B coefficient 256, par contrat à durée indéterminée à temps plein à effet du 26 août 2013, la convention collective de la branche de l’aide, l’accompagnement des soins et des services à domicile étant applicable ;
A compter au moins du 1er janvier 2016, la Mutualité Française Normandie [Localité 1] Famille Services a succédé à l’association puis à compter du 1er janvier 2019, la Sarl Auxi’Life 14 ;
Mme [O] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 29 août 2018. Elle n’a pas repris son travail ;
Poursuivant la résiliation de son contrat de travail compte tenu des manquements de son employeur (non-respect de son obligation de sécurité, absence de déclaration de son accident de travail et absence du maintien du salaire et/ou de la prévoyance), elle a saisi le 6 janvier 2020 le conseil de prud’hommes de Caen lequel par jugement rendu le 7 mai 2021 a :
– débouté Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts en rapport avec un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat ;
Condamné la Sarl Auxi’Life 14 à verser à Mme [O] les sommes suivantes :
– 5.000 € à titre de dommages et intérêts indemnisant le préjudice subi du fait du manquement de l’employeur à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail en ne déclarant pas l’accident de Mme [O] ;
-12.103,17 € nets au titre du maintien de salaire pour la période du 1°’ janvier 2019 au 31 octobre 2020 ;
– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail en raison des manquements graves de son employeur à ses obligations ;
– constaté l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat de travail ;
– condamné la Sarl Auxi’Life 14 à verser à Mme [O] les sommes suivantes :
– 3.786,68 € bruts au titre de l »indemnité compensatrice de préavis ;
– 378,67 € bruts au titre des congés payés afférents ;
– 3.707,78 € (trois mille sept cent sept euros et soixante-dix-huit centimes) au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
– 370,77 € (trois cent soixante-dix euros et soixante-dix-sept centimes) au titre des congés payés afférents ;
– 12.800 € nets (douze mille huit cent euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné la Sarl Auxi’Life 14 à verser à Mme [O] l’indemnité compensatrice de congés payés afférente aux congés acquis et non réglés au jour de la mise à disposition du jugement ;
– ordonné à la Sarl Auxi’Life 14 à remettre à Mme [O] es bulletins de paie rectifiés, et les documents de fin de contrat sous astreinte de 50 € par jour pour l’ensemble des documents au-delà de 30 jours à compter de la notification du présent jugement ;
– dit que le Conseil des Prud’hommes se réserve la liquidation de l’astreinte ;
– dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts à compter de la saisine du Conseil des Prud’hommes ;
– dit que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts à compter de la mise à disposition du jugement ;
– débouté Mme [O] de sa demande de l’exécution provisoire de l’entière décision au titre de l’article 515 du Code de Procédure Civile et dit qu’au titre de l’article R. 1454~14 du Code du Travail la décision est exécutoire de droit aux éléments de salaire dans la limite de 9 mois de salaire, soit 16.394,04 € bruts ;
– condamné à payer à une somme de 1200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné aux dépens ;
Par déclaration au greffe du 8 juin 2021, la Sarl Auxi’Life 14 a formé appel de cette décision qui lui avait été notifié le 11 mai 2021 ;
Entre temps, Mme [O] a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail le 17 juin 2022.
Elle a été licenciée pour inaptitude par lettre recommandée du 9 août 2022 ;
Par conclusions récapitulatives n°4 remises au greffe le 6 septembre 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, la société Auxi’Life 14 demande à la cour de :
– infirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;
– statuant à nouveau et y ajoutant
– dire le licenciement pour inaptitude fondé sur une cause réelle et sérieuse
-fixer l’indemnité de licenciement à la somme de 2545.79 € et rejeter la demande pour le surplus ;
– débouter Mme [O] de ses demandes ;
– à titre subsidiaire saisir la Commission Paritaire Permanente de Négociation et d’Interprétation (CPPNI) mise en place par la Convention Collective en application de l’article L2232-9 du Code du Travail pour solliciter avis sur les effets de l’avenant du 25 avril 2013 pour les employeurs de la branche relevant de la convention collective des entreprises de service à la personne ;
(cf. article 2, 4) de la Convention Collective) ;
– sursoir à statuer dans l’attente de l’avis sollicité auprès de la Commission Paritaire Permanente de Négociation et d’Interprétation (CPPNI) ;
– à titre infiniment subsidiaire,
– limiter la condamnation prononcée au titre du maintien de salaire à la somme de 4.995,73 € bruts à la charge de la Société AUXI’LIFE 14 ;
-débouter Mme [O] du surplus de ses demandes ;
-Si par impossible la présente Cour devait confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la Société, ou dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse
– limiter la condamnation à 5.554,47 € (3 mois de salaire) au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– débouter Mme [O] du surplus de ses demandes ;
En tout état de cause,
– condamner Mme [O] à lui payer à une somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux dépens ;
Par conclusions n°2 remises au greffe le 29 août 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, Mme [O] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
*débouté Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts en rapport avec un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,
*condamné la Sarl Auxi’Life 14 à verser à Mme [O] les sommes suivantes :
– 3.707,78 € bruts au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 370,77 € au titre des congés payé afférents,
– 12.800 € nets à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement sans
cause réelle et sérieuse,
Et statuant à nouveau,:
– condamner la Sarl Auxi’Life 14 à lui verser les sommes suivantes :
* 5 000 € à titre de dommages et intérêts indemnisant le préjudice subi du fait du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,
*16.007,33 € nets au titre du maintien du salaire dû pour la période du 1 er janvier 2019 au 28 aout 2021 à titre principal,
*4.995,73 € bruts au titre du maintien du salaire dû pour la période du 1er janvier 2019 au 31 mars 2020 à titre subsidiaire,
* 3.707,78 € nets au titre de l’indemnité légale de licenciement,
*22.700 € nets à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la Sarl Auxi’Life à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile , en cause d’appel,
– dire que les condamnations à caractère salarial porteront intérêts à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes,
– dire que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêt à compter de la mise à disposition de l’arrêt à intervenir,
– débouter la Sarl Auxi’Life de sa demande au titre de l’article 700 et la condamner aux dépens.
MOTIFS
I – Sur les manquements reprochés à l’employeur pendant l’exécution du contrat de travail
– Sur l’absence de déclaration par l’employeur de l’accident de travail
La salariée, au visa de l’article L441-2 du code de la sécurité sociale, fait valoir que l’employeur n’a pas déclaré son accident de travail survenu dans la nuit du 28 au 29 août 2018 dont il avait eu connaissance, la salariée ayant averti le service d’astreinte et adressé un courrier de rappel du 20 mars 2019 ;
L’employeur indique qu’il n’a jamais été informé de cet accident avant le courrier du 20 mars 2019, rappelant l’obligation de déclaration de la salariée ;
Selon l’article L441-1 du code de la sécurité sociale, l’employeur ou l’un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d’assurance maladie dont relève la victime selon des modalités et dans un délai déterminés. La déclaration à la caisse peut être faite par la victime ou ses représentants jusqu’à l’expiration de la deuxième année qui suit l’accident.
Selon l’article R441-3, La déclaration de l’employeur ou l’un de ses préposés prévue à l’article L 441-2 doit être faite par lettre recommandée, avec demande d’avis de réception, dans les quarante-huit heures non compris les dimanches et jours fériés ;
En l’espèce, il est constant que l’employeur (la Mutualité Française) a le 9 avril 2019 déclaré à la CPAM du Calvados l’accident du travail de Mme [O], précisant que cet accident serait survenu dans la nuit du 28 au 29 août 2018 au domicile d’un bénéficiaire et qu’il n’en a été averti que par un courrier de la salariée du 1er avril 2019. Elle a dans cette déclaration émise toute réserve sur cet accident dont elle n’a pas été informée ;
Or, la salariée n’établit pas que l’employeur a eu avant cette date connaissance de l’accident du travail du 28 au 29 août 2018 ;
En effet, elle produit aux débats un certificat médical de SOS Médecins [Localité 1] du 29 août 2018 indiquant avoir été appelé par Mme [O] pour des douleurs abdominales depuis cette nuit, et l’avoir adressée aux urgences, et un certificat de présence aux urgences de la clinique du [5] du même jour, mentionnant une arrivée à 11h37 et une sortie le jour même, l’examen effectué ce jour là concluant à une infection urinaire. Toutefois elle ne justifie pas avoir déclaré à son employeur cet accident dans les délais et selon les formalités prescrits par l’article R441-2 du code de la sécurité sociale. Elle n’établit pas davantage avoir écrit à son employeur avant le 21 mars 2019, elle ne produit de même aucun élément ou pièce de nature à établir, comme elle l’affirme qu’elle a contacté le service d’astreinte afin qu’un remplacement soit assuré par l’employeur, et que la salariée présente avec elle (dont elle indique ne pas connaître le nom) cette nuit là a constaté son état. A ce titre, le fait que l’employeur n’ait pu obtenir les éléments demandés par les premiers juges, soit le registre des appels de l’astreinte ou les enregistrements de ceux-ci n’est pas nature à renverser la charge de la preuve incombant à la salariée de déclarer à son employeur son accident du travail. En outre, l’arrêt de travail initial du 29 août 2018 n’est pas un arrêt consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ;
Par ailleurs, le courrier du 20 mars 2018 adressé à la Mutualité Française intitulé « demande d’effectuer une déclaration d’accident de travail » dont les parties s’accordent pour considérer qu’il s’agit en réalité du 20 mars 2019, n’a aucune date certaine de réception, de sorte qu’il n’est pas non plus établi que l’employeur l’ait réceptionné avant le 1er avril 2019 ;
Enfin, bien que la salariée ait été informée par la CPAM du Calvados le 23 mai 2019 d’une déclaration d’accident du travail la concernant, elle a elle-même procédé à une déclaration de cet accident auprès de la CPAM du Calvados le 4 juin 2019 qu’elle a complétée d’un certificat médical d’accident de travail du 5 juin 2019, établi par le service SOS Médecins. Compte tenu de la date de ce certificat, l’employeur n’a pu en avoir connaissance avant le 20 mars 2019 ;
A la suite de ces deux déclarations, la CPAM a notifié à l’employeur un refus de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident déclaré par Mme [O] faisant valoir qu’il n’a été donné aucune suite aux courriers qui ont été adressés ;
Au vu de ces éléments, le manquement fondé sur l’absence de déclaration par l’employeur de l’accident de travail du 28 au 29 août 2018 n’est pas établi et le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a alloué pour ce seul motif des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
– Sur le manquement à l’obligation de sécurité
En application des articles L4121-1 et 4121-2 du code du travail, l’employeur est tenue d’une obligation de sécurité qui lui impose d’adopter les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et lui interdit en conséquence de prendre, dans l’exercice de son pouvoir de direction et dans l’organisation du travail, des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés. »
La salariée invoque une dégradation de ses conditions de travail depuis la reprise de l’activité par la Mutualité française Normandie, liée à un manque d’effectifs, à une surcharge de travail, à des horaires difficiles, à des remplacements dans l’urgence, à l’accomplissement de tâches ne relevant pas de ses fonctions, comme des soins infirmiers, et souligne que ces conditions ont conduit à un accident de travail et à un défaut de prise en charge par l’employeur ;
L’employeur souligne que la demande indemnitaire et en résiliation s’appuient sur des faits anciens et prescrits, que les pièces sont au demeurant insuffisantes pour établir des manquements sur la période non prescrite de janvier 2018 à janvier 2020 ;
La salariée produit aux débats :
– une attestation de Mme [U], collègue de travail, faisant état au sein du service de « nuits blanches, passage des médicaments, soins intensifs. Demandes fréquentes et insistantes par nos responsables de service pour effectuer des interventions de jour (repas, coucher, petits déjeuners, toilettes). Le délai de repos entre nos nuits de travail pas respecté » ;
– une attestation de sa fille, Mme [I] indiquant que sa mère, en plus de son propre planning était appelée par ses supérieurs tardivement dans la nuit ou en plein milieu d’un repas de famille et même sur ses vacances pour effectuer un remplacement dans l’urgence et que sa mère a toujours répondu présent
– une attestation de Mmes [B] et [Z], auxiliaires de nuit, invoquant un défaut de paiement pour le premier trimestre 2014, une absence de contrat à compter d’avril 2018 pour le poste de nuit, l’absence de mention sur les bulletins de salaire que l’on travaille la nuit, l’absence de paiement des heures de compensation nuit de septembre à décembre 2018, ainsi que des appels abusifs pour pallier au manque d’effectifs, ce qui a empiété sur notre vie de famielle ;
– une attestation de Mme [R], amie, indiquant que suite à son accident de travail, Mme [O] est fatiguée, pleure, s’est sentie abandonnée, humiliée ;
L’attestation unique signée par Mmes [B] et [Z] évoquent des reproches qui concernent l’exécution de leurs seuls contrats de travail et n’évoquent à aucun moment de faits concernant Mme [O] L’attestation de Mme [U] fait état de faits généraux non précis et datés, en particulier le non respect des délais de repos ou les tâches ne relevant pas des fonctions. Il en est de même du témoignage de Mme [I] concernant les appels pour remplacer en urgence un salarié absent, imprécise notamment quant à la fréquence et la période des appels ;
La salariée n’établit donc pas un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et le jugement sera confirmé en ce qu’il a l’a déboutée de cette demande ;
– Sur le défaut de mise en ‘uvre du maintien du salaire
La salariée réclame à titre principal à compter du 1er janvier 2019 la garantie prévue par l’avenant du 25 avril 2013 à la convention collective des entreprises de services à la personne, et subsidiairement les dispositions relatives au maintien du salaire prévues par la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement des soins et services à la personne ;
L’employeur soutient que :
– le contrat de travail ne prévoit aucunement le bénéfice d’une garantie de prévoyance complémentaire ;
– l’avenant du 25 avril 2013, antérieur à l’entrée en vigueur de la convention collective n’est pas applicable, d’une part l’employeur n’est pas adhérent de la FEDESAP, organisation patronale signataire, seule la société Auxi’Life Europe est adhérente, d’autre part que l’entrée en vigueur de la convention collective est conditionnée par son extension, soit le 1er novembre 2014, et que la partie VI de la convention modifée par cet avenant n’a pas été étendu, qu’il ne s’agit nullement d’un avenant autonome mais d’un avenant au bloc conventionnel initial destiné à modifier la version initiale de la partie VI de la convention collective et qui a été signé avant la demande d’extension ;
– que cet avenant ne comporte ne comporte aucune clause d’entrée en vigueur ;
– que cet avenant n’est pas conforme à la décision du conseil constitutionnel du 13 juin 2013, et ne peut s’appliquer même s’il a été signé antérieurement à celle-ci puisqu’il n’était pas entré en vigueur à cette date ;
– que la salariée ne pourrait bénéficier de l’avenant faute d’avoir une ancienneté de 6 mois dans la branche professionnelle des entreprises de service à la personne au cours des 18 derniers mois au jour de son arrêt de travail, cette ancienneté n’étant pas une ancienneté dans le poste occupé mais dans la branche ;
La salariée réplique :
– que l’avenant est applicable aux entreprises adhérents du syndicat FEDESAP car conclu avant la publication de l’arrêt du conseil constitutionnel ;
– que l’avenant est un texte autonome et distinct du texte de la convention collective, les conditions particulières d’entrée en vigueur de celle-ci ne lui étant donc pas applicables ;
– que l’employeur est bien adhérent du FEDESAP, la société Auxi’Life Europe étant la société holding du groupe, et la cotisation vaut adhésion pour l’ensemble des sociétés du groupe ;
– qu’elle a l’ancienneté requise, son ancienneté supérieure à cinq années ayant été intégralement reprise ;
Sur l’application de l’avenant du 25 avril 2013
L’avenant n°1 du 25 avril 2013 relatif à la protection social de la convention collective nationale « entreprises de services à la personne » (IDCC 3127) a pour objet d’instituer un régime obligatoire de prévoyance dans les entreprises relevant du champ d’application de la convention collective des entreprises de services à la personne tel que défini par l’accord du 12 octobre 2007 étendu par arrêté du 24 janvier 2011 ;
Il mentionne également qu’il « annule et remplace intégralement le texte de la partie VI « Protection sociale » de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne signée le 20 septembre 2012 ;
L’article 8.2 de l’avenant intitulé « Adhésion des entreprises » prévoit que « les entreprises entrant dans le champ d’application de la présente partie à la convention collective ont l’obligation d’adhérer au régime de prévoyance conventionnel à la date d’entrée en vigueur de la convention collective, auprès d’un des deux organismes assureurs codésignés ; »
La convention collective du 20 septembre 2012 s’applique aux employeurs et aux salariés des entreprises à but lucratif et de leurs établissements, à l’exclusion des associations, et notamment dont l’activité principale est la prestation et/ ou la délivrance de services à la personne, dans les limites et/ ou conditions fixées par l’accord conclu le 12 octobre 2007 ;
Le chapitre IV, art.1.2 mentionne que la convention entrera en vigueur le 1er jour du 7e mois de celui qui suit l’adoption de l’arrêté d’extension ;
En l’occurrence, l’arrêté d’extension du 3 avril 2014 publié le 30 avril 2014 a rendu les dispositions de la convention collective obligatoires (sauf entreprises relevant du régime de protection sociale agricole) pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son propre champ d’application. Cet arrêté a toutefois étendu certaines dispositions de la convention avec réserve, et a mentionné que « la partie VI relative à la protection sociale est exclue de l’extension en tant qu’elle prévoit un régime conventionnel de prévoyance fondé sur une clause de désignation d’organismes assureurs et une clause de migration, pris en application de l’article L912-1 du code de la sécurité sociale, déclaré contraire à la constitution par le conseil constitutionnel dans sa décision n°2013-672 du 13 juin 2013 » ;
L’article 911-1 du code de la sécurité sociale prévoit la possibilité pour les partenaires sociaux de conclure un accord collectif visant à la mise ne place d’un régime d’assurance complémentaire santé, et l’article L912-1, dans sa version en vigueur jusqu’au 25 décembre 2013, prévoit une mutualisation des risques dont les accords professionnels organisent la couverture auprès d’un ou plusieurs organismes de prévoyance auxquels adhérent obligatoirement les entreprises relevant du champ d’application de ces accords ;
Ces dernières dispositions (premier et deuxième alinéas de l’article L912-1 ont été déclarées contraires à la constitution par la décision du 13 juin 2013 comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle par rapport à l’objectif de mutualisation des risques. Le conseil constitutionnel a précisé que cette décision d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de sa décision, soit le 16 juin 2013, mais n’était pas applicable aux contrats pris sur ce fondement qui sont en cours lors de cette publication ;
L’accord du 25 avril 2013 ne contient aucune disposition particulière régissant son entrée en vigueur, l’article 8-2 mentionnant au contraire que l’obligation d’adhésion des entreprises entrant dans le champ d’application de la convention collective de 2012 prend effet à la date d’entrée en vigueur de celle-ci, ce qui conduit à considérer que cet accord n’est pas autonome mais est bien un accord attaché à la convention collective de 2012. Or, l’arrêté d’extension du 3 avril 2014 a expressément exclu la partie VI relatif à la protection sociale, donc celle issue de l’accord de 2013 ;
L’accord de 2013 comporte d’ailleurs la désignation de deux organismes assureurs et impose aux entreprises d’adhérer au régime de prévoyance auprès de l’un de ces deux organismes mais aussi de résilier dans un certain délai le contrat éventuellement conclu avec un autre organisme, dispositions qui ont été déclarées contraires à la constitution dans la décision du 13 juin 2013 ;
Cet accord n’est donc pas entré en vigueur, peu important le fait qu’il ait été signé.
Il ne peut dès lors être considéré que cet accord était en cours le 16 juin 2013, date de la publication de la décision du conseil constitutionnel ;
La salariée ne peut donc en revendiquer l’application, et sera, par infirmation du jugement, déboutée sur ce point ;
b)sur l’application des dispositions relatives au maintien de salaire dans la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à la personne ;
La salariée fait valoir que la convention collective nationale de la branche d’aide de l’accompagnement des soins et des services à domicile du 21 mai 2010 prévoit une garantie maintien de salaire et un garantie incapacité temporaire, qui avait vocation à s’appliquer au sein de la Mutualité française Normandie, et dont les dispositions doivent être maintenues par la Sarl Auxi’Life 14 en application de l’article L2261-14 du code du travail pendant un délai de 15 mois ;
L’employeur réplique que cette convention ne lui sont plus applicables, cette convention étant réservée au milieu associatif ;
La convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010, étendue par arrêté du 23 décembre 2011 publié le 29 décembre, s’applique à l’ensemble des entreprises et organismes employeurs privés à but non lucratif qui, à titre principal, ont pour activité d’assurer aux personnes physiques toutes formes d’aide, de soin, d’accompagnement, de services et d’intervention à domicile ou de proximité ;
La Sarl Auxi’Life, société commerciale, n’entre pas dans la champ d’application de la convention collective du 21 mai 2010 ;
Toutefois, en application des dispositions de l’article L226-14 du code du travail, lorsque l’application d’une convention ou d’un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d’une fusion, d’une cession, d’une scission ou d’un changement d’activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis prévu à l’article L2261-9, sauf clause prévoyant une durée supérieure ;
La mise en cause de l’application de la convention ou de l’accord collectif résulte de la survenance des évènements prévus par ce texte sans qu’il soit besoin d’une dénonciation ;
La convention de 2010 contient un titre VII intitulé « Garanties sociales ‘ Maintien de salaire prévoyance et complémentaire santé » qui prévoit le versement d’indemnités journalières aux salariés en arrêt de travail consécutifs à une maladie ou un accident professionnel ou non, et une garantie incapacité au titre de la prévoyance ;
En l’espèce, il est n’est pas discuté que cette mise en cause est intervenue compte tenu de la cession d’actifs le 20 décembre 2018 à effet du 1er janvier 2019 au bénéfice de la Sarl Auxi’Life 14 incluant le reprise des contrats de travail ;
Dès lors, à défaut de nouvelles dispositions relatives à la protection sociale de la convention de 2012, c’est à juste titre que la salariée considère que celles prévues par la convention collective de 2010 doivent être maintenues pendant un délai de 15 mois à compter du 1er janvier 2019 ;
L’employeur ne conteste pas y compris à titre subsidiaire les sommes réclamées par la salariée correspondant au maintien du salaire après déduction des indemnités versées par les organismes sociaux et ce pour la période de janvier à décembre 2019 et de janvier à mars 2020 ;
Il convient en conséquence de condamner la Sarl Auxi’Life à lui régler la somme de 4995.73 € bruts ;
II – Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Lorsque les manquements de l’employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis et d’une gravité suffisante et s’ils ont été de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être examinée préalablement et accueillie, avec effet à la date du licenciement intervenu en cours d’instance ;
Il convient de rappeler que le juge, saisi d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l’ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté ;
La salariée invoque les manquements de l’employeur fondés sur l’absence de déclaration de son accident de travail, sur la méconnaissance de son obligation de sécurité et l’absence du maintien de salaire ;
Au vu de ce qui a été précédemment jugé, seul ce dernier manquement a été retenu ;
Au vu du décompte produit par la salariée, celle-ci a perdu du fait de la carence de l’employeur une somme de 378 € chaque mois depuis le 1er janvier 2019. Cette somme est particulièrement importante, étant rappelé que la salariée percevait un salaire brut moyen de 1795 € avant son arrêt pour maladie en 2018 et qu’elle perçoit depuis le 1er janvier 2019 des indemnités journalières versées par les organismes sociaux de 884 € ;
L’absence de versement pendant plusieurs mois de la somme au titre du maintien du salaire pendant l’arrêt de maladie de la salariée lui a, en la privant chaque mois d’un part importante de ressources, incontestablement occasionné un préjudice qui ne peut être compensé comme le soutient l’employeur par le versement du rappel de salaire en une seule fois, et constitue ainsi un manquement particulièrement grave et de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ;
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à préciser que la résiliation produit effet au 9 août 2022, date du licenciement pour inaptitude ;
En application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre, au vu de son ancienneté de 9 années complètes et de la taille de à une indemnité comprise entre 3 et 9 mois de salaire brut soit une somme maximale de 16 663.41 € (1851.49 € x 9)) ;
C’est en vain que la salariée sollicite que cette disposition soit écartée en application de l’article 24 de la Charte et de l’article 10 de la convention n°158 de l’organisation internationale du travail ;
En effet, d’une part, eu égard à l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de la charte sociale européenne révisée, les dispositions de l’article 24 de celle-ci ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers ;
D’autre part, aux termes de l’article 10 de la Convention n°158 de l’organisation internationale du travail (OIT), les organismes mentionnés à l’article 8 de la convention doivent, s’ils arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée, que ces stipulations sont d’effet direct en droit interne, que selon la décision du Conseil d’administration de l’OIT le terme ‘adéquat’ visé à l’article 10 signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d’autre part raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi ;
Or, les dispositions des articles L.1235-3, L.1235-3-1 et L.1235-4 du code du travail, et notamment celles de l’article L.1235-3 qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 précité avec les stipulations duquel elles sont compatibles ;
En conséquence, la salariée est fondée à réclamer une indemnité comprise entre 3 et 9 mois de salaire brut ;
En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l’ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la salariée a été en arrêt de travail pour maladie jusqu’à son licenciement, l’avis d’inaptitude mentionnant que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, il convient de lui allouer une indemnité de 16 600€ ;
L’indemnité de préavis et les congés payés afférents allouées par les premiers juges et dont le quantum n’est pas discuté y compris à titre subsidiaire seront confirmés ;
L’employeur conteste l’indemnité de licenciement de 3707.78 € allouée par les premiers juges, estimant que celle allouée de 2545.79 € (bulletin de salaire d’aout 2022) est satisfaisante ;
Les parties sont en désaccord sur le salaire de référence, la salariée prenant en compte un salaire de référence de 1893.34 € et l’employeur de 1851.49 € ;
Dans le cas où le salarié est arrêt de travail pour maladie, il est pris en compte comme salaire de référence, selon la formule la plus avantageuse, la moyenne mensuelle des 12 derniers ou le tiers des trois derniers mois précédant l’arrêt de travail. En l’espèce, le tiers des trois derniers mois précédent l’arrêt maladie correspond au vu des bulletins de salaire de 2018 à la somme de 1893.34 € brut. Il convient en conséquence, par confirmation du jugement, de faire droit à l’indemnité de licenciement réclamée par la salariée soit 3707.78 €, sauf à déduire celle versée par l’employeur de 2545.79 € ;
En revanche, l’indemnité légale de licenciement n’ayant pas le caractère de salaire, c’est à tort que les premiers juges ont prononcé une condamnation en brut et ont condamné l’employeur à régler une indemnité de congés payés de 10% ;
III – Sur les autres demandes
La demande de la salariée relative au paiement de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente aux congés acquis et non réglés n’est pas contestée par l’employeur qui ne développe aucun moyen à ce titre dans ses écritures et sera donc confirmée ;
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées. ;
En cause d’appel, la Sarl Auxi’Life14 qui perd le procès sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. En équité, elle réglera, sur ce même fondement, une somme de 1800 € à Mme [O] ;
La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu’il y ait lieu de l’assortir d’une astreinte en l’absence d’allégation de circonstances le justifiant ;
La salariée ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail et d’ordonner à l’employeur de rembourser à l’antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressée depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement rendu le 7 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Caen sauf en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, sauf en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et sauf en ce qu’il a condamné l’employeur à payer l’indemnité de préavis et les congés payés afférents, une indemnité de procédure et les dépens et enfin une indemnité compensatrice de congés payés afférente aux congés acquis et non réglés ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;
Condamne la Sarl Auxi’Life14 à payer à Mme [O] les sommes suivantes :
4995.73 € bruts au titre du maintien de salaire pour la période du 1er janvier 2019 au 31 mars 2020 ;
3707,78 € à titre d’indemnité légale de licenciement, sauf à déduire l’indemnité de 2545.79 € versée à ce titre par l’employeur ;
16 600 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Déboute Mme [O] de ses demandes de dommages et intérêts pour manquement à l’exécution déloyale du contrat de travail ;
Ordonne à la Sarl Auxi’Life 14 de remettre à Mme [O] les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle Emploi) et des bulletins de salaire complémentaires (à raison d’un bulletin par année) conformes au présent arrêt, ce dans le délai d’un mois à compter de sa signification, sans qu’il soit besoin d’assortir cette condamnation d’une astreinte ;
Condamne la Sarl Auxi’Life14 à payer à la somme de1800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
La déboute de sa demande aux mêmes fins ;
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l’avis de réception de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes ;
Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne la Sarl Auxi’Life14 à rembourser à l’antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressée depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations.
Condamne la Sarl Auxi’Life14 aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. ALAIN L. DELAHAYE