Services à la personne : 16 mars 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/03427

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Services à la personne : 16 mars 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/03427

AFFAIRE : N° RG 21/03427

N° Portalis DBVC-V-B7F-G4RB

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVRANCHES en date du 17 Novembre 2021 RG n°

COUR D’APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRÊT DU 16 MARS 2023

APPELANTES :

S.A.R.L. A2MICILE REGION CENTRE Prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Société DOMALIANCE MANCHE [Localité 4] Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentées par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me THERET, avocat au barreau de LILLE

INTIME :

Monsieur [Y] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022022000397 du 20/01/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CAEN)

Représenté par Me Emmanuel LEBAR, substitué par Me PLAINE-MADELAINE, avocat au barreau de COUTANCES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 12 janvier 2023

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 16 mars 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Selon contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel à effet du 31 janvier 2019, M. [Y] [Z] a été engagé par la société A2micile Région Centre (agence Domaliance Manche [Localité 4]) en qualité d’assistant ménager 1, la convention collective nationale des entreprises à la personne (3127) étant applicable ;

La société Domaliance est un établissement de la société A2micile Région Centre ;

Par avenant du 1er avril 2019, le volume mensuel des heures a été porté à 90 heures, puis à 100 heures par avenant du 1er mai 2019 ;

Il a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 18 décembre 2019 ;

Poursuivant la requalification de son contrat de travail en un contrat à temps complet et la mise en place du régime de prévoyance, il a saisi le 4 septembre 2020 conseil de prud’hommes d’Avranches lequel par jugement rendu le 17 novembre 2021 a :

– ordonné la mise en place du régime de prévoyance obligatoire sous astreinte de 30 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement à intervenir ;

– ordonné le maintien du salaire durant l’arrêt maladie de M. [Z] ;

– condamné l’employeur à verser le maintien du salaire à M. [Z] ;

– ordonné la requalification du contrat de travaiL à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;

– condamner la société A2micile Région Centre à lui payer la somme de 9650.16 € à titre de rappel de salaires sur la base d’un temps plein, celle de 965.02 € à titre des congés payés afférents et celle de 1000 € à titre de dommages et intérêts au titre de l’exécution du contrat de travail de mauvaise foi, et celle de 1500 € à titre d’indemnité de procédure ;

– débouté la société A2micile de ses demandes ;

– ordonner la remise sous astreinte des bulletins de paie rectifiés en fonction du jugement ;

– condamné la société A2micile aux dépens ;

Après avis d’inaptitude du 22 novembre 2021, M. [Z] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée du 17 décembre 2021 ;

Par déclaration au greffe du 21 décembre 2021, la société A2micile a formé appel de cette décision en ce que le jugement a ordonné la mise en place du régime de prévoyance obligatoire sous astreinte de 30 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement, ordonné le maintien du salaire durant l’arrêt maladie de M. [Z] et condamné l’employeur à verser le maintien du salaire ;

Par conclusions remises au greffe le 18 mars 2022 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, la société A2micile Région Centre demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la mise en place du régime de prévoyance obligatoire sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 8eme jour suivant la notification du jugement à intervenir, ordonné le maintien de salaire durant l’arrêt maladie de M. [Z], et condamné l’employeur à verser le maintien de salaire à M. [Z] ;

– en conséquence, juger que la société A2micile n’est pas tenue de mettre en place un régime conventionnel de prévoyance, que M. [Z] ne peut prétendre au maintien de sa rémunération durant son arrêt de travail, et le débouter de ses demandes ;

– en tout état de cause, condamner M. [Z] à lui verser à la société 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en première instance et 1.000 euros en appel ;

– condamner M. [Z] aux dépens de première instance et d’appel dont le montant pourra être recouvré par Maître Jacques BELLICHACH, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

Par conclusions remises au greffe le 15 juin 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, M. [Z] demande à la cour de :

– confirmer le jugement ;

– condamner la société A2micile à payer à Maître Lebar avocat de M. [Z] une somme de2500 € sur le fondement de l’article 700-2° du code de procédure civile ;

– condamner la société A2micile aux dépens ;

Par ordonnance du 5 juillet 2022, la première présidente de cette cour a arrêté l’exécution provisoire prononcé par les premiers juges pour la condamnation à la mise en place d’un régime de prévoyance obligatoire sous astreinte ;

MOTIFS

L’employeur estime qu’il n’a pas à appliquer les dispositions conventionnelles, l’arrêté d’extension de la convention collective ayant exclu la partie VI relative au régime de prévoyance, qu’il n’est donc tenue que des dispositions légales ;

Il ajoute que l’obligation faite par les premiers juges de mettre en place ce régime de prévoyance conduirait à souscrire un contrat d’assurance devant bénéficier à tous les salariés et dont serait exclu M. [Z], qui n’est plus salarié de l’entreprise et dont le contrat ne pourrait couvrir rétroactivement un dommage ;

Le salarié considère que si cette partie de la convention n’a pas été étendue, elle est néanmoins applicable aux entreprises adhérentes aux syndicats signataires, que la décision du conseil constitutionnel du 13 juin 2013, qui a motivé l’exclusion du chapitre VI, a déclaré l’article L912-1 du code de la sécurité sociale en ce qu’il prévoit des clauses de désignation et des clauses de migration, et qu’ainsi les seules réserves résident dans l’identité des organismes de prévoyance imposés ;

Il estime également que ces dispositions sont bien entrées en vigueur conformément à l’article 8-2 de la partie VI, la convention collective étant rentrée en vigueur depuis le 1er novembre 2014 ;

L’avenant n°1 du 25 avril 2013 relatif à la protection social de la convention collective nationale « entreprises de services à la personne » (IDCC 3127) a pour objet d’instituer un régime obligatoire de prévoyance dans les entreprises relevant du champ d’application de la convention collective des entreprises de services à la personne tel que défini par l’accord du 12 octobre 2007 étendu par arrêté du 24 janvier 2011 ;

Il mentionne également qu’il « annule et remplace intégralement le texte de la partie VI « Protection sociale » de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne signée le 20 septembre 2012 ;

L’article 8.2 de l’avenant intitulé « Adhésion des entreprises » prévoit que « les entreprises entrant dans le champ d’application de la présente partie à la convention collective ont l’obligation d’adhérer au régime de prévoyance conventionnel à la date d’entrée en vigueur de la convention collective, auprès d’un des deux organismes assureurs co-désignés. »

La convention collective du 20 septembre 2012 s’applique aux employeurs et aux salariés des entreprises à but lucratif et de leurs établissements, à l’exclusion des associations, et notamment dont l’activité principale est la prestation et/ ou la délivrance de services à la personne, dans les limites et/ ou conditions fixées par l’accord conclu le 12 octobre 2007 ;

Le chapitre IV, art.1.2 mentionne que la convention entrera en vigueur le 1er jour du 7e mois de celui qui suit l’adoption de l’arrêté d’extension ;

En l’occurrence, l’arrêté d’extension du 3 avril 2014 publié le 30 avril 2014 a rendu les dispositions de la convention collective obligatoires (sauf entreprises relevant du régime de protection sociale agricole) pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son propre champ d’application. Cet arrêté a toutefois étendu certaines dispositions de la convention avec réserve, et a mentionné que « la partie VI relative à la protection sociale est exclue de l’extension en tant qu’elle prévoit un régime conventionnel de prévoyance fondé sur une clause de désignation d’organismes assureurs et une clause

de migration, pris en application de l’article L912-1 du code de la sécurité sociale, déclaré contraire à la constitution par le conseil constitutionnel dans sa décision n°2013-672 du 13 juin 2013 » ;

L’article 911-1 du code de la sécurité sociale prévoit la possibilité pour les partenaires sociaux de conclure un accord collectif visant à la mise ne place d’un régime d’assurance complémentaire santé, et l’article L912-1, dans sa version en vigueur jusqu’au 25 décembre 2013, prévoit une mutualisation des risques dont les accords professionnels organisent la couverture auprès d’un ou plusieurs organismes de prévoyance auxquels adhérent obligatoirement les entreprises relevant du champ d’application de ces accords ;

Ces dernières dispositions (premier et deuxième alinéas de l’article L912-1) ont été déclarées contraires à la constitution par la décision du 13 juin 2013 comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle par rapport à l’objectif de mutualisation des risques. Le conseil constitutionnel a précisé que cette décision d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de sa décision, soit le 16 juin 2013, mais n’est pas applicable aux contrats pris sur ce fondement qui sont en cours lors de cette publication ;

L’accord du 25 avril 2013 ne contient aucune disposition particulière régissant son entrée en vigueur, l’article 8-2 mentionnant au contraire que l’obligation d’adhésion des entreprises entrant dans le champ d’application de la convention collective de 2012 prend effet à la date d’entrée en vigueur de celle-ci, ce qui conduit à considérer que cet accord n’est pas autonome mais est bien un accord attaché à la convention collective de 2012. Or, l’arrêté d’extension du 3 avril 2014 a expressément exclu la partie VI relatif à la protection sociale, donc celle issue de l’accord de 2013 ;

L’accord de 2013 comporte d’ailleurs la désignation de deux organismes assureurs et impose aux entreprises d’adhérer au régime de prévoyance auprès de l’un de ces deux organismes mais aussi de résilier dans un certain délai le contrat éventuellement conclu avec un autre organisme, dispositions qui ont été déclarées contraires à la constitution dans la décision du 13 juin 2013 ;

Cet accord n’est donc pas entré en vigueur, peu important le fait qu’il ait été signé.

En outre et en tout état de cause, à supposer même que l’accord de 2013 soit opposable à l’employeur adhérent à un syndicat signataire, la demande de mise en place d’un avenant de prévoyance avec maintien du salaire ne pourrait avoir d’effet rétroactif et donc bénéficier au salarié, l’employeur ne pouvant être condamné à se substituer aux organismes d’assurance, sauf demande indemnitaire qui n’est pas formée en l’espèce ;

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, M. [Z] sera, par infirmation du jugement, débouté de ses demandes ;

En cause d’appel, il n’y a pas lieu à indemnités de procédure mais M. [Z] qui perd le procès sera condamné aux dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Dans la limite de la déclaration d’appel,

Infirme le jugement rendu le 17 novembre 2021 par le conseil de prud’hommes d’Avranches en ce qu’il a ordonné la mise en place du régime de prévoyance obligatoire sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 8eme jour suivant la notification du jugement à intervenir, ordonné le maintien de salaire durant l’arrêt maladie de M. [Z], et condamné l’employeur à verser le maintien de salaire à M. [Z].

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;

Déboute M. [Z] de ses demandes tendant à ordonner à la société A2micile Région Centre (Domaliance Manche) la mise en place du régime de prévoyance obligatoire sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 8eme jour suivant la notification du jugement à intervenir, ordonné le maintien de salaire durant l’arrêt maladie de M. [Z], et condamné l’employeur à verser le maintien de salaire à M. [Z]. ;

Dit n’y avoir lieu à indemnités de procédure ;

Condamne M. [Z] aux dépens d’appel;

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE

 


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