COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE
SELAFA CHAINTRIER AVOCATS
EXPÉDITION à :
SA [9]
MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Pôle social du Tribunal judiciaire d’ORLEANS
ARRÊT du : 16 MAI 2023
Minute n°225/2023
N° RG 20/02732 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GIOB
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire d’ORLEANS en date du 17 Novembre 2020
ENTRE
APPELANTE :
URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Mme [R] [P], en vertu d’un pouvoir spécial
D’UNE PART,
ET
INTIMÉE :
SA [9]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Valérie DESANTI de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat au barreau d’ORLEANS
PARTIE AVISÉE :
MONSIEUR LE MINISTRE CHARGE DE LA SECURITE SOCIALE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Non comparant, ni représenté
D’AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller.
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l’arrêt.
DÉBATS :
A l’audience publique le 28 FEVRIER 2023.
ARRÊT :
– Contradictoire, en dernier ressort.
– Prononcé le 16 MAI 2023, après prorogation du délibéré, par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
La société [9] a fait l’objet d’un contrôle de l’Urssaf Centre Val de Loire sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. Une lettre d’observations a été émise le 20 septembre 2018, puis deux mises en demeure du 23 et 26 novembre 2018 pour un montant global de 144’181 euros. Cette somme a été intégralement réglée par la société.
Saisie par la [9], la commission de recours amiable de l’Urssaf a, par décision du 28 mars 2019, maintenu partiellement le redressement.
Par requête du 11 juin 2019, la société [9] a saisi le Pôle social du tribunal de grande instance d’Orléans en contestation de la décision de la commission de recours amiable.
Par jugement du 17 novembre 2020, le Pôle social du tribunal judiciaire d’Orléans a’:
– validé le redressement opéré sauf en ce qui concerne le chef relatif aux frais professionnels – forfait ville,
– condamné l’Urssaf Centre Val de Loire à payer à la société [9] la somme de 22’178 euros,
– débouté la société [9] du surplus de ses demandes,
– condamné l’Urssaf Centre Val de Loire aux dépens.
Le jugement ayant été notifié par lettre du 20 novembre 2020, l’Urssaf en a relevé appel par déclaration du 18 décembre 2020.
Dans ses conclusions soutenues oralement à l’audience, l’Urssaf Centre Val de Loire demande de’:
A titre principal,
– infirmer la disposition du jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d’Orléans le 17 novembre 2020 ayant annulé le chef de redressement n° 20 ‘Forfaits professionnels non justifiés » principes généraux’: forfait ville’ d’un montant de 22’179 euros,
– confirmer toutes les autres dispositions du jugement déféré,
En conséquence,
– annuler le remboursement de la somme de 22’178 euros de la part de l’Urssaf Centre Val de Loire à la société [9],
– confirmer la décision rendue par la commission de recours amiable le 28 mars 2019′;
– rejeter toutes les demandes de la société [9],
A titre subsidiaire, si la cour validait l’annulation du chef de redressement portant sur les frais professionnels non justifiés ‘ principes généraux’: forfait ville,
– valider ce chef de redressement pour les remboursements effectués sans justificatifs valables.
Dans ses conclusions soutenues oralement, la société [9] demande de’:
– déclarer l’Urssaf Centre Val de Loire irrecevable et au demeurant mal fondée en son appel,
– la déclarer recevable et fondée en son appel incident à l’encontre dudit jugement,
confirmer ledit jugement en ce qu’il a invalidé le chef de redressement de l’Urssaf Centre Val de Loire relatif aux frais professionnels, forfait ville et condamné l’Urssaf Centre Val de Loire à lui rembourser la somme de 22’178 euros,
– infirmer ledit jugement pour le surplus, et statuant à nouveau,
– annuler les chefs de redressement contestés et positions contenus dans la lettre d’observations de l’Urssaf Centre Val de Loire du 20 septembre 2018 et confirmés par courrier recommandé du 13 novembre 2018,
– annuler la décision de la commission de recours amiable du 8 avril 2019 sauf en ce qu’elle a considéré que l’Urssaf Centre Val de Loire ne pouvait pas procéder par voie de redressement concernant les cotisations de la [8],
– annuler les mises en demeure des 23 et 26 novembre 2018,
Par voie de conséquence,
– condamner l’Urssaf Centre Val de Loire à lui rembourser les sommes déjà versées au titre desdits redressements, soit la somme de 144’181 euros,
– condamner l’Urssaf Centre Val de Loire à lui verser la somme de 3’000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner l’Urssaf Centre Val de Loire aux entiers dépens d’appel,
– débouter l’Urssaf Centre Val de Loire de toutes demandes, fins et prétentions contraires.
En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
MOTIFS
Sur la demande d’annulation du redressement fondée sur un accord tacite de l’Urssaf
La société [9] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a validé le redressement opéré sauf en ce qui concerne le chef relatif aux frais professionnels, en rejetant son moyen tiré de l’existence d’un accord tacite de l’Urssaf. A l’appui, elle soutient qu’elle a déjà fait l’objet d’un contrôle en 2008 et que de nombreux points soulevés lors du contrôle contesté avaient déjà été relevés auparavant et ont fait l’objet d’un redressement en 2018 sans la moindre observation préalable’; qu’en application de l’article R. 243-59-7 du Code de la sécurité sociale, l’Urssaf ne pouvait opérer un redressement sur les points sur lesquels, elle a pu, au regard de tous les documents consultés, se prononcer en toute connaissance de cause’; que les frais de déplacement apparaissaient déjà en 2008 sur les bulletins de paie et sur les notes de frais des salariés, qui ont nécessairement été contrôlés par l’Urssaf qui avait tous les éléments en sa possession pour ce faire, mais n’a rien relevé à ce titre’; qu’il existe un accord tacite de l’Urssaf pour les points de redressement relatifs à la limite d’exonération pour la gratification des stagiaires, l’exonération de la gratification médaille du travail, la part patronale de prévoyance qui apparaît sur les bulletins de 2008, et surtout, pour les ‘forfaits ville’.
L’Urssaf demande la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du redressement fondée sur l’existence d’un prétendu accord tacite. Elle fait valoir en ce sens que le défaut d’observations lors d’un précédent contrôle ne vaut pas à lui seul accord tacite sur les pratiques de l’entreprise, empêchant la rétroactivité du nouveau contrôle’; qu’il appartient à l’employeur de préciser les éléments relatifs aux circonstances du contrôle de nature à caractériser la décision implicite de l’Urssaf’; que l’accord tacite suppose donc un élément matériel, à savoir le constat explicite et manifeste d’une pratique irrégulière susceptible d’engendrer un redressement, et un élément intentionnel consistant en l’absence délibérée et en toute connaissance de cause d’observations par l’organisme de recouvrement’; que les bulletins de paie ne mentionnaient pas le forfait ville et l’attestation détaillant le forfait ville ne concerne pas la période du 1er contrôle’; que l’accord tacite au titre de la part patronale de prévoyance ne peut être retenu en raison d’un changement de législation entre les deux contrôles.
Appréciation de la Cour
L’article R. 243-59-7 du Code de la sécurité sociale dispose’:
‘Le redressement établi en application des dispositions de l’article L. 243-7 ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement n’ont pas donné lieu à observations de la part de l’organisme effectuant le contrôle dans les conditions prévues à l’article R. 243-59 dès lors que’:
1° L’organisme a eu l’occasion, au vu de l’ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments’;
2° Les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés sont inchangées’.
Il résulte de ces dispositions que l’absence d’observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l’organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en connaissance de cause sur la pratique litigieuse lors de contrôles antérieurs. Il appartient au cotisant qui entend se prévaloir d’un accord tacite de l’organisme de recouvrement d’en rapporter la preuve, et la seule consultation au moment du précédent contrôle des mêmes pièces communément présentées lors des opérations de contrôle, ne suffit pas à établir que l’Urssaf avait eu, à cette époque, les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause sur les pratiques litigieuses et, qu’en l’absence d’observations, elle avait donné son accord tacite sur ces pratiques, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (2ème Civ., 22 septembre 2022, pourvoi n° 21-11.277).
En l’espèce, il résulte de la lettre d’observations du 6 novembre 2008, que l’Urssaf avait, à l’issue du contrôle de l’application de la législation sociale sur les années 2005, 2006 et 2007, adressé des observations à la société [9] sur le dépassement des limites d’exonération des contributions patronales de retraite et de prévoyance, l’absence de reversement de la CSG/CRDS au titre de l’indemnité transactionnelle d’un contrat de travail et la sous-évaluation d’un avantage en nature logement.
Il ne résulte pas des pièces produites aux débats que l’Urssaf, avait, lors du contrôle de 2008, examiné les pratiques de la société [9] concernant la limite d’exonération pour la gratification des stagiaires, l’exonération de la gratification médaille du travail, et les ‘forfaits ville’.
Si l’employeur produit des bulletins de paie de salariés des années 2006 et 2007, ceux-ci ne comportent que la mention «’frais de déplacements’» sans évoquer le ‘forfait ville’ pratiqué lors du contrôle réalisé en 2018, correspondant à des remboursements de petits déplacements effectués dans la ville et dans les très proches alentours où est situé le bureau du collaborateur. En l’absence de vérification spécifique des frais de déplacements, il n’est pas établi que l’Urssaf avait pris connaissance des fiches de frais de déplacements qui n’apparaissent pas dans les documents consultés figurant dans la lettre d’observations. En conséquence, il n’est pas établi que l’Urssaf a eu l’occasion de se prononcer en toute connaissance de cause, au regard des pièces consultées, sur la pratique du ‘forfait ville’ lors du contrôle réalisé en 2008.
S’agissant de la part patronale de prévoyance, le redressement opéré en 2008 était relatif à l’application du seuil d’exonération fixé par le décret du 9 mai 2005, alors que le redressement opéré de chef en 2018 était la conséquence de la modification de la législation résultant de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011. En conséquence, les circonstances de droit ayant changé, la société [9] est également mal fondée à se prévaloir d’un accord tacite sur ce point.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du redressement sur le fondement de l’existence d’un accord tacite de l’Urssaf.
Sur le redressement au titre de l’abonnement souscrit par le comité d’entreprise
La société [9] sollicite l’annulation du redressement opéré sur ce chef. Elle soutient que le comité d’entreprise a souscrit un abonnement auprès du prestataire ‘[10]’, offrant des prestations de cours de soutien à distance de la primaire au niveau Bac +2 pour les enfants des salariés de la société’; que le comité d’entreprise et l’employeur peuvent verser une aide aux salariés pour financer des services à domicile ou la garde d’enfants sans avoir à payer de cotisations sur cet avantage’; que selon l’Urssaf, la prestation de soutien scolaire s’entend exclusivement au domicile du particulier, l’intervenant devant être physiquement présent, pour bénéficier de l’exonération, alors que l’article D. 7231-1 du Code du travail évoque le soutien à domicile sans aucunement exiger que l’enseignant soit physiquement présent’; que l’interprétation du texte faite par l’inspecteur est donc trop stricte et ne correspond pas à l’esprit de celui-ci, et est contraire à l’évolution des moyens de communication’; que le texte n’énonce pas expressément que l’enseignant doive être présent au domicile de l’élève.
L’Urssaf demande la confirmation du jugement ayant validé ce chef redressement. Elle expose à ce titre que la prestation de soutien scolaire s’entend exclusivement au domicile du particulier bénéficiaire de la prestation, et l’intervenant doit être physiquement présent (définition légale sur le site https://www.entreprises.gouv.fr/services-a-la- personne/soutien-scolaire-ou-cours-a-domicile) ; que ce texte émanant d’une source officielle du gouvernement, il ne peut donc être considéré comme contraire aux textes de lois ou contraire à l’esprit de la loi’;
qu’en adoptant une lecture ‘élargie’ de l’article D. 7231-1 du Code du travail, la cotisante procède à une interprétation erronée dudit article, dès lors que texte énonce clairement que la seule condition est que la prestation soit comprise dans une offre de services incluant un ensemble d’activités réalisés à domicile’; que le décret n° 2011-1133 du 20 septembre 2011 a bien maintenu l’unique condition de prestation à domicile, et ce sans équivoque’; que l’offre [10] ne remplit pas les conditions précitées et n’entre pas dans le champ des activités prévues par la dérogation précitée en matière de services à la personne, car les cours ne sont pas effectués à domicile mais à distance sans intervenant physique.
Appréciation de la Cour
L’article L. 7233-4 du Code du travail, dans sa version alors applicable, dispose’:
‘L’aide financière du comité d’entreprise et celle de l’entreprise versées en faveur des salariés n’ont pas le caractère de rémunération au sens des articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime ainsi que pour l’application de la législation du travail, lorsque ces aides sont destinées soit à faciliter l’accès des services aux salariés, soit à financer’:
1° Des activités entrant dans le champ des services à la personne’.
L’article L. 7231-1 du Code du travail dispose que les services à la personne portent sur les activités suivantes’:
‘1° La garde d’enfants’;
2° L’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans l’environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile’;
3° Les services aux personnes à leur domicile relatifs aux tâches ménagères ou familiales’.
L’article D. 7231-1 du Code du travail dispose’:
‘II.-Les activités de services à la personne soumises à titre facultatif à la déclaration prévue à l’article L. 7232-1-1 sont, outre celles mentionnées au I du présent article et à l’article D. 312-6-2 du code de l’action sociale et des familles, les activités suivantes’: […]
5° Soutien scolaire à domicile ou cours à domicile’.
Il résulte de la combinaison des articles L. 7231-1 et D. 7231-1 du Code du travail que relèvent du champ d’application des services à la personne le soutien scolaire et les cours délivrés à domicile, à l’exclusion des prestations à distance qui ne sont pas soumis à la procédure de déclaration et ne bénéficient pas des avantages fiscaux relatifs aux services à la personne.
Il n’y a donc pas lieu d’interpréter le texte pour l’adapter à l’évolution de communication comme le sollicite la société [9], mais uniquement de constater que le soutien scolaire et les cours à distance n’ont délibérément pas été inclus dans le champ d’application des services à la personne défini à l’article L. 7231-1 du Code du travail.
En conséquence, le financement par l’employeur de l’abonnement [10] n’est pas exonéré de cotisations sociales, de sorte qu’il convient de valider le redressement opéré à ce titre et de confirmer le jugement sur ce point.
Sur le redressement au titre de la part patronale du régime de prévoyance
L’intimée poursuit l’infirmation du jugement ayant validé ce chef de redressement. A l’appui, elle soutient que les primes d’assurance destinées à financer un maintien de salaire en cas de maladie ne sont pas considérées comme des cotisations de prévoyance’; que la convention collective applicable prévoit bien un maintien de 100’% du net du 4ème au 30ème jour d’arrêt de travail’; que le dispositif mis en place est bien conforme aux dispositions conventionnelles sur cette période, car il est maintenu 100’% du salaire net du 4ème au 30ème jour d’arrêt’; que cette garantie s’applique aussi bien aux accidents du travail qu’à la maladie ordinaire’; que dans ces conditions, la part patronale de prévoyance correspondant à ce maintien n’a pas à être soumise à CSG/CRDS ni à forfait social conformément à la jurisprudence’; que seule la part patronale de prévoyance correspondant au financement des indemnités journalières complémentaires versées au-delà de l’obligation de maintien de salaire a la nature d’une contribution patronale de prévoyance complémentaire et doit donc être soumise à CSG/CRDS et à forfait social au taux de 8’%’; que la part de cotisation qui va au-delà de la prévoyance conventionnelle n’est pas soumise à CSG/CRDS et à forfait social au taux de 8’%; que le redressement de l’intégralité de la part patronale n’est donc pas cohérent et le jugement devra être infirmé concernant ce chef de redressement qu’il convient d’annuler.
L’Urssaf demande la confirmation du jugement ayant validé ce chef de redressement. Elle explique qu’entrent dans l’assiette de la CSG toutes les contributions patronales finançant des prestations complémentaires à celles servies par les régimes de base de sécurité sociale à affiliation légalement obligatoire destinées à couvrir les risques maladie, maternité, invalidité, décès, accident du travail et maladie professionnelle’; que les règles de détermination de l’assiette de la CRDS sont en matière de contribution patronale à des avantages de prévoyance les mêmes que celles applicables pour la CSG’; que la société a instauré un régime de prévoyance complémentaire au bénéfice de la catégorie ‘cadre relevant de l’article 4 et 4 bis de la CCN [6] du 14/03/1947′ couvrant l’incapacité temporaire de travail, 100’% de la 365e partie du salaire de référence à l’issue d’une franchise continue de 30 jours d’arrêt de travail’; que la société a également instauré un régime de prévoyance complémentaire au bénéfice de la catégorie ‘non-cadres ne relevant pas de l’article 4 et 4 bis de la CCN [6] du 14/03/1947 ayant un an d’ancienneté’, couvrant l’incapacité temporaire de travail 80’% de la 365ème partie du salaire de référence à compter du 31ème jour d’arrêt continu de travail’; que l’employeur a exclu de l’assiette CSG/CRDS et du forfait social la fraction du financement aux garanties d’incapacité temporaire des deux régimes précités’; que la convention collective ‘Experts comptables et commissaires aux comptes’ ne prévoit aucune obligation de maintien de salaire lors des 30 premiers jours d’arrêt de travail’; qu’en effet, le régime de prévoyance complémentaire conventionnel prévoit des garanties d’incapacité temporaire uniquement lors d’arrêts de travail supérieurs à 30 jours, conformément aux contrats souscrits par la société’;
que par conséquent, le financement patronal aux régimes n’entre pas dans le cadre de la loi de mensualisation et la fraction destinée aux garanties d’incapacité temporaire ne peut être exclue de l’assiette de CSG/CRDS’; que de plus, l’intégration des indemnités journalières complémentaires dans l’assiette sociale résulte de la législation applicable aux prestations servies par les régimes de prévoyance et non à celle du financement’; qu’une régularisation est opérée sur le financement patronal aux régimes de prévoyance exclu à tort de la base CSG/CRDS et l’application du forfait social’; que la convention collective ne prévoit pas ce maintien de salaire en cas d’incapacité temporaire de travail mais sous la législation des sinistres professionnelles’; que le régime de prévoyance complémentaire instauré comporte une garantie incapacité dont les garanties interviennent au-delà de la période d’obligation de maintien de salaire et par conséquent le financement patronal à cette garantie est soumis à forfait social.
Appréciation de la Cour
En application de l’article L. 136-2-II du Code de la sécurité sociale, dans sa version alors applicable, sont inclus dans l’assiette de la contribution sociale généralisée (CSG) les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, à l’exception de celles visées au cinquième alinéa de l’article L. 242-1 du présent code et de celles destinées au financement des régimes de retraite visés au I de l’article L. 137-11.
L’assiette de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) est identique à celle de la CSG en ce qui concerne la contribution patronale au régime de prévoyance complémentaire.
Si le revenu de remplacement que constitue pour le salarié absent le maintien du salaire auquel est tenu l’employeur en application de la loi sur la mensualisation ou d’un accord collectif est assujetti à la CSG et à la CRDS, la prime acquittée par l’employeur dans le cadre d’une assurance souscrite pour garantir le risque d’avoir à financer cette prestation, qui n’a pas pour objet de conférer au salarié un avantage supplémentaire, ne constitue pas une contribution au financement d’un régime de prévoyance instituant des garanties complémentaires au profit des salariés, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (2ème Civ., 23 novembre 2006, pourvoi n° 05-11.364 et n° 05-11.365).
En conséquence, les sommes versées par l’employeur au titre de la contribution patronale de prévoyance complémentaire, qui ne résultent pas d’une obligation personnelle de ce dernier au titre du maintien de salaire, concourent au financement de l’indemnisation des arrêts de travail des salariés au-delà d’une certaine durée, revêtent le caractère d’une contribution de l’employeur destinée au financement de prestations complémentaires de retraite et de prévoyance devant être incluses dans l’assiette de la CSG/CRDS.
En l’espèce, il résulte de la lettre d’observations que la société [9] a instauré un régime de prévoyance complémentaire au bénéfice de la catégorie ‘cadre relevant de l’article 4 et 4 bis de la CCN [6] du 14/03/1947’, dont le financement est entièrement pris en charge par l’employeur, et comportant notamment comme prestation la prise en charge de l’incapacité temporaire de travail à hauteur de 100’% de la 365ème partie du salaire de référence à l’issue d’une franchise continue de 30 jours d’arrêt de travail.
La société a également instauré un régime de prévoyance complémentaire au bénéfice de la catégorie ‘non cadres ne relevant pas de l’article 4 et 4 bis de la CCN [6] du 14/03/1947 ayant un an d’ancienneté’, dont le financement est entièrement pris en charge par l’employeur, et comportant notamment comme prestation la prise en charge de l’incapacité temporaire de travail à hauteur de 80’% de la 365ème partie du salaire de référence à compter du 31ème jour d’arrêt continu de travail.
La société [9] relève de la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974.
L’article 7.3 de la convention collective dispose’:
‘Après 1 an d’ancienneté dans le cabinet, les salaires sont maintenus aux employés et cadres absents pour maladie, accident du travail ou accident non professionnel dans les conditions ci-après’:
Le droit à indemnisation est subordonné au bénéfice des indemnités journalières du régime général de la sécurité sociale’;
La durée totale des arrêts de travail, y compris les délais de carence définis à l’alinéa suivant donnant droit aux indemnités, ne pourra excéder 30 jours calendaires par maladie ou accident du travail. Si plusieurs congés de maladie ou d’accident du travail donnant lieu à indemnisation au titre du présent article interviennent au cours d’une même année civile, la durée totale d’indemnisation ne pourra excéder 30 jours calendaires’;
L’indemnité nette sera calculée pour compléter, à compter du quatrième jour calendaire d’absence, les indemnités journalières de la sécurité sociale jusqu’à concurrence du salaire net qu’aurait perçu l’intéressé s’il avait travaillé pendant la même période’;
Pour le personnel rémunéré proportionnellement, l’indemnité définie à l’alinéa précédent sera calculée sur la base d’un salaire net correspondant à la rémunération nette moyenne des 12 derniers mois de travail précédant le mois de l’arrêt de travail’.
L’article 7.4 de la convention collective prévoit’:
‘Les cabinets doivent souscrire, auprès d’un organisme habilité, un contrat assurant, pour l’ensemble des salariés comptant une ancienneté minimale de 1 an dans le cabinet, des garanties décès, incapacité de travail et invalidité
En cas d’absence entraînant une incapacité de travail d’une durée supérieure à 1 mois, il sera versé par le régime une indemnité journalière brute dont le montant sera égal à 80’% du salaire brut sous déduction des indemnités journalières versées par le régime général de la sécurité sociale.
Cette indemnité sera versée à compter du 31e jour d’arrêt de travail et pendant toute la durée de versement des prestations d’incapacité temporaire du régime général de la sécurité sociale, y compris au-delà de la rupture éventuelle du contrat de travail.
Si un nouvel arrêt de travail intervient moins de 3 mois après la reprise du travail consécutive à une absence continue de plus de 30 jours ayant ouvert droit aux prestations ci-dessus, le bénéfice de ces prestations est acquis à nouveau mais dès le 1er jour d’arrêt de travail ouvrant droit au bénéfice des indemnités journalières du régime général de la sécurité sociale’.
Il résulte ainsi des dispositions de la convention collective que la société [9] est tenue à une obligation de maintien du salaire entre le 4ème et le 30ème jour d’arrêt de travail des salariés ayant un an d’ancienneté. Or, le régime de prévoyance mis en place ne prévoit des prestations au profit des salariés qu’à compter du 31ème jour d’arrêt de travail. Il s’ensuit que l’employeur finance bien le régime de prévoyance complémentaire au titre de l’incapacité de travail des salariés ayant un an d’ancienneté, et non une assurance pour garantir le risque d’avoir à mettre en ‘uvre sa propre obligation conventionnelle de maintien de salaire. Il s’ensuit que la contribution de l’employeur destinée au financement de prestations complémentaires de prévoyance doit être incluse dans l’assiette de la CSG/CRDS.
Le redressement opéré à ce titre sera donc validé et le jugement confirmé de ce chef.
Sur le redressement au titre des frais professionnels ‘forfait ville’
La société [9] sollicite la confirmation du jugement ayant invalidé ce chef de redressement. Elle expose qu’elle a instauré depuis près de 30 ans une indemnisation ‘forfait ville’ pour rembourser ses collaborateurs de leurs petits trajets effectués avec leur véhicule personnel’; qu’elle a transmis à l’inspecteur du recouvrement les justificatifs des déplacements effectués dans le cadre du ‘forfait-ville’ pour les années 2015 et 2016′; que l’Inspectrice semble avoir procédé par échantillonnage pour soumettre à charges tous les ‘forfaits ville’ de tous les collaborateurs sur 2015 et 2016, alors que la pratique de l’échantillonnage-extrapolation n’est autorisée que si elle est acceptée par l’employeur qui peut s’y opposer’; que sur le nombre il y a peut-être quelques incohérences, la très grande majorité des déplacements sont justifiés et n’ont donc absolument pas à faire l’objet d’un redressement’; que seuls les 14 trajets incohérents ou injustifiées pouvaient être soumis à charges soit la somme de 551 euros et certainement pas l’ensemble des trajets de tous les collaborateurs qui ont bénéficié de ce ‘forfait ville’ et pour lesquels les pièces demandées par l’Urssaf ont été fournies.
L’Urssaf conclut à l’infirmation du jugement ayant invalidé ce chef de redressement. A l’appui, elle indique que conformément à la réglementation, l’employeur doit être en capacité de démontrer que le salarié est exposé à des frais supplémentaires de transport, de repas ou d’hébergement du fait d’une situation de déplacement’; qu’à défaut, les indemnités doivent être réintégrées dans l’assiette sociale’; qu’à la suite de la période contradictoire, la société a fourni différents justificatifs pour justifier les sommes versées à ses employés au titre du ‘forfait ville »; que plusieurs justificatifs ne comportent pas les lieux de déplacement et les dates de ceux-ci’; qu’aucune copie de carte grise des véhicules personnels utilisés n’a été fournie’; que l’analyse des justificatifs ont révélé plusieurs incohérences dès lors que les notes de frais transmises font état de déplacements effectués à des dates durant lesquelles le salarié était en congés payés, maladie ou maternité’; qu’il n’a pas été fourni d’éléments justificatifs pour les établissements de [Localité 12] et de [Localité 11]’; que le tribunal n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en validant le redressement qu’au titre de ces deux établissements alors que l’employeur doit être en mesure de conserver et de fournir l’ensemble des justificatifs afin d’attester de la conformité des remboursements effectuées, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Appréciation de la Cour
En application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations à l’exclusion des sommes représentatives de frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par l’arrêté du 20 décembre 2002.
L’article 4 de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dispose’:
‘Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d’utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l’indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l’administration fiscale’.
Le bénéfice de la présomption d’utilisation conforme à son objet de l’indemnité forfaitaire kilométrique dont le montant n’excède pas les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l’administration fiscale, est subordonné à la preuve par l’employeur que le salarié attributaire de cette indemnité se trouve contraint d’utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, les justificatifs nécessaires à la vérification de l’application des règles de déduction des frais professionnels devant être produits lors des opérations de contrôle, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (2ème Civ., 19 décembre 2019, pourvoi n° 18-22.912).
En l’espèce, la lettre d’observations mentionne qu’en l’absence de justificatifs, le ‘forfait ville’ ne peut bénéficier de l’exonération à cotisations et contributions sociales. L’employeur a produit les justificatifs au cours de la période contradictoire. Par courrier du 13 novembre 2018 de réponse aux observations de l’employeur, l’inspecteur qui a examiné les justificatifs produits a indiqué que plusieurs documents ne comportaient pas les lieux de déplacement et les dates de ceux-ci, que la copie des cartes grise des véhicules personnels utilisés n’avait été fournie, et que des incohérences étaient relevées sur l’ensemble des établissements. L’Urssaf en a conclu que les éléments fournis ne permettaient pas la révision de la régularisation.
Le fait que l’inspecteur ait précisé quelques-unes des incohérences relevées dans son courrier de réponse aux observations de l’employeur, en indiquant qu’il s’agissait d’une liste non exhaustive, ne permet pas d’établir que l’Urssaf ait utilisé la méthode de l’échantillonnage-extrapolation.
En ne produisant pas la copie des cartes grises des véhicules des salariés, la société [9] n’a pas justifié de la nécessité de l’usage par ses salariés d’un véhicule personnel à des fins professionnelles, ni de la puissance fiscale des véhicules utilisés permettant de déterminer la limite fixée par les barèmes kilométriques dans laquelle l’indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites.
L’insuffisance des justificatifs afférents à une exonération de cotisations entraîne la réintégration de la totalité du chef de redressement concerné, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (2ème Civ., 10 octobre 2013, pourvoi n° 12-23.503).
Le redressement opéré de ce chef était donc fondé en sa totalité et le jugement sera infirmé en ce qu’il a invalidé le redressement opéré sauf en ce qui concerne le chef relatif aux frais professionnels – forfait ville et condamné l’Urssaf Centre Val de Loire à payer à la société [9] la somme de 22’178 euros.
Il n’y a donc pas lieu d’annuler le redressement effectué, les mises en demeures délivrées par l’Urssaf et la décision de la commission de recours amiable. La société [9] sera donc déboutée de l’ensemble de ses demandes.
Sur les dispositions accessoires
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné l’Urssaf Centre Val de Loire aux dépens. La société [9] sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par arrêt mis disposition, contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 17 novembre 2020 par le Pôle social du tribunal judiciaire d’Orléans en ce qu’il a’:
– invalidé le redressement opéré en ce qui concerne le chef relatif aux frais professionnels – forfait ville,
– condamné l’Urssaf Centre Val de Loire à payer à la société [9] la somme de 22’178 euros,
– condamné l’Urssaf Centre Val de Loire aux dépens ;
Le confirme pour le surplus’;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et Y ajoutant,
Déboute la société [9] de l’ensemble de ses demandes’;
Valide le redressement opéré par l’Urssaf Centre Val de Loire à l’encontre de la société [9] au titre des frais professionnels ‘forfait ville »;
Condamne la société [9] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,