COUR D’APPEL
de
VERSAILLES
21e chambre
ARRÊT N°
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
DU 15 DECEMBRE 2022
N° RG 21/00469
N° Portalis DBV3-V-B7F-UKDY
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 février 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MANTES LA JOLIE
N° Section : AD
N° RG : F19/00224
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Stéphanie ARENA
Madame [K] [Z]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le 15 décembre 2022,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Association ABYSS SERVICES AIDE A DOMICILE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, constitué / plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637
APPELANTE
****
Madame [K] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Non constituée
INTIMEE
****
Composition de la cour
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Monsieur Mohamed EL GOUZI, greffier lors des débats.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [K] [Z] a été engagée à compter du 17 janvier 2018 en qualité d’aide à domicile, par l’association Abyss Services Aide à domicile, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel décomptant 104 heures.
L’association, qui exerce une activité de services à la personne, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile.
Mme [Z] a été placée en arrêt de travail pour accident du travail du 17 au 24 mai 2018, prolongé à de multiples reprises.
Par courrier du 30 octobre 2019, l’association a mis en demeure la salariée de justifier de son absence.
Mme [Z] a été licenciée par lettre datée du 14 novembre 2019 énonçant des absences non justifiées.
Contestant son licenciement, Mme [Z] a saisi, le 19 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie aux fins d’entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l’association au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
L’association n’a pas comparu.
Par jugement rendu le 1er février 2021, notifié le 8 février 2021, le conseil a statué comme suit :
Condamne l’association à payer à Mme [Z] les sommes de :
– 1 092 euros à titre d’indemnité de préavis
– 1 747,20 euros au titre des congés payés du 17 mai 2018 au 17 septembre 2019
– 500,50 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2019 date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la défenderesse,
Rappelle que l’exécution est de droit à titre provisoire sur les créances salariales,
Fixe à 1 092 euros bruts la moyenne mensuelle
Condamne l’association à payer à Mme [Z] les sommes de :
– 1 092 euros au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
– 2 184 euros au titre de l’indemnité pour rupture abusive
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement,
Ordonne à l’association de remettre à Mme [Z], sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard et par document :
– l’attestation Pôle emploi conforme à la décision,
– le certificat de travail conforme à la décision,
– le bulletin de salaire conforme à la décision,
Dit que le conseil se réserve la possibilité de liquider l’astreinte en cas de demande,
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire hormis les cas où elle est de droit,
Déboute Mme [Z] du surplus de ses demandes,
Dit que l’association supportera les entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d’exécution.
Le 16 février 2021, l’association Abyss a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Suite à l’avis du greffe du 18 mars 2021, l’association a signifié sa déclaration d’appel à Mme [Z] par exploit d’huissier du 19 mars 2021 remis à sa personne ainsi déclarée.
Par conclusions signifiées le 14 mai 2021, remises au greffe les 6 mai et 11 juin 2021, l’association Abyss Services Aide à domicile demande à la cour de réformer le jugement déféré et en conséquence, de :
Sur la procédure de licenciement
A titre principal,
Juger que Mme [Z] ne justifie d’aucun préjudice lié au non-respect de la procédure de licenciement ;
Par conséquent la débouter de sa demande d’indemnité à ce titre ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait juger le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, débouter la salariée de sa demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, celle-ci ne se cumulant pas avec les dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la validité du licenciement
Juger le licenciement de Mme [Z] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Par conséquent, la débouter de ses demandes de ce chef.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait juger le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, limiter le montant des condamnations aux sommes suivantes :
– 239,04 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;
– 1 043,12 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 043,12 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement abusif ;
Sur la demande au titre des congés payés
Prendre acte que l’association reconnait devoir à la salariée un solde d’indemnité compensatrice de congés payés de 551,65 euros brut ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
Juger que Mme [Z] ne justifie d’aucun préjudice ;
Par conséquent, la débouter de sa demande ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [Z] n’a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions de l’appelante, il convient de se référer aux écritures susvisées.
Par ordonnance rendue le 12 octobre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 8 novembre 2022.
MOTIFS
Sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :
‘Suite à notre courrier du 30 octobre 2019 concernant vos absences injustifiées depuis le 12 juillet 2019, nous vous avons convoqué à reprendre votre poste de travail au 13 novembre 2019 et/ou de justifier vos absences mais à ce jour, nous sommes toujours sans nouvelles de votre part.
Et pour toutes ces raisons, et au regard de tous ces faits, nous sommes contraints et au regret de prononcer à votre égard une mesure de licenciement.
En conséquence, votre contrat de travail prendra fin à la date d’envoi de la présente lettre.’
Sur la procédure
L’association reconnait avoir convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement dans un délai moindre que celui institué par la loi, mais conteste que Mme [Z] justifie d’un préjudice en dérivant.
Le jugement accueille les demandes de la salariée, pour la raison qu’elle n’a pas été convoquée à un entretien préalable au licenciement, au reste abusif.
Le dernier aliéna de l’article 954 du code de procédure civile répute la partie qui ne conclut pas s’approprier les motifs du jugement, en sorte qu’il doit être considéré que Mme [Z] conteste avoir reçu la lettre la convocation à un entretien pouvant aller jusqu’au licenciement.
L’article L.1232-2 du code du travail énonce que l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.
Cela étant, si l’association produit le courrier daté du 31 octobre 2019 tendant à cette fin, elle ne justifie pas de son envoi à l’intéressée si bien que l’irrégularité de la procédure doit être constatée.
Sur la cause
L’association se prévaut des absences injustifiées de la salariée depuis le 12 juillet 2019, et de n’avoir reçu aucune réponse à sa mise en demeure du 30 octobre suivant, alors qu’elle n’avait pas, dans ces circonstances, à organiser de visite médicale de reprise. Elle relève que les arrêts de travail produits par l’intéressée devant le conseil de prud’hommes sont discontinus.
Le jugement est motivé en ce sens que Mme [Z] justifia à la barre de ses « arrêts de maladie », que le contrat de travail était suspendu lors du licenciement et qu’aucune procédure n’a été mise en place, sur le constat, ajouté, d’une incohérence entre la lettre de licenciement et l’attestation du Pôle emploi.
La salariée a reconnu devant le conseil de prud’hommes avoir reçu une lettre le 5 décembre 2018 pour « abandon de poste depuis le 15 octobre » précédent, qui est versée aux débats en cause d’appel, et qui la met en demeure de justifier de son absence dès cette date, sous peine de « prendre les mesures qui s’imposent ».
Etant constant que la salariée ne s’est plus présentée à son poste depuis le 17 mai 2018, il est justifié d’arrêts maladie jusqu’au 20 juillet 2018 puis du 24 septembre au 15 octobre suivant pour accident du travail ou maladie professionnelle, l’employeur n’élevant pas de contestation pour les périodes du 22 août au 25 septembre 2018, du 13 avril au 11 mai 2019 puis du 13 juin au 11 juillet 2019.
Il précise par ailleurs que l’intéressée remit devant le conseil de prud’hommes des arrêts de travail couvrant les périodes du 25 juillet au 13 août 2019, du 11 au 28 octobre 2019 et par ailleurs, après la notification de la rupture, du 16 novembre au 14 décembre 2019, étant précisé que les deux derniers arrêts, versés aux débats, ne font plus état d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Cela étant Mme [Z] ne justifie pas avoir répondu à la mise en demeure du 30 octobre 2019 « pour abandon de poste depuis le 12 juillet 2019 », par lequel l’association lui faisait grief de n’avoir reçu aucun justificatif d’absence depuis cette date comme de la désorganisation en résultant pour la sommer de reprendre son travail le 13 novembre 2019.
Faute de comparaître, elle ne démontre pas plus à ce jour la raison de ses absences, et il ne peut être présumé qu’elle fut encore en arrêt maladie pour accident du travail à ces dates.
S’il est de droit, d’une part, que seul l’examen pratiqué par le médecin du travail, en application des articles R. 4624-22 et 23 du code du travail, met fin à la période de suspension du contrat de travail et qu’il appartient à l’employeur d’organiser la visite de reprise dès lors que le salarié manifeste sa volonté de reprendre le travail, ou se présente à son travail ou se tient à disposition de l’employeur pour qu’il y soit procédé, mais qu’il n’y est pas tenu en l’absence de reprise effective du travail, de manifestation de volonté du salarié de reprendre son activité ou de voir organiser un tel examen, et, d’autre part que pendant la période de suspension de son contrat de travail, le salarié n’est pas tenu de reprendre le travail et d’exécuter sa prestation, il n’en demeure pas moins qu’il reste soumis à une obligation de loyauté vis-à-vis de ce dernier.
En l’espèce, dès lors que l’employeur avisa à plusieurs reprises la salariée, absente depuis des mois, de la nécessité de justifier de la situation, qu’il l’a mise en demeure précisément le 30 octobre 2019 d’en justifier depuis le 12 juillet précédent, qu’il la somma, à défaut, de reprendre son service le 13 novembre 2019, il s’évince que, Mme [Z] ne faisant pas la preuve d’avoir répondu ou de s’être présentée le 13 novembre 2019, a manqué à son obligation de loyauté et en tout état de cause, tenant l’employeur dans l’ignorance de sa situation, elle ne permit pas le maintien de la relation conventionnelle, de sorte que le licenciement prononcé de ces motifs est bien fondé.
En revanche, le moyen tiré d’une incohérence entre la lettre de licenciement et l’attestation pour le Pôle emploi, qui est y postérieure, est sans portée sur la cause du licenciement.
Le jugement sera infirmé dans son expression contraire.
Sur les conséquences financières
L’article L.1235-2 du code du travail énonce qu’en cas d’irrégularité commise au cours de la procédure requise par l’article L.1235-2 d’un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Au regard de l’irrégularité relevée, il sera alloué à Mme [Z], qui n’a pas été en mesure de présenter ses observations, une indemnité de 1.043 euros, équivalente à son salaire pour 104 heures dont le montant ne saurait pas être inférieur au minimum légal, en 2019 et le jugement sera infirmé sur le montant.
L’association, qui se prévaut d’une ancienneté de 11 mois contenant les absences justifiées pour accident du travail ou maladie professionnelle, conteste le quantum des sommes allouées en conséquence du licenciement, à titre subsidiaire.
Le salarié qui s’abstient volontairement d’effectuer son préavis ou en interrompt le cours sans motif valable ne peut prétendre à aucune indemnité compensatrice de préavis.
Dès lors, le jugement doit être infirmé en ce qu’il a condamné l’association à payer à Mme [Z] 1.092 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, qui n’est pas due puisque l’intéressée, non dispensée, ne l’a pas effectué.
Le licenciement n’étant pas prononcé en raison d’une faute grave, l’indemnité légale de licenciement est due en application de l’article L.1234-9 du code du travail et dans les conditions de l’article R.1234-1 du même texte.
Elle doit être calculée sur la base d’une ancienneté de 11 mois complets, et sur la base du salaire minimum garanti de 1.043,12 euros en 2019, soit 255,34 euros
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a alloué à Mme [Z] 500,50 euros.
Le licenciement étant causé, le jugement sera infirmé en ce qu’il a alloué à la requérante la somme de 2.184 euros d’indemnité pour rupture abusive.
L’association sera tenue de remettre les documents de fin de contrat conformes à cette décision, sans nécessité d’une astreinte et le jugement sera infirmé en ce qu’il l’a ordonnée.
Sur l’exécution du contrat de travail
L’association conteste, sur la période effective de travail de 11 mois, l’indemnité de congés payés allouée, qui dépasse l’équivalent des 23 jours auxquels Mme [Z] avait droit.
Quoique le jugement lui allouant 1.747,20 euros ne soit pas motivé sous cet aspect, il convient de reconnaître à l’intéressée 24 jours de congés payés sur la base d’un droit ouvert durant 11 mois et 3 semaines de travail effectif ou assimilé au sens de l’article L.3141-5 du code du travail, correspondant aux périodes admises par l’employeur, mais sans arrondi de la durée.
L’indemnité sera réduite en conséquence à la somme de 1.013,37 euros et l’employeur établissant sa libération à raison de 419,50 euros, il sera condamné au paiement du surplus soit 593,87 euros, et le jugement sera infirmé sur le montant de cette indemnité.
Sur les demandes accessoires
L’association succombant à titre principal, sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [K] [Z] de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;
Dit le licenciement causé ;
Condamne l’association Abyss Services Aide à domicile à payer à Mme [K] [Z] les sommes de :
1.043 euros en réparation du dommage né de l’irrégularité de la procédure de licenciement ;
255,34 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
593,87 euros au titre des congés payés restant dus ;
Déboute Mme [K] [Z] de ses demandes en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Dit que l’association Abyss Services Aide à domicile devra remettre à Mme [K] [Z] les documents de fin de contrat conformes avec ces dispositions ;
Le confirme en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [K] [Z] de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
y ajoutant,
Déboute l’association Abyss Services Aide à domicile de sa demande en paiement fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne l’association Abyss Services Aide à domicile aux entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Alicia LACROIX greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,