Services à la personne : 14 octobre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 18-16.887

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Services à la personne : 14 octobre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 18-16.887

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 633 FS-P+B

Pourvoi n° C 18-16.887

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 OCTOBRE 2020

La société Crédit mutuel Arkéa, société anonyme, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° C 18-16.887 contre l’arrêt rendu le 27 février 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l’opposant à la confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM), société coopérative ouvrière de production, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mollard, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Crédit mutuel Arkéa, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la confédération nationale du Crédit mutuel, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Mollard, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, conseillers, Mmes Le Bras, de Cabarrus, Lion, Lefeuvre, Bessaud, M. Boutié, Mmes Tostain, Bellino, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 février 2018), le réseau Crédit mutuel, régi par les dispositions des articles L. 512-55 et suivants et R. 512-19 et suivants du code monétaire et financier, est formé, au niveau local, des caisses locales de crédit mutuel, au niveau régional, des caisses départementales ou interdépartementales, constituées par les caisses locales, et, au niveau national, de la caisse centrale du crédit mutuel, constituée par les caisses départementales ou interdépartementales. Chaque caisse de crédit mutuel doit adhérer à une fédération régionale de crédit mutuel, et chaque fédération régionale à la confédération nationale du crédit mutuel (CNCM), organe central du réseau Crédit mutuel, dont le rôle est notamment de veiller à la cohésion de ce réseau.

2. La CNCM est titulaire de la marque verbale collective « Crédit mutuel » n° 3828979, déposée le 5 mai 2011 pour les produits et services des classes 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 45, dont les conditions d’utilisation sont régies par un règlement d’usage et contrôlées par le conseil d’administration de la CNCM. Sont notamment autorisées à utiliser cette marque les fédérations régionales de crédit mutuel et les caisses de crédit mutuel adhérentes.

3. La CNCM ayant indiqué à la société Crédit mutuel Arkéa (la société Arkéa), qui regroupe trois fédérations régionales, qu’elle ne pourrait plus utiliser la marque collective « Crédit mutuel », ou toute combinaison de marques associant cette marque, si elle quittait le réseau Crédit mutuel, cette dernière l’a alors assignée en annulation de la marque.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Arkéa fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’annulation de la marque collective « Crédit mutuel » pour caractère illicite, alors :

« 1°/ que ne peut être adopté comme marque un signe dont la réservation serait contraire à l’ordre public ; que la dénomination « crédit mutuel » est la désignation légale d’une activité réglementée par le code monétaire et financier et commune à l’ensemble des banques mutualistes ; qu’il s’en déduit que la dénomination « crédit mutuel » est indisponible et ne peut être déposée à titre de marque ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a violé l’article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 3 § 1 et 2 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, ensemble l’article L. 511-9 du code monétaire et financier ;

2°/ que l’article L. 512-56 du code monétaire et financier charge la CNCM de représenter collectivement les caisses de crédit mutuel pour faire valoir leurs droits et intérêts communs, d’exercer un contrôle administratif, technique et financier sur l’organisation et la gestion de chaque caisse de crédit mutuel et de prendre toutes mesures nécessaires au bon fonctionnement du crédit mutuel ; que l’article R. 512-23 du code monétaire et financier réserve aux caisses inscrites sur la liste prévue à l’article R. 512-19, établie et tenue à jour par la CNCM, le droit d’utiliser l’appellation « caisse de crédit mutuel » ; que ces textes n’autorisent pas la CNCM à s’arroger un monopole d’exploitation sur la dénomination « crédit mutuel » ; qu’en affirmant que ces dispositions consacreraient la réservation, au profit de la CNCM, de la dénomination « crédit mutuel », la cour d’appel a violé ces textes par fausse interprétation, ensemble l’article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 3 § 1 et 2 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008. »

Réponse de la Cour

5. Si, aux termes de l’article L. 711-3, b, du code de la propriété intellectuelle, alors applicable, ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe contraire à l’ordre public, la circonstance qu’un terme soit la désignation légale d’une activité réglementée ne suffit pas à en faire un signe contraire à l’ordre public.

6. Ayant relevé que la CNCM est l’organe central du groupe Crédit mutuel, chargée d’un rôle de contrôle, d’inspection et de représentation du réseau Crédit mutuel auprès des pouvoirs publics, la cour d’appel a exactement déduit de cette seule constatation que l’enregistrement, par cette association, du signe « Crédit mutuel » en tant que marque collective n’était pas contraire à l’ordre public.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société Arkéa fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes d’annulation de la marque collective « Crédit mutuel » pour défaut de distinctivité, alors :

« 1°/ qu’un signe constituant la désignation légale et unique d’un produit ou d’un service ne peut acquérir, à son égard, un caractère distinctif par l’usage ; qu’en énonçant que l’article L. 711-2, dernier alinéa, du code de la propriété intellectuelle n’excluait pas la possibilité d’acquisition du caractère distinctif par l’usage pour les signes intrinsèquement dépourvus de ce caractère dans les cas prévus aux a) et b) et que la société Arkéa arguait donc vainement du fait que les termes « crédit mutuel » constituaient la désignation nécessaire d’un type d’activité bancaire et des produits et services s’y rattachant, la cour d’appel a violé l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 3 § 3 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 ;

2°/ qu’en toute hypothèse, la preuve de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage ne peut résulter de la seule démonstration de l’usage de la dénomination à titre de marque, mais suppose qu’il soit en outre établi que le public pertinent la perçoit comme une indication d’origine des produits ou services concernés ; qu’en se bornant à relever, pour refuser d’annuler la marque « Crédit mutuel » en dépit de son absence initiale de caractère distinctif, d’une part, que la dénomination « crédit mutuel » était largement utilisée par le réseau Crédit mutuel à titre de marque et, d’autre part, qu’un sondage démontrait que, pour une majorité de consommateurs, l’expression « crédit mutuel » évoquait « une banque », la cour d’appel, qui n’a pas démontré que le public pertinent percevait la dénomination « crédit mutuel » comme une indication d’origine commerciale, a statué par des motifs impropres à démontrer que la dénomination « crédit mutuel » aurait acquis un caractère distinctif par l’usage et privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 3 § 3 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 ;

3°/ qu’en outre, la distinctivité d’une marque s’apprécie au regard de chacun des produits et services couverts par son enregistrement ; qu’en se bornant à constater, pour affirmer que la dénomination « crédit mutuel » aurait acquis un caractère distinctif par l’usage pour les produits ou services désignés dans l’enregistrement, qu’elle faisait l’objet d’un usage continu, intensif et durable dans le réseau Crédit mutuel, sans procéder à un examen de son caractère distinctif pour chacun des produits ou services concernés, qu’elle n’a même pas décrits, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 3 § 3 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008. »

 


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