Services à la personne : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 19/00755

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Services à la personne : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 19/00755

Arrêt n° 22/00597

13 Septembre 2022

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N° RG 19/00755 – N° Portalis DBVS-V-B7D-E7TF

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

27 Février 2019

18/00183

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

treize septembre deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [O] [T]

[Adresse 2]

Représenté par Me François BATTLE, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

Association LES MAITRES D’ETUDES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Patrick-Hugo GOBERT, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 mai 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Anne FABERT, conseillère, pour la Présidente de Chambre régulièrement empêchée, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

M. [O] [T] a été engagé par l’association LES MAITRES D’ETUDES en contrat à durée déterminée et à temps partiel du 17 août 2015 au 30 juin 2016 en qualité d’enseignant des mathématiques et sciences physiques. Le contrat prévoyait une durée de travail de 1 heure par semaine et une rémunération horaire nette de 15 euros, cette somme incluant les 10% de prime de précarité et 10% de congés payés.

Le 21 août 2017, un contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel a été signé par M. [T] avec l’association Les Etudes, ce contrat portant sur la période du 21 août 2017 au 30 juin 2018 pour le poste de professeur de soutien scolaire en mathématiques et sciences physiques. Il prévoyait une durée de 1 heure par semaine avec une rémunération horaire nette de 15 euros, cette somme incluant les 10% de précarité et 10% de congés payés.

M. [T] a été placé en arrêt de travail pour dépression du 23 août 2017 au 03 septembre 2017.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 29 août 2017, M. [T] a indiqué à l’association Les Etudes qu’il avait signé le contrat du 21 août 2017 sous la menace d’une dénonciation éventuelle à la gendarmerie quant à la régularité de son séjour en France et que, étant lié par contrat à durée indéterminée avec l’association Les Maîtres d’études, il ne comprenait pas son transfert vers une autre association, raisons pour lesquelles il ne donnerait pas suite à ce contrat de travail.

L’association Les Etudes a contesté ces affirmations par courrier recommandé du 04 septembre 2017 et a informé M. [T] qu’elle rompait son contrat de travail, signé le 21 août 2017, au titre de la période d’essai qu’il contenait. Elle lui faisait alors parvenir une fiche de paie, un chèque de paie ainsi que les documents de fin de contrat et solde de tout compte.

Par courrier du 28 août 2017, M. [T] a également fait part à l’association Les Maîtres d’études qu’il prenait acte de la rupture de son contrat à ses torts en raison, notamment, de manquements relatifs à un transfert sans son consentement vers une autre structure, au non paiement des heures complémentaires majorées et au non paiement des heures pour la dernière année scolaire.

L’association Les Maître d’études écrivaient également à M. [T] par courrier daté du 04 septembre 2017, exposant refuser la rupture du contrat par le salarié et récuser ses allégations quant à un transfert de contrat à une autre structure.

Par courrier du 18 septembre 2017, l’association Les Maîtres d’études a informé M. [T] que celui-ci ne s’était pas présenté à un rendez-vous fixé le jeudi 14 septembre 2017 et qu’elle regrettait sa décision manifeste de ne plus travailler avec elle. L’association lui faisait parvenir les documents de fin de contrat.

M. [T] a dénoncé le solde de tout compte par courrier recommandé avec accusé de réception du 08 novembre 2017.

Par acte du 26 février 2018, M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Metz aux fins de voir requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et en conséquence, voir l’association Les Maîtres d’études condamnée à lui payer les sommes de :

805,52 € net au titre de l’indemnité de requali’cation ;

174,52 € net au titre de l’indemnité de licenciement ;

3222,08 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

805,52 € net au titre de l’indemnité de préavis ;

80,55 € au titre de l’indemnité de congé payés sur préavis ;

5000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la législation applicable aux contrats à temps partiel ;

867,75 € brut à titre de rappel de salaire pour non paiement de la majoration de 25% applicable aux heures complémentaires effectuées ;

Le tout avec intérêt aux taux légal à compter du jour du jugement à intervenir.

2000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [T] sollicitait également la condamnation l’association Les Maitres d’études aux frais et dépens de procédure et que soit ordonnée l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par jugement du 27 février 2019, le conseil de prud’hommes de Metz, section activités diverses, a :

dit la demande de M. [T] recevable et bien fondée,

requalifié le contrat de travail de M. [T] en un contrat de travail à durée indéterminée,

En conséquence,

condamné l’association Les Maîtres d’études à payer à M. [T] les sommes de :

– 402,76 euros brut à titre d’indemnité de requalification du contrat ;

– 174,52 euros brut au titre indemnité de licenciement ;

– 1208,28 euros brut au titre des dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 201,14 euros brut au titre des indemnités de préavis ;

– 20,14 euros brut au titre des congés payés sur préavis ;

– 867,75 euros brut au titre des rappels de salaire sur les heures complémentaires.

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la décision ;

Condamné l’association Les Maîtres d’études à payer à M. [T] la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamné l’association Les Maîtres d’études aux entiers frais et dépens ;

Ordonné l’exécution provisoire de la décision en application de l’article 515 du code de procédure civile.

Par déclaration formée par voie électronique le 22 mars 2019, M. [T] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 04 mars 2021, notifiées par voie électronique le 05 mars 2021, M. [T] demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée et ce, avec toutes les conséquences de droit ;

Infirmer le jugement pour le surplus

En conséquence, et statuant à nouveau :

Condamner l’association Les Maîtres d’études à payer à M. [T] les sommes suivantes :

– 805,52 euros net au titre de l’indemnité de requalification,

– 174,52 euros net au titre de l’indemnité de licenciement,

– 3.222,08 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 805,52 euros brut au titre de l’indemnité de préavis,

– 80,55 euros brut au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis,

– 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la législation applicable aux contrats à temps partiel,

– 18.083,99 euros à titre de rappel de salaire pour non paiement de la majoration de 25% applicable aux heures complémentaires effectuées,

Le tout avec intérêt au taux légal à compter du jour du jugement à intervenir.

Débouter l’association Les Maîtres d’études de son appel incident ;

Condamner l’association Les Maîtres d’études à payer à M. [T] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Condamner l’association Les Maîtres d’études aux entiers frais et dépens de procédure

Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir pour le tout en application de l’article 515 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions datées du 01 juin 2021, notifiées par voie électronique le même jour, l’association Les Maîtres d’études demande à la cour de :

Recevoir M. [T] en son appel ;

Le déclarer recevable en la forme mais cependant mal fondé ;

Recevoir l’association Les Maîtres d’études en son appel incident ;

Le déclarer recevable en la forme et bien fondé ;

En conséquence,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Requalifié le contrat de travail ayant lié M. [T] à l’association Les Maîtres d’études en contrat de travail à durée indéterminée ;

– Condamné l’association Les Maitres d’études à payer à M. [T] la somme de quatre cent deux euros et soixante-seize cents (402,76€) « bruts » (sic) à titre d’indemnité de requalification ;

– Condamné l’association Les Maitres d’études à payer à M. [T] la somme de huit cent soixante-sept euros et soixante-quinze cents (867,75 €) avant déduction du précompte salarial à titre de rappel de salaire « sur les heures complémentaires »

Et statuant à nouveau,

Déclarer que la « prise d’acte » de la rupture de son contrat de travail par M. [T] doit produire les effets d’une démission ;

En conséquence :

Débouter M. [T] de ses autres demandes, fins et prétentions ;

Statuer ce que de droit sur les dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 08 mars 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

A titre liminaire, la Cour relève que les parties s’accordent sur la confirmation du jugement en ce qu’il a requalifié le contrat de travail ayant lié M. [T] à l’association Les Maîtres d’études en contrat de travail à durée indéterminée, l’association Les Maîtres d’études exposant expressément acquiescer au jugement sur ce point.

Demeurent toutefois en litige les conséquences financières de la requalification ainsi que les effets de la prise d’acte de la rupture du contrat, M. [T] soutenant que cette prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’association Les Maîtres d’études faisant valoir qu’elle s’analyse au contraire comme une démission.

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par lui constituent des manquements d’une importance telle qu’ils empêchaient la poursuite des relations contractuelles, soit d’une démission dans le cas contraire.

Il appartient donc au juge de vérifier si les faits invoqués par le salarié sont établis et, dans l’affirmative, s’ils caractérisent des manquements d’une importance telle qu’ils empêchaient la poursuite des relations contractuelles, la rupture étant alors imputable à l’employeur et produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

C’est au salarié qui prend l’initiative de la rupture qu’il appartient d’établir la réalité de ces manquements, à charge pour le juge d’en apprécier la gravité. Si un doute subsiste, la rupture produit les effets d’une démission.

Le juge se doit d’examiner l’ensemble des griefs invoqués par le salarié, sans se limiter aux griefs mentionnés dans la lettre de rupture.

En l’espèce, la lettre de rupture du contrat de travail envoyée par M. [T] à l’association Les Maîtres d’études le 28 août 2017 est rédigée ainsi qu’il suit :

« J’ai été engagé par l’association Les Maîtres d’études selon contrat de travail à durée déterminée à temps partiel le 14.08.2015.

L’échéance du contrat était fixée au 30.06.2016.

Par la suite aucun contrat de travail n’a été signé si bien que je suis lié à l’association Les Maîtres d’études par un contrat à durée indéterminée à temps complet.

Or l’association n’a tiré aucune conséquence du fait que j’ai travaillé pour l’exercice 2016/2017 sans aucun contrat.

J’ai repris mon activité en mi août 2017 où on m’a proposé de signer un contrat à durée déterminée du 21.08.2017 au 30.06.2018 par un autre employeur Les Etudes.

En conséquence, je prends acte de la rupture du contrat de travail qui me lie avec Les Maîtres d’études en lui imputant cette rupture.

Cette rupture est notamment le fait d’un transfert sans mon consentement vers une autre structure, du fait du non paiement des heures complémentaires majorées pour le premier exercice et du fait également du non paiement des heures pour la dernière année scolaire.

Je vous remercie en conséquence de bien vouloir m’adresser les documents de rupture (certificat de travail et attestation POLE EMPLOI). »

Il ressort de ce courrier que M. [T] a expressément rompu le contrat de travail le liant à l’association intimée en lui imputant des manquements.

L’appelant ne peut par conséquent pas être suivi dans son argumentation selon laquelle l’association Les Maîtres d’études aurait elle-même mis fin au contrat de travail.

Le fait que l’association intimée ait dans un premier temps contesté l’efficacité d’une telle rupture n’est pas suffisant pour lui ôter son effectivité, étant relevé que par la suite le salarié n’a pas répondu aux courriers et communications de l’association et ne s’est plus présenté sur son lieu de travail.

Il convient par conséquent d’examiner la réalité et, le cas échéant, la gravité des manquements invoqués par M. [T] au soutien de sa prise d’acte, manquements relatifs à un transfert sans son consentement vers une autre structure, au non paiement des heures complémentaires majorées pour le premier exercice et au non paiement des heures pour la dernière année scolaire.

Sur le transfert de contrat

M. [T] reproche à l’association Les Maîtres d’études d’avoir transféré son contrat à une autre structure, l’association Les Etudes, faisant valoir que la signature d’un nouveau contrat à durée déterminée avec cette association le 21 août 2017 a été fait sous la menace.

Il est constant que M. [T] a signé un premier contrat à durée déterminée avec l’association Les Maîtres d’études pour la période allant du 17 août 2015 au 30 juin 2016. Il est également constant qu’au terme de ce contrat, la relation de travail a perduré entre les parties qui n’ont toutefois conclu aucun autre contrat écrit. Les premiers juges ont par conséquent requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée. Par la suite, le 21 août 2017, M. [T] a signé un contrat de travail à durée déterminée jusqu’au 30 juin 2018, avec une autre association dénommée Les Etudes.

M. [T] a fait part, par e-mail du 19 août 2017, de sa surprise quant au besoin de signer un tel contrat dès lors qu’il était déjà engagé dans un contrat de travail à durée indéterminée avec l’association Les Maîtres d’études.

Toutefois, la proposition de signature d’un nouveau contrat, avec une personne morale distincte de son employeur initial sans rupture préalable ou concomitante de son contrat avec celui-ci, n’était pas incompatible avec la poursuite de son premier contrat, étant relevé que les deux contrats étaient conclu à temps partiel pour des volumes horaires très en deçà de la limite horaire légale de travail.

Les deux contrats pouvaient ainsi coexister et l’interprétation faite par M. [T] de la situation juridique, à savoir un transfert de son contrat auprès d’un autre employeur n’est pas confirmée par les éléments de la cause.

L’association Les Maîtres d’études n’a jamais contesté être demeurée l’employeur de M. [T] et a, dès réception du courrier de prise d’acte envoyé par ce dernier, contesté toute existence d’un transfert de contrat. L’existence de relations contractuelles distinctes est au demeurant confirmée par le fait que l’association Les Etudes a, à réception du courrier de M. [T] invoquant des menaces et pressions, préféré mettre un terme à ce contrat et a adressé les documents de fin de contrat correspondant à M. [T], ces documents étant bien distincts de ceux envoyés un mois plus tard par l’association Les Maîtres d’études.

Enfin, M. [T] n’apporte aucune preuve quant à la réalité des menaces qu’il allègue et en raison desquelles il aurait été contraint de signer le contrat avec la société Les Etudes. Il n’apporte pas davantage de démonstration d’un lien entre son arrêt de travail et de telles menaces non établies.

Dans ce cadre, le grief invoqué par M. [T] sur ce point n’est pas fondé. Le manquement reproché à l’employeur n’étant pas établi, il ne pouvait justifier une prise d’acte de la rupture des relations contractuelles.

Sur le non paiement des heures complémentaires majorées pour l’année 2015-2016

L’association Les Maîtres d’études reconnaît n’avoir pas procédé à la majoration des heures complémentaires dues pour l’année 2015-2016. Elle expose cependant avoir réglé à taux non majoré ces heures, qui figurent toutes sur les fiches de paye de M. [T], et justifie par production des échanges SMS entre le salarié et le président de l’association, M. [K] [D], de ce que ce dernier demandait régulièrement à M. [T] de lui faire un état des lieux des heures effectivement travaillées pour pouvoir les mettre en paiement.

S’il n’est pas contestable ni contesté que ces heures complémentaires auraient dû être rémunérées à taux majoré de 25%, la bonne foi de l’intimée, association à but non lucratif de petite taille et aux ressources limitées, est avérée.

En outre, M. [T] ne soutient ni ne justifie avoir porté ce problème à l’attention de l’association avant son courrier de prise d’acte de la rupture alors qu’il était manifestement en contact fréquent et en bons termes avec son président.

Dès lors, ce manquement, bien qu’avéré, n’était pas, au vu des circonstances de la cause, d’une importance telle qu’il empêchait la poursuite des relations contractuelles.

Sur le non paiement d’heures complémentaires en 2017

M. [T] a reproché à son employeur, dans la lettre de prise d’acte de la rupture, de ne pas lui avoir réglé « des heures pour la dernière année scolaire », soit l’année scolaire 2016-2017. Il n’a par la suite pas présenté une telle demande devant les premiers juges, limitant sa demande de rappel de salaires pour les heures complémentaires effectuées à l’année scolaire 2015-2016.

Il soutient désormais à hauteur de cour que l’association Les Maîtres d’études ne lui a pas réglé les heures complémentaires de l’année scolaire 2016-2017 pour un total de 18.083,99 euros. L’intimée conteste cette demande, faisant valoir que la demande de M. [T] repose sur un temps de travail contractuel fictif de 21 heures par semaine ou 91 heures par mois et que le tableau fourni par le salarié est dénué de réalité, incompatible avec l’activité réelle de l’association et mettant notamment en compte des heures au mois de février 2017 où il n’a pas travaillé, étant absent pour convenance personnelle.

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

Il revient ainsi au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre l’instauration d’un débat contradictoire et à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Après appréciation des éléments de preuve produits, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance des heures complémentaires et fixe en conséquence les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [T] produit au soutien de sa demande un tableau récapitulatif qui contient, pour l’année 2016/2017, quatre colonnes : « dates » ; « heures effectuées » ; « nb heures contrat » et « nb h non payées ».

Il ressort de la lecture de ce tableau que, comme le relève l’association Les Maîtres d’études, M. [T] a mis en compte un nombre d’heures contractuelles fixe de 91 heures par mois, sans explication.

Ce nombre d’heures, qui correspond selon lui à un temps partiel de 60%, ne correspond cependant pas au volume horaire contractuel prévu par les parties, étant rappelé que la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ne conduit pas à un changement de la durée de travail contractualisée initialement par les parties.

Or, les 680,5 heures complémentaires non payées que M. [T] met en compte correspondent uniquement à la différence entre ce volume mensuel de 91 heures et les heures réellement effectuées, ces dernières n’étant pas contestées entre les parties et M. [T] n’en réclamant pas le paiement.

M. [T] met encore en compte dans ce tableau, au mois de février 2017, un volume de 91 heures impayées alors qu’il y inscrit également n’en avoir effectué aucune et ne conteste pas qu’il s’agit d’une période où il était intégralement absent pour convenance personnelle. Or, en l’absence de travail effectué en ce mois de février 2017, et ce, de sa propre initiative, il est particulièrement mal fondé à s’en prévaloir au soutien d’une demande relative à des heures complémentaires impayées.

Les éléments présentés dans ce tableau ne sont donc pas cohérents avec la relation contractuelle qui liait les parties, M. [T] ayant de son propre chef considéré qu’il effectuait un temps partiel de 91 heures par mois, alors qu’aucun accord des parties n’est établi sur ce point et que l’association Les Maîtres d’études le conteste expressément.

L’association intimée produit au demeurant le relevé des heures de cours déclarées auprès des services du gouvernement en charge des services à la personne, qui fait état pour l’année 2017 de 596 heures au total. Ce volume annuel, qui englobe les heures effectuées par tous les salariés de l’association, est manifestement incompatible avec les 680,5 heures complémentaires indiquées dans le tableau produit par M. [T].

Ce tableau, qui comporte des éléments manifestement dénués de réalité et incompatibles avec l’activité de l’association Les Maîtres d’études ne permet pas de considérer que les 680,5 mises en compte par M. [T] sont des heures complémentaires qu’il a effectuées et qui lui seraient ainsi dues.

Il ressort en outre des éléments versés aux débats que, comme l’ont souligné les premiers juges, M. [T] fixait lui-même ses heures de cours, acceptant, sans en référer préalablement à son employeur, les demandes que les élèves lui présentaient directement. Le président de l’association sollicitait régulièrement M. [T] pour avoir connaissance du nombre d’heures réellement effectuées par le salarié afin de procéder à leur mise en paie.

L’employeur ne pouvait procéder autrement dès lors que M. [T] réalisait ses heures de cours de sa propre initiative et selon ses propres disponibilités. Le salarié ne fournit aucun élément établissant que des heures complémentaires ont été effectuées sur demande de l’employeur, l’ensemble des éléments de la cause faisant au contraire ressortir qu’il accumulait lesdites heures complémentaires sans en référer préalablement à l’association Les Maîtres d’études, allant jusqu’à indiquer dans un SMS du 05 juin 2016 qu’il réalisait des cours dans les locaux « à l’improviste ».

De l’ensemble de ces éléments il ressort non seulement que les 680,5 heures complémentaires mises en compte par M. [T] et dont celui-ci demande le paiement ne sont pas dues, mais également qu’il ne peut être reproché à l’association Les Maîtres d’études un manquement à cet égard, s’agissant d’heures complémentaires non effectuées.

Le grief qui fondait, selon le salarié, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, n’est pas suffisamment établi.

Dans ce cadre, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par M. [T] produit les effets d’une démission et non d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement doit être infirmé de ce chef et en ce qu’il a fait droit aux demandes du salarié formulées en conséquence du licenciement.

Les demandes de M. [T] portant sur le paiement de l’indemnité de licenciement, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité de préavis, l’indemnité de congés payés sur préavis et de la somme de 18.083,99 euros au titre d’heures complémentaires non rémunérées sont rejetées.

Sur les autres demandes financières

Sur l’indemnité de requalification

En application de l’article L. 1245-2 du code du travail, lorsqu’il est fait droit à la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le salarié a droit à une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

En l’espèce, les premiers juges ont fait droit à la demande de M. [T] sur ce fondement à hauteur de 402,76 euros soit l’équivalent d’un mois de salaire.

M. [T] ne démontre pas des circonstances particulières qui justifieraient l’allocation d’une indemnité d’un montant supérieur. Sa demande sera rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la législation applicable aux contrats à temps partiel

Le salarié peut, en plus du rappel des salaires d’heures complémentaires, réclamer des dommages-intérêts en raison du préjudice subi par lui du fait de ce dépassement. Il incombe au salarié de rapporter la preuve d’un préjudice.

En l’espèce, l’association Les Maîtres d’études n’a pas contesté l’existence d’heures complémentaires réalisées par M. [T], qui lui ont néanmoins été rémunérées sur la base de ses déclarations. Comme l’ont pertinemment relevé les premiers juges, M. [T] fixait ses heures de cours de sa propre initiative et acceptait les demandes que les élèves lui présentaient directement, sans en référer préalablement à son employeur, au delà des horaires contractuellement prévus initialement. En outre, le seul fait que M. [T] ait été placé en arrêt de travail ayant pour motif « dépression » est insuffisant à démontrer que cet arrêt a pour origine l’accomplissement d’un volume important d’heures complémentaires, au surplus effectuées de sa propre initiative.

M. [T] ne rapporte donc pas la preuve d’un préjudice relatif à la réalisation de ces heures complémentaires et le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

Le sens de la présente décision conduit à confirmer les dispositions du jugement dont appel statuant sur les dépens. Le jugement sera cependant infirmé en ce qu’il a condamné l’association Les Maîtres d’études à payer à M. [T] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’équité ne commande pas de faire droit à la demande du salarié fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance, qui sera rejetée.

M. [T] qui succombe en majeure partie dans son appel devant la Cour sera condamné aux dépens d’appel. Sa demande formée au titre des frais irrépétibles sera par conséquent également rejetée.

Enfin, la cour statuant en dernier ressort par un arrêt exécutoire de droit, la demande de M. [T] quant au prononcé de l’exécution provisoire est dépourvue d’objet.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement dont appel en ce qu’il a caractérisé un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence l’association Les Maîtres d’études à payer à M. [O] [T] des sommes au titre de l’indemnité de licenciement, des dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des indemnités de préavis et congés payés y afférents ainsi qu’au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le confirme pour le surplus des dispositions frappées d’appel ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par M. [O] [T] produit les effets d’une démission ;

Déboute M. [O] [T] de ses demandes en paiement de sommes au titre de l’indemnité de licenciement, des dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des indemnités de préavis et congés payés y afférents ainsi qu’à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la législation applicable aux contrats à temps partiel ;

Déboute M. [O] [T] de sa demande en paiement de la somme de 18.083,99 euros à titre de rappel de salaires ;

Déboute M. [O] [T] de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel ;

Condamne M. [O] [T] aux dépens d’appel.

La GreffièreP/ La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère

 


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