Services à la personne : 13 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02217

·

·

Services à la personne : 13 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02217

13/01/2023

ARRÊT N°2023/22

N° RG 21/02217 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OFH6

CB/AR

Décision déférée du 14 Avril 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 19/00504)

[E]

[D] [N] épouse [O]

C/

S.A.S.U. ROSE ET VIOLETTE

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 13/01/2023

à Me Pascale BENHAMOU

Me Eric CHAUVIN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TREIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [D] [N] épouse [O]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Pascale BENHAMOU de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S.U. ROSE ET VIOLETTE

prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 1]

Représentée par Me Eric CHAUVIN, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. Brisset, présidente et F. Croisille-Cabrol, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. Brisset, présidente

A. Pierre-Blanchard, conseillère

F. Croisille-Cabrol, conseillère

Greffier, lors des débats : A. Ravéane

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. Brisset, présidente, et par A. Ravéane, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [D] [N] épouse [O] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 juillet 2015 par la SAS Bleu Pastel, exploitant un service de ménage et repassage pour les particuliers sous l’enseigne Shiva, en qualité de chargée de clientèle.

La convention collective nationale des services à la personne est applicable.

Le contrat de travail a été transféré auprès de la SASU Rose et Violette, exploitant le même type de services sous la même enseigne, le 23 janvier 2017 à effet le 1er février 2017, en qualité responsable de l’agence de [Localité 2]. La société employait moins de 11 salariés.

Mme [N] a été placée en arrêt de travail pour maladie le 23 juillet 2018.

Par lettre du 13 septembre 2018, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 24 septembre 2018.

Par lettre du 28 septembre 2018, Mme [N] était licenciée pour faute grave.

Par requête en date du 3 avril 2019, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse en contestation de son licenciement, en indemnisation de différents préjudices et aux fins d’obtenir diverses sommes à titre de rappels de salaire.

Par jugement du 14 avril 2021, le conseil a :

– dit que, à titre principal, la SASU Rose et Violette n’a pas fait preuve, à l’encontre de Mme [N] de harcèlement moral.

En conséquence :

– débouté Mme [N] de ses demandes de reconnaissance de harcèlement moral et de nullité de son licenciement.

A titre subsidiaire :

– le licenciement de Mme [N] est dénué de faute grave, mais repose sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence :

– le licenciement de Mme [N] est requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse et la société SASU Rose et Violette, prise en la personne de son représentant légal, ès qualités est condamnée à verser à Mme [D] [N], épouse [O], les sommes suivantes :

– au titre du préavis …………………………………………………………5 737,60 euros,

– au titre des congés payés sur préavis……………………………….. 573,76 euros,

– au titre de l’indemnité de licenciement …………………………….2 390,67 euros,

– condamné la société Rose et Violette, prise en la personne de son représentant légal, ès qualités à verser à Mme [N] [D], épouse [O], la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le 17 mai 2021, Mme [N] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement.

Dans ses dernières écritures en date du 26 janvier 2022, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [N] demande à la cour de :

– confirmer la décision déférée en ce qu’elle a :

– jugé que le licenciement de Mme [N] était dénué de faute grave,

– condamné la SASU Rose et Violette à lui verser la somme de 5 737,60 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis,

– condamné la société Rose et Violette à lui verser la somme de 573,76 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– condamné la société Rose et Violette à lui verser la somme de 2 390,67 euros au titre de l’indemnité de licenciement.

– condamné la société Rose et Violette à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer la décision déférée en ce qu’elle a déboutée Mme [N] :

– de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, manquements fautifs et violation de l’obligation de sécurité de la société Rose et Violette,

– de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul à titre principal et sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,

– de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés y afférents,

– de sa demande de remboursement de ses frais professionnels.

Statuant à nouveau :

– juger, à titre principal, le licenciement de Mme [N] nul,

– juger, à titre subsidiaire, le licenciement de Mme [N] comme dénué de cause réelle et sérieuse.

En conséquence :

– condamner la société Rose et Violette à verser à Mme [N] les sommes suivantes :

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, exécution fautive du contrat de travail et manquements à l’obligation de sécurité,

– 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul à titre principal et sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,

– condamner la société Rose et Violette à verser à Mme [N] les sommes suivantes avec intérêt de droit à compter du jour de la demande :

– 281,25 euros bruts au titre des heures supplémentaires, outre la somme de 28,13 euros bruts au titre des congés y afférents,

– 358,20 euros à titre de remboursement de ses frais professionnels,

– condamner la société Rose et Violette à remettre à Mme [N] des bulletins de salaires, attestation pôle emploi et certificat de travail conformes,

– condamner la société Rose et Violette à payer à Mme [N] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Rose et Violette aux entiers dépens.

Elle invoque une surcharge de travail et des agissements de la représentante légale de la société emportant une dégradation de son état de santé dans des conditions relevant d’un harcèlement moral ou d’un manquement à l’obligation de sécurité. Elle conteste les griefs énoncés à la lettre de licenciement et soutient que le troisième est en réalité discriminatoire comme tenant à son état de santé.

Dans ses dernières écritures en date du 29 octobre 2021, auxquelles il est fait expressément référence, la société Rose et Violette demande à la cour de :

– confirmer le jugement du 14 avril 2021 en ce qu’il a débouté Mme [N] de sa demande de reconnaissance de harcèlement moral, et par voie de conséquence de sa demande au titre d’un licenciement nul et jugé que le licenciement dont Mme [N] a fait l’objet reposé sur une cause réelle et sérieuse,

– infirmer le jugement du 14 avril 2021 en ce qu’il a écarté le caractère grave de la faute et condamné la société Rose et Violette au paiement des sommes suivantes :

– 5 737,60 euros au titre du préavis,

– 573,76 euros au titre des congés payés sur le préavis,

– 2 390,67 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En conséquence il est demandé à la cour de :

– juger que le licenciement dont Mme [N] repose sur une cause à la fois réelle et sérieuse, et constitue une faute grave,

– débouter en conséquence Mme [N] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [N] à payer à la société Rose et Violette la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle conteste tout harcèlement moral et fait valoir que le licenciement pour faute grave était justifié. Elle soutient que les heures supplémentaires ont été réglées avec le solde de tout compte.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 25 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires,

Il est sollicité par la salariée la somme de 281,25 euros outre les congés payés afférents. La salariée invoque 15 heures supplémentaires. L’employeur se contente d’indiquer que les heures auraient été réglées avec le solde de tout compte.

En cette matière la charge de la preuve ne repose pas spécialement sur une partie mais il incombe au salarié de présenter des éléments permettant un débat contradictoire. En l’espèce, si Mme [N] invoque 15 heures supplémentaires, elle ne précise pas quand elles auraient été réalisées et non payées, étant observé que les bulletins de paie faisaient apparaître des heures supplémentaires dites structurelles et des heures supplémentaires dites exceptionnelles sur certains mois. Elle s’appuie cependant sur les pièces de son adversaire. Si elle a envoyé un courrier électronique faisant état d’un total d’heures supplémentaires, celui-ci n’est pas exploitable en ce qu’on ignore absolument à quelle période elle faisait référence. En revanche le décompte produit en pièce 18 par l’employeur est bien exploitable et fait ressortir 9 heures supplémentaires. Aucun élément ne permet de considérer qu’il aurait été modifié par l’employeur. Ces 9 heures supplémentaires étaient dues et n’ont été que partiellement réglées puisque seulement 6 heures ont été réglées avec le solde de tout compte. Il reste dû la somme de 56,25 euros outre 5,62 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé en ce sens et l’employeur condamné au paiement de ces sommes.

Sur les frais professionnels,

Il est sollicité par la salariée la somme de 358,20 euros à titre de frais. Elle fait valoir qu’il s’agit de frais téléphoniques. L’employeur soutient que l’usage professionnel du téléphone personnel n’est pas démontré. Il admet que le forfait professionnel était dépassé mais soutient que c’était par un mauvais usage du téléphone fixe ou mobile mais sans produire aucune pièce à ce titre. Toutefois, la salariée n’explicite pas à quoi correspond la somme par elle demandée. Elle ne produit aucun justificatif des frais par elle exposés, alors que seule une partie de son forfait personnel (dont le montant n’est pas justifié) pourrait ouvrir droit à remboursement pour utilisation professionnelle. Cette demande ne pouvait qu’être rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral,

Il résulte des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par application des dispositions de l’article L. 1154-1 du même code lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La salariée invoque une surcharge de travail, des tâches dépassant ses attributions, un ton inadapté de l’employeur, le non-paiement de ses frais, le refus de jours de récupération, une formation dont elle aurait été exclue, la passivité de la gérante suite à la dénonciation de faits subis par les intervenantes de la part d’un client, une contre visite médicale.

Elle produit les éléments suivants :

– Un texto adressé pendant ses congés ne lui demandant aucune prestation de travail et l’informant uniquement des modalités selon lesquelles le véhicule de service allait lui être remis,

– des attestations de son entourage, indirectes et ne pouvant établir la matérialité de faits relatifs à l’exécution du contrat,

– des échanges sur les tâches qui lui étaient demandées. La question de la réparation de la voiture apparaît totalement anecdotique alors que si le ton de l’employeur pouvait parfois ne pas être exactement professionnel, il s’agissait de la tonalité que les deux parties donnaient à leurs échanges,

– des échanges témoignant de difficultés quant aux congés, étant observé que les droits de Mme [N] à ce titre étaient négatifs pour cause de congés pris par anticipation de sorte qu’il ne saurait être considéré comme matériellement établi qu’il lui était refusé des congés de manière abusive,

– un solde d’heures supplémentaires demeurant particulièrement modeste,

– aucun élément justifiant les frais professionnels,

– une proposition de formation de secouriste faite à d’autres salariés mais pas à elle,

– la mise en place d’une contre visite pendant son arrêt de travail, ce qui constitue un droit pour l’employeur,

– les difficultés liées à la révélation des faits dont se plaignaient les intervenantes de la part d’un client,

– la justification de la dégradation de son état de santé.

Au total ces éléments pris dans leur ensemble sont insuffisants pour permettre de laisser supposer une situation de harcèlement moral. La cour ne saurait retenir à ce titre chaque petit incident pouvant émailler la relation de travail alors que leur ensemble demeure non significatif jusqu’aux faits de juin 2018. Or, si ces faits, qui mettaient en cause le comportement d’un client, ont été légitimement très mal ressentis par l’ensemble du personnel, il ne s’en déduit pas qu’ils étaient imputables à l’employeur. Chacune a réagi à sa façon, parfois maladroite et excessive, y compris pour Mme [N], ce qui ne saurait constituer un élément de harcèlement moral. Ceci ne constitue pas davantage un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité, aucun lien de causalité n’étant établi entre la dégradation de l’état de santé de la salariée et une faute de l’employeur. C’est à juste titre que la demande indemnitaire à ce titre a été rejetée.

Sur le licenciement,

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.

Lorsque l’employeur retient la qualification de faute grave, il lui incombe d’en rapporter la preuve et ce dans les termes de la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, la salariée a été licenciée dans les termes suivants :

Dans la mesure où je considère que votre comportement est constitutif d’une faute grave, vous cesserez d’appartenir au personnel de notre entreprise à compter de la notification de la présente, sans pouvoir prétendre au paiement du préavis.

Conformément aux dispositions légales, je vous informe que ce licenciement se justifie pour les raisons suivantes :

– Insultes et dénigrement envers votre supérieur hiérarchique,

– Arrêt de travail de complaisance,

– Tentative de débauchage des intervenantes et de clients.

1/ Les Insultes et dénigrements à mon égard auprès des Intervenantes

En effet, au mois d’août 2018 j’ai été informée des échanges de texto que vous avez entretenus avec Mme [V], l’une de nos intervenantes.

Ces échanges interviennent dans un contexte particulièrement difficile et éprouvant auquel a été confronté notre société qu’il est inutile de vous rappeler.

Or, j’ai découvert que non seulement vous profériez à mon égard de graves insultes mais également que vous adoptiez à l’égard de nos intervenantes une attitude de critique systématique de ma conduite.

Je vous rappelle qu’en votre qualité de responsable d’agence vous deviez adopter un comportement exemplaire.

Or, force est de constater que vous avez adopté un comportement visant à me discréditer auprès des intervenantes.

En effet, Mme [V] m’a fait part de vos correspondances par texto aux termes desquelles vous n’avez pas hésité à m’insulter.

« elle est tarée »

« une belle garce c’est véronique qui vous fait des courbettes maintenant PPPFFF je vais pas tenir l’aprem »

Ces messages envoyés dans une période de confusion où nous disposions de peu d’information sur ce qui s’était déroulé entre ce client et notre intervenante s’avèrent totalement déplacés.

Alors que vous auriez dû faire preuve de retenue et qu’une enquête de police était en cours, vous avez utilisé cette situation pour me discréditer auprès des intervenantes.

Ces dernières n’étant pas dupes de vos agissements m’ont alors présenté vos échanges.

Vous vous plaigniez entre autres auprès des intervenantes de votre rémunération ainsi que du fait que je vous aurais refusé des congés.

Outre le fait que vos droits à congés ne vous permettaient pas de prétendre à prendre plus de jours (dans la mesure où vous aviez déjà utilisé l’intégralité de vos droits à congés) je ne peux admettre que la responsable d’agence se plaigne directement auprès d’intervenante de son cas particulier et critique ouvertement sa responsable.

Vous avez également indiqué à Mme [V] que je serais incompétente et manipulatrice.

Surtout, j’ai découvert que vous avez incité les intervenantes liées à cette affaire à porter plainte contre moi directement dans le cadre de cette affaire.

Cette attitude caractérise une volonté de nuire à votre responsable.

Compte tenu de vos fonctions de responsable d’agence, de tels propos d’insulte et de dénigrement à mon égard auprès des intervenantes de notre société sont inacceptables et constituent une violation de votre obligation contractuelle de loyauté.

2/ Le débauchage d’Intervenante

J’ai également constaté que vous aviez sollicité certaines intervenantes pour qu’elles vous rejoignent dans le cadre de la création d’une société concurrente que vous souhaitez développer.

Vous avez ouvertement demandé à certaines de nos intervenantes de cesser la collaboration avec Shiva et de vous suivre dans cette nouvelle agence que vous entendiez créer en indiquant que vous auriez des clients de notre agence qui vous rejoindraient.

Ces agissements constituent une violation de votre obligation de loyauté envers la société ainsi qu’une tentative de débauchage déloyale.

3/ Les arrêts de travail pour maladie :

Alors que je ne vous avais pas formellement autorisée à prendre vos congés au mois de septembre, les échanges que vous avez entretenus avec les intervenantes démontrent que vous avez manifestement prémédité vos arrêts de travail pour maladie mais également incité les Intervenantes à faire de même dans le cadre de l’affaire.

En effet, les intervenantes m’ont relaté les propos que vous avez tenus à plusieurs reprises quant à votre projet de bénéficier d’un arrêt de travail pour maladie de pure complaisance.

D’ailleurs, le texto que vous avez adressé à Mme [V] est particulièrement clair quant à votre démarche :

« Je suis arrêtée deux semaines pour le moment jusqu’au 10 août inclus j’avais posé le pont du 15 août donc je reprendrais le jeudi 16 août à moins que le psy demain m’arrête plus !!!

Le médecin m’a dit que c’est lui qui décidera, on se tient au courant demain. Bonne soirée. »

Par ailleurs, ces échanges démontrent que vous incitiez les autres intervenantes à se mettre également en arrêt maladie.

Mme [V] m’a confirmé que vous aviez prévu de solliciter un psychiatre « ami de la famille » selon vos termes, afin qu’il vous arrête pour le mois de septembre.

L’ensemble de vos agissements rendent impossible votre maintien au sein de nos effectifs et m’oblige à prononcer à votre encontre une mesure de licenciement pour faute grave.

Les insultes sont matériellement établies. Si la salariée s’explique par le contexte et l’état de sidération qui était le sien suite à la plainte pénale, il n’en demeure pas moins que le fait demeure établi.

Quant au débauchage, même à l’état de projet, et à l’incitation des intervenantes à se mettre en arrêt de maladie, il est produit par l’employeur deux attestations de salariées. Elles sont certes à envisager avec circonspection au regard du lien de subordination mais il n’en demeure pas moins que la salariée avait bien fait état d’un projet personnel à ce titre, même s’il ne s’est pas réalisé.

Mais il subsiste que le grief tenant aux arrêts de maladie pose une très réelle difficulté. Il peut certes être admis au regard des attestations produites et du conflit qui existait entre les parties que l’employeur ait eu un doute sur la situation de la salariée en arrêt de travail. Il a usé de son droit en diligentant une contrevisite médicale ce qui ne posait pas de difficulté.

En revanche, l’employeur devait impérativement tenir compte du résultat de cette contrevisite qui constituait le seul élément objectif en l’espèce. Or, le 17 septembre 2018, le praticien désigné a conclu que l’arrêt de travail était médicalement justifié et qu’il y aurait lieu de prévoir une prolongation. La cour ne saurait le remettre en cause. L’entretien préalable a eu lieu le 24 septembre, soit postérieurement à cette contrevisite de sorte que l’employeur ne pouvait plus ignorer à cette date le bien fondé de l’arrêt de travail.

Dès lors, en faisant référence dans la lettre de licenciement à un arrêt de travail de complaisance, alors en outre qu’il disposait d’une contre-visite mentionnant le contraire, il faisait état d’un motif ne pouvant qu’être discriminatoire à raison de l’état de santé, motif prohibé par les dispositions de l’article L. 1132-1 du code du travail. Dans les motifs de ses écritures Mme [N] se prévaut expressément d’un motif discriminatoire et dans le dispositif conclut à la nullité du licenciement.

Le motif discriminatoire emportant à lui seul et indépendamment du bien ou mal fondé des autres griefs, la nullité du licenciement, la cour ne peut que statuer en ce sens.

Le jugement sera donc réformé et la nullité du licenciement prononcée.

Sur les conséquences, le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit aux demandes, dont le quantum n’est pas spécialement discuté, d’indemnité de préavis, congés payés afférents et indemnité de licenciement. Il sera réformé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts.

Ceux-ci seront fixés à 20 000 euros en tenant compte d’une ancienneté de 3 ans, d’un salaire de 2 868,80 euros, d’une situation de chômage justifiée jusqu’en novembre 2020 et d’un licenciement nul.

Le jugement sera confirmé sur le sort des frais et dépens.

L’appel étant bien fondé, l’employeur sera condamné au paiement d’une somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a rejeté les demandes au titre d’un harcèlement moral ou manquement à l’obligation de sécurité, des frais professionnels, alloué à Mme [N] l’indemnité de préavis pour 5 737,60 euros, les congés payés afférents pour 573,76 euros, l’indemnité de licenciement pour 2 390,67 euros et statué sur les frais et dépens,

L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement est nul,

Condamne la SASU Rose et Violette à payer à Mme [N] les sommes de :

– 56,25 euros à titre de rappels de salaire,

– 5,62 euros au titre des congés payés afférents,

– 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Condamne la SASU Rose et Violette aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset.

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x