Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRET DU 13 JANVIER 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01374 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC62Y
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2020 -Tribunal de Commerce de paris – RG n° 2018063959
APPELANTE
S.A.S. TECLIB
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 3]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 513 893 503
représentée par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 427
INTIMEE
Société COOPANAME
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 3]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 448 762 526
représentée par Me Alexandra JOUCLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0161
Ayant pour avocat plaidant Me Victoria AKNIN, de JOUCLARD AVOCATS, toque C0161
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Marion PRIMEVERT, Conseillère , chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M.Denis ARDISSON, Président de chambre
Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère
Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE; Conseillère
Qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M.Denis ARDISSON, Président de chambre, et par M.Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Il sera succinctement rapporté que la sas Teclib est spécialisée dans le développement et la mise en ‘uvre de « solutions IT » (technologies de l’information) et également éditeur de solutions pour les entreprises, et intégrateur de solutions. Elle intervient notamment dans la mise en ‘uvre de solutions ERP (Enterprise resource planning) qui permettent de gérer et suivre au quotidien, l’ensemble des informations et des services opérationnels d’une entreprise, et plus particulièrement en ce qui la concerne de solutions Odoo, logiciels de gestion d’entreprise, comptant plusieurs milliers applications. Le 9 mars 2015, Teclib a acquis le fonds de commerce de la société Auguria spécialisée en qualité d’éditeur européen, intégrateur open source, spécialiste du conseil numérique, qui avait pour objet la mise en place de solutions ERP. Teclib a ainsi poursuivi l’utilisation de la marque « Auguria » dont elle venait d’acquérir les droits.
Coopaname est une société coopérative ouvrière de production (SCOP), qui propose à ses entrepreneurs-salariés un cadre collectif permettant de mutualiser moyens et ressources, et de partager un environnement administratif optimisé. Elle rassemble près de 850 personnes, à différents stades de développement de leurs activités économiques, et offre la possibilité à tout travailleur d’intégrer la coopérative afin de s’y salarier et de bénéficier d’une protection sociale. Elle utilisait, à l’époque des faits, la solution Sage (version 100) ‘ pour réaliser les saisies comptables grâce aux informations transmises par ses membres, ainsi qu’une application développée spécifiquement par l’un des fondateurs de la coopérative, dénommée « SCUI », pour le traitement complexe d’informations avant leur transmission en comptabilité, ainsi que d’autres modules spécifiques développés par elle afin de préparer les saisies comptables, tels que « Facturéco », « »Gestimmo » ou « Remises de chèques ».
Souhaitant remplacer la solution Sage version 100 ainsi que les applications développées spécifiquement, pour les intégrer dans la solution Odoo en raison notamment de l’arrêt de la maintenance de la version 100 de Sage par l’éditeur et du départ à la retraite de son développeur historique, mais aussi pour améliorer les fonctionnalités et bénéficier d’un logiciel unique, Coopaname a accepté, le 8 novembre 2016, la proposition faite par Teclib en ce sens.
D’une durée initiale de 30 jours (pièce 8 intimée), la mission est prolongée par avenants des parties les 12 janvier (20 jours supplémentaires pour un prix de 15.000€ HT ‘ pièce 9), 14 mars (26,5 jours supplémentaires pour un prix de 17.075€ HT ‘ pièce 10) et 19 juin 2017 (52 jours supplémentaires pour un prix de 39.000€ HT ‘ pièce 11).
A la suite de nombreux échanges, les parties se sont réunies le 22 février 2018, Coopaname invoquant l’inexécution de sa mission par Teclib. Faute de solution amiable, Coopaname a saisi le tribunal.
***
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 décembre 2020 qui a :
‘ Condamné la société Teclib à payer à la société Coopaname la somme de 120.000 euros au titre des dommages et intérêts en raison des inexécutions contractuelles de Teclib ;
‘ Condamné la société Teclib à payer à la société Coopaname la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et déboute pour le surplus,
‘ Ordonné l’exécution provisoire,
‘ Débouté la société Teclib de ses demandes, et notamment de voir constater le caractère abusif de la résiliation contractuelle par la société Coopaname et de voir résilier le contrat aux torts exclusifs de la société Coopaname,
‘ Condamné la société Teclib aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50€, dont 12,20€ de TVA.
***
Vu l’appel interjeté par la sas Teclib le 19 janvier 2021,
***
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 4 octobre 2022 pour la sas Teclib, par lesquelles elle demande à la cour de :
Vu les articles 1103 et 1104, 1231-1 à 1231-4 du Code civil ;
Vu l’article 1226 du code civil ;
Vu l’article L 442-1 II du code de commerce ;
– réformer le jugement prononcé le 16-12-2020 par le Tribunal de Commerce de Paris en ce qu’il a:
‘ Condamné la société TECLIB à payer à la société COOPANAME la somme de 120.000 euros au titre des dommages et intérêts en raison des inexécutions contractuelles de TECLIB ;
‘ Condamné la société TECLIB à payer à la société COOPANAME la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et déboute pour le surplus,
‘ Ordonné l’exécution provisoire,
‘ Débouté la société TECLIB de ses demandes, et notamment de voir constater le caractère abusif de la résiliation contractuelle par la société COOPANAME et de voir résilier le contrat aux torts exclusifs de la société COOPANAME,
‘ Condamné la société TECLIB aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50€, dont 12,20€ de TVA.
Et statuant à nouveau :
– REJETER les prétentions, causes, fins et conclusions de la société COOPANAME car non fondées ;
– CONSTATER le caractère abusif de la résiliation contractuelle par la société COOPANAME ;
– DECLARER la résiliation du contrat aux torts exclusif de la société COOPANAME ;
– CONDAMNER la société COOPANAME au paiement de la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture abusive des relations contractuelles entre les parties ;
En tout état de cause,
– CONDAMNER la société COOPANAME au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER la société COOPANAME aux entiers dépens.
Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 21 octobre 2022 pour la société coopérative ouvrière Coopaname, par lesquelles elle demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1103, 1106, 1112-1, 1211, 1214, 1215, 1217, 1231-1, 1231-3, 1603 et 1610 du
Code civil dans leur nouvelle rédaction,
Vu les dispositions de l’article 9 du Code de procédure civile,
Vu les dispositions de l’article L. 442-1 II du Code de commerce,
– DECLARER INFONDE l’appel diligenté par la société TECLIB ;
– DECLARER IRRECEVABLES les pièces n°63, 84 et 91 produites par la société TECLIB du fait de leur altération ;
– DEBOUTER la société TECLIB en toutes ses demandes ;
Par voie de conséquence :
– CONFIRMER le jugement du 16 décembre 2020 dans l’intégralité de son dispositif ;
Et y ajoutant :
– CONFIRMER la condamnation de la société TECLIB à verser à la société COOPANAME la somme de 120.000 euros de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du jugement du Tribunal de commerce de Paris soit le 16 décembre 2020
– CONDAMNER la société TECLIB à payer à la société COOPANAME la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER la société TECLIB aux entiers dépens.
Vu l’ordonnance de clôture du 14 novembre 2022,
***
SUR CE, LA COUR,
A titre liminaire, sur les pièces dont il est demandé qu’elles soient écartées des débats, la cour relève que les pièces 63 (en dernière colonne du tableau, 2e ligne), 84 (en haut à droite) et 91 (sur la page « retard de livraison des Sprints » en bas à droite) de Teclib présentent chacune une surcharge en ce que des inscriptions ont été effacées à l’aide de rubans enduits de correcteur blanc ; ces pièces ainsi modifiées ne peuvent être retenues comme probantes et doivent être écartée des débats.
En vertu de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne. En l’espèce, le contrat litigieux a été conclu le 8 novembre 2016, de sorte qu’ils sont ainsi soumis au code civil tel que postérieur à cette réforme.
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Aux termes de l’article 1231-1 du même code, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Le contrat du 8 novembre 2016 (pièce 8 intimée) intitulé « Odoo ‘ Coopaname, Migration Sage – Odoo » présente la réponse de Teclib comme « basée sur notre expérience de déploiement de solutions ERP en général et Odoo en particulier », avec une « méthode peaufinée depuis notre création en 2009 auprès d’un grand nombre de sociétés françaises et de groupe internationaux » (article 1.1), donc comme spécialisée et adaptée aux attentes de Coopaname.
Il précise également l’architecture logicielle existante de Coopaname, « composée d’applications variées développées en environnement Windows sur bases de données MS SQL qui assurent la collecte des données et envoient les données dans Sage pour la comptabilité », ce qui prouve que l’architecture, dont aucune des parties ne conteste la description, était ainsi connue dès la conclusion du contrat.
L’article 3 du contrat prévoit également le périmètre de la mission confiée soit :
– le « remplacement de l’application Sage par Odoo, en version 10 entreprise, pour assurer la comptabilité de Coopaname, les déclarations légales et fiscales (TVA, liasse fiscale…) et pouvoir, à terme, piloter la comptabilité analytique de l’ensemble des travailleurs.
– l’intégration du fichier de paie généré par Sage (fichier pnm).
– Assurer la déclaration de TVA qui est aujourd’hui générée par l’application sage comme une image.
– Remplacer l’application de facturation FacturEco par Odoo, en prenant en compte que chaque facture doit être affectée au bon compte analytique et générée avec le format de l’activité associée au compte analytique : logo- conditions spécifiques’
– l’imputation et le suivi des immobilisations. Les immobilisations doivent être imputées
tous les mois sur les comptes analytiques ; les écritures doivent être générés mensuellement ».
Le contrat précise également que le « Backlog » définit les « listes des fonctionnalités, envies, tâches décrivant le projet », c’est-à-dire la liste des fonctionnalités que le projet doit contenir (article 4).
La réalisation des fonctionnalités définies dans le backlog est appelée « sprint ». L’article 4.1.2 indique qu’ « un sprint a une durée standard de deux semaines ».
Le contrat fait par ailleurs expressément référence à la méthode Agile (article 4.1.4), laquelle recommande de fixer des objectifs à court terme en divisant le projet en plusieurs sous-projets successifs jusqu’à l’accomplissement de l’objectif final et retient la nécessité d’un processus collaboratif avec le client en assurant une coopération permanente entre le client et l’équipe projet, et en accueillant favorablement les demandes de changement. A ce titre la démarche est présentée en trois phases au titre de l’article 5 (« proposition financière ») :
– définition du backlog en obligations de moyens,
– développements en mode forfait du backlog, l’estimation de charge étant communiquée à l’issue de la définition du backlog,
– livraison et recette du sprint.
Avec :
– « 5.000€ HT d’acompte à la signature,
– une facturation au temps passé à l’issue de chaque validation de backlog,
– et une facturation forfaitaire du sprint à la livraison en prenant en compte l’avance déjà versée et en fonction du nombre de sprints définis ».
Ce même article prévoit un pris de 750€ HT par intervenant et par jour d’intervention, et évalue le budget global entre 20.000 et 30.000€ HT et une durée initiale de la prestation de 30 jours, du 21 novembre au 22 décembre 2016.
Il ressort ainsi des termes du contrat que la durée de 30 jours est une durée initiale et non globale, au contraire du budget, évalué pour sa part de manière « globale ».
Des avenants ont ensuite été signés par les parties :
– le premier du 12 janvier 2017 pour une durée de 20 jours pour 15.000€ HT vise la « finalisation des sprints 3 et 4 » (pièce 9 intimée)
– le 2e de mars 2017 pour une durée de 12,5+14 jours pour un total de 17.075€ HT vise la « finalisation des sprints 4 et 5 de la migration Sage », (pièce 10),
– le 3e du 19 juin 2017 pour une durée de 52 jours pour 39.000€ HT vise pour sa part « la prolongation de mission de [P] [T] » « pour la finalisation des différents sprints Coopaname ».
Contrairement à ce qu’indique Teclib, il n’est pas rapporté par sa pièce 87 la preuve que le responsable du projet chez Coopaname était particulièrement compétent en matière de logiciel Odoo et de méthode Agile, cette pièce consistant non en un article mais en une annonce de recherche d’un collaborateur compétent pour ces deux domaines. En outre ce responsable ne peut être considéré comme étant chargé « du pilotage de la mission » comme l’invoque Teclib, alors que celle-ci était confiée à Teclib qui, en contrepartie et en tant que spécialiste ERP comme rappelé plus haut, recevait le paiement de sa prestation en échange de celle-ci. Il n’est plus rapporté par Teclib que Coopaname aurait pris la place du maître d’ouvrage : le fait que le coordonnateur ERP de Coopaname « intervienne très régulièrement auprès des membres de l’équipe de Teclib » entre dans l’obligation de collaboration du client, renforcée aux dires mêmes de Teclib par le choix de la méthode Agile. Enfin, la méthode Agile qui préconise un accueil favorable des demandes de changement, ne permet cependant pas, contrairement à ce qu’indique Teclib, la résiliation du contrat par le client en dehors de ceux prévus par le contrat ou la loi.
En revanche, un rapport de réunion (pièce 61 Teclib) établit qu’à sa date de rédaction (février 2017) Teclib mesurait déjà sa sous-estimation de l’ampleur du projet suite aux observations de Coopaname sur les retards accumulés, en écrivant : « sur un projet estimé entre 20k€ et 30k€. Estimation basée sur de la réalisation : vous m’aviez indiqué qu’il fallait reprendre l’existant à périmètre iso-fonctionnel, et sûrement pas de repartir sur une expression de besoins » et elle explique que si tel avait été le cas elle aurait proposé un autre collaborateur pour suivre ce projet. Or il résulte de ce qui précède que le périmètre d’intervention de Teclib tel que défini à l’article 3 du contrat dès novembre 2016 prévoyait le « remplacement de l’application Sage par Odoo » avec toutes ses conséquences au regard de l’architecture logicielle de Coopaname détaillée dans le contrat et du nombre de ses adhérents. Il n’est pas plus rapporté par les échanges de courriels (pièces 5 à 9 Teclib) que les retards auraient été dus à des demandes supplémentaires importantes de Coopaname, cette dernière abandonnant ses demandes si celles-ci étaient considérées par Teclib comme trop chronophages (« je conçois bien la complexité et je pense qu’actuellement le sprint ne permet pas de consacrer davantage de temps à l’exploration de l’orga d’Odoo », courriel de Coopaname du 9 janvier 2018, pièce 8).
De nouvelles difficultés sont survenues dans le cadre de l’exécution de la 3e prolongation du 19 juin 2017, Teclib indiquant que pour le sprint 6 (mise en place du portail internet), « les parties se sont aperçu que l’adaptation de la solution existante (‘) ne nécessitait pas une seule mais deux interfaces », l’une accessible aux employés de Coopaname, l’autre accessible aux adhérents, avec des droits appliqués sur l’accès aux données, chacune des interfaces faisant appel à des technologies différentes et des développements transverses (page 16 des conclusions). Elle explique que Coopaname comptant des centaines d’adhérents aux profils différents, il était nécessaire de définir des droits pour chacune des fonctionnalités concernées (devis, facture’).
Toutefois, la diversité des membres de Coopaname était connue de Teclib dès la conclusion du contrat, celui-ci indiquant notamment que « Coopaname représente plusieurs coopératives ce qui permet d’avoir des entrepeneurs-salariés sur des activités réglementées comme les services à la personne par exemple ». Par ailleurs le contrat prévoit que « les premières journées d’étude permettent de définir le Baklog ». Enfin, Teclib n’avance pas que Coopaname a formulé une demande supplémentaire concernant les droits d’accès aux données à compter de juin 2017 mais bien qu’elle-même s’est aperçu que l’adaptation de la solution existante nécessitait 2 interfaces. C’est ainsi la définition des besoins techniques pour réaliser la solution qui est en cause, laquelle incombe au professionnel missionné à cette fin. Il lui appartient, dans le cadre de son devoir de conseil, de mener les investigations nécessaires à la définition de ceux-ci, en collaboration avec le client certes, mais à sa charge, en qualité de spécialiste des solutions logicielles. Par ailleurs, il ressort de la note technique établie par Teclib (pièce 79) que la première méthode qu’elle a retenue pour ce sprint a « provoqué des possibilités d’accès à des données » et donc n’a pas répondu aux contraintes posées, ce qui a nécessité de revenir à la 2e méthode envisagée, plus chronophage. Enfin par différents courriels à partir du 20 septembre 2017, Teclib reconnaît une « erreur sur des choix de développement de la part des équipes de Teclib au niveau du portail de facturation » et des « erreurs de choix qui ont induit du retard sur le projet » en lien avec la « sous-estimation du portail » et concède de prendre à sa charge une partie des développements (pièce 64).
Encore le 24 octobre 2017 (pièce 25 intimée), Coopaname a précisément détaillé ses griefs à l’encontre de Teclib : besoins exprimés extrêmement précis pas satisfaits par Teclib, manque de sérieux dans l’approche de l’implémentation, absence de résolution des tickets pourtant fermés par Teclib, temps considérables de validation nécessités à la charge de Coopaname en raison de ces difficultés, manque de réactivité de Teclib.
Contrairement à ce qu’indique Teclib, le courriel du 8 décembre 2017 du coordonnateur du projet chez Coopaname (pièce 36 Teclib) établit qu’à cette date la collaboration entre les parties perdure. Début janvier 2018, les échanges témoignent de la même collaboration, de demandes supplémentaires évaluées par Coopaname à « un temps très réduit d’intervention » qu’elle demande à Teclib de chiffrer (pièce 39 Teclib). Dans un courriel du 24 janvier 2018 (pièce 37 Teclib) Coopaname informe de l’accord trouvé pour une finalisation du projet, en précisant non qu’elle est satisfaite de l’ensemble du projet mais de cette finalisation qui trouve une résolution en 2,5 jours de besoin de développements et de correctifs de bugs « identifiés depuis plusieurs mois » tout en précisant : « nous regrettons que ce temps n’ait pas eu lieu plus tôt » se référant à une réunion tenue dans les locaux de Coopaname le même 24 janvier (pièce 40 Teclib). A cette date donc, les parties pensent finaliser le projet en quelques jours.
Teclib n’établit par ailleurs par aucune pièce la mauvaise foi invoquée de Coopaname qui aurait selon elle missionné un tiers parallèlement et anticipé depuis le début du sprint 6 qu’elle résilierait le contrat alors que par courriel du 27 novembre 2017 Coopaname a informé Teclib qu’elle était contrainte de rechercher un intervenant extérieur pour permettre à Teclib de « sortir de cette difficulté de ressources disponibles qui pénalise fortement notre organisation », ce prestataire (Cotyl) assurant la V2 du portail » (pièce 29 intimée), Teclib acceptant ce recours le même jour en indiquant : « Il y a encore beaucoup de travail pour avoir des fonctionnalités portail dignes de ce nom. Comme je t’ai dit au téléphone, je vais t’aider à trouver un consultant pouvant venir chez vous pour implémenter la fin du portail » (pièce 34 intimée).
En février 2018, le portail internet n’est pas délivré.
Ainsi Teclib, en proposant une prestation pour un prix global compris entre 20.000 et 30.000€, alors que le total des sommes engagées pour un produit non fini dépasse les 110.000€, a manifestement sous-estimé les besoins de Coopaname, suffisamment exprimés par la description de l’architecture de son installation logicielle jusqu’ici et le nombre et la variété de ses adhérents, et alors que l’obligation de collaboration de Coopaname a été exécutée. Teclib a ainsi manqué à son devoir d’information, de conseil et de mise en garde dans le cadre de ce contrat. De même, s’agissant de la réalisation des sprints, il ressort des pièces examinées ci avant et comme l’a relevé le tribunal, que l’organisation interne de Teclib (absences récurrentes et nouvelles affectations de collaborateurs chargés de ce dossier, et manque de réactivité aux demandes de Coopaname) a encore ajouté aux retards et inexécutions de ces sprints.
Le glissement du calendrier et du prix qui a résulté de ces manquements, et finalement, l’absence de délivrance de la migration logicielle est ainsi imputable à Teclib qui reconnaît d’ailleurs qu’après 14 mois de mission, soit juste avant la résiliation en février 2018, « les sprints 1 à 5 étaient bien finalisés, le sprint 6 était finalisé à 75% et les sprints 7 à 16 étaient en cours de progression ou juste ouverts » (page 10 des conclusions).
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu la résiliation du contrat pour inexécution de ses obligations par Teclib.
Quant à l’évaluation du préjudice en application des articles 1231-1 et suivants du code civil, Teclib ne peut soutenir que le montant des factures acquittées par Coopaname au titre du contrat ne constitue pas un préjudice certain, prévisible et en lien direct avec les fautes reprochées, dès lors que ces sommes ont été acquittées dans le cadre du contrat et de ses avenants, et ce à perte, l’interruption du projet n’ayant pas permis de réaliser la migration de Sage vers Odoo. Si Teclib indique que les sprints 1 à 5 et 75 % du sprint 6 étaient réalisés, la reprise et la finalisation de la mission pour laquelle Coopaname a été contrainte de trouver un nouveau prestataire a induit des coûts supplémentaires, comme en atteste le nouveau prestataire qui indique que « dans le cadre de cette mission définie avec Coopaname, nous nous sommes appuyés sur le code standard Odoo, dont le code appartient à l’éditeur Odoo, et non sur le code développé par Teclib » (pièce 15) de telle sorte que le préjudice a justement été évalué par le tribunal de commerce à 120.000€, le tribunal rejetant la demande supplémentaire de Coopaname les pièces ne permettant pas de rattacher les prestations de design et de développement du portail supplémentaires, la baisse du chiffre d’affaires et les surcoûts salariaux aux manquements de Teclib, Coopaname demandant d’ailleurs en appel la seule confirmation de cette condamnation. Les intérêts au taux légal à compter du jugement sont de droit.
En conséquence le jugement sera confirmé dans l’ensemble de ses dispositions.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement, confirmé dans l’ensemble de ses dispositions, sera également confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et frais irrépétibles de la première instance.
Statuant de ces chefs en cause d’appel, Teclib qui succombe sera condamnée aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Teclib sera en conséquence condamnée à payer à Coopaname la somme de 10.000€ au titre des frais irrépétibles, en application de l’article 700 du même code.
PAR CES MOTIFS,
Écarte des débats les pièces n°63, 84 et 91 produites par la sas Teclib,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne la sas Teclib aux dépens de l’appel,
Condamne la sas Teclib à payer à la société coopérative ouvrière de production Coopaname la somme de 10.000€ (dix mille euros) au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile,
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT