Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRET DU 11 JANVIER 2023
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02554 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBYPH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Février 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/09273
APPELANTE
Madame [R] [K] épouse [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Steven THEALLIER, avocat au barreau de PARIS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/047272 du 07/01/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEES
La société MÔMJI B
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne-sophie DEROUIN-LAVIGNE, avocat au barreau de PARIS
La société MÔMJI A
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne-sophie DEROUIN-LAVIGNE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Carine SONNOIS Présidente de la chambre
Greffier, lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
– contradictoire
– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [R] [K], épouse [U], qui est de nationalité australienne et de langue maternelle anglaise a été engagée par la société à responsabilité limitée à associé unique (SARLU) Speacking Agency (devenue Mômji A), le 5 septembre 2017, en qualité d’intervenante.
A compter du 1er octobre 2017, elle a été employée par la SARLU Speacking Agency B (devenue Mômji B), dans des conditions qui sont discutées par les parties.
Les sociétés Mömji A et Mômji B sont des entreprises qui interviennent dans le domaine des services à la personne et qui exercent plus particulièrement des activités de garde d’enfant en langue étrangère et en français. Ces prestations sont assurées pendant la période scolaire après la sortie de l’école par des personnes présentant la particularité d’être bilingue et associent la garde d’enfant et l’apprentissage d’une langue étrangère.
Dans le cadre de son contrat de travail, Mme [R] [K] était mise à la disposition auprès de la famille [F] pour assurer la garde, en langue anglaise, de deux enfants de 3 et 5 ans au domicile familial.
Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective des entreprises de services à la personne, la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 721,14 euros.
Le 12 décembre 2017, Mme [R] [K] a notifié sa volonté de rompre de manière anticipée son contrat de travail avec prise d’effet au 15 décembre 2017.
Le 7 décembre 2018, Mme [R] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour demander son repositionnement conventionnel, solliciter la requalification des contrats à temps partiel en contrats à temps plein, voir constater que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée par Speacking Agency (Mômji A) est abusive et requalifier la relation contractuelle avec Speacking Agency B (Mômji B) en contrat à durée indéterminée.
Le 17 février 2020, le conseil de prud’hommes de Paris, dans sa section Activités Diverses a statué comme suit :
– prononce la jonction entre les instances enregistrées sous le numéro RG 19/02309 et RG 18/092773
– condamne la SARLU Speacking Agency à verser à Mme [R] [K] les sommes suivantes :
* 35,65 euros à titre de rappel de salaire correspondant au niveau III de la convention collective
* 3,56 euros au titre des congés payés afférents
Avec intérêts au taux légal à compter de la réception, par la partie défenderesse, de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation
– requalifie la relation contractuelle avec la SARLU Speacking agency B en contrat à durée indéterminée à temps partiel pour un horaire mensuel de 59,41 heures
– condamne la SARLU Speacking Agency B à verser à Mme [R] [K] les sommes suivantes :
* 10,70 euros à titre de rappel de salaire correspondant au niveau III de la convention collective
* 1,07 euros au titre des congés payés afférents
Avec intérêts au taux légal à compter de la réception, par la partie défenderesse, de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation
– 583,41 euros à titre d’indemnité de requalification
– 600 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement
– ordonne la remise des documents sociaux conformes au jugement
Rappelle qu’en application de l’article R. 1454-28 du code du travail, les condamnations à caractère salarial sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire, calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 583,41 euros
– déboute Mme [R] [K] du surplus de ses demandes
– déboute la SARLU Speacking Agency et la SARLU Speacking Agency B de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamne la SARLU Speacking Agency et la SARLU Speacking Agency B aux dépens.
Par déclaration du 17 mars 2020, Mme [R] [K] a relevé appel du jugement de première instance dont elle a reçu notification le 4 mars 2020.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 4 septembre 2022, aux termes desquelles Mme [R] [K] demande à la cour d’appel de :
– recevoir Madame [R] [K] épouse [U], en son appel, fins et conclusions
– infirmer le jugement du 17 février 2020 du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté
Madame [R] [K], épouse [U] du surplus de ses demandes
– confirmer le jugement du 17 février 2020 du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a :
« * prononcé la jonction entre les instances enregistrées sous le numéro RG 19/02309 et RG 18/09273
* repositionné Madame [R] [K] épouse [U] au niveau III de la classification issue de la convention collective applicable et condamné les sociétés « Speacking Agency » et « Speacking Agency B » à des rappels de salaires et congés payés afférents
* requalifié la relation contractuelle avec la société « Speacking Agency B » en contrat à durée indéterminée et condamné cette dernière à une indemnité de requalification
* condamné la société « Speacking Agency B » à des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
* ordonné la remise des documents sociaux conformes au jugement
* condamné les sociétés « Speacking Agency » et « Speacking Agency B » aux dépens »
Statuant à nouveau
I- Concernant les sociétés « Mômji A » et « Mômji B » :
– requalifier le contrat de travail de Madame [R] [K], épouse [U], en contrat de travail à temps plein
– mentionner dans la décision à intervenir que la rémunération moyenne de Madame [R] [K], épouse [U], était de 1 489,40 euros bruts pour un temps complet
– débouter les sociétés « Mômji A » et « Mômji B » de l’ensemble de leurs demandes
– condamner solidairement les sociétés « Mômji A » et « Mômji B » à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
II- Concernant la société « Mômji A » :
– constater que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée de Madame [R] [K], épouse [U], est abusive et irrégulière
– condamner la société « Mômji A » à payer 13 404,60 euros nets au titre de l’indemnité prévue par l’article L. 1243-4 du code du travail pour rupture anticipée abusive et irrégulière du contrat de travail à durée déterminée
– condamner la société « Mômji A » à payer à Madame [R] [K], épouse [U] ,la somme de 810,15 euros bruts, à titre de rappel de salaire correspondant au contrat de travail à temps complet, outre 81,01 bruts de congés payés afférents
III- Concernant la société « Mômji B » :
– requalifier sa démission motivée en prise d’acte aux torts exclusifs de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
– condamner la société « Mômji B » à payer 1 489,40 euros nets au titre de l’indemnité de requalification
– condamner la société « Mômji B » à payer à Madame [R] [K], épouse [U], à la somme de 2 320,76 euros bruts, à titre de rappel de salaire correspondant au contrat de travail à temps complet, outre 232,07 euros bruts de congés payés afférents
– condamner la société « Mômji B » à payer à Madame [R] [K], épouse [U], la somme de :
* 1 489,40 euros nets de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 300 euros nets de dommages-intérêts au titre du non-respect de l’obligation de l’employeur d’assurer une couverture minimale frais de santé à sa salariée
* 3 000 euros nets de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail
– ordonner la remise sous astreinte de 50 euros par jour et par document sociaux rectifiés sous quinzaine à compter de la notification de la décision à intervenir
– dire que la cour d’appel aura le pouvoir de liquider l’astreinte le cas échéant.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 13 septembre 2022, aux termes desquelles les SARLU Mômji A et Mômji B demandent à la cour d’appel de :
– déclarer Madame [U] mal fondée en son appel et l’en débouter
– faisant droit à l’appel incident des sociétés Mômji A et Mômji B
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 17 février 2020 en ce qu’il a :
« – condamné la société Speacking Agency à verser à Madame [U] les sommes
suivantes :
* 35,65 euros à titre de rappel de salaire correspondant au niveau III de la convention collective
* 3,56 euros au titre des congés payés afférents
Avec intérêts au taux légal à compter de la réception, par la partie défenderesse, de la
convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation
– requalifié la relation contractuelle avec la société Speacking Agency B en contrat à durée
indéterminée
– condamné la société Speacking Agency B à verser à Madame [U] les sommes
suivantes :
* 10,70 euros à titre de rappel de salaire correspondant au niveau III de la convention collective
* 1,07 euros au titre des congés payés afférents
Avec intérêts au taux légal à compter de la réception, par la partie défenderesse, de la
convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation
* 583,41 euros à titre d’indemnité de requalification
* 600 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement
– débouté les sociétés intimées de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné les sociétés intimées aux dépens »
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 17 février 2020 en ce qu’il a :
« – prononcé la jonction des instances
– débouté Madame [U] du surplus de ses demandes »
Statuant à nouveau,
– débouter Madame [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’égard des sociétés intimées
– condamner Madame [U] à verser à chacune des sociétés Mômji A et Mômji B la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 14 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
I- Sur les demandes formées à l’encontre de la SARLU Mômji A
1/ Sur le repositionnement au statut de « garde d’enfant niveau III »
Il est rappelé que la classification professionnelle d’un salarié dépend des fonctions réellement exercées. En cas de sous-classement, le salarié doit être replacé de manière rétroactive au niveau auquel son poste correspond et il peut alors prétendre à un rappel de salaire correspondant au minimum afférent à ce coefficient. Il incombe au salarié d’établir que sa classification n’est pas en adéquation avec les fonctions qu’il occupe.
Mme [R] [K] fait grief à la SARLU Mômji A (anciennement Speacking Agency) de l’avoir employée comme « garde d’enfant niveau II » alors qu’elle estimait relever du statut de « garde d’enfant niveau III » puisque, outre, ses activités de garde, elle assumait « des missions d’éveil » à une langue étrangère et organisait « des activités ludiques » pour les enfants de la famille [F], ce qui correspond aux missions définies pour une garde d’enfant de niveau III.
En conséquence, la salariée sollicite un repositionnement à ce statut et un rappel de salaire de 35,65 euros, outre 3,56 euros au titre des congés payés afférents.
L’employeur objecte que l’emploi de « garde d’enfant niveau III » tel qu’il est défini dans la convention collective applicable implique, également, que le salarié réalise » différentes activités auprès d’un ou plusieurs enfants comme : contribuer au développement psychomoteur de l’enfant, participer à l’apprentissage de la propreté, effectuer la toilette de l’enfant, l’habiller, le changer et veiller à son état de santé général, préparer les repas et aider à la prise des repas, contribuer à l’éveil de l’enfant et mettre en ‘uvre des activités ludo-éducatives.
De même, l’emploi consiste à assurer les travaux courants d’entretien liés à l’environnement de l’enfant comme le linge (lessive, repassage, couture), au matériel utilisé pour l’enfant (toilette, repas, jeux), aux pièces à vivre liées à l’enfant ». Or, Mme [R] [K] n’assumait aucune tâche d’entretien liée à l’environnement de l’enfant.
Cependant, la cour retient que la spécificité du service proposé par la SARLU Mômji A est de proposer aux familles un dispositif de garde d’enfant assuré par des employés bilingues de manière à permettre l’éveil de l’enfant à une langue étrangère, notamment aux travers d’activités ludo-éducatives. Ces missions dépassent le cadre de celles prévues pour une « garde d’enfant niveau II », ainsi définies par la convention collective applicable : « L’emploi de garde d’enfant(s) consiste à exercer une garde sur les lieux de vie ou d’activité de ou des enfants de plus de 3 ans, en présence ou non des parents. La garde d’enfant(s)assure une présence auprès de l’enfant ou des enfants et veille à leur sécurité en permanence. L’emploi de garde d’enfant(s) peut également prévoir d’aller chercher le ou les enfants à l’école ou en tout autre lieu selon les consignes de l’entreprise.
L’emploi de garde d’enfant(s), selon l’âge de l’enfant ou des enfants, peut également prévoir de surveiller le ou les enfants pendant la réalisation de leurs devoirs » et sont rattachables au statut d’une « garde d’enfant de niveau III » même si Mme [R] [K] n’était pas amenée à assurer des tâches d’entretien au sein de la famille qui l’employait. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a repositionné la salariée appelante comme « garde d’enfant niveau III » et en ce qu’il lui a alloué une somme de 35,65 euros à titre de rappel de salaire, outre 3,56 euros eu titre des congés payés afférents.
2/ Sur la requalification de la relation contractuelle en temps complet
Mme [R] [K] soutient qu’il ne lui a été soumis à la signature aucun contrat de travail, ni remis de document précisant ses jours et ses horaires de travail. Elle ajoute qu’il existait une variabilité de ses horaires de travail et qu’elle se voyait donc contrainte de se tenir à la disposition de l’employeur ce qui l’amène à solliciter la requalification de la relation contractuelle en un contrat de travail à temps plein et à solliciter un rappel de rémunération de 810,15 euros bruts pour un temps plein, outre 81,01 euros au titre des congés payés afférents.
Mais, l’employeur produit aux débats un contrat de travail à durée déterminée à effet au 5 septembre 2017, pour une période comprise jusqu’au 6 juillet 2018, comportant une signature électronique de la salariée en date du 15 août 2017 (pièce A). Ce contrat précise la répartition hebdomadaire des heures de travail sur 5 jours de la semaine et les horaires à effectuer chaque jour. Il répond donc bien aux prescriptions de l’article L. 3123-6 du code du travail.
Si Mme [R] [K] conteste la validité de sa signature électronique et soutient qu’il ne lui a pas été remis un exemplaire de son contrat de travail avec la répartition de ses horaires, il convient de retenir, comme l’ont fait les premiers juges, que la SARLU Mômji A a produit les éléments utiles pour justifier de la sécurisation et de la validité du dispositif de signature électronique utilisé. La signature par la salariée de son contrat de travail n’est donc pas contestable et elle l’a, d’ailleurs, elle-même reconnu dans un courriel du 28 septembre 2017 (pièces D et 4 employeur). Une fois le contrat de travail généré, les horaires d’emploi de la salariée étaient consultables dans son espace personnel dédié sur le site intranet de la société, étant précisé que ses horaires de travail étaient identiques d’une semaine sur l’autre (à l’exception des périodes de vacances scolaires) et qu’elle était parfaitement en mesure de s’organiser. Enfin, même, à supposer que l’appelante ait reçu tardivement un exemplaire de son contrat de travail, ce que l’employeur conteste, cela ne lui permettrait pas d’obtenir la requalification de son contrat de travail mais uniquement une indemnité.
C’est donc à bon escient que les premiers juges ont débouté la salariée de sa demande de requalification de la relation contractuelle en temps plein et de sa demande de rappel de salaire subséquente.
3/ Sur la rupture de la relation contractuelle avec la SARL Mômji A
Selon les articles L. 1243-1 et L. 1243-2 du code du travail un contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas d’accord des parties, de faute grave, de force majeure, d’inaptitude constatée par le médecin du travail ou d’embauche du salarié en contrat à durée indéterminée.
L’article L. 1243-4 du même code prévoit que lorsque la rupture anticipée du contrat de travail intervient, à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas prévus par la loi, le salarié peut se voir allouer des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat.
Mme [R] [K] explique, qu’en recevant, son attestation Pôle emploi en date du 27 septembre 2018, elle a appris que la SARLU Speacking Agency (Mômji A) avait transféré son contrat de travail auprès d’un nouvel employeur, la SARLU Speacking Agency B (Mômji B), à compter du 1er octobre 2017, sans l’en aviser. Considérant que la rupture anticipée du contrat de travail conclu avec la SARLU Speacking Agency (Mômji A) n’est pas intervenue dans le cadre d’un des cas limitatifs prévus par le législateur, elle demande à ce que cette rupture soit jugée abusive et à ce qu’il lui soit alloué une somme de 13 404,60 euros nets en réparation de son préjudice.
La SARLU Mômji A répond, qu’à la suite d’un accord entre la famille [F] et Mme [R] [K], il a été convenu que sa durée hebdomadaire de travail serait réduite de 19,75 heures à 19,25 heures à compter du 1er octobre 2017. Un avenant au contrat de travail a alors été envisagé par l’employeur pour formaliser cette modification de l’horaire de travail mais, informatiquement, le document qui a été généré a pris la forme d’un nouveau contrat de travail à durée déterminée auprès de la société Speacking Agency B. L’employeur précise que les termes de l’avenant étaient strictement identiques à ceux du contrat initial et que la salariée a bien signé, au moyen d’une signature électronique, le contrat de travail émis au nom de la SARLU Speacking Agency B (pièces 3 et 14) et qu’elle ne peut donc valablement prétendre qu’elle ignorait que la relation contractuelle s’était poursuivie auprès d’un nouvel employeur.
Cependant, force est de constater que la conclusion d’un nouveau contrat de travail avec la SARL Speacking Agency B, ne peut être appréhendée comme un transfert de contrat de travail, puisqu’elle ne rentre pas dans les hypothèses de l’article L. 1224-1 du code du travail et que le changement d’employeur ne s’assimile pas, non plus, à une modification du contrat de travail pouvant être régularisée par la signature d’un avenant par le salarié. D’ailleurs, la SARLU Mômji A admet, elle-même, que ce n’est pas un avenant qui a été signé par Mme [R] [K] mais un nouveau contrat de travail et la SARLU Speacking Agency B a souscrit une déclaration d’embauche au nom de la salariée. Il ne peut donc être, valablement, retenu que la relation contractuelle se serait poursuivie, avec l’accord de la salariée, auprès de la SARLU Speacking Agency B(Mômji B), mais il doit être considéré que le contrat de travail a été rompu de manière anticipée par la SARLU Speacking Agency (Mômji A), sans qu’elle justifie de l’accord de Mme [R] [K], et en dehors des cas prévus aux articles L. 1243-1 et L. 1243-2 du code du travail.
Le contrat de travail à durée déterminée conclu avec la SARLU Speacking Agency ayant pour terme prévu le 6 juillet 2018, il sera alloué à Mme [R] [K] une somme de
6 683,49 euros bruts, correspond à 9 mois de salaire (sur la base du dernier salaire versé pour le mois de septembre 2017) et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ce chef.
II- Sur les demandes formées à l’encontre de la SARLU Mômji B
4/ Sur le repositionnement au statut de garde d’enfant niveau III
Le contrat de travail s’étant déroulé dans les mêmes conditions, entre le 1er octobre 2017 et le 15 décembre 2017, auprès de la SARLU Speacking Agency B (Mômji B), à l’exception d’une légère réduction de l’horaire accompli, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a repositionné la salariée appelante comme « garde d’enfant niveau III », pour la période du 1er octobre 2017 au 15 décembre 2017, et en ce qu’il lui a alloué une somme de 10,70 euros à titre de rappel de salaire, outre 1,07 euros au titre des congés payés afférents.
5/ Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Mme [R] [K] prétend qu’elle n’a pas signé le nouveau contrat la liant avec la SARLU Speacking Agency B (Mômji B) et elle demande, en conséquence, la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et le versement d’une indemnité de requalification.
L’employeur verse au débat la justification que la salariée a bien signé électroniquement le nouveau contrat de travail la liant à la SARL Speacking Agency B, le 10 octobre 2017, soit 10 jours après sa prise d’effet (pièces 3 et 14).
En l’état de ces éléments, la cour rappelle que, depuis le 24 septembre 2017, l’article L. 1245-1 du code du travail dispose : « La méconnaissance de l’obligation de transmission dans le délai fixé par l’article L. 1242-13 ne saurait, à elle-seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée. Elle ouvre droit, pour le salarié, à, une indemnité à la charge de l’employeur, qui ne peut-être supérieure à un mois de salaire ».
Il s’en déduit que la communication tardive à la salariée pour signature de son contrat de travail, qui n’est pas contestable, eu égard aux précédents développements sur la validité de la signature électronique, n’entraîne pas la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges mais uniquement un droit à une indemnité qui n’a pas été sollicitée par Mme [R] [K].
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a requalifié le contrat de travail conclu avec la SARL Speacking Agency B en contrat à durée indéterminée.
6/ Sur la requalification de la relation contractuelle en temps complet
Le contrat de travail signé avec la SARL Speacking Agency B comportant la répartition du nouvel horaire de travail de la salariée de 19,25 heures sur les jours de la semaine, dans des conditions identiques à celles précédemment exercées, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [R] [K] de sa demande de requalification de la relation contractuelle avec la SARL Speacking Agency B (Mômji B) en temps complet et de sa demande de rappel de salaire subséquente.
7/ Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
La salariée appelante reproche à l’employeur de lui avoir réglé son salaire avec retard, à de nombreuses reprises, ce qui a généré des pénalités et des frais bancaires à sa charge (pièces 14, 14bis, 15, 15 bis, 36), d’avoir omis d’organiser une visite d’information et de prévention, d’avoir négligé de l’inscrire aux cours de français promis lors de son embauche et de ne pas lui avoir garanti une couverture minimale de ses frais de santé, ce qui l’a contrainte à souscrire un contrat individuel d’assurance maladie avec une mutuelle privée. Mme [R] [K] demande donc une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et 300 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de l’employeur d’assurer une couverture minimale des frais de santé.
L’employeur réplique que la salariée ne justifie pas de ses préjudices et, notamment, des pénalités de retard qu’elle aurait été amenée à payer ou de la souscription d’un contrat individuel d’assurance maladie pour la prise en charge de ses frais de santé. Il souligne, également, qu’il n’est nullement établi qu’il aurait été promis à la salariée des cours de français mais que durant la période d’emploi de l’appelante il a proposé, sur son site internet, une inscription à des cours de français auxquels la salariée a fait le choix de ne pas adhérer.
La cour rappelle que la loi n’impose pas de date fixe pour le versement des salaires et que la seule obligation qui est faite à l’employeur est de ne pas laisser s’écouler un laps de temps supérieur à un mois entre le paiement de deux salaires mensuels. A défaut pour Mme [R] [K] de justifier, au moyen des pièces qu’elle produits, qu’elle a perçu ses salaires mensuels avec plus d’un mois d’intervalle, il n’est pas démontré de comportement fautif de l’employeur. Il n’est pas davantage établi que l’employeur aurait manqué à ses engagements en termes de formation ou que la salariée a subi un préjudice du fait de l’absence d’une couverture santé. La salariée sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ainsi que de celle pour non-respect de l’obligation de l’employeur d’assurer une couverture minimale des frais de santé et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a fait droit à la première demande.
8/ Sur la rupture de la relation contractuelle
Mme [R] [K] soutient qu’elle a notifié sa démission par courriel du 12 décembre 2017 en formulant de nombreux griefs à l’encontre de la société « Speacking Agency « , dont le paiement tardif de son salaire, une rémunération inférieure à celle convenue et, une absence d’inscription au cours de français promis.
En conséquence, elle demande à ce, que, au regard des circonstances de la rupture du contrat de travail, sa démission soit analysée comme une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mais, la relation contractuelle avec la SARL Speacking Agency ayant été analysée comme un contrat de travail à durée déterminée au point 5, les seules causes de rupture sont celles prévues aux articles L. 1243-1 et L. 1243-2 du code du travail et elles ne produisent pas les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de ce chef et de ses demandes indemnitaires subséquentes, ainsi que de sa demande de délivrance sous astreinte des documents sociaux.
9/ Sur les autres demandes
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Mômji A aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :
– débouté Mme [R] [K] de sa demande d’indemnité pour rupture anticipée abusive et irrégulière du contrat de travail à durée déterminée formée à l’encontre de la SARLU Speacking Agency (Mômji A),
– condamné la SARLU Speacking Agency B (Mömji B) à payer à Mme [R] [K] les sommes suivantes :
* 583,41 euros à titre d’indemnité de requalification
* 600 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement
– ordonné à la SARLU Speacking Agency B la remise des documents sociaux conformes au jugement,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SARLU Mômji A à payer à Mme [R] [K] la somme de 6 683,49 euros bruts à titre d’indemnité pour rupture abusive du contrat à travail à durée déterminée,
Déboute Mme [R] [K] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la SARLU Mômji B et du surplus de ses demandes plus amples ou contraires,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARLU Mômji A aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE