Sécurité informatique : 20 juin 2006 Cour de cassation Pourvoi n° 05-86.101

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Sécurité informatique : 20 juin 2006 Cour de cassation Pourvoi n° 05-86.101

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Hubert, partie civile,

contre l’arrêt n° 2 de la cour d’appel de PARIS, 11e chambre, en date du 6 octobre 2005, qui, dans la procédure suivie contre Maurice Y… et Guillaume Z… du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 7 juin 2006 où étaient présents : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mmes Palisse, Guirimand, M. Beauvais, Mme Radenne conseillers de la chambre, Mme Ménotti conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de Me CARBONNIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAUNAY ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, 30, 31 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a débouté Hubert X…, partie civile, de l’ensemble de ses demandes ;

“aux motifs que les messages adressés par Hubert X… sur le site internet “DGSE.ORG”, dans lesquels Thierry A… a vraisemblablement puisé une partie de son inspiration, l’ont été à titre personnel et non à titre officiel ; il est spécifié dans les statuts du site “DGSE.ORG” que ce site ne reflète en aucune manière “un avis officiel, une position officielle de la direction générale de la sécurité extérieure” ; Hubert X… s’est borné à exprimer son propre point de vue sur les attentats du 11 septembre 2001 ; le caractère personnel des opinions manifestées par Hubert X… n’est pas contesté dans la citation directe puisqu’il est indiqué qu’Hubert X… “s’est contenté d’échanger avec certains internautes admis sur une liste privée à caractère fermé ” ; dans l’article litigieux, Guillaume Z… prend soin de préciser qu’Hubert X… lui a adressé un fax indiquant que “ses propos sur cette théorie reflétaient des idées personnelles, et qu’ils ne sauraient engager les administrations qui l’emploient” ; cette précision est de nature à lever toute ambiguïté dans l’esprit du lecteur ; les passages poursuivis, à supposer qu’ils revêtent un caractère diffamatoire, mettent en cause Hubert X… à titre personnel ; la mention de son affectation au secrétariat général de la défense nationale, si elle est de nature à conférer un crédit supplémentaire aux analyses d’Hubert X…, est sans incidence sur la qualification juridique dès lors que ces analyses sont présentées comme le point de vue personnel de l’intéressé ; l’article 31 de la loi sur la presse n’est donc pas susceptible de recevoir application en l’espèce ;

“alors que la diffamation publique envers un fonctionnaire doit être retenue si les imputations incriminées concernent des actes qui relèvent par leur nature de l’exercice des fonctions de la personne visée, ou ont un rapport direct et étroit avec la qualité de cette personne ; que c’est en sa qualité d’ “agent des renseignements généraux” et de “fonctionnaire à la direction centrale des renseignements généraux” que l’article incriminé a présenté Hubert X…, par ailleurs qualifié d’ “expert auto-proclamé à l’origine d’une campagne médiatique pour promouvoir une théorie du complot sur le 11 septembre”, théorie dont il serait “le principal promoteur”, dans laquelle il occuperait un “rôle central” et à laquelle “ses responsabilités et ses fonctions” conféreraient “un vernis de professionnalisme” ; qu’en retenant que l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 n’était pas susceptible de recevoir application, cependant que les imputations incriminées établissaient un rapport direct et étroit entre la qualité professionnelle de la partie civile et sa participation à la thèse soutenue par Thierry A…, la cour d’appel a violé les textes susvisés” ;

Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’Hubert X…, commissaire principal de police, s’estimant diffamé par un article, publié dans la revue “Intelligence online”, lui imputant d’avoir inspiré la thèse développée par Thierry A… dans son livre intitulé “l’effroyable imposture”, selon laquelle les attentats commis aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 étaient le fruit d’un complot d’origine américaine et qu’aucun avion ne s’était écrasé sur le Pentagone, a fait citer Maurice Y…, directeur de la publication, et Guillaume Z…, auteur de l’article, devant la juridiction correctionnelle au visa de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu’ont été retenus comme constitutifs du délit de diffamation publique envers un fonctionnaire public les passages suivants : “… Intelligence online a reconstitué le réseau d’experts auto-proclamés à l’origine d’une campagne médiatique pour promouvoir une théorie du complot sur le 11 septembre. Un agent des renseignements généraux y occupe un rôle central. Edifiant…”, “… L’auteur, qui n’a mené aucune enquête aux Etats-Unis, se base sur les avis d’un groupe de cinq experts anonymes, qu’il remercie en dernière page de son livre en citant les initiales (EB, PHB, FC, SJ, HMV). … Qui a alors convaincu l’auteur justicier de l’existence d’un effroyable complot ? Lui-même, mais pas seulement. En fait, l’énigmatique HMV (dernier de la liste des experts remerciés) en a été le principal promoteur. Derrière ces trois lettres se cache en réalité Hubert X…, fonctionnaire à la direction centrale des renseignements généraux, placé en détachement auprès du secrétariat général de la défense nationale, responsable des relations internationales sur les normes en matière de sécurité informatique. … Le jeudi 4 avril, nous avons rencontré Hubert X… dans une brasserie parisienne durant près de deux heures, au cours desquelles il nous a confirmé son rôle et sa dense collaboration avec Thierry A…. Sans la moindre hésitation, il a longuement développé la théorie d’un complot 100 % américain derrière le 11 septembre, détaillant tous les points scrupuleusement repris par Thierry A…. S’il ne dispose d’aucune preuve formelle, ses responsabilités et ses fonctions confèrent à la thèse un vernis de professionnalisme. Dérapage innocent ou délibéré ? A l’issue de cet entretien, nous lui avons signifié notre intention de rendre publique son action. Il nous a dit s’y opposer. Le lendemain, il nous adressait un fax, à l’entête du SGDN, stipulant que ses propos sur cette théorie reflétaient des idées personnelles, et qu’ils ne sauraient engager les administrations qui l’emploient…” ;

Attendu que le tribunal a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite au motif que les imputations ne portaient pas atteinte à l’honneur et à la considération du demandeur ; que celui-ci a interjeté appel ;

Attendu que, pour débouter la partie civile de ses demandes, l’arrêt énonce que les messages postés par Hubert X… sur le site internet où Thierry A… a vraisemblablement puisé son inspiration ont été adressés à titre personnel et non à titre officiel ; que les juges relèvent que ce site, d’après ses statuts, ne reflète aucun avis officiel et qu’Hubert X… s’est borné à exprimer son point de vue sur les attentats du 11 septembre 2001 ; qu’ils ajoutent que la partie civile reconnaît, dans la citation qu’elle a fait délivrer, le caractère personnel des opinions qu’elle a manifestées et que l’article litigieux fait état de ce qu’Hubert X… avait adressé une télécopie à l’auteur de l’article pour préciser que ses propos n’engageaient pas l’administration à laquelle il appartenait ; que les juges relèvent encore que la mention de l’affectation de la partie civile au secrétariat général de la défense nationale, si elle est de nature à conférer un crédit supplémentaire à ses thèses, est sans influence sur la qualification des faits dès lors que ses analyses sont présentées comme personnelles ;

que les juges en déduisent que les propos incriminés n’ont pas visé le fonctionnaire public de sorte que les dispositions de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 sont inapplicables ;

 


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