Sécurité informatique : 2 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/03062

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Sécurité informatique : 2 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/03062

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 02 JUIN 2022

(n° , 20 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/03062 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7OCW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/02907

APPELANTE

Madame [G] [E]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Virginie RIBEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1066

INTIMEE

SASU DB CARGO FRANCE venant aux droits de la SASU EURO CARGO RAIL

[Adresse 2],

[Localité 4]

Représentée par Me Angéline DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0092

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.

Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES

Selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein prenant effet le 1er décembre 2010, Mme [G] [E] a été engagée en qualité de responsable de la communication par la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail ou ECR, les relations contractuelles étant soumises à la convention collective nationale de la branche ferroviaire. Sa rémunération mensuelle moyenne était dans son dernier état de 9.719,55 euros bruts.

La société DB Cargo France employait au moins onze salariés.

Au cours de l’année 2016, la société a mis en place un plan de sauvegarde de l’emploi dont la première réunion d’information du comité d’entreprise s’est tenue le 8 décembre 2016. Ce plan prévoyait notamment la suppression de 295 postes en 2018 dont le poste de responsable de la communication.

Mme [E] a bénéficié de plusieurs arrêts maladies du 8 mars au 7 avril 2017 et du 19 avril 2017 au 7 janvier 2018.

Le 4 janvier 2018, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

Sollicitant que cette prise d’acte produise les effets d’un licenciement nul, Mme [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 16 avril 2018 aux fins d’obtenir la condamnation de la société DB Cargo France au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement en date du 28 janvier 2019, le conseil de prud’hommes a requalifié la prise d’acte de Mme [E] en une démission et a condamné la société à lui verser les sommes suivantes:

– 9.720 euros de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

– 19.439 euros de dommages-intérêts pour non versement de l’indemnité complémentaire et des indemnités de prévoyance,

– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts de droit à compter du jour du prononcé du jugement et jusqu’au jour du paiement.

Le conseil de prud’hommes a également :

– ordonné l’exécution provisoire de la décision,

– débouté Mme [E] du surplus de ses demandes,

– débouté la société DB Cargo France de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné le société DB Cargo France aux dépens.

Le 28 février 2019, Mme [E] a interjeté appel de ce jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 8 février 2022, elle demande à la cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a :

– condamné la société DB Cargo France à lui verser la somme de 9.720 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et la somme de 19.439 euros à titre de dommages et intérêts pour non-versement de l’indemnité complémentaire et des indemnités de prévoyance,

– débouté la société DB Cargo France de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.

Et statuant à nouveau,

A titre principal :

– dire et juger qu’elle a fait l’objet d’un harcèlement moral,

– dire et juger que sa prise d’acte de rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul,

– condamner en conséquence la société DB Cargo France à lui verser les sommes suivantes :

– 97.120,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 22.678,95 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 29.158,65 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 2.915,86 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés y afférents,

A titre subsidiaire :

– dire et juger que sa prise d’acte de rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner en conséquence la société DB Cargo France à lui verser les sommes suivantes :

– 77.756,00 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 22.678,95 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 29.158,65 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 2.915,86 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés y afférents,

En tout état de cause :

– dire et juger qu’elle n’était pas cadre dirigeant et devait se voir appliquer la législation sur la durée du travail,

– condamner en conséquence la société DB Cargo France à lui verser les sommes suivantes :

– 56.371,73 euros à titre de rappels de salaires pour les heures supplémentaires effectuées et non payées,

– 5.637,17 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents,

– 19.329,12 euros au titre du dépassement du contingent annuel des heures supplémentaires,

– 1.932,91 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents,

– 58.317 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 58.317 euros de dommages et intérêts pour violation de l’obligation d’exécuter loyalement et de bonne foi le contrat de travail,

– 143,91 euros à titre de remboursement de frais professionnels,

– ordonner la remise d’une attestation pôle emploi rectifiée sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

– ordonner la remise de bulletins de paie rectifiés pour les mois de décembre 2017, janvier 2018 et février 2018 sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,

– ordonner la remise de bulletins de paie conformes à la décision à intervenir pour la période de janvier 2015 à novembre 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,

– débouter la société DB Cargo France de l’intégralité de ses demandes,

– ordonner l’application des intérêts au taux légal courant à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de jugement pour les créances salariales, et à compter de la décision pour les dommages et intérêts,

– condamner la société DB Cargo France à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant le conseil de Prud’hommes,

Y ajoutant,

– condamner la société DB Cargo France à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour d’appel,

– condamner la société DB Cargo France aux entiers dépens.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 23 février 2022, la société DB Cargo France demande à la cour de :

– constater que la prise d’acte de Mme [E] constitue une démission,

– constater l’absence de tout manquement de sa part,

– constater l’absence de tout acte d’harcèlement moral à l’encontre de Mme [E],

– constater l’absence de toute heure supplémentaire effectuée par Mme [E],

– constater l’absence de tout travail dissimulé à son encontre,

En conséquence :

Confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a :

– condamnée à verser à Mme [E] la somme de 9.720 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents et la somme de 19.439 euros à titre de dommages-intérêts pour non-versement de l’indemnité complémentaire et des indemnités de prévoyance,

– déboutée de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.

Et statuant à nouveau :

Déclarer irrecevables les demandes, tant principales que subsidiaires formulées par Mme [E],

Condamner Mme [E] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En tout état de cause :

Rejeter la demande de Mme [E] formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejeter toute demande au titre de l’intérêt au taux légal.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 9 mars 2022.

MOTIFS :

Sur le harcèlement moral :

Mme [E] soutient qu’elle a été l’objet d’un harcèlement moral et invoque les faits suivants : exclusion du comité de direction, absence d’invitation à des réunions et à des séminaires, réduction de son domaine d’activité, exclusion du projet phoenix, propos déplacés de l’employeur lors d’un entretien survenu en octobre 2016, retrait de son assistante, absence d’objectifs pour l’année 2017, exclusion du cadeau de fin d’année 2016, transfert à une assistante de ses droits d’accès à ses dossiers électroniques, retard dans le paiement des indemnités complémentaire et de prévoyance, convocation à une réunion du 5 janvier 2017 pour lui annoncer la suppression de son poste, sans évoquer le motif de la réunion dans ladite convocation.

La société conteste tout harcèlement moral.

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d’altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 de ce même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

* Sur l’exclusion du comité de direction :

Mme [E] indique avoir été exclue du comité de direction entre septembre 2013 et août 2016, date de l’arrivée du nouveau directeur général, puis à nouveau à compter d’octobre 2016.

A l’appui de ses allégations, elle produit :

– une attestation de M. [V], ancien directeur des ressources humaines de l’entreprise, affirmant qu’à compter de septembre 2013 la salariée n’a plus participé au comité de direction suite à une décision d’exclusion prise par le directeur général,

– un message électronique de l’employeur du 13 octobre 2016, fixant la liste des membres du comité de direction et n’y mentionnant pas la salariée,

– une publication interne d’octobre-novembre 2016 présentant les membres du comité de direction et n’y mentionnant pas Mme [E],

– un message électronique du 25 janvier 2017 listant les membre du ‘groupe Codir élargi’ et n’y mentionnant pas la salariée,

– une attestation par laquelle M. [Y], responsable d’agence, a constaté que Mme [E], d’une part, ‘n’apparaissait plus dans les publications officielles en tant que membre de la direction’ et, d’autre part, lui a dit avoir été choquée par son exclusion du comité de direction qui lui avait été notifiée par un simple mail de l’assistante de direction, sans annonce préalable,

– une attestation par laquelle M. [D], qui a été nommé par la salariée en qualité de responsable des communications par interim en mars 2013 et qui est resté dans l’entreprise jusqu’en mai 2017 date de son licenciement, a indiqué : ‘A l’issue de la publication d’un article dans le bulletin d’information interne inside.fr en octobre 2016 (lequel est traduit en anglais et diffusé à l’ensemble des équipes de gestion et de communication européennes), il a été rendu public que [G] ne faisait désormais plus partie du comité directeur’.

L’employeur soutient que la salariée ne démontre pas qu’elle a été exclue du comité de direction puisqu’elle peut produire les ordres du jour des réunions de ce comité qui se sont déroulées entre le 21 août 2015 et le 16 août 2016. Il produit, en outre, des courriels invitant Mme [E] au comité de direction entre le 2 août 2016 et le 7 juin 2017.

En l’espèce, la cour constate qu’il n’est pas contesté par l’employeur que Mme [E] était membre du comité de direction avant septembre 2013 et qu’elle avait qualité pour y sièger.

Il ne peut se déduire de la production par la salariée des ordres du jour des réunions du comité de direction que l’appelante était membre de ce comité dans la mesure où il n’est ni allégué ni justifié que seuls les membres du comité de direction pouvaient avoir accès à ces documents.

Au contraire, il ressort des pièces versées aux débats par les parties et notamment de l’attestation de M. [V] que Mme [E] n’a plus participé au comité de direction entre septembre 2013 et août 2016, mois à partir duquel l’employeur justifie que la salariée était à nouveau invitée à y participer.

De même, si les courriels produits par l’employeur permettent de considérer que Mme [E] a été conviée à participer au comité de direction à partir d’août 2016, il ressort des pièces produites par la salariée qu’entre octobre 2016 et janvier 2017, son nom n’était pas mentionné dans la liste des membres du comité de direction.

Il se déduit ainsi des éléments versés aux débats qu’est établie l’exclusion de Mme [E] du comité de direction entre septembre 2013 et août 2016 et entre octobre 2016 et janvier 2017 au moins.

* Sur l’absence d’invitation à des séminaires et à des réunions de travail :

Mme [E] soutient ne pas avoir été invitée aux trois séminaires du programme ‘Leadership et culture de changement’ qui se sont tenus entre fin 2016 et début 2017 alors que l’ensemble des cadres dirigeants de l’entreprise y était convié. Elle soutient également ne plus être invitée à des réunions de travail concernant son domaine d’activité.

Toutefois, la matérialité de ces faits, qui sont contestés par l’employeur, n’est pas établie par les pièces versés aux débats.

* Sur la réduction du domaine d’activité de la salariée :

Mme [E] expose que le périmètre de ses fonctions s’est considérablement réduit dans la mesure où il comprenait à l’origine la région ‘Europe de l’ouest’ et qu’elle s’est vue retirer la responsabilité de celle-ci sans explication ou avenant à son contrat de travail.

A l’appui de ses allégations, elle produit :

– son contrat de travail dont l’article 2 stipule qu’elle est notamment engagée en qualité de ‘responsable de communication région ouest’,

– un message électronique dans lequel elle se présente comme ‘directrice de la communication DB Cargo -région ouest’,

– une attestation par laquelle M. [D] a indiqué avoir appris en août 2016 ‘ que l’équipe de gestion de la région ouest devait être dissoute’ et que Mme [E] ‘était préoccupée tant pour son poste de directrice des communications région ouest que pour son rôle général en France’,

La cour constate que M. [D] ne fait pas état de la perte effective par la salariée de son poste de responsable de communication région ouest mais de la crainte de celle-ci de perdre ce poste. Dans la mesure où l’employeur conteste avoir retiré à la salariée les tâches afférentes au périmètre de la région ouest, la cour considère que ce troisième fait n’est pas établi.

* Sur l’exclusion du projet Phoenix :

Il se déduit des conclusions de l’employeur que le projet Phoenix est lié à la communication du plan de sauvegarde de l’emploi de l’entreprise prévoyant notamment la possible suppression du poste de responsable de la communication de Mme [E] en 2018.

La salariée soutient qu’elle devait partager la responsabilité de ce projet avec Mme [A] [X] mais que celui-ci a finalement été exclusivement confié à cette dernière au motif qu’elle était concernée par la réorganisation de l’entreprise. Elle conteste le bien-fondé de ce motif dans la mesure où MM. [N] et [Z], respectivement responsable planning et directeur des opérations, ont continué à participer au projet Phoenix alors que leurs postes devaient également être supprimés dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi.

A l’appui de ses allégations, elle produit :

– un accord de confidentialité du 1er septembre 2016 conclu entre la société et Mme [E] et relatif au projet Phoenix,

– un courriel du 16 novembre 2016 par lequel Mme [F] a adressé à Mme [E] le compte-rendu de la réunion du même jour sur le projet Phoenix, tout en s’excusant d’avoir omis son nom dans le mail de groupe transmettant ce compte-rendu,

– un courriel du 18 novembre 2016 par lequel Mme [M], assistance du président de la société l’a informée que ‘[A] est responsable pour la communication concernant le projet Phoenix’.

Il ressort de ces éléments que Mme [E] a été impliquée dans la mise en oeuvre du projet Phoenix jusqu’au 18 novembre 2016, date à laquelle Mme [X] est devenue seule responsable du projet.

Ce quatrième fait est donc établi.

* Sur les propos déplacés de l’employeur lors d’un entretien survenu en octobre 2016 :

Mme [E] soutient qu’au cours d’un entretien d’octobre 2016 le président de la société, mettant en cause sa motivation, lui a indiqué qu’il était préférable qu’elle recherche un poste au sein d’une autre société.

Toutefois, la matérialité de ces faits, qui est contestée par l’employeur, n’est pas justifiée par la salariée qui se borne à produire un courrier de son avocate les mentionnant (pièce 3).

Ce cinquième fait n’est donc pas établi.

* Sur le retrait de l’assistante de Mme [E] :

Mme [E] soutient que l’employeur lui a retiré sans explication en novembre 2016 son assistante, Mme [S] [B], alors que celle-ci l’aidait dans ses tâches opérationnelles depuis décembre 2014.

L’employeur reconnaît qu’entre décembre 2014 et juillet 2016, Mme [B] a été chargée d’aider Mme [E] ‘dans sa communication pour la partie administrative et évenementielle (équivalent d’un mi-temps) et exécution de missions diverses pour le comité de direction’. En outre, il ne conteste pas dans ses conclusions le fait que la mission de Mme [B] auprès de Mme [E] a pris fin sans qu’une explication soit fournie à cette dernière.

Il s’en déduit que ce sixième fait est établi, précision faite que la fin de la mission de Mme [B] doit être fixée en juillet 2016 comme l’affirme l’employeur et ce, en en l’absence d’éléments produits sur ce point par la salariée.

* Sur l’absence d’objectifs pour l’année 2017 :

Les parties s’accordent sur le fait que l’employeur n’a pas fixé d’objectifs à la salariée pour l’année 2017 lors de l’entretien individuel du 28 février 2017, alors qu’il en avait fixés au titre de l’année 2016. Ce septième fait est donc établi.

* Sur l’exclusion du cadeau de fin d’année 2016 :

Mme [E] soutient qu’elle est la seule cadre dirigeante à ne pas avoir reçu de l’employeur un cadeau le 22 décembre 2016 mais ne produit aucun élément tendant à l’établir.

Il s’en déduit que ce huitième fait, contesté au demeurant par l’employeur, n’est pas établi.

* Sur l’accès aux dossiers électroniques de la salariée :

De retour de son arrêt maladie, Mme [E] soutient qu’elle a constaté le 10 avril 2017 que l’employeur avait transféré ses droits d’accès à ses dossiers électroniques à une assistante alors que certains de ses dossiers étaient confidentiels et personnels.

Ce neuvième fait, non contesté par l’employeur, est établi.

* Sur le retard de paiement des indemnités complémentaires et les indemnités de prévoyance :

Etant en arrêt maladie entre mars 2017 et janvier 2018, Mme [E] expose qu’en application de l’article 20 de la convention collective applicable, elle aurait dû percevoir de l’employeur une indemnité complémentaire représentant 100 % de sa rémunération brute jusqu’au 17 mai 2017, puis 75% de sa rémunération brute entre le 18 mai et le 17 juillet 2017. La salariée expose n’avoir pourtant perçu de son employeur que 3.872,77 euros au mois de mai 2017, 294,47 euros en juin 2017 et pas de rémunération entre juillet et octobre 2017.

Elle soutient qu’à compter du 18 juillet 2017, elle n’a pu percevoir l’indemnité de prévoyance en complément des indemnités journalières en raison de la carence de la société.

Mme [E] soutient enfin que malgré ses nombreux courriels de relance de septembre à novembre 2017 qu’elle verse aux débats (pièce 44), l’employeur n’a régularisé la situation qu’en janvier 2018, suite à une régularisation partielle en novembre 2017.

L’employeur ne conteste pas les faits évoqués par la salariée et reconnaît n’avoir régularisé totalement la situation qu’en janvier 2018.

Ce dixième fait est donc établi.

* Sur la réunion du 5 janvier 2017 :

Mme [E] expose avoir été destabilisée suite à la réception le 22 décembre 2016, soit peu de temps avant ses congés de fin d’année, d’un courriel de l’employeur la conviant à une réunion du 5 janvier 2017, sans que soit indiqué le motif de celle-ci. Elle indique qu’au cours de cette réunion la société lui a annoncé que son emploi serait supprimé conformément au plan de sauvegarde de l’emploi.

A l’appui de ses allégations, elle produit le courriel litigieux destiné à Mme [M] qui ne lui a été adressé qu’en copie et qui mentionne seulement : ‘pourrais-tu stp faire un rdv avec [G]. [P] et moi à partir la première semaine en 2017, 1h dans mon bureau’.

Ce onzième fait est donc établi.

Mme [E] produit enfin ses arrêts de travail pour la période du 8 mars au 7 avril 2017, puis du 19 avril 2017 au 7 janvier 2018 pour état anxio-dépressif. Elle produit également un certificat du docteur [K], médecin généraliste, en date du 8 janvier 2018 par lequel ce dernier atteste avoir placé en arrêt maladie la salariée pour état anxio-dépressif marqué attribué à des problèmes professionnels sérieux, lui avoir prescrit des médicaments psychotropes et l’avoir incitée à faire qualifier ses troubles en maladie professionnelle. Par courrier du 16 mars 2018, l’Assurance maladie a indiqué à la salariée que sa maladie était d’origine professionnelle.

Ainsi, sont établis l’exclusion de Mme [E] du comité de direction et du projet Phoenix, la suppression de la mission d’assistance de Mme [B] à compter de juillet 2016, l’absence d’objectifs au titre de l’année 2017, le transfert à une assistante des droits d’accès de la salariée à ses dossiers électroniques, le retard de paiement des indemnités complémentaire et de prévoyance et la convocation à la réunion du 5 janvier 2017 sans indiquer le motif de celle-ci.

Ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence de faits constitutifs d’un harcèlement moral et il appartient donc à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En réponse, la société DB Cargo France soutient qu’elle a pris des mesures en vue de prévenir tout risques psychosociaux en embauchant une pyschologue clinicienne et en formant à ces risques ses managers. Elle soutient également que la salariée a été accompagnée lors de la réorganisation de l’entreprise.

S’agissant de l’exclusion de Mme [E] du comité de direction et de l’exclusion du cadeau de fin d’année 2016, l’employeur ne les justifie par aucune raison objective.

S’agissant de l’exclusion du projet Phoenix, la société expose que s’agissant d’un projet d’envergure impliquant nécessairement diverses autorités et des relais auprès des politiques pour tenter de trouver des solutions de reclassement, dans un contexte d’élections présidentielles, il a été décidé de confier la communication du projet à Mme [X], responsable des relations publiques, qui était auparavant conseillère technique du ministre des transports, compte tenu de son expérience en la matière, Mme [E] n’ayant pas d’expérience en termes de relations avec les autorités publiques et étant principalement en charge de la communication interne dans l’entreprise. Elle expose également que le poste de Mme [E] étant supprimé dans le cadre du projet de réorganisation, il a été jugé préférable de ne pas lui confier la charge de la communication de ce projet. Elle expose enfin que si MM [N] et [Z] continuaient à être associés au projet Phoenix comme l’affirme la salariée, ils n’étaient pas concernés par le projet de réorganisation et étaient toujours présents dans le groupe.

La cour constate que l’employeur ne procède que par affirmation, ne produisant à l’appui de ses allégations qu’un échange de courriels en langue anglaise non traduit et donc non probant (pièce 29) ainsi qu’une impression d’un profil informatique type Linkedin non datée mentionnant que M. [N] est ‘Head of service design, Euro Cargo Rail’ et que M. [Z] est directeur régional Eurocargorail. Pourtant, il ressort des termes de l’extrait du plan de sauvegarde de l’emploi versé aux débats que, comme l’affirme la salariée, la suppression des postes de responsable planning et de directeur des opérations, respectivement occupés par MM. [N] et [Z], étaient également envisagée à ‘horizon 2018″.

Il s’en déduit que l’employeur ne prouve pas que l’exclusion du projet Phoenix de Mme [E] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S’agissant du retrait de l’assistante de Mme [E], l’employeur justifie par la production du contrat de travail de Mme [B] que celle-ci était une assistante de direction polyvalente dont les missions et les affectations évoluaient selon les besoins de l’entreprise. Il soutient que Mme [B] a effectué à compter de septembre 2016 des missions pour MM. [N] et [Z] ‘au vu de la réorganisation et de l’opération de réduction des effectifs en cours chez Euro Cargo Rail’. Il soutient enfin que Mme [L] a été mise à disposition de Mme [E] pour l’assister en remplacement de Mme [B] et produit à cette fin des échanges de mails de novembre à décembre 2016 entre Mme [L] et Mme [E] dans lesquels l’appelante a écrit : ‘Suite au changement de poste d'[S] et comme convenu avec [C], pourrais tu faire mes futures DA. [S] t’expliquera les comptes à utiliser selon les prestations’.

Toutefois, la cour constate que l’employeur ne justifie ni avoir affecté Mme [B] auprès de MM. [N] et [Z] ni avoir expliqué à Mme [E] les raisons de la fin de la mission de Mme [B] auprès d’elle alors que, selon l’employeur, les deux salariées ont travaillé ensemble pour l’équivalent d’un mi-temps pendant 18 mois. De même, il ressort des échanges entre Mme [E] et Mme [L] susmentionnés que la première continuait à avoir besoin d’une assistante et que la seconde devait solliciter les conseils de Mme [B]. Il s’en déduit que l’employeur ne prouve pas que le retrait de l’assistance de Mme [B] auprès de la salariée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S’agissant de l’absence d’objectifs fixés pour l’année 2017, l’employeur soutient qu’il n’a pas fixé d’objectifs en accord avec la salariée dans la mesure où son poste avait vocation à être supprimé. Il soutient également ne pas avoir l’obligation de fixer des objectifs à ses employés et, s’il reconnaît que Mme [E] bénéficiait d’une rémunération variable, il estime que l’absence de fixation d’objectifs en 2017 ne lui a causé aucun préjudice dans la mesure où l’appelante a perçu en janvier 2018 un bonus d’un montant identique à celui qui lui avait été versé l’année précédente.

Toutefois, la cour constate que la société ne justifie pas que la salariée a donné son accord à l’absence de fixation d’objectifs au titre de l’année 2017. De même, il ressort des termes de l’extrait du plan de sauvegarde de l’emploi versé aux débats (pièce 4) que la suppression du poste de directeur de la communication n’était qu’envisagée à ‘horizon 2018″ sans autre précision. Compte tenu de ces éléments et dans la mesure où il n’est pas contesté que l’employeur a fixé des objectifs à la salariée pour les années antérieures à 2017, celui-ci n’établit pas que sa décision de ne pas fixer à Mme [E] des objectifs pour l’année 2017 est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur le transfert à une assistante des droits d’accès de la salariée à ses dossiers électroniques, la société soutient que Mme [E] n’avait pas enregistré des documents de travail sur le serveur commun et qu’elle a donc dû demander à l’administrateur réseau d’autoriser Mme [B] à accéder aux documents électroniques de l’appelante, après avoir vainement tenté de la joindre.

A l’appui de ses allégations, l’employeur produit :

– deux courriels des 28 mars et 10 avril 2017 par lequels Mme [F] a sollicité Mme [E] afin d’avoir accès à certains de ses dossiers électroniques,

– un message électronique du responsable adjoint de la sécurité informatique de l’entreprise adressé à Mme [E] mentionnant : ‘L’accès aux données protégées par mot de passe est seulement possible si la personne concernée est impliquée. Elle doit donner son accord pour l’accès à ses données. Si ce n’est pas possible par exemple quand la personne est décédée ou n’est pas joignable ou qu’elle refuse de donner un accès et, s’il existe une urgence pour les affaires de l’entreprise entraînant un risque financier important, le responsable en charge des données privées ou une autre personne en charge de la protection des données peut donner sa permission. Après la réception d’un consensus écrit de la personne concernée ou du responsable en charge des données privées, nous ouvrons les droits à la personne désignée avec le consentement’.

Toutefois, la cour n’est pas en mesure de vérifier, au regard des pièces versées aux débats, que la procédure interne d’accès aux dossiers des salariés a été respectée en l’espèce. En effet, il n’est justifié ni de l’urgence nécessitant d’accéder aux dossiers de Mme [E] en raison d’un risque financier important, ni qu’une demande d’accès aux données de celle-ci a été adressée au service informatique postérieurement au courriel du 28 mars 2017 de Mme [F] précité, ni qu’une autorisation a été donnée par ledit service postérieurement à cette date. Dans la mesure où l’employeur n’établit pas que la procédure interne a bien été respectée en l’espèce, la cour considère que sa décision de transférer à une assistante les droits d’accès de l’appelante à ses dossiers électroniques n’est pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S’agissant du retard de paiement des indemnités complémentaires et les indemnités de prévoyance, l’employeur se borne à indiquer que ce retard est lié à une erreur non malveillante de sa part, sans autre précision. Par suite, il n’établit pas que celui-ci est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S’agissant de la convocation à la réunion du 5 janvier 2017, la société soutient que Mme [E] était nécessairement informée de sa situation avant sa convocation dans la mesure où :

– la réunion litigieuse faisait suite à d’autres entretiens avec d’autres personnes concernées comme elle par le plan de sauvegarde de l’emploi,

– la salariée s’est entretenue dès octobre 2016 avec le président de la société sur sa situation et le 23 novembre 2016 avec le directeur des ressources humaines sur le même sujet.

Toutefois, la cour constate que l’employeur ne produit aucun élément permettant de justifier ces allégations. Il s’en déduit que la société n’établit pas que sa décision de convoquer la salariée à la réunion du 5 janvier 2017 sans indiquer le motif de cette convocation est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ce qui précède que l’employeur échoue à démontrer que ses décisions concernant l’exclusion de Mme [E] du comité de direction et du projet Phoenix, la suppression de la mission d’assistance de Mme [B] à compter de juillet 2016, l’absence d’objectifs au titre de l’année 2017, le transfert à une assistante des droits d’accès de la salariée à ses dossiers électroniques, le retard de paiement des indemnités complémentaire et de prévoyance et la convocation à la réunion du 5 janvier 2017 sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral qui est dès lors établi.

Mme [E] sollicite la somme de 58.317 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les faits constitutifs du harcèlement moral mais en se fondant sur l’exécution déloyale du contrat de travail.

Au vu des pièces produites, il sera alloué à ce titre à la salariée la somme de 5.000 euros et le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur les heures supplémentaires :

* Sur la qualité de cadre dirigeant :

L’article L. 3111-2 du code du travail dispose que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement

Il est constant que les trois critères énoncés à l’article L. 3111-2 du code du travail sont cumulatifs et que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants au sens de ce texte les cadres participant à la direction de l’entreprise. Il est également constant que pour déterminer l’application de ce statut, il importe d’examiner la fonction réellement occupée par le salarié au regard de chacun des trois critères afin de vérifier s’il participait à la direction de l’entreprise.

Pour contester les demandes de Mme [E] au titre des heures supplémentaires, la société DB Cargo France soutient que cette dernière avait la qualification de cadre dirigeant, qu’elle était indépendante dans l’organisation de son temps de travail, qu’elle participait au comité de direction, qu’elle bénéficiait d’une rémunération parmi les plus élevées de la société, que seuls cinq salariés bénéficiaient du statut de cadre dirigeant dont elle, qu’elle était directement rattachée au directeur général de la société, qu’elle était responsable de ses équipes en Angleterre et en Espagne et qu’elle a participé à de nombreux événements pour lesquels seuls les salariés clés étaient conviés.

Mme [E] conteste relever de ce statut pour des raisons de fond tenant au fait qu’elle ne satisfait pas aux trois critères cumulatifs pour être cadre dirigeant, indiquant notamment qu’elle a été exclue du comité de direction et que ses bulletins de paye mentionnent un travail hebdomadaire de 35 heures.

En l’espèce, les articles 4 et 5 du contrat de travail stipulent que Mme [E] relève en qualité de responsable de la communication de la catégorie des cadres dirigeants et bénéficie d’une rémunération composée d’une partie fixe d’un montant annuel brut de 90.000 euros et d’une partie variable pouvant atteindre 60% de son salaire de base.

En premier lieu, afin d’établir que Mme [E] était indépendante dans l’organisation de son temps de travail, l’employeur se borne à se référer dans ses conclusions à une attestation par laquelle Mme [O], assistante juridique, a indiqué que Mme [E] était ‘connue pour ses horaires’ car elle arrivait à partir de 10h30 et repartait très frequemment aux alentours de 15h30/16h00 et que ‘sa tactique’ était de laisser sa lampe de bureau allumée afin de faire croire à une réunion interne. La cour considère que cette attestation réalisée par une personne ne travaillant pas avec Mme [E] et qui n’indique pas expressément les faits dont Mme [O] a été personnellement témoin, est insuffisante à établir que l’appelante était indépendante dans l’organisation de son temps de travail.

En deuxième lieu, afin d’établir que la salariée pouvait prendre des décisions de façon largement autonome, l’employeur produit seulement un tableau listant les cinq cadres dirigeants de l’entreprise et se réfère à un courriel du 15 février 2017 versé aux débats par la salariée par lequel celle-ci mentionne qu’elle était rattachée hiérarchiquement au directeur général de l’entreprise, qu’elle était responsable d’équipes en Angleterre et en Espagne, qu’elle a développé pendant six ans une équipe de communication très performante et qu’elle a contribué avec succès à l’intégration de filiales internationales dans le reseau DB Carbo. Toutefois ces éléments sont insuffisants pour caractériser le dégré d’autonomie dont disposait Mme [E] pour la réalisation de ses missions.

En troisième lieu, aucune pièce n’atteste que la rémunération de Mme [E] se situait dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise. La cour constate d’ailleurs que le tableau précité listant les cinq cadres dirigeants de la société ne mentionne pas la rémunération de ceux-ci.

En quatrième et dernier, il ressort des développements précédents que la cour a considéré que Mme [E] a été exclue du comité de direction de septembre 2013 à août 2016 et d’octobre 2016 à janvier 2017 au moins.

Il résulte de ce qui précède que la qualité de cadre dirigeant ne saurait être retenue.

* Sur les heures supplémentaires :

De manière générale, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’occurrence, Mme [E] présente les éléments suivants :

– un décompte pour la période du 5 janvier 2015 au 18 novembre 2016 précisant journalièrement le nombre d’heures travaillées et hebdomadairement le nombre d’heures supplémentaires effectuées par rapport à une semaine de travail de 35 heures,

– un décompte récapitulant chaque mois le nombre d’heures supplémentaires réalisées et détaillant celles bénéficiant d’une majoration de 25% ou d’une majoration de 50%,

– ses bulletins de paye pour l’année 2016 indiquant un travail hebdomadaire de 35 heures et ne mentionnant pas le paiement d’heures supplémentaires.

Mme [E] déduit de ces éléments avoir accompli :

– au titre de l’année 2015 : 297 heures supplémentaires majorées à 25% et 122 heures supplémentaires majorées à 50%,

– au titre de l’année 2016 : 236 heures supplémentaires majorées à 25% et 157 heures supplémentaires majorées à 50%.

Elle sollicite ainsi la somme de 56.371,73 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées et non payées entre janvier 2015 et novembre 2016, outre 5.637,17 euros de congés payés afférents.

Il s’en déduit que Mme [E] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement. Dès lors, il incombe à la société DB Cargo France, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de formuler ses observations, laquelle ne peut se borner à critiquer les éléments produits par la salariée et doit verser aux débats des documents objectifs sur les temps effectivement travaillés.

En premier lieu et en application des règles probatoires rappelées ci dessus, contrairement à l’affirmation de la société, il n’appartient pas à la salariée de prouver l’existence des heures supplémentaires dont elle demande le paiement.

En deuxième lieu, la société qui critique les éléments avancés par Mme [E], ne produit aucun document récapitulant le temps de travail que celle-ci aurait accompli, ni ne justifie de quelle manière elle mesurait son temps de travail, alors qu’il lui appartient d’établir les documents nécessaires en ce sens.

En troisième lieu, il ne peut se déduire de la seule attestation de Mme [O] susmentionnée que Mme [E] ne commençait sa journée de travail qu’à 10h30 et n’avait ainsi pu accomplir les heures supplémentaires mentionnées dans les décomptes produits.

Par conséquent, au vu de l’ensemble des éléments ainsi soumis à la cour par chacune des parties, il en ressort que Mme [E] a bien accompli des heures supplémentaires au delà de la durée hebdomadaire de 35 heures. Compte tenu du décompte produit, la créance de la salariée au titre des heures supplémentaires effectuées entre janvier 2015 et novembre 2016 doit être arrêtée à la somme de 56.371,73 euros bruts, outre 5.637,17 euros bruts de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

Mme [E] sollicite la somme de 58.317 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

La société DB Cargo France s’oppose à cette demande.

Il ressort de l’article L.8221-5 du Code du Travail que la dissimulation d’emploi salarié est constituée lorsque l’employeur n’a pas effectué intentionnellement l’une au moins des formalités suivantes : la remise d’un bulletin de salaire à chacun de ses salariés, l’accomplissement de la déclaration nominative préalable à l’embauche ou la mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Or, le seul fait d’avoir appliqué à tort à un salarié le statut de cadre dirigeant ne suffit pas, en soi, à établir le caractère intentionnel d’une dissimulation d’emploi salarié.

Ainsi, s’il apparaît que l’employeur s’est mépris sur les conditions d’application du statut de cadre dirigeant à Mme [E], rien ne permet d’établir qu’il a effectivement cherché à dissimuler des heures supplémentaires dont l’obligation au paiement ne résulte que de l’invalidation de ce statut.

Cette demande sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur le dépassement du contingent annuel :

Mme [E] fait valoir qu’ayant effectué plus de 220 heures supplémentaires en 2015 et en 2016, elle est bien fondée à percevoir pour ces années la somme de 19.329,12 euros au titre du repos compensateur pour dépassement du contingent annuel des heures supplémentaires, outre 1.932,91 euros au titre des congés payés afferents.

La société s’oppose à cette demande au motif que Mme [E] a le statut de cadre dirigeant.

En application de l’article D. 3121-14-1 du code du travail, sans sa version applicable au litige, le contingent annuel d’heures supplémentaires est fixé à 220 heures.

Par ailleurs, selon l’article L.3121-30 du Code du travail, les heures supplémentaires accomplies au delà du contingent annuel ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos pour le salarié et si ce dernier n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur en temps utile, il a droit à l’indemnisation du préjudice subi.

Au vu des éléments soumis à l’examen de la cour par les parties, il apparaît que la salariée a bien accompli des heures supplémentaires au delà du contingent annuel sans bénéficier de repos compensateur et il convient de lui allouer une indemnisation à ce titre de 15.000 euros bruts, qui inclut les congés payés.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les dommages-intérêts pour non-versement des indemnités complémentaire et de prévoyance :

Comme il a été dit dans les développements précédents, l’employeur est à l’origine du versement avec retard de l’indemnité complémentaire et l’indemnité de prévoyance qui étaient dues à Mme [E] en 2017 malgré les nombreuses relances de cette dernière.

La salariée soutient que cette situation a détérioré sa santé et l’a placée dans une situation précaire la contraignant à demander un échéancier fiscal et à emprunter de l’argent auprès de ses proches.

Elle demande la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société à lui verser la somme de 19.439 euros à titre de dommages-intérêts pour non-versement des indemnités dues.

A l’appui de ses allégations, la salariée produit :

– une reconnaissance de dette du 1er janvier 2018 souscrite par elle pour un montant de 7.000 euros,

– un tableau établissant que le non-versement des indemnités qui lui étaient dues entre mars et décembre 2017 a généré à son égard un découvert de 15.099 euros compte tenu de ses charges fixes.

L’employeur s’oppose à cette demande, le retard n’étant pas dû à une malveillance de sa part.

Conformément aux dispositions de l’article 1153, devenu 1231-6, du code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d’une somme d’argent, les dommages-intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais, à défaut de règles particulières, que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf à relever un préjudice indépendant de ce retard et causé par la mauvaise foi du débiteur.

Comme il a été dit dans les développements précédents, la société a été informée dès septembre 2017 par la salariée du non versement de l’indemnité complémentaire et n’a totalement régularisé la situation qu’en janvier 2018. Eu égard aux conséquences en résultant pour Mme [E] pour assurer ses charges quotidiennes, il y a lieu de lui allouer la somme de 2.000 euros au titre du préjudice subi.

Le jugement sera donc infirmé sur le quantum de l’indemnité mise à la charge de la société.

Sur les dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat :

Mme [E] expose que suite à la rupture de son contrat de travail survenue le jour de sa prise d’acte le 4 janvier 2018, elle n’a reçu ses documents de fin de contrat ainsi que les sommes afférentes à son solde de tout compte que fin février 2018. Elle sollicite la somme de 9.720 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents.

La salariée ne justifie d’aucun préjudice résultant du retard apporté à la délivrance des documents de fin de contrat.

Par suite, elle sera déboutée de sa demande et le jugement sera infirmé en ce qu’il a alloué des dommages-intérêts à la salariée à ce titre.

Sur le remboursement des frais professionnels :

Mme [E] sollicite le remboursement de frais d’essence pour son véhicule de fonction pour un montant de 143,91 euros.

La société s’oppose à cette demande.

La salariée ne justifiant pas avoir acquis du carburant pour son véhicule de fonction pour le montant sollicité, sa demande sera rejetée et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat :

Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l’employeur qui empêchent la poursuite du contrat. Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Enfin, lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul selon les circonstances, si les faits invoqués le justifient, soit d’une démission dans le cas contraire.

Mme [E] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 4 janvier 2018 dans laquelle elle reprochait à son employeur les faits constitutifs du harcèlement moral reconnu par la cour dans les développements précédents.

La société conteste ces faits et considère que la prise d’acte de Mme [E] doit entraîner les effets d’une démission.

* Sur le bien fondé de la prise d’acte :

Ainsi qu’il a été vu ci-dessus, l’existence d’un harcèlement moral a été retenu, lequel a, à tout le moins, eu pour effet de porter atteinte aux droits de la salariée et d’altérer sa santé, ce qui caractérise un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat. La prise d’acte de la rupture est dès lors justifiée et doit produire les effets d’un licenciement nul.

* Sur les indemnités liées à la rupture du contrat

Le salarié dont la rupture du contrat produit les effets d’un licenciement nul a droit aux indemnités de rupture.

Au préalable, la salariée avait au moment de la prise d’acte une ancienneté de 7 ans, 1 mois et 3 jours. Sa rémunération mensuelle brute, déterminée à partir des bulletins de paye de l’année 2016 versés aux débats, correspondant à la période antérieure à la suspension du contrat de travail pour arrêt maladie et incluant les sommes allouées par la cour au titre des heures supplémentaires effectuées en 2016, est fixée à 11.758 euros bruts.

En application de l’article 21.2 de la convention collective applicable, le préavis applicable est d’une durée de trois mois. Statuant dans les limites de l’appel, il sera alloué à ce titre la somme de 29.158,65 euros bruts et la somme de 2.915,86 euros bruts de congés payés afférents dans les termes de la demande qui se fonde sur un salaire mensuel brut de 9.719,55 euros. Le jugement sera infirmé en conséquence.

L’indemnité conventionnelle de licenciement est d’un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté (préavis inclus), soit en l’espèce, une ancienneté du 1er décembre 2010 au 4 avril 2018. Statuant dans les limites de l’appel, il sera accordé une indemnité de 22.678,95 euros dans les termes de la demande sur la même base salariale. Le jugement sera infirmé en conséquence.

En outre, en application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, la rupture produisant les effets d’un licenciement nul, le salarié est bien fondé à obtenir le versement d’une indemnité au moins égale aux six derniers mois de salaire.

Compte tenu de l’ancienneté, de l’âge (48 ans) et du salaire de Mme [E] au moment de la rupture et en l’absence d’éléments sur sa situation personnelle postérieure à la rupture, il lui sera allouée la somme de 80.000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul. Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, il y a lieu d’office d’ordonner à l’employeur le remboursement aux organismes intéressés des indemnités de chômage versé à la salariée du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Sur les demandes accessoires :

Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne.

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de la salariée tendant à la remise d’une attestation Pôle emploi et de bulletins de paye conformes au présent arrêt est fondée et il y est fait droit sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte.

La société DB Cargo France qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens d’appel et être condamnée à payer à Mme [E] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.

La société sera en revanche déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a :

– condamné la société DB Cargo France aux dépens et à verser à Mme [G] [E] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [G] [E] de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de sa demande pour remboursement des frais professionnels,

– débouté la société DB Cargo France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est bien fondée et produit les effets d’un licenciement nul ;

CONDAMNE la société DB Cargo France à verser à Mme [G] [E] les sommes suivantes :

– 5.000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail, en lien avec les faits de harcèlement moral,

– 56.371,73 euros bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

– 5.637,17 euros bruts de congés payés afférents,

– 15.000 euros bruts au titre du dépassement du contingent annuel des heures supplémentaires,

– 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non versement des indemnités complémentaire et de prévoyance,

– 29.158,65 euros bruts d’indemnité compensatrice de préavis,

– 2.915,86 euros bruts de congés payés afférents,

– 22.678,95 euros nets d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 80.000 euros d’indemnité pour licenciement nul,

– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

DEBOUTE Mme [G] [E] de sa demande indemnitaire pour remise tardive des documents de fin de contrat ;

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE la remise par la société DB Cargo France d’une attestation Pôle emploi et de bulletins de paye conformes au présent arrêt ;

ORDONNE à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois d’indemnités ;

DIT n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

DEBOUTE la société DB Cargo France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société DB Cargo France aux dépens de d’appel.

LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE

 


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