Sécurité informatique : 19 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/03077

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Sécurité informatique : 19 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/03077

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°250

N° RG 20/03077 et 20/03147 joints –

N° Portalis DBVL-V-B7E-QXWG

M. [F] [E]

C/

S.A.S. TECHNOSTORE – LJM

Jonction et infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Marion LE LIJOUR

– Me Fabienne PALVADEAU-ARQUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 30 Mars 2023

En présence de Madame [D] [Z], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT et INTIMÉ :

Monsieur [F] [E]

né le 06 Avril 1984 à [Localité 2] (SÉNÉGAL)

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant à l’audience et représenté par Me Marion LE LIJOUR de la SARL MARION LE LIJOUR AVOCAT, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMÉE et APPELANTE :

La S.A.S. TECHNOSTORE – LJM prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Fabienne PALVADEAU-ARQUE de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, Avocat au Barreau de NANTES

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 1er décembre 2005 au 31 janvier 2006, la SAS AMT TECHNOSTOR devenue la SAS TECHNOSTOR-LJM a engagé M. [F] [E] en qualité de chargé de communication, en application de la convention collective nationale du textile.

Par la suite, plusieurs contrats à durée déterminée ont été conclus entre les parties dont le dernier le 22 mai 2006.

Par un avenant du 20 avril 2007, la relation contractuelle s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 1er mai 2007 avec les mêmes fonctions.

En février 2015, le groupe AMT TECHNOSTOR a été repris par le groupe CYBSTORES (YENA). À partir de cette reprise, la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment et ses annexes (ETAM) a été appliquée au salarié avec positionnement au niveau B ETAM.

Par courrier du 13 mars 2018, M. [E] a contesté son positionnement.

Par courrier du 20 septembre 2018, la SAS TECHNOSTOR-LJM a accepté un positionnement à l’échelon E à compter du 1er janvier 2019 avec une rémunération de 2.100 € brut.

Par courriel du 22 novembre 2018, M. [E] a refusé de signer cet avenant et a sollicité une classification supérieure à E avec rétroactivité.

Le 27 novembre 2018, M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins essentiellement de :

‘ Dire et juger que le positionnement conventionnel appliqué dans son contrat n’est pas conforme à la réalité des fonctions exercées,

‘ Condamner la SAS TECHNOSTOR-LJM à lui verser à M. [E] les sommes de :

– 5.000 € net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 27.344,94 € brut à titre de rappel de salaire fondé sur le mauvais positionnement conventionnel,

– 2.734,49 € brut au titre des congés payés afférents,

‘ Fixer le salaire de référence à la somme de 2.334,25 € brut,

‘ Enjoindre pour l’avenir de repositionner M. [E] au positionnement conventionnel conforme F, sous astreinte de 75 € par jour de retard à compter de la notification du jugement,

‘ Ordonner la remise des documents conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement.

La cour est saisie de deux appels formés respectivement le 8 juillet 2020 par M. [E] et le 10 juillet 2020 par la SAS TECHNOSTOR-LJM à l’encontre du jugement de départage prononcé le 5 juin 2020, par lequel le conseil de prud’hommes de Nantes a :

‘ Dit que M. [E] doit être positionné aux niveaux suivants de l’annexe V de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006 :

– D ETAM de novembre 2015 à août 2018,

– E ETAM à compter de septembre 2018,

‘ Condamné la SAS TECHNOSTOR-LJM à verser à M. [E] la somme de :

– 1.652,44 € brut à titre de rappel de salaire de septembre à décembre 2018,

– 8.383,11 € brut à titre de rappel de salaire de novembre 2015 à août 2018,

– 1.003,55 € brut à titre de rappel d’indemnité afférente de congés payés,

‘ Assorti lesdites sommes de l’intérêt au taux légal à compter du 27 novembre 2018,

‘ Condamné la SAS TECHNOSTOR-LJM à verser à M. [E] la somme de :

– 3.000 € net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail,

– 2.000 € net au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Assortir lesdites sommes de l’intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement,

‘ Dit que les intérêts dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,

‘ Ordonné la remise de documents sociaux rectifiés conformément au présent jugement ainsi que la régularisation afférente vis-à-vis des organismes sociaux,

‘ Ordonné l’exécution provisoire,

‘ Fixé à 2.073,11 € brut le salaire mensuel de référence,

‘ Condamné la SAS TECHNOSTOR-LJM aux entiers dépens,

‘ Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 5 septembre 2022, suivant lesquelles M. [E] demande à la cour de :

‘ Infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Dit qu’il occupait un poste de niveau D de novembre 2015 à août 2018 puis de niveau E à compter de septembre 2018,

– Limité les rappels de salaires à 1.652,44 € brut de septembre à décembre 2018 et à 8.383,11 € brut de novembre 2015 à août 2018, soit une somme totale de 10.035,55 € brut avec intérêt au taux légal depuis le 27 novembre 2018,

– Limité la condamnation de la SAS TECHNOSTOR-LJM à la somme de 3.000 € net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail et débouté M. [E] du surplus de ses demandes,

– Fixé le salaire de référence de M. [E] à la somme de 2.073,11 € brut,

Statuant à nouveau,

‘ Condamner la SAS TECHNOSTOR-LJM au paiement des sommes suivantes :

– 5.000 € net à titre de dommages et intérêts à titre d’exécution déloyale du contrat de travail,

– 35.518,70 € brut au titre du rappel de salaire fondé, dès lors que M. [E] doit être repositionné au coefficient ETAM F de la convention collective applicable depuis novembre 2015,

– 3.551,87 € brut au titre des congés payés afférents,

‘ Fixer le salaire de référence de M. [E] à hauteur du minimum conventionnel applicable au coefficient F au jour de la décision,

‘ Enjoindre pour l’avenir de repositionner M. [E] au positionnement conventionnel conforme F, sous astreinte de 75 € par jour de retard à compter de la notification du jugement,

‘ Ordonner la remise des documents conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement de première instance,

‘ Ordonner la régularisation vis-à-vis des organismes sociaux,

‘ Condamner la SAS TECHNOSTOR-LJM à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre ceux déjà alloués au titre de la première instance,

‘ Assortir l’ensemble des condamnations de l’intérêt légal et prononcer l’anatocisme depuis la saisine du Conseil de prud’hommes de Nantes,

‘ Condamner aux dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 15 mars 2023, suivant lesquelles la SAS TECHNOSTOR-LJM demande à la cour de :

‘ Recevoir M. [E] en son appel,

‘ Le déclarer mal fondé,

‘ Débouter M. [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

‘ La recevoir en son appel incident,

‘ La déclarer bien fondée,

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a considéré que M. [E] n’était pas ETAM F,

‘ Infirmer le jugement en ce qu’il a :

– Dit que M. [E] doit être positionné au niveau D de novembre 2015 à août 2018,

– Dit que M. [E] doit être positionné au niveau E à compter de septembre 2018,

– Condamné la SAS TECHNOSTOR-LJM à verser à M. [E] la somme de 1.652,44 € brut à titre de rappel de salaire de septembre à décembre 2018, à 8.383,11 € brut à titre de rappel de salaire de novembre 2015 à août 2018 et à 1.003,55 € brut à titre d’indemnité afférente de congés payés avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2018,

– Condamné la SAS TECHNOSTOR-LJM à verser à M. [E] la somme de 3.000 € net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail,

– Condamné la SAS TECHNOSTOR-LJM à verser à M. [E] la somme de 2.000 € net au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Fixé le salaire mensuel de référence à la somme de 2.073,11 €,

Statuant à nouveau,

‘ Débouter M. [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

‘ Condamner M. [E] aux entiers dépens,

‘ Condamner M. [E] à verser à la SAS TECHNOSTOR-LJM une somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mars 2023.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de jonction

En application de l’article 367 du Code de procédure civile, le juge peut à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

Tel est le cas en l’espèce, de sorte qu’il y a lieu de prononcer la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG n°22/03077 et RG n°22/03147 sous le numéro RG n°22/03077.

Sur la demande de repositionnement conventionnel

Pour infirmation à ce titre, M. [E] précise que son positionnement conventionnel doit s’apprécier au regard de la réalité des fonctions ; qu’il exerce un poste à compétences techniques confirmées en ce qu’il intervient, compte tenu de la taille de l’entreprise, en tant que chargé de communication depuis 2005, de responsable informatique depuis 2007 et de responsable de flotte depuis 2009.

Il ajoute que la diversification de ses missions démontre son niveau de responsabilité et de délégation en termes de représentation de l’entreprise à l’égard des tiers. Il indique que ses missions impliquent une autonomie et un savoir faire dans la transmission des savoirs. Par ailleurs, il précise que par aveu judiciaire, l’employeur a reconnu dans un courrier du 20 septembre 2018, un positionnement au niveau E.

Enfin, il mentionne avoir ‘toujours fait ‘uvre d’un investissement professionnel sans faille apprécié par l’entreprise qui lui a confié de plus en plus de tâches mais sans jamais reconnaître le coefficient correspondant aux fonctions réelles de son salarié’.

Pour infirmation partielle, la SAS TECHNOSTOR-LJM objecte que les missions réalisées par M. [E] relèvent d’un niveau B. L’employeur indique que l’intitulé figurant sur le bulletin de salaire du salarié ne correspond pas à la réalité du poste occupé. Elle indique que les attestations des différentes personnes qui vantent les qualités et les fonctions de M. [E] font état de faits antérieurs à 2015, soit avant le rachat de l’entreprise. Elle ajoute que par son courrier du 20 septembre 2018, elle a proposé à M. [E] d’évoluer vers un poste ETAM E sans pour autant reconnaître que les fonctions qu’il exerçait déjà relevaient d’un ETAM E. Elle soutient que par mail du 22 novembre 2018, M. [E] a refusé son évolution au niveau E considérant que le coefficient reconnu était insuffisant au vu des tâches et responsabilités assumées.

En droit, il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure effectivement de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique

Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d’un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.

Le salarié ne peut prétendre à obtenir la classification qu’il revendique que s’il remplit les conditions prévues par la convention collective

En l’espèce, M. [E] estime que depuis le mois de novembre 2015, compte tenu de la limite prescriptive, il aurait dû être placé au niveau F des emplois ETAM tel que défini par l’avenant n°1 du 26 septembre 2007 relatif à la classification des emplois de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006, au lieu du niveau B qui lui a été appliqué en vertu de son contrat de travail indéterminée.

La grille de classification des emplois des ETAM du bâtiment précitée comporte huit niveaux de classement. Ces niveaux sont définis par quatre critères d’égale importance qui s’ajoutent les uns aux autres et qui sont :

– le contenu de l’activité, la responsabilité dans l’organisation du travail ;

– l’autonomie, l’initiative, l’adaptation, la capacité à recevoir délégation ;

– la technicité, l’expertise ;

– l’expérience, la formation.

Les employés de niveau B effectuent des travaux d’exécution sans difficulté particulière ou des travaux d’assistance à un Etam d’une position supérieure et sont responsables de la qualité du travail fourni ainsi que des échéances qui lui sont indiquées, sous l’autorité de sa hiérarchie.

Ils reçoivent des instructions précises, peuvent être amenés à prendre une part d’initiatives dans le choix des modes d’exécution, peuvent peut être appelés à effectuer des démarches courantes et respectent les règles de sécurité.

Au titre de la technicité, ils doivent justifier d’une première qualification.

En ce qui concerne le critère des compétences acquises par expérience ou formation, les employés de niveau B (première qualification) doivent justifier d’une expérience acquise au niveau A ou d’une formation générale, technologique ou professionnelle ou d’un diplôme de l’enseignement technique ou professionnel de niveau CAP, BEP.

Les employés de niveau F effectuent des travaux d’exécution, de contrôle, d’organisation, d’études, de gestion, d’action commerciale portant sur des projets plus techniques, exercent un commandement sur un ensemble de salariés affectés à un projet, résolvent des problèmes avec choix de la solution la plus adaptée par référence à des méthodes, procédés ou moyens habituellement mis en oeuvre dans l’entreprise et transmettent leurs connaissances.

Ils agissent dans le cadre d’instructions permanentes et/ou de délégations, sont amenés à prendre des initiatives, des responsabilités, ont un rôle d’animation, savent faire passer l’information et conduisent des relations ponctuelles avec des interlocuteurs externes, peuvent représenter l’entreprise dans le cadre de ces instructions et délégations et veillent à faire respecter l’application des règles de sécurité et participe à leur adaptation.

Ils justifient, au titre de la technicité, de connaissances structurées des diverses techniques et savoir-faire de sa spécialité professionnelle et de leurs applications, disposent de haute technicité dans sa spécialité et se tiennent à jour dans leur spécialité.

En ce qui concerne le critère des compétences acquises par expérience ou formation, les employés de niveau F doivent justifier d’une expérience acquise au niveau E ou d’une formation générale, technologique ou professionnelle.

Aux termes de son contrat de travail à durée indéterminée du 20 avril 2017, qui par avenant reprend les termes de son contrat à durée déterminée du 22 mai 2006, M. [E] avait pour mission d’être chargé de communication et que ces fonctions étaient ‘par nature évolutives et pourront être modifiées en fonction des nécessités de fonctionnement de l’employeur’.

Par ailleurs, la Cour observe que la fiche de fonctions actuelles produites par l’employeur (pièce n°6) et le document intitulé ‘Missions et Activités’ (pièce n°7) communiqué par M. [E] sont inopérants pour déterminer les missions du salarié dès lors qu’ils ne sont ni datés et ni signés.

M. [E] ne peut revendiquer la classification F qu’à condition de démontrer qu’il réunit les cinq critères de classification et donc, outre le contenu de l’activité et les responsabilités exercées, qu’il a acquis une expérience suffisante en niveau A, niveau B, niveau C, niveau D et niveau E depuis son entrée dans l’entreprise en qualité de chargé de communication.

M. [E] propose d’établir qu’il exerçait des missions de gestion de projet comme chargé de communication notamment la gestion, le contrôle et le suivi des projets de supports communication/vente dans le cadre d’une mise en production externalisée, avec vérification des BAT, des devis et des délais. Toutefois, M. [E] ne justifie pas de cette tâche. S’agissant de la gestion de la téléphonie, il convient d’observer que cette fonction du suivi téléphonique, il ne l’exerce que sous les directives et le contrôle d’un responsable M. [S] et l’échange de mails produit par M. [E] (pièce n°7-3) ne fait état d’aucun pouvoir de représentation, ni même de décision mais est d’une simple demande d’offre commerciale.

Les autres pièces produites par M. [E] à savoir les attestations de M. [P] (pièce n°14), de M. [W] (pièce n°17) et les échanges de mails (pièce n°41) ne permettent pas de s’assurer que le salarié exécutait des missions de gestion de projet.

De plus, M. [E] soutient intervenir dans l’organisation, la mise en place et la supervision des foires et salon, toutefois les éléments produits (pièces n° 7-1, 14, 15, 16, 19, 22 et 41) permettent seulement d’établir qu’il avait une mission de suivi logistique des foires et salons et non pas une mission d’organisation régulière en autonomie de ces événements sur la période revendiquée. Ces pièces ne démontrent pas davantage que M. [E] exerçait un commandement sur un ensemble de salariés ou qu’il veillait à faire respecter des règles de sécurité.

M. [E] affirme également s’occuper de la création de nouveaux dépliants, catalogues et contenus multimédias. Or, il ressort des pièces produites par M. [E] (pièces n°7-2, 24 et 25) qu’il intervient comme intermédiaire notamment sur le dossier des signatures électroniques et que la capture d’écran de la ‘bibliothèque Documents’ de son poste informatique faisant apparaître un modèle de catalogue, de surcroît intitulé ‘Test’, est insuffisante pour apprécier son rôle dans l’organisation et la réalisation des supports. Au contraire, M. [E] fournit des éléments (pièces n°26 et 27) établissant un rôle d’intermédiaire.

M. [E] prétend exercer des fonctions de responsable informatique depuis 2007. Outre l’absence de qualification revendiquée dans ce domaine, parmi les pièces produites par le salarié à l’appui de ces allégations, figurent l’attestation de Mme [A] dans laquelle est mentionnée la qualité de responsable informatique mais pour une période antérieure au repositionnement revendiquée puisque Mme [A] a quitté les effectifs de l’entreprise le 16 mars 2015. De même, contrairement à l’affirmation du salarié dans ses écritures, M. [M], responsable administratif et financier de l’employeur, ne présente pas M. [E] comme un responsable mais comme un intermédiaire qui ‘gère l’informatique de la maison avec l’Aide d’Axygest’. Aucune de ces pièces ainsi que les autres attestations n’apparaissent probantes.

En outre, le salarié n’établit pas suffisamment avoir transmis ses connaissances de manière régulière en matière de sensibilisation à la sécurité informatique et de respect des règles de bonnes pratiques tout comme en matière de veille technologique.

M. [E] affirme être responsable de la flotte de son employeur. Il produit un tableau récapitulant les cartes grises et les cartes vertes ; des attestations ; un mail avec son supérieur hiérarchique qui lui indique qu’ils regarderont ensemble une proposition d’assurance et des mails démontrant qu’il se charge de service d’intermédiaire pour collecter des informations avec le prestataire CITROEN pour que ce dernier réalise une offre commerciale. Aucune de ces pièces ainsi que les autres documents versés n’apparaissent probants.

Il ressort de l’analyse des éléments produits que M. [E] ne justifie pas de l’exercice effectif des fonctions correspondant à la classification revendiquée, de sorte que sa demande de reclassification au niveau F est mal fondée. Le jugement sera donc confirmé à ce titre.

Par ailleurs, selon l’article 1383-2 du code civil, l’aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté, il fait foi contre celui qui l’a fait et est irrévocable, sauf en cas d’erreur de fait.

Au cas d’espèce, suite au courrier du 13 mars 2018, par lequel M. [E] a sollicité de son employeur des précisions sur son positionnement conventionnel, ce dernier a accepté le 20 septembre 2018, de repositionner M. [E] à l’échelon ETAM E à compter du 1er janvier 2019 et de porter sa rémunération à 2.100 € brut (pièce n°4 de l’employeur).

Si la SAS TECHNOSTOR-LJM explique que cette évolution a été rendue possible en raison du départ de Mme [U], à compter du 1er janvier 2019 et qui a nécessité une réorganisation et un transfert de certaines de ses fonctions sur le poste de M. [E], il n’en demeure pas moins que l’employeur ne justifie pas en quoi les nouvelles missions confiées à M. [E], suite au départ de Mme [U], le feraient évoluer du niveau B vers le niveau E.

La cour observe que la SAS TECHNOSTOR-LJM a reconnu sans ambiguïté, par ce mail du 20 septembre 2018 produit en justice de repositionner M. [E] à l’échelon ETAM E ce qui constitue un aveu judiciaire.

Ainsi compte tenu des éléments soumis et sans qu’il y ait besoin de mesure d’instruction il y a lieu d’enjoindre l’employeur à reclasser M. [E] au positionnement E de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment à compter du 1er septembre 2018, malgré le refus du salarié de signer son avenant, sans qu’il y ait lieu à astreinte.

Compte tenu des bulletins de salaires versées à la procédure, il convient d’allouer à M. [E], depuis le 1er septembre 2018, le rappel de salaire correspondant au différentiel de classification soit la somme de 26.273,20 € outre 2.627,32 € au titre des congés payés afférents, non autrement discuté à titre subsidiaire par l’employeur. Le jugement sera réformé à ce titre.

Enfin, à défaut de demande subsidiaire de la part de M. [E] pour la période antérieure au 1er septembre 2018 dans ses écritures, il convient de le débouter de sa demande de repositionnement pour cette période antérieure. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Pour infirmation partielle à ce titre, M. [E] soutient que la SAS TECHNOSTOR-LJM :

– a méconnu ses propres engagements visant à repositionner le salarié au coefficient E,

– ne s’est jamais acquittée de la clause de formation inscrite dans le contrat de travail,

– l’a sciemment maintenu au coefficient B malgré ses demandes réitérées de se voir attribuer un coefficient conforme à la réalité de ses fonctions,

– n’a pas opéré de régularisation de rappels de salaire malgré la décision du Conseil de prud’hommes,

– a supprimé l’ensemble des données de travail contenues dans son ordinateur professionnel en son absence,

– a commis des agissements déloyaux et humiliants à son encontre notamment en le mettant au placard avec des fiches de poste amputées et en lui refusant l’accès à son poste.

Pour infirmation à ce titre, la SAS TECHNOSTOR-LJM fait valoir que M. [E] n’a jamais exercé un poste ETAM F, qu’il n’a jamais fait de demande de repositionnement avant 2018 et qu’il a refusé de signer le contrat suite à la proposition de l’employeur d’une évolution vers un poste ETAM E.

En application de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Il en résulte que tout salarié a droit à l’indemnisation du préjudice lié à la faute de l’employeur dans l’exécution de ses obligations.

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir, d’une part, la réalité du manquement, d’autre part, l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

En outre, l’article L. 6321-1 du code du travail dispose que l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et qu’il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

En l’espèce, sur les griefs relatifs au positionnement M. [E] n’établi pas avoir subi un préjudice distinct de celui réparé par l’allocation du rappel de salaire consécutif à son repositionnement.

Sur les autres griefs invoqués, force est de constater que M. [E] ne justifie pas du préjudice qu’il invoque à ce titre.

Il y a lieu de le débouter de sa demande de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Le jugement du conseil de prud’hommes est infirmé de ce chef.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe, les circonstances de l’espèce ne rendant cependant pas nécessaire d’assortir cette décision d’une mesure d’astreinte.

Sur l’anatocisme

En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; il sera donc fait droit à cette demande du salarié.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la SAS TECHNOSTOR-LJM qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser M. [E] des frais irrépétibles qu’il a pu exposer en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

ORDONNE la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG n°22/03077 et RG n°22/03147 sous le numéro RG n°22/03077,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

ENJOINT à la SAS TECHNOSTOR-LJM de reclasser M. [F] [E] au positionnement E de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment à compter du 1er septembre 2018 sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte,

CONDAMNE la SAS TECHNOSTOR-LJM à payer à M. [F] [E] la somme de 26.273,20 € au titre du rappel de salaire outre 2.627,32 € au titre des congés payés afférents,

DEBOUTE M. [F] [E] de sa demande de repositionnement pour la période antérieure au 1er septembre 2018,

DEBOUTE M. [F] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue,

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS TECHNOSTOR-LJM à remettre à M. [F] [E] les documents sociaux conformes à la présente décision sans astreinte,

CONDAMNE la SAS TECHNOSTOR-LJM à payer à M. [F] [E] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS TECHNOSTOR-LJM de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS TECHNOSTOR-LJM aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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