Sécurité informatique : 13 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03098

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Sécurité informatique : 13 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03098

13/01/2023

ARRÊT N°2023/9

N° RG 21/03098 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OIYI

CB/AR

Décision déférée du 21 Juin 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 20/01166)

MONTAUT

[C] [X] ÉPOUSE [F]

C/

Organisme FONDATION RAMBAM

INFIRMATION

Grosse délivrée

le 13/01/23

à

Me Gregory VEIGA

Me B. LAYANI-AMAR

CCC à POLE EMPLOI

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TREIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [C] [X] épouse [F]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Gregory VEIGA de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

FONDATION RAMBAM

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me B. LAYANI-AMAR de la SCP D’AVOCATS F. DOUCHEZ – B. LAYANI-AMAR, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. Brisset, présidente et F. Croisille-Cabrol, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. Brisset, présidente

A. Pierre-Blanchard, conseillère

F. Croisille-Cabrol, conseillère

Greffier, lors des débats : A. Ravéane

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. Brisset, présidente, et par A. Ravéane, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [C] [X] épouse [F] a été embauchée suivant contrat à durée indéterminée à compter du 15 juin 2015 par l’association fondation Rambam en qualité de cadre infirmier.

La convention collective nationale de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002 et son annexe spécifique aux EHPAD sont applicables. La fondation Rambam emploie plus de 11 salariés.

Le 7 août 2018, Mme [F] a alerté le président de la fondation Rambam d’une dégradation de ses conditions de travail altérant son état de santé, du fait des agissements de plusieurs collègues dont sa supérieure hiérarchique.

La fondation Rambam, quant à elle, reprochait à Mme [F] d’exercer un management autoritaire entraînant de multiples conflits avec ses collègues ou subordonnés. Par courrier en date du 12 octobre 2018, le président de la Fondation Rambam lui reprochait d’ailleurs un comportement inadapté.

Mme [F] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 30 août 2018.

Par requête en date du 25 octobre 2018, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur, de réparation du préjudice subi pour harcèlement moral et/ou exécution déloyale du contrat, de paiement de rappels de salaire pour heures supplémentaires, contrepartie obligatoire en repos et périodes d’astreintes et dommages-intérêts pour travail dissimulé.

Par jugement du 21 juin 2021, le conseil a :

– jugé que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [F] n’est pas justifiée et qu’elle était remplie de ses droits en la matière,

– jugé que la Fondation Rambam n’a pas eu un comportement déloyal de l’exécution du contrat de travail,

– jugé qu’elle n’a pas fait preuve de harcèlement moral à l’égard de Mme [F],

– débouté Mme [F] de ses demandes au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– débouté Mme [F] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– débouté Mme [F] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

– débouté Mme [F] de sa demande au titre de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents,

– débouté Mme [F] de sa demande au titre de l’indemnité de licenciement,

– jugé que la convention de forfait n’est pas opposable à Mme [F],

– condamné la Fondation Rambam, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à verser à Mme [C] [X] épouse [F] la somme de 32 051,25 euros au titre des heures supplémentaires et 3 205,12 euros au titre des congés payés afférents,

– condamné la Fondation Rambam, prise en la personne de son représentant légal es-qualités, à verser à Mme [F] la somme de 15 366,00 euros au titre du rappel de salaire pour la contrepartie obligatoire en repos et 1 536,60 euros au titre des congés payés afférents,

– jugé que la Fondation Rambam n’a pas commis le délit de travail dissimulé,

– débouté Mme [F] de sa demande à ce titre,

– pris acte que la Fondation Rambam, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, a réalisé une erreur de 2 113,55 euros dans le paiement des astreintes qu’elle s’engage à verser à Mme [F] ainsi que la somme de 211,35 euros au titre des congés payés afférents,

– jugé que, hors cette régularisation, les astreintes ont été réglementairement rémunérées,

– débouté Mme [F] de sa demande à ce titre,

– jugé que les cotisations et les retenues fiscales ont été réglementairement réalisées sur les indemnités complémentaires aux indemnités journalières en maladie,

– pris acte que la Fondation Rambam, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, reconnaît une erreur de 516,00 euros sur le bulletin de septembre 2018 qu’elle s’engage à régulariser, sans astreinte,

– débouté Mme [F] de sa demande au titre de la régularisation des indemnités journalières par rapport aux bases de cotisation et de sa demande d’astreintes à ce titre,

– jugé que Mme [F] n’a pas eu un comportement loyal dans l’utilisation d’un système de saisie informatique extérieur et non conforme aux exigences de la Fondation Rambam pour sa sécurité informatique,

– condamné Mme [F] à verser à titre reconventionnel, à verser à la Fondation Rambam, prise en la personne de son représentant légal es-qualités, une somme de 1 500,00 euros,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit,

– condamné la Fondation Rambam, prise en la personne de son représentant légal es-qualités, à verser à Mme [F] la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la Fondation Rambam, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, aux entiers dépens.

Le 9 juillet 2021, Mme [F] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement.

Dans ses dernières écritures en date du 17 novembre 2021, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [F] demande à la cour de :

– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné l’association la Fondation Rambam à verser à Mme [C] [F] la somme de 32 051,25 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 3 205,12 euros bruts de congés payés afférents,

– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné l’association la Fondation Rambam à verser à Mme [F] que la somme de 15 366 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre de contrepartie obligatoire en repos, outre 1 536,60 euros bruts de congés payés afférents,

Réformant le jugement attaqué pour le surplus :

– juger que Mme [F] n’a commis aucune faute avec intention de nuire susceptible d’engager sa responsabilité,

– juger que Mme [F] ne produit que des éléments dont elle a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et strictement nécessaires à l’exercice des droits de la défense,

– juger que Mme [F] ne peut donc en aucun être condamnée à dommages-intérêts au profit de l’association la Fondation Rambam,

– juger que Mme [F] a subi un processus de harcèlement moral et une exécution déloyale de son contrat de travail et que l’association la Fondation Rambam a refusé d’intervenir malgré des demandes répétées et en pleine connaissance de la dégradation de l’état de santé de la salariée,

– juger que la convention de forfait contenue dans le contrat de travail de Mme [F] est nulle ou à tout le moins inopposable à la concluante,

– juger que Mme [F] justifie de son temps de travail effectif dont l’association la Fondation Rambam avait parfaitement connaissance et de l’absence de toute mesure de contrôle par cette dernière,

– juger que Mme [F] justifie du non-respect par l’employeur de ses obligations légales et contractuelles en matière de complément de salaire.

En conséquence :

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’association la Fondation Rambam,

– subsidiairement, juger que l’inaptitude de Mme [F] résulte de manquements préalables de l’employeur,

– juger que la rupture produira les effets d’un licenciement nul ou, à tout le moins, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l’exécution du contrat de travail :

– condamner l’association la Fondation Rambam à verser à Mme [F] la somme de 12 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour harcèlement et/ou exécution déloyale du contrat de travail,

– condamner l’association la Fondation Rambam à verser à Mme [F] la somme de 26 412,62 euros brut à titre de rappel de rémunération des temps d’astreinte, outre 2 641,26 euros brut de congés payés afférents,

– condamner l’association la Fondation Rambam à verser à Mme [F] la somme de 23 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

– condamner l’association la Fondation Rambam à réintégrer les indemnités journalières complémentaires dans les bases de cotisations sur la période du 1er décembre 2018 au 31 décembre 2019 pour un montant de 15 571,65 euros brut,

– condamner l’association la Fondation Rambam à déduire du net imposable le surplus des indemnités journalières complémentaires sur la période du 1er décembre 2018 au 31 décembre 2019 pour un montant de 3 260,33 euros net,

– condamner l’association la Fondation Rambam à réintégrer 630 euros dans le compte personnel de formation de Mme [F],

– condamner l’association la Fondation Rambam à verser à Mme [F], au titre du Ségur de la santé, un rappel de salaire de 468 euros brut pour 2020 et de 1 428 euros brut pour la période de janvier à juin 2021 (à parfaire),

– condamner l’association la Fondation Rambam à transmettre l’ensemble des bulletins de salaire régularisés sous astreinte de 100 euros par jour passé un délai de 15 jours suivant notification de la décision à venir.

Sur la rupture du contrat de travail :

– condamner l’association la Fondation Rambam à verser à Mme [F] la somme de 8 675,08 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, dont sera déduite la somme déjà versée,

– condamner l’association la Fondation Rambam à verser à Mme [F] la somme de 11 542,74 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 1 154,27 euros bruts de congés payés afférents,

– condamner l’association la Fondation Rambam à verser à Mme [F] la somme de 4 557,25 euros nets à titre d’indemnité de licenciement, dont sera déduite la somme déjà versée,

– condamner l’association la Fondation Rambam à verser à Mme [F] la somme de 40 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

En toute hypothèse :

– condamner l’association la Fondation Rambam à verser à Mme [F] la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui viendra s’ajouter à la somme de 1 500 euros prononcée en première instance,

– condamner l’association la Fondation Rambam aux entiers dépens.

Par une ordonnance en date du 22 février 2022, le conseiller chargé de la mise en état a déclaré irrecevables comme tardives les conclusions de l’intimé du 19 janvier 2022.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 8 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour n’est saisie que de l’appel principal de sorte que les dispositions du jugement ayant condamné l’intimée au paiement de sommes au titre de rappels d’heures supplémentaires, de contrepartie obligatoire en repos et congés payés afférents sont désormais irrévocables.

Sur les dommages et intérêts mis à la charge de Mme [F],

Le conseil a condamné Mme [F] à payer à la fondation Ramdam la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en retenant une utilisation déloyale du système informatique.

Concrètement la salariée a produit en justice une copie de sauvegarde informatique pour apporter des éléments de preuve sur des heures supplémentaires. Celles-ci sont acquises de manière définitive ainsi que rappelé ci-dessus. Le fait d’avoir produit ces éléments, alors que le conseil n’a caractérisé aucune déloyauté dans l’obtention des pièces et les a d’ailleurs reçues comme instrument de preuve, ne saurait constituer une faute. Il n’est pas davantage établi de préjudice en découlant dans un lien de causalité. Le jugement ne peut qu’être réformé de ce chef et l’employeur débouté de sa demande.

Sur l’exécution du contrat de travail,

Mme [F] invoque un harcèlement moral et une exécution déloyale du contrat de travail.

Il résulte des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par application des dispositions de l’article L 1154-1 du même code lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, Mme [F] se prévaut d’une agression verbale de la part d’une aide-soignante déléguée du personnel sans réaction de la directrice, de propos dénigrants de cette dernière, d’un empiétement sur ses fonctions et d’un questionnaire à charge réalisé à son insu.

Elle produit notamment :

– une attestation de M. [B] (pièce 25) faisant état d’une altercation au cours de laquelle une aide-soignante s’en est prise violemment à Mme [F] et du fait que la direction informée de la situation n’a pas manifesté de réaction apparente,

– une attestation de Mme [D] (pièce 26) selon laquelle Mme [F] était victime d’une cabale montée de toute pièce par certains membres du personnel,

– la copie du rapport de stage d’une étudiante d’où il résulte qu’il existait une crise qualifiée d’institutionnelle entre le personnel soignant et la cadre de santé et l’existence d’un questionnaire remis aux salariés et portant notamment sur sa capacité d’écoute,

– de nombreuses attestations de parents de résidents faisant état de l’amélioration de leur prise en charge à compter de l’embauche de la salariée,

– le rapport faisant suite à l’inspection des autorités de tutelle du 12 mai 2015 ayant immédiatement précédé l’embauche de Mme [F] comme cadre de santé,

– les courriers qu’elle a adressés au président de l’association pour l’interpeller sur sa situation ainsi que la réponse du président (pièce 17) relevant d’un ton particulièrement directif et lui imputant la responsabilité du conflit sans toutefois la recevoir ou mettre en place une quelconque mesure concrète,

– la copie d’un message adressé par le président de l’association pendant son arrêt de travail et s’inquiétant surtout de la façon dont la salariée avait obtenu le rapport de stage évoqué ci-dessus,

– la justification de la dégradation de son état de santé.

Ces éléments pris dans leur ensemble et confrontés à la charge de travail qui était celle de Mme [F] et qui résulte des rappels ordonnés par les premiers juges au titre des heures supplémentaires et repos compensateurs, charge de travail sur laquelle elle alertait son employeur dans son dernier courrier, sont bien de nature à laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Alors que l’employeur, au regard de l’irrecevabilité de ses écritures ne peut développer de moyens tendant à justifier que ses décisions ne procédaient pas d’un harcèlement et que les premiers juges n’ont pas respecté le mécanisme probatoire en faisant en réalité reposer la charge de la preuve sur la seule salariée, la cour ne peut que retenir l’existence d’un harcèlement moral.

Celui-ci a causé un préjudice à la salariée qui sera réparé, au regard du temps cependant limité pendant lequel les faits se sont déroulés, par une somme de 5 000 euros. Le jugement sera infirmé en ce sens et l’employeur condamné au paiement de cette somme.

Sur le temps d’astreinte,

Mme [F] soutient qu’elle a été rémunérée de ses temps d’astreinte uniquement sur la base d’un forfait non permis par la convention collective qu’elle considère en outre comme incompréhensible. Le conseil a retenu uniquement l’erreur admise par l’employeur pour la somme de 2 113,55 euros outre les congés payés afférents.

L’indemnisation des astreintes est prévue par l’article 82.3.1 de la convention collective dans les conditions suivantes : les salariés amenés à effectuer des astreintes dans les conditions des dispositions de l’accord de branche du 27 janvier 2000 portant sur la réduction et l’aménagement du temps de travail percevront une indemnité d’astreinte égale, pour chaque heure d’astreinte, au tiers du salaire horaire (se référer si nécessaire à l’annexe I). La programmation individuelle des astreintes devra être portée à la connaissance des salariés dans le respect de la législation. Le salaire servant de base au calcul de cette indemnité est le salaire mensuel conventionnel correspondant au coefficient d’emploi tel que défini à l’article 73.

Or, le contrat de travail stipulait une rémunération forfaitaire et les bulletins de paie produits permettent de constater que la rémunération des astreintes a été faite sur la base d’un montant mensuel forfaitaire ne dépendant pas des heures d’astreintes réellement effectuées.

Il y a donc bien lieu à rappel à ce titre et ce pour une somme excédant la simple erreur retenue par les premiers juges suite à la reconnaissance de l’employeur. Toutefois, la cour ne peut retenir l’ensemble du décompte tel que présenté. En effet, le calcul des heures d’astreinte tel que réalisé par la salariée est fait à partir des astreintes réalisées dont elle déduit, pour les jours de travail, son horaire théorique de travail. Mais il a été par ailleurs retenu des heures supplémentaires qui en réalité sont venues s’imputer sur le temps d’astreinte. Or, Mme [F] ne peut à la fois être rémunérée sur le même créneau en temps de travail effectif et en temps d’astreinte. Il convient donc de déduire du volume des astreintes qu’elle revendique, pour chaque période, le volume de ses heures supplémentaires.

Il s’en déduit les temps d’astreintes suivants :

– 2015 (après le 25 octobre) : 114h15mn (114,25)

– 2016 : 1670h30mn (1670,5)

– 2017 : 1954 h,

– 2018 : 1294h15mn (1294,25)

Compte tenu des taux horaires invoqués par Mme [F], sur la base de 30% ainsi que prévu par la convention collective, soit 5,69 euros pour 2015 et 6,61 euros pour la période postérieure, taux qui n’appelle pas d’observations particulières, elle devait se voir indemnisée de ses astreintes à hauteur de 33 163,01 euros. Or, elle n’a été réglée que de la somme de 16 138,84 euros, la cour réintégrant dans cette somme l’indemnité d’astreinte perçue en octobre 2015.

Il lui reste donc dû la somme de 17 024,17 euros outre celle de 1 702,41 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera réformé en ce sens et l’employeur condamné au paiement de cette somme.

Sur le travail dissimulé,

S’il est retenu des rappels de salaires pour un montant important et s’il apparaît que l’employeur a effectivement erré dans le paiement des salaires à raison d’une convention de forfait privée d’effet et d’un calcul des temps d’astreinte erroné, le caractère intentionnel de ces erreurs n’est pas démontré. Il n’y a pas lieu à indemnité pour travail dissimulé. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le complément de salaire,

Mme [F] soutient avoir découvert en cours de procédure des irrégularités quant au complément de salaire pendant la période de suspension du contrat de travail. Elle ne formule pas une demande en paiement mais soutient qu’il doit être ordonné à l’employeur de réintégrer les indemnités journalières complémentaires pour la somme de 15 571,65 euros brut et que le surplus des indemnités journalières complémentaires soit déduit du net imposable pour la somme de 3 260,33 euros net.

Elle estime que l’employeur aurait minoré le complément d’indemnités à soumettre à charges sociales en 2021 et majoré son net imposable certaines sommes se trouvant soumises à une double imposition. Elle en déduit un préjudice sur ses droits à retraite, mais ne demande pas de dommages et intérêts.

Si Mme [F] présente en pièce 45 une note sociale en ce sens, il n’en demeure pas moins qu’il ne peut être fait droit à la demande. En effet, à supposer son argumentation exacte, la question des cotisations effectivement payées par l’employeur et de leur assiette n’entre pas dans le débat soumis à la cour puisqu’il s’agit des rapports entre l’employeur et les organismes. Quant à l’imposition, on ne saurait davantage, a posteriori, déduire une somme du net imposable alors que l’imposition a déjà été établie.

Seule une créance indemnitaire, en fonction d’un préjudice établi aurait pu être envisagée. Outre que la cour n’est pas saisie d’une telle demande indemnitaire, le préjudice exact n’est pas davantage démontré par la salariée. Cette demande, au-delà de l’erreur telle que reconnue par l’employeur, ne pouvait pour le surplus qu’être rejetée et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le compte personnel de formation,

Là encore, il existe une difficulté dans l’articulation de la demande de la salariée. Elle soutient que son compte présente un déficit correspondant à l’imputation par l’employeur de formations relevant d’une obligation légale et non du compte personnel. Elle invoque un préjudice mais demande non pas des dommages et intérêts mais la réintégration d’une somme de 630 euros dans son compte formation, alors que la cour ne pourrait envisager qu’une créance indemnitaire. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur les irrégularités au titre du Ségur de la santé,

Mme [F] soutient ne pas avoir été remplie de ses droits au titre des dispositions du Ségur de la santé. Toutefois, dans ses écritures elle ne vise aucune pièce permettant de rétablir un rappel de salaire dans les conditions invoquées. Elle sera déboutée de cette demande.

Sur la rupture,

Depuis le prononcé du jugement, la salariée a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude médicalement constatée et impossibilité de reclassement. La date de rupture du contrat de travail est donc acquise au 12 octobre 2021. La cour demeure saisie de la demande de résiliation judiciaire du contrat.

Il revient ainsi à la salariée d’établir la réalité de manquements de l’employeur ne permettant pas la poursuite du contrat de travail. Dans cette hypothèse, la rupture produit les effets d’un licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse selon la nature des manquements retenus.

La cour ne peut que constater qu’il est retenu un volume très important d’heures supplémentaires sur lesquelles la salariée avait alerté l’employeur dès le 24 septembre 2018, soit avant la saisine du conseil. Les rappels de salaires tels qu’ordonnés par les premiers juges constituaient à eux seuls un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation. Il s’y ajoute devant la cour la question des astreintes qui n’ont pas été indemnisées conformément aux dispositions conventionnelles et le harcèlement moral tel que retenu, de sorte que les manquements étaient d’une gravité telle qu’ils ne permettaient pas la poursuite du contrat de travail. Dès lors la résiliation sera prononcée à effet au 12 octobre 2021 et elle produira, compte tenu du harcèlement moral, les effets d’un licenciement nul.

Quant aux conséquences, il apparaît tout d’abord qu’au jour de la rupture, Mme [F] n’a pas été remplie de ses droits au titre de l’indemnité de congés payés. En effet si le calcul doit être établi, au regard des énonciations des bulletins de paie et en l’absence de pièces contraires, sur 36 jours et non 38 comme elle le revendique, il y a lieu de réintégrer dans l’assiette les heures supplémentaires. L’indemnité journalière de congés payés s’établit ainsi à 228,29 euros de sorte que Mme [F] était créancière d’une somme de 8 218,44 euros. Elle n’a perçu que 6 765,56 euros de sorte que l’employeur demeure débiteur de la somme de 1 452,88 euros.

Mme [F] peut également prétendre à l’indemnité de préavis, dont le calcul n’appelle pas d’observations particulières, pour la somme de 11 542,74 euros outre 1 154,27 euros. Elle peut prétendre à un complément d’indemnité de licenciement. Si la cour ne dispose pas d’éléments sur le calcul opéré par l’employeur, il apparaît à tout le moins que l’indemnité légale ne pouvait être inférieure à la somme revendiquée par Mme [F] pour 4 557,25 euros. Déduction faite de la somme versée par l’employeur pour 3 546,50 euros, il lui reste dû celle de 1 010,75 euros.

Elle peut enfin prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement nul. Il convient de tenir compte d’une ancienneté de 6 ans, de l’âge de la salariée au jour de la rupture (59 ans), du salaire qu’elle invoque pour 3 847,59 euros. Compte tenu de ces éléments, le montant des dommages et intérêts sera fixé à 26 000 euros.

L’employeur sera condamné au paiement de ces sommes. Il sera en outre fait application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail dans la limite de quatre mois.

Sur les autres demandes,

Il y aura lieu à remise des documents sociaux rectifiés dans les termes du présent arrêt, pour partie confirmatif, et ce sans qu’il y ait lieu à ce stade d’ordonner une astreinte. Le jugement sera confirmé sur le sort des frais et dépens en première instance. L’appel étant bien fondé, l’intimée sera condamnée au paiement d’une indemnité complémentaire de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l’appel principal,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 21 juin 2021 en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [F] au titre du harcèlement moral, des astreintes et de la résiliation du contrat de travail et en ce qu’il a condamné Mme [F] au paiement d’une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute l’association Rambam de sa demande de dommages et intérêts,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur à effet au 12 octobre 2021,

Dit qu’elle produira les effets d’un licenciement nul,

Condamne l’association Rambam à payer à Mme [F] les sommes de :

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 17 024,17 euros au titre des astreintes,

– 1 702,41 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 452,88 euros à titre de complément d’indemnité de congés payés,

– 1 010,75 euros à titre de complément d’indemnité de licenciement,

– 11 542,74 euros à titre d’indemnité de préavis,

– 1 154,27 euros au titre des congés payés afférents,

– 26 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Ordonne la remise par l’employeur des documents sociaux rectifiés dans les termes du présent arrêt et des dispositions confirmées du jugement,

Rejette la demande d’astreinte,

Ordonne le remboursement par l’employeur des indemnités chômage dans la limite de quatre mois,

Confirme le jugement en ses autres dispositions non contraires,

Y ajoutant,

Déboute Mme [F] de ses demandes au titre du Ségur de la santé,

Condamne l’association Rambam à payer à Mme [F] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne l’association Rambam aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset.

 


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