Sécurité informatique : 1 juillet 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07852

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Sécurité informatique : 1 juillet 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07852

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 01 JUILLET 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07852 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5IP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n°

APPELANT

Monsieur [G] [K] exerçant sous l’enseigne IRIS CASTING PRODUCTION

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le 24 Octobre 1961 à [Localité 3]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de RENNES sous le numéro 341 140 994

Ayant pour avocat postulant Me Philippe JEAN PIMOR de la SELEURL SELARL JEAN-PIMOR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0017

INTIMEE

S.A.S. L’AGENCE WEB.COM

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 799 216 230

Ayant pour avocat postulant Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 mai 2022 , en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE , chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M.Denis ARDISSON, Président de chambre

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, conseillère

Mme Marion PRIMEVERT, conseillère

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M.Denis ARDISSON, président de chambre ,et par M.Damien GOVINDARETTY, greffier, présent lors de la mise à disposition..

FAITS ET PROCEDURE

La société Agence Web.com est une société spécialisée dans le référencement sur internet. M. [G] [K] exploite un site à caractère pornographique accessible à l’adresse www.iris-casting-production.com.

Le 27 octobre 2015, M. [G] [K] a signé avec la société Agence Web un contrat de référencement pour son site internet pour une période d’un an, renouvelable par tacite reconduction, moyennant un budget annuel de 19.300 euros HT, soit 23.160 euros TTC, payable en 12 échéances mensuelles. Entre le 10 novembre 2015 et le 2 mars 2016, la société Agence Web a adressé à plusieurs reprises à M. [K] ses recommandations notamment en matière de rédaction des textes et d’organisation des photographies.

Par courriel du 10 mars 2016 puis lettre recommandée du 15 mars 2016, M. [K] indiquait suspendre ses versements en raison de ses difficultés de trésorerie.

Le 9 mai 2016, M. [K], reprenant la relation contractuelle, signait un bon de commande pour renforcer le poste « Accompagnement éditorial » pour un montant de 3.000 euros HT payable en six mensualités de 500 euros HT.

Le 25 juillet 2016, M. [K] a sollicité un nouveau décalage des prélèvements. Début août 2016, la société Agence Web a a transmis ses première analyses ainsi qu’un rapport sur l’activité du site internet exploité par M. [K]. Ce dernier a estimé que la fréquentation de son site n’avait pas évolué et que la prestation annoncée n’avait pas été réalisée et il n’a pas réglé les échéances.

Suivant exploit du 23 avril 2018, M. [G] [K] exerçant sous l’enseigne Iris Casting Production a fait assigner l’Agence web.com devant le tribunal de commerce de Nanterre. Par jugement du 5 septembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris et a renvoyé l’affaire devant ce tribunal.

Par jugement du 29 janvier 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

– débouté M. [G] [K] exerçant sous l’enseigne Iris Casting Production de sa demande de paiement de la somme de 25.070 euros,

– condamné M. [G] [K] exerçant sous l’enseigne Iris Casting Production à payer à la SAS L’Agence Web.com la somme de 12.758,38 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamné M. [G] [K] exerçant sous l’enseigne Iris Casting Production à payer à la SAS L’Agence Web.com la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné M. [G] [K] exerçant sous l’enseigne Iris Casting Production aux dépens.

M. [G] [K] a formé appel du jugement par déclaration du 23 juin 2020 enregistrée le 25 juin 2020.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 23 février 2021, M. [G] [K] demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 :

– de réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Paris du 29 janvier 2020 ;

Et statuant à nouveau,

– de dire et juger que la rupture des relations contractuelles par M. [K] était justifiée ;

– de condamner la société L’Agence Web.com à payer à M. [G] [K] la somme de 25.070 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2016 ;

de débouter la société L’Agence Web.com de sa demande reconventionnelle au titre d’une clause pénale et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

subsidiairement, réduire de manière très importante le montant de la sanction financière prononcée par le premier juge à l’encontre de M. [K] ; 

En tout état de cause,

– de condamner la société L’Agence Web.com à payer à M. [K] une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner la société L’Agence Web.com aux dépens de première instance et d’appel, et autoriser la Selarl Philippe Jean Pimor, avocat, à recouvrer ceux la concernant, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 1er mars 2022, la société Agence Web demande à la cour :

– de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf s’agissant du montant des dommages et intérêts alloué à la société Agence Web,

Y ajoutant :

– de condamner Monsieur [G] [K] à verser à la société Agence Web la somme de 17.070 euros à titre de dommages et intérêts pour résiliation abusive des deux bons de commande valant contrat signé en date des 27 octobre 2015 et 09 mai 2016,

– de condamner Monsieur [G] [K] à verser à la société Agence Web la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

*

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 10 mars 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur les demandes de M. [G] [K]

L’appelant soutient que la société Agence web.com n’a jamais été en mesure de justifier des diligences accomplies et du résultat de ses prestations et qu’ainsi la somme de 11.450 euros doit lui être restituée. Il réclame également le remboursement des dépenses supportées à hauteur de 2.300 euros pour les frais éditoriaux et de 1.320 euros pour les frais techniques, outre une perte de chiffre d’affaires sur une année de 10.000 euros.

La société Agence Web.com fait valoir que M. [K] n’a cessé d’interrompre la relation contractuelle qu’en raison de difficultés financières. Elle soutient n’être tenue qu’à une obligation de moyens, parfaitement respectée en l’espèce dans la mesure où elle a adressé ses recommandations à son cocontractant qui ne les a pas appliquées.

Aux termes de l’article 1315 ancien (1353 nouveau) du code civil :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. ».

Le contrat de référencement du site internet Iris Casting de M. [K], conclu le 27 octobre 2015, et le bon de commande du 9 mai 2016 relatif à des prestations complémentaires au référencement, constituent avec les conditions générales de vente (CGV) le socle contractuel liant les parties.

Le bon de commande du 27 octobre 2015 ayant pour objet « accompagnement référencement naturel sur 1 an pour le site www.iris-casting-production.com » prévoit les prestations suivantes :

audit technique,

accompagnement technique,

étude et stratégie de mots clés,

audit éditorial et recommandations,

accompagnement éditorial,

suivi et reporting,

cocon sémantique.

Le bon de commande du 9 mai 2016 « avenant au bon de commande IRI-SEO-27/10/2015-001 » prévoit les prestations suivantes :

accompagnement éditorial,

rapport de positions trimestriel.

L’article 6 des CGV intitulé « Responsabilité du prestataire » précise que « Le prestataire fera ses meilleurs efforts pour utiliser les techniques référencement contemporaines à la signature du bon de commande, mais ne garantit aucun résultat quant au référencement du site ou des sites du client dans les moteurs de recherche. Le prestataire est donc tenu à une simple obligation de moyens. En aucun cas, la responsabilité du prestataire ne pourra être recherchée en cas de (‘) (iv) Absence d’évolution ou de baisse du positionnement sur les moteurs de recherches du site du client (quels que soient les mots clefs déterminés par le prestataire). (…) ».

Contrairement à ce que soutient M. [K], la société Agence Web.com n’était donc pas soumise à une obligation de résultat mais à une obligation de moyen.

Le 10 novembre 2015, l’Agence Web.com communique l’étude technique comportant les principales corrections à apporter au site de M. [K] et précise ultérieurement que les corrections doivent être réalisées soit par Vigicorp soit par un prestataire choisi par son cocontractant. Le 17 novembre 2015, l’Agence Web.com alerte M. [K], dans un courriel très détaillé relatif à l’étude des mots clés, sur les risques de conflits entre les photographies de différentes actrices référencées de manière identique et donne des recommandations. Le 11 décembre 2015 l’intimée précise dans un long courriel l’ensemble des conseils à suivre dans le « travail d’optimisation des textes ». Le 12 janvier 2016 la société Agence Web.com dispense encore des conseils développés à M. [K] après avoir indiqué « Je prends connaissance de votre article, et si ce dernier est de qualité au niveau rédactionnel, il n’est malheureusement pas optimisé pour le SEO. [Search Engin Optimization : optimisation pour les moteurs de recherche] ». Le 2 mars 2016, l’Agence Web.com adresse un nouveau courriel à M. [K] intitulé « Précisions sur travail éditorial + liste des textes SEO ».

Ainsi, alors que la société Agence Web.com avait accompli un certain nombre de diligences conformément au bon de commande du 27 octobre 2015 et avait dû réitérer ses recommandations manifestement non suivies par son cocontractant, M. [K] a sollicité les 10 et 15 mars 2016, sans se plaindre des prestations réalisées mais en arguant de difficultés de trésorerie, une suspension du contrat. La relation ayant repris au mois de mai 2016 à la demande de M. [K] et après signature du nouveau bon de commande, puis une nouvelle demande de décalage du prélèvement des mensualités au mois de juillet 2016, la société Agence Web.com a transmis ses premières analyses et un rapport sur l’activité du site de M. [K] début août 2016. Ce dernier a critiqué un faible volume d’abonnements au site et n’a pas réglé les échéances dues, avant d’adresser, par l’intermédiaire de son conseil, une lettre recommandée évoquant pour la première fois l’absence de réalisation des prestations et la restitution totale ou partielle des sommes versées.

Cependant, l’ensemble des courriels et documents versés aux débats démontre la réalité des prestations accomplies par la société Agence Web.com qui n’a eu de cesse de remplir ses obligations malgré le suivi chaotique ‘ suspension des prestations, paiements décalés, recommandations non suivies par son cocontractant ‘ du contrat. Tenue à une obligation de moyens, l’intimée a dispensé à M. [G] [K] toutes les préconisations nécessaires pour l’amélioration du référencement de son site internet.

L’appelant produit une étude réalisée à sa demande par M. [J] [O], ingénieur spécialisé en sécurité informatique et expert près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui a comparé le nombre de visites sur le site internet de M. [K] en cours de contrat puis lors de l’intervention d’un nouveau prestataire, la société Maliboo. Il en déduit que le nombre de visites a considérablement augmenté pendant le contrat avec la société Maliboo. Il note que le travail de base d’optimisation de la page d’accueil semble ne pas avoir été mené par la société Agence Web.com.

Cependant, ce rapport non contradictoire omet de tenir compte des périodes de suspension du contrat, de l’absence de règlement des échéances par M. [K] et des recommandations faites par l’Agence Web.com mais non mises en ‘uvre par l’appelant.

Il en résulte que la société Agence Web.com n’a pas manqué à ses obligations et n’a commis aucune faute susceptible de justifier ‘ étant relevé que M. [K] ne sollicite ni l’annulation ni la résolution du contrat ‘ une restitution des sommes versées. L’appelant ne démontre pas davantage avoir subi un préjudice en lien avec des manquements contractuels de l’Agence Web.com. Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté M. [G] [K] exerçant sous l’enseigne Iris Casting Production de sa demande de paiement de la somme de 25.070 euros.

Sur les demandes de la société Agence Web.com

La société Agence Web.com réclame le montant total des deux contrats déduction faite des sommes déjà réglées par M. [K], soit la somme de 17.070 euros. Elle fait valoir que l’appelant a résilié unilatéralement de façon abusive les deux bons de commande valant contrat des 27 octobre 2015 et 9 mai 2016.

M. [G] [K] soutient que l’Agence Web.com ne justifie d’aucun préjudice à compter de la rupture des relations contractuelles car elle a cessé toute intervention. Il souligne que le tribunal de commerce de Paris a justement qualifié sa demande de clause pénale réductible.

Aux termes de l’article 1134 ancien du code civil :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. ».

La société Agence Web.com verse aux débats les factures des mois de novembre 2015 à mai 2016 d’un montant de 1.608,34 euros HT (1.930 euros TTC) chacune. Le premier bon de commande prévoyait un montant total de 19.300 euros HT. M. [K] affirme avoir versé la somme de 11.450 euros sans toutefois produire de justificatif alors que la société intimée démontre par les pièces de son dossier que l’appelant a versé la somme de 3.730 euros. Concernant le second bon de commande, seule la somme de 1.500 euros HT sur les 3.000 euros HT a été réglée.

Les deux bons de commande précisent que « Aucun remboursement ne sera effectué même en cas de résiliation. Tout bon de commande signé est considéré comme dû pour la durée totale souscrite ». C’est à bon droit que les premiers juges ont qualifié cette disposition de clause pénale en ce qu’elle vise à contraindre le cocontractant à l’exécution du contrat jusqu’à son terme. Compte-tenu des échéances restant à courir sur chacun des deux bons de commande, le jugement sera confirmé en ce qu’il a calculé le montant des dommages-intérêts ‘ soit l’indemnité de résiliation ‘ à partir des montants HT dus, à savoir 11.258,38 euros (1.608,34 x 7) + 1.500 euros (3 x 500) soit 12.758,38 euros.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [K] succombant à l’action, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d’appel, il sera aussi condamnée aux dépens. En outre, il n’est pas inéquitable de condamner l’appelant à verser la somme de 3.000 euros à l’Agence Web.com sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant,

CONDAMNE M. [G] [K] exerçant sous l’enseigne Iris Casting Production aux dépens ;

CONDAMNE M. [G] [K] exerçant sous l’enseigne Iris Casting Production à payer à la société Agence Web.com la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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