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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 JUIN 2023
N° RG 21/00773 –
N° Portalis DBV3-V-B7F-ULVI
AFFAIRE :
[L] [U]
C/
S.A.S. AUSY
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Février 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : F18/01061
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Céline BRUNET
Me Paul VAN DETH
le :
Copie numérique délivrée à :
Pôle emploi
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [L] [U]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Céline BRUNET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2066
APPELANT
****************
S.A.S. AUSY
N° SIRET : 352 905 707
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Paul VAN DETH de la SELEURL Société d’Exercice libéral d’Avocat ISNAH, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J094 substitué par Me Thomas VACCARO
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,
Rappel des faits constants
La SAS Ausy, dont le siège social est situé à [Localité 4] dans les Hauts-de-Seine, est spécialisée dans l’expertise technique d’ingénierie, la consultation informatique, les systèmes d’information et de réseaux pour les grands comptes des secteurs industriels et tertiaires. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinet d’ingénieurs conseils, société de conseil du 15’décembre 1987, dite Syntec.
M. [L] [U], né le 9 juillet 1963, a été engagé par cette société, selon contrat de travail à durée indéterminée du’4 août 2010 à effet au 11’octobre 2010, en qualité de directeur technique, statut cadre, moyennant un salaire annuel initial de 78’000 euros. Il occupait les fonctions de responsable du centre de production Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC).
M. [U] a par la suite, à compter d’octobre 2014, été affecté au poste de responsable sécurité des systèmes d’information (RSSI).
Après un entretien préalable qui s’est déroulé le’23’novembre 2017, M. [U] s’est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle, par courrier du 29’novembre 2017, dans les termes suivants :
«’Nous vous avons convoqué le 9’novembre 2017’à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement qui s’est tenu le’22’novembre 2017, entretien auquel vous étiez présent et accompagné d’un représentant du personnel.
Au cours de cet entretien, nous vous avons expliqué les raisons pour lesquelles nous envisagions une mesure de licenciement à votre encontre.
Les explications recueillies lors de cet entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation.
Aussi par la présente, nous avons pris la décision de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle, en raison des importantes carences et lacunes constatées dans l’exécution de vos fonctions.
Nous avons tout d’abord remarqué que vous ne saviez pas piloter les projets qui vous étaient confiés, que vous manquiez d’organisation et d’autonomie, et ainsi que les tâches qui vous incombaient n’étaient pas exécutées.
Cela a par exemple été le cas concernant le suivi du reporting sécurité de notre client Orange.
Orange nous a en effet demandé dès l’été 2014 de renforcer nos actions dans le domaine de la sécurité de notre système d’information, afin d’être plus performants dans ce domaine et de gagner en maturité.
Dans ce cadre, Ausy est régulièrement soumis à des audits, et des actions correctives doivent être mises en place en cas de non-conformités. Le suivi de ces actions se fait lors de réunions internes hebdomadaires, et également avec le client à l’occasion de réunions de reporting.
Or, nous avons remarqué que vous ne suiviez pas ces actions de manière autonome, et que les objectifs fixés n’étaient pas atteints. Ainsi, nous devions sans cesse vous relancer et suppléer à vos carences, comme pour la formation sur la sécurité.
Sur ce point, nous devons nous assurer que l’ensemble de nos salariés suivent bien cette formation, et en particulier pour les consultants travaillant chez Orange.
Or, c’est le directeur général France qui a sans cesse dû vous relancer au cours de vos réunions mensuelles, pour savoir où vous en étiez, et essayer de trouver avec vous des manières d’atteindre cet objectif, alors que cela vous incombait.
Cela s’est par exemple encore produit en juin, septembre et’octobre 2017, alors que cette action était pendante depuis plus d’un an.
Malgré cet accompagnement, les chiffres atteints sont restés extrêmement en deçà de l’objectif, puisque mis à part les salariés travaillant chez Orange, seuls 6% des salariés sont formés’aujourd’hui. Pourtant, de nombreuses actions auraient pu être mises en place auprès des salariés en intercontrat notamment qui par définition sont plus disponibles.
Par ailleurs, nous avons relevé que vous demandiez une validation pour la moindre action, et que vous rendiez souvent votre travail à la dernière minute.
D’ailleurs, de manière générale, vous procédiez souvent de la sorte. Cela s’est par exemple produit pour l’auto-évaluation sécurité auprès de notre client Orange. En effet, une demande de document vous avait été faite le 5’octobre 2017, or vous les avez envoyés au manager le 13’octobre 2017’à 19h52, alors qu’il avait jusqu’à 20h pour les poster sur la plateforme. Vous avez ainsi généré un stress inutile pour les équipes.
Ce manque de pilotage et d’autonomie concernait également les projets sur lesquels vous travailliez en lien avec l’équipe qualité.
Ainsi vous n’assuriez ni la planification ni la réalisation des audits de sécurité qui relevaient de votre responsabilité, et les audits internes dont vous avez fait l’objet ont mis en exergue vos défauts de pilotage.
Tel a été le cas de l’audit interne réalisé en juin dernier, qui a notamment mis en évidence des non-conformité majeures.
De même, nous vous rappelons que notre première certification iso 27001 avait donné lieu à une non-conformité, liée à notre procédure d’accès physique à nos sites. Si cette non-conformité a bien été corrigée par la suite, vous n’avez pas pris la peine de suivre cette action dans le temps. Ça n’est que parce que la directrice qualité vous l’a rappelé que vous aviez mis ce point à l’ordre du jour d’une de vos réunions.
D’ailleurs, force est de constater que le pourcentage de consultants ayant un badge d’accès est bien en deçà de l’objectif de 100%, même si l’atteinte de notre objectif a nettement progressé depuis’septembre 2017’grâce à l’aide que vous a apporté [X] [Z].
Ainsi lorsqu’un acteur prenait en charge ou vous accompagnait dans la réalisation de vos actions, les résultats étaient immédiats, ce qui est révélateur de vos carences.
Tout ceci est parfaitement anormal compte tenu de votre profil, de votre expérience, et des enjeux en présence. En outre, cela a entrainé une surcharge de travail importante pour vos collègues, car nous avons dû sans cesse suppléer à vos carences.
Enfin, quand bien même vous considérez que le poste de RSSI vous a été imposé, comme votre avocat nous l’a indiqué par courrier daté du 4’octobre 2017, il ne s’agit pas de carences liées à des compétences techniques sur la sécurité, mais bien de compétences que vous étiez censé maîtriser en tant qu’ancien directeur technique.
En outre, nous n’avons aucune trace de ce que vous avancez, et vous n’avez jamais contesté cette affectation.
Nous avons par ailleurs constaté un manque de motivation et d’implication dans l’exécution de vos fonctions.
Nous avons ainsi remarqué que vous faisiez preuve d’une importante inertie dans la gestion de nombreux projets.
Comme indiqué ci-avant concernant la formation à la sécurité, nous avons constaté que vous ne preniez pas ce sujet en main. Nous vous reprochons ainsi de ne pas avoir pris la mesure de cette obligation, et de vous être contenté de relancer mollement les managers concernés au lieu de les contacter, de leur expliquer les enjeux d’une telle formation, etc, en somme de les avoir sensibilisés à cet impératif pour qu’ils sensibilisent à leur tour leurs équipes.
De même, alors que vous étiez censé réaliser des contrôles sécurité en interne tous les mois, ce projet n’a fait l’objet d’aucune action de votre part, quand bien même la DSI vous relançait régulièrement. La seule ayant été faite l’a été sous l’impulsion du directeur général France qui vous a emmené faire le tour des bureaux pour vérifier que les PC étaient attachés et que les personnes avaient bien un badge d’identification.
Ainsi, au pire des cas, les sujets n’étaient pas pris en charge, et nous mettaient en défaut, et au mieux d’autres personnes étaient obligées de suppléer à vos carences.
Cela a aussi été le cas concernant la rédaction de procédures de gestion des entrées/sorties sur Sygès et des revues afférentes.
Nous vous rappelons que la direction des systèmes informatiques a relevé que la gestion des comptes Sygès n’était pas optimale, et a donc demandé que des procédures soient inscrites afin de nous améliorer. Or, comme vous le savez cela fait partie des prescriptions pour la certification 9001.
Il vous incombait alors de rédiger ces procédures pour mettre en place des règles strictes, d’autant plus que le relevé des comptes Sygès est régulièrement demandé par nos commissaires aux comptes comme vous le savez. Nous ne pouvons pas ainsi nous permettre d’avoir des éléments approximatifs.
Pour rappel, cette action était ouverte depuis le 27 juin 2017, et devait être finalisée le’21 août 2017. Face à votre manque de motivation et de volonté pour faire avancer cette action, c’est finalement la DSI qui s’en est occupée.
Par ailleurs, alors que vous étiez en charge d’animer les correspondants sécurité nous avons remarqué que rien n’avait été fait sur ce point.
En France, vous deviez vous assurer que la société ait suffisamment de correspondants sécurité, notamment dans les domaines où il y a des risques, comme sur les projets au forfait. Or, nous en avons de moins en moins, et vous n’arriviez même pas à proposer des personnes qui pourraient être identifiées. Il semble même que certains managers qui auraient pu vous aider à identifier de telles personnes n’étaient même pas au courant de cette attente.
Vous deviez également animer les différents correspondants dans les filiales étrangères comme en Allemagne et en Roumanie, or là aussi rien n’a été fait à ce niveau, et les réunions de suivi n’ont pas été planifiées.
Nous avons enfin relevé que c’est l’équipe qualité qui a réalisé nombre de tâches qui vous incombaient comme la rédaction du manuel de sécurité, de la procédure de classification de l’information et les inventaires, etc.
L’ensemble de ces carences nous conduit donc’aujourd’hui’à vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle.
Votre préavis d’une durée de trois mois débutera à la date de première présentation de cette lettre de licenciement.’
M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en contestation du statut de cadre dirigeant qui lui a été appliqué, excluant la législation sur le temps de travail et en contestation de son licenciement pour insuffisance professionnelle fondée, selon lui, sur des fonctions qu’il n’avait pas formellement acceptées, par requête reçue au greffe le’31 août 2018.
La décision contestée
Par jugement contradictoire rendu le 4 février 2021, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a’:
– dit que le licenciement de M. [U] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– fixé le salaire de M. [U] à 7 017,12 euros,
– condamné la société Ausy à payer à M. [U] les sommes suivantes :
. 56 136 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que les sommes allouées en justice, quelles qu’elles soient, sont soumises au traitement social et fiscal résultant de la loi en vigueur, que les dispositions résultant de la loi de sécurité sociale, qui assujettissent les sommes allouées, y compris indemnitaires, à charges salariales et patronales, sont d’ordre public et qu’il appartient, en conséquence, à chacune des parties de s’acquitter des cotisations pouvant lui incomber,
– rappelé que l’article R. 1454-28 du code du travail réserve l’exécution provisoire au paiement des sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article’R.’1454-14 du même code,
– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du surplus,
– rappelé que l’article 1231-7 du code civil fixe les règles de calcul de l’intérêt au taux légal et qu’il n’y a pas lieu d’y déroger,
– débouté M. [U] de ses autres demandes,
– reçu la société Ausy en sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’en a déboutée,
– ordonné le remboursement par la société Ausy à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à M. [U] à la suite de son licenciement dans la limite de six mois,
– mis les éventuels dépens à la charge de la société Ausy.
Le conseil a notamment retenu les motifs suivants’:
– sur la modification unilatérale du contrat de travail’: ce changement d’attribution ne constitue pas une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié, qui par ailleurs a accepté, dès la signature de son contrat de travail, le caractère évolutif de ses attributions’;
– sur l’insuffisance professionnelle’: la société Ausy ne produit aucun entretien annuel ou document partagé fixant les objectifs de M. [U] et évaluant leur réalisation, aucune notification d’éventuels manquements, d’alertes formelles sur l’insuffisance professionnelle, aucun justificatif de mesures d’accompagnement mises en place pour atteindre le niveau d’exigence attendue’et aucun des griefs relevés dans la lettre de licenciement ne saurait justifier cette mesure ;
– sur le statut de cadre dirigeant’: M. [U] échoue à démontrer que le statut de cadre dirigeant ne lui est pas applicable.
M. [U] avait saisi le conseil de prud’hommes des demandes suivantes’:
– constater que le statut de cadre dirigeant ne lui était pas applicable,
– constater qu’il a accompli un grand nombre d’heures supplémentaires qui ne lui étaient pas rémunérées et au-delà des durées maximales de travail autorisées,
– constater qu’il a fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– constater que les barèmes de l’article L. 1235-2 du code du travail sont inconventionnels,
– constater que la société a fait preuve à son encontre d’une particulière déloyauté contractuelle,
en conséquence,
– condamner la société à lui verser les sommes suivantes’:
. 64 845,23 euros brut à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires,
. 6 484,52 euros brut de congés payés sur heures supplémentaires,
. 12 249,60 euros net à titre de dommages-intérêts au titre des repos compensateurs non pris et congés payés afférents,
. 7 800 euros net à titre de dommages-intérêts au titre du dépassement des durées maximales,
. 46 805,76 euros net à titre principal d’indemnité forfaitaire à titre de travail dissimulé,
. 93 611,52 euros net à titre principal (62 407,68 euros net à titre subsidiaire), à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 64 000 euros brut de rappels de salaires de 2015 à 2018,
. 6 400 euros brut de congés payés sur rappels de salaires,
. 7 800 euros net de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
. 5’000 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– exécution provisoire sur le tout,
– intérêts au taux légal à compter de la saisine,
– entiers dépens à la charge de la société.
La société Ausy avait, quant à elle, conclu au débouté du salarié et avait sollicité la condamnation de celui-ci à lui verser une somme de 2’500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La procédure d’appel
M. [U] a interjeté appel du jugement par déclaration du 8 mars 2021 enregistrée sous le numéro de procédure 21/00773.
Par ordonnance rendue le 8 février 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 30 mars 2023.
Prétentions de M. [U], appelant
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 28 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [U] demande à la cour d’appel de’:
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :’
. dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. fait droit à sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,’
– le réformer’en ce qu’il :
. a fixé son salaire à la somme de 7 012,12 euros brut,
. a limité le montant des dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 56 136’euros,
. a limité le montant alloué au titre de l’article 700’du code de procédure civile’à la somme de 1’000 euros,
. l’a débouté de l’ensemble de ses autres demandes,
et statuant à nouveau,
-‘dire et juger que le statut de cadre dirigeant ne lui était pas applicable,
-‘dire et juger qu’il a accompli un grand nombre d’heures supplémentaires qui ne lui a pas été rémunéré,
– dire et juger qu’il a travaillé au-delà des durées maximales de travail autorisées,
– dire et juger qu’il a fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– dire et juger que les barèmes de l’article L.’1235-3 du code du travail sont inconventionnels,
– dire et juger que la société Ausy a fait preuve à son encontre d’une particulière déloyauté contractuelle,
– dire et juger qu’il a travaillé régulièrement au-delà des durées maximales autorisées,’
en conséquence,
– condamner la société Ausy à lui verser les sommes suivantes :’
. rappel de salaires au titre des heures supplémentaires’: 64 845,23 euros brut,
. congés payés sur heures supplémentaires’: 6 484,52 euros brut,
. dommages-intérêts au titre des repos compensateurs non pris et congés payés afférents’: 12’249,60’euros net,
. dommages-intérêts au titre du dépassement des durées maximales’: 7 800 euros net,
. indemnité forfaitaire pour travail dissimulé’: 46 805,76 euros net,
. à titre principal, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’: 93 611,52 euros net,
. à titre subsidiaire, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’: 62’407,68’euros net,
. rappels de salaires de 2015 à 2017′: 50 000 euros brut,
. congés payés sur rappels de salaires’: 5 000 euros brut,
. dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail’: 7 800 euros net,
. article 700 du code de procédure civile’: 5 000 euros net,’
– assortir l’arrêt du paiement des intérêts au taux légal avec capitalisation conformément à l’article 1154 du code civil, à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,’
– condamner la société Ausy à lui délivrer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ses certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, attestation Pôle emploi rectifiés,’
– condamner la société Ausy aux dépens.
Prétentions de la société Ausy, intimée
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 25 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Ausy demande à la cour d’appel de :
à titre principal,’
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :’
. a jugé le licenciement de M. [U] dénué de cause réelle et sérieuse,’
. l’a condamnée à lui verser les sommes de :’
. 56 136 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,’
statuant à nouveau,’
– dire et juger que le licenciement de M. [U] repose sur une cause réelle et sérieuse,
– débouter M. [U] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– confirmer le jugement en ce qu’il a :’
. fixé le salaire de M. [U] à la somme de 7 012,12 euros brut,’
. constaté le bien fondé du statut de cadre dirigeant de M. [U],
. débouté M. [U] de l’intégralité de ses demandes relatives à la durée du travail,’
. débouté M. [U] de ses demandes de rappel de salaire,’
. débouté M. [U] de ses demandes indemnitaires au titre de l’exécution déloyale du contrat,”
à titre subsidiaire,’si par extraordinaire la cour venait à considérer que le statut de cadre dirigeant n’est pas applicable à M. [U],’
– constater que M. [U] ne rapporte pas la preuve de la réalisation d’heures supplémentaires,
-‘débouter M. [U] de l’intégralité de ses demandes au titre de la durée du temps de travail,
– juger la demande de M. [U] au titre du rappel de salaires sur la période allant de 2015 à 2018 irrecevable,
en tout état de cause,
– condamner M. [U] à la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [U] aux entiers dépens.’
MOTIFS DE L’ARRÊT
M. [U] demande d’abord que son licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse et que son employeur soit condamné à l’indemniser à ce titre.
Il présente ensuite plusieurs demandes relatives à l’exécution du contrat de travail, à savoir des demandes relatives au temps de travail (l’exclusion du statut de cadre dirigeant, le bénéfice d’heures supplémentaires, des congés payés afférents, des repos compensateurs, l’indemnisation du dépassement des durées maximales de travail et une indemnité pour travail dissimulé), un rappel de salaire sur sa rémunération variable et une demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat de travail.
Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle
M. [U] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, dans la mesure où il lui a été notifié verbalement (1), où il n’avait jamais accepté le poste sur le fondement duquel il a été licencié (2) et où les faits reprochés ne sont pas établis (3).
S’agissant du licenciement verbal
M. [U] soutient que son licenciement lui a été notifié verbalement avant de lui être notifié par écrit le 29 novembre 2017. Il allègue que lors d’un entretien qui s’est tenu le 26 septembre 2017, M. [W], directeur général de la société, lui a fait part de sa volonté de mettre fin à son contrat de travail.
La société Ausy conteste avoir licencié verbalement M. [U]. Elle fait valoir que ce dernier ne rapporte pas la preuve de son allégation et souligne que le fait pour un employeur d’avoir évoqué avec son salarié les carences et dysfonctionnements constatés ainsi que les éventuelles mesures disciplinaires envisagées ne saurait constituer un licenciement verbal.
Les alinéas 1 et 2 de l’article L. 1232-6 du code du travail disposent’: «’Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.’»
Le licenciement verbal, qui n’est pas motivé, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, M. [U] expose précisément qu’il a été convoqué à trois entretiens les 26 septembre, 2 et 6 octobre 2017, qu’il a établi des comptes rendus des entretiens des 26 septembre et 2 octobre 2017, que l’entretien du 6 octobre 2017 a finalement tourné court puisque M. [W] avait reçu entretemps le courrier de son avocat. Il allègue que lors du premier entretien du 26 septembre 2017, M. [W] lui a fait part de sa volonté de mettre un terme à son contrat et qu’à l’issue de cet entretien, il a été convenu de se revoir le 2 octobre 2017 pour discuter des modalités concrètes de rupture. Il soutient que la décision de le licencier était prise dès le 26 septembre 2017, M. [W] s’étant vanté, lors de l’entretien du 26 septembre, d’avoir informé de celui-ci pas moins de neuf personnes.
Il sera cependant retenu, ainsi que le soutient l’employeur, que M. [U] ne rapporte pas la preuve de son allégation, puisqu’il se limite à produire les comptes rendus d’entretien qu’il a lui-même rédigés, lesquels ne sont corroborés par aucune autre pièce, pas même le témoignage des personnes supposées avoir été informées de son licenciement, lesquels n’ont donc aucune valeur probante.
Le fait pour l’employeur d’avoir évoqué avec son salarié les carences et dysfonctionnements constatés, ainsi que les éventuelles mesures disciplinaires envisagées, comme celui-ci le reconnaît, est insuffisant à caractériser le licenciement verbal invoqué, lequel suppose que l’employeur notifie au salarié que son contrat de travail est rompu.
M. [U] sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.
S’agissant de la modification unilatérale du contrat de travail
M. [U] soutient ne pas avoir accepté le poste de RSSI de sorte qu’il ne peut être sanctionné pour ne pas s’être acquitté de manière satisfaisante de ses tâches. Il allègue que le poste de RSSI qui lui a été imposé constitue une modification unilatérale du contrat de travail.
La société Ausy, de son côté, soutient que cette nouvelle affectation ne constitue qu’un simple changement d’attribution, ne remettant pas en cause la qualification initiale ou le statut du salarié, que M. [U] a occupé ce poste à compter d’octobre 2014 pendant trois ans sans avoir sollicité la poursuite de son contrat de travail aux conditions antérieures ni avoir sollicité la rupture de son contrat de travail, qu’il a parfaitement adhéré à ce nouveau poste, qu’en troisième lieu, ses attributions dans le cadre de ses fonctions de RSSSI ne dépassaient pas ses compétences.
Il est constant que l’employeur ne peut apporter une modification substantielle au contrat de travail sans recueillir l’accord express du salarié.
M. [U] a été engagé à compter du 11 octobre 2010 en qualité de directeur technique pour occuper le poste de responsable du centre de production NTIC (pièce 2.1 du salarié).
Aux termes de sa fiche de poste, il avait notamment pour missions’:
– assure la responsabilité financière et technique de la réalisation des projets,
– est le responsable contractuel de l’affaire,
– participe à la mise en place de l’équipe projet,
– précise les rôles et postes de chacun au sein de cette équipe,
– participe au recrutement dans la qualification technique des candidats,
– supporte techniquement les commerciaux de la DOP dans toutes les tâches d’avant-vente,
– anime les partenariats technologiques,
– est responsable de la qualité des produits et services livrés,
– est responsable de la gestion du projet et de la tenue à jour de la planification,
– est maître d”uvre de la partie technique des réponses à appel d’offre.
(pièce 2.3 du salarié).
A compter d’octobre 2014, il a exercé les fonctions de RSSI.
Aux termes de la fiche de poste produite par la société (sa pièce 4), le RSSI a pour rôle principal de définir et de mettre en ‘uvre la politique de sécurité de l’entreprise qui garantit la disponibilité, la sécurité et l’intégrité du système d’information et des données.
Ses responsabilités principales sont’:
– définit et met en ‘uvre la politique de sécurité de l’entreprise conjointement avec la direction générale et en interaction avec la direction des systèmes d’information et les services généraux,
– anime la sécurité de l’information,
– met en ‘uvre les dispositifs de pilotage,
– communique régulièrement autour de la sécurité et des alertes/traitement des incidents,
– assure la mise à disposition d’un programme de formation et de sensibilisation pour l’ensemble des collaborateurs Ausy,
– assure une veille technologique et légale active sur les sujets relatifs à la sécurité.
A ce titre, M. [U] exerçait des fonctions support, totalement différentes des fonctions contractuellement convenues, perdant dès lors ses responsabilités financières, organisationnelles et techniques ainsi que ses fonctions de management d’une équipe de 180 personnes.
Il se déduit des spécificités de chaque poste, totalement différentes, que le contrat de travail de M. [U] a fait l’objet d’une modification substantielle.
Il est établi que M. [U] n’a jamais accepté expressément ces nouvelles fonctions. En effet, l’employeur ne justifie pas lui avoir soumis un avenant au contrat de travail, lequel n’a donc jamais été modifié, de sorte que l’intitulé de son poste est resté celui de directeur technique ainsi que cela résulte des bulletins de salaire produits. L’employeur ne justifie pas non plus lui avoir soumis une fiche de poste RSSI.
Il est par ailleurs constant que la seule poursuite du contrat de travail aux nouvelles conditions ne suffit pas à établir que le salarié a accepté tacitement la modification de son contrat même si le contrat s’est poursuivi pendant plusieurs années.
Il s’en déduit que la modification est intervenue unilatéralement à l’initiative de l’employeur sans que le salarié ne l’ait acceptée.
Sur l’insuffisance professionnelle
Il résulte de la lettre de licenciement, dont les termes ont été rappelés précédemment, qu’il est reproché à M. [U] des insuffisances dans le cadre de ses fonctions de RSSI.
Or, ces fonctions, qui ne sont pas opposables au salarié, puisqu’elles ne sont pas conformes aux prévisions contractuelles, ne peuvent fonder un licenciement pour insuffisance professionnelle.
Le licenciement est dès lors, de ce seul fait, dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause, l’insuffisance professionnelle alléguée ici n’est pas caractérisée.
L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité non fautive, objective et durable d’un salarié à exécuter de façon normale et correcte un emploi correspondant à sa qualification.
Or, M. [U] justifie qu’aucune fiche de poste ne lui a été soumise, de sorte qu’il ne savait pas concrètement, ce qui était attendu de lui, d’autant qu’il était le premier à occuper des fonctions de RSSI au sein de la société, ainsi qu’il l’indique sans être démenti, qu’aucun objectif n’a été porté à sa connaissance de sorte qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de savoir ce que la société attendait de lui, qu’enfin, aucun entretien d’évaluation n’a jamais été organisé ni ne s’est jamais tenu durant les quatre années d’exercice des fonctions RSSI.
S’il appartient au salarié de fournir une prestation correspondant à sa qualification, l’employeur ne peut licencier celui-ci pour insuffisance professionnelle de façon soudaine et précipitée mais doit au préalable l’alerter de son incompétence ou insuffisance et lui accorder un délai d’adaptation raisonnable pour qu’il puisse remédier au problème.
Tel n’a pas été le cas en l’espèce.
Le licenciement est de cet autre fait dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur l’indemnisation du salarié
Conséquence de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, M. [U] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il est rappelé que l’article L.’1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au présent litige, prévoit au profit du salarié bénéficiant d’une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise de plus de dix salariés, dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, «’une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés’» en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise.
M. [U] sollicite, à titre principal, l’allocation d’une somme de 93 611,52 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour cela, il oppose l’inconventionnalité du plafonnement des indemnités compte tenu de la contrariété de ce texte aux normes conventionnelles qui lui sont supérieures, à savoir l’article 24 de la Charte sociale européenne et l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT). Il sollicite, à titre subsidiaire, si son argumentation sur l’inconventionnalité n’était pas retenue, l’allocation d’une somme de somme de 62 407,68 euros.
S’agissant de la conventionnalité du plafonnement
Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions précitées de l’article L. 1235-4 du code du travail.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.
Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.
Par ailleurs, dans la partie I de la Charte sociale européenne, « les Parties reconnaissent comme objectif d’une politique qu’elles poursuivront par tous les moyens utiles, sur les plans national et international, la réalisation de conditions propres à assurer l’exercice effectif des droits et principes » ensuite énumérés, parmi lesquels figure le droit des travailleurs à une protection en cas de licenciement.
Selon l’article 24 de cette même Charte, « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :
a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial. »
L’annexe de la Charte sociale européenne précise qu’il « est entendu que l’indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales. »
L’article 24 précité figure dans la partie II de la Charte sociale européenne qui indique que « les Parties s’engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes » qu’elle contient.
Dans la Partie III de la Charte, il est indiqué que « chacune des Parties s’engage :
a) à considérer la partie I de la présente Charte comme une déclaration déterminant les objectifs dont elle poursuivra par tous les moyens utiles la réalisation, conformément aux dispositions du paragraphe introductif de ladite partie ;
b) à se considérer comme liée par six au moins des neuf articles suivants de la partie II de la Charte : articles 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20 ;
c) à se considérer comme liée par un nombre supplémentaire d’articles ou de paragraphes numérotés de la partie II de la Charte, qu’elle choisira, pourvu que le nombre total des articles et des paragraphes numérotés qui la lient ne soit pas inférieur à seize articles ou à soixante-trois paragraphes numérotés. »
Il résulte de la loi n° 99-174 du 10 mars 1999, autorisant l’approbation de la Charte sociale européenne, et du décret n° 2000-110 du 4 février 2000 que la France a choisi d’être liée par l’ensemble des articles de la Charte sociale européenne.
L’article I de la partie V de la Charte sociale européenne, consacrée à la « Mise en ‘uvre des engagements souscrits » prévoit que « les dispositions pertinentes des articles 1 à 31 de la partie II de la présente Charte sont mises en ‘uvre par :
a) la législation ou la réglementation ;
b) des conventions conclues entre employeurs ou organisations d’employeurs et organisations de travailleurs ;
c) une combinaison de ces deux méthodes ;
d) d’autres moyens appropriés. »
Enfin, l’annexe de la Charte sociale européenne mentionne à la Partie III : « Il est entendu que la Charte contient des engagements juridiques de caractère international dont l’application est soumise au seul contrôle visé par la partie IV » qui prévoit un système de rapports périodiques et de réclamations collectives.
Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour déterminer s’il est d’effet direct, les stipulations d’un traité international, régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution, sont d’effet direct dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elles n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre États et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers.
Il résulte des dispositions précitées de la Charte sociale européenne que les États contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs, poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en ‘uvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application selon les modalités rappelées aux paragraphes 13 et 17 du présent arrêt et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique rappelé au paragraphe 18.
Les dispositions de la Charte sociale européenne n’étant donc pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, et la décision du Comité européen des droits sociaux publiée le 26 septembre 2022, qui considère que le barème d’indemnités pour licenciement abusif est contraire à cet article 24, ne produisant aucun effet contraignant, il convient d’allouer en conséquence au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.
Le moyen de M. [U] sera écarté.
S’agissant de l’application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017
L’article L.’1235-3 du code du travail prévoit ainsi au profit du salarié bénéficiant d’une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise de plus de dix salariés, dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, «’une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés’» en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise.
Pour un salarié ayant sept ans d’ancienneté, comme M. [U], cette indemnité se situe, selon le barème légal, entre trois mois et huit mois de salaire.
Les parties ne sont pas d’accord sur le salaire à prendre en compte. M. [U] revendique un salaire de 7 800,96 euros tandis que la société Ausy fait état d’un salaire mensuel brut de 7’017,12 euros (correspondant selon les deux à la moyenne des douze derniers mois).
Au vu des bulletins de salaire (pièce 5.19 à 5.21 du salarié), il y a lieu de retenir un salaire de 7 017,12 euros auquel il convient toutefois d’ajouter les heures supplémentaires retenues dans le cadre de la décision.
Au regard de son âge au moment de son licenciement (54 ans), de son ancienneté (7 ans), de sa rémunération, du fait qu’il a perçu des allocations de chômage pendant deux ans, le conseil de prud’hommes a justement évalué le préjudice subi par M. [U] du fait de la perte injustifiée de son emploi à la somme de 56 136 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le statut de cadre dirigeant
M. [U] conteste relever du statut de cadre dirigeant exclusif de l’application de la législation sur le temps de travail tandis que la société Ausy soutient que ce statut est bien applicable au salarié.
En application de l’article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
Les trois critères requis, à savoir l’indépendance dans l’organisation de l’emploi du temps, la prise de décision largement autonome et une rémunération élevée, sont cumulatifs. Ils impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise.
Pour apprécier si le statut de cadre dirigeant est applicable, il convient de vérifier précisément les conditions réelles d’emploi du salarié concerné.
Dans la mesure où le salarié formule des demandes au titre du temps de travail pour une période allant du 29 novembre 2014 au 29 novembre 2019, postérieurement à son affectation aux fonctions de RSSI intervenue en octobre 2014, il convient de s’attacher à cette seule période pour apprécier si le salarié relevait ou non du statut de cadre dirigeant.
Concernant le niveau de rémunération, il a été retenu que M. [U] percevait une rémunération de 7 017,12 euros dont il n’est pas établi qu’elle se situait parmi une des plus élevées de la société, l’employeur ne produisant aucun élément de comparaison à ce sujet.
En toute hypothèse, M. [U] ne participait manifestement pas à la direction de l’entreprise.
En effet, M. [U] indique, sans être démenti, qu’à compter de son changement de poste, il n’a plus été convié aux comités hebdomadaires et mensuels de la direction des projets France qu’à titre consultatif, pour ne plus être convié du tout à compter du second semestre 2017 et que sa participation au Comex dépendait du bon vouloir de la direction, de sorte qu’il n’y a assisté qu’en tant que spectateur, aux mois de janvier et juillet 2014 et 2015.
La société Ausy affirme, page 20 de ses conclusions, que «’M. [U] continuait à être convié aux réunions du Comex, venant attester, s’il en était besoin, des responsabilités dont il avait la charge et de sa participation à la stratégie de la société’». Elle se limite à produire pour en justifier la liste des participants conviés à la réunion de juillet 2016 (pièce 18 de la société), dont faisait partie M. [U], ce qu’il ne conteste pas , mais reconnaît elle-même que le salarié était simplement convié pour venir attester, ce qui ne permet pas de retenir qu’il participait à la direction de la société.
Au regard de ces éléments, le statut de cadre dirigeant ne peut être retenu au bénéfice de M. [U]. Le jugement sera infirmé de ce chef. Il s’ensuit l’application de la législation sur le temps de travail.
Sur les heures supplémentaires
M. [U] sollicite la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 64 845,23 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires sur la période allant du 29 novembre 2014 au 29 novembre 2017, outre les congés payés afférents.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2 et suivants du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
A l’appui de sa demande, M. [U] présente d’abord un tableau récapitulatif des flux de ses courriels, du journal de ses communications professionnelles et des réunions planifiées dans son agenda professionnel tels qu’ils résultent des moyens mis à sa disposition par l’entreprise (sa pièce 6.2). Il produit également un tableau détaillé des heures supplémentaires qu’il prétend avoir réalisées (sa pièce 6.1) en appliquant des règles qu’il a lui-même déterminées de la façon suivante’:
1. Par défaut, la journée de travail standard commence à 9h et se termine à 18h.
2. Par défaut, une pause déjeuner d’une heure est déduite de la journée de travail.
3. La journée commence au premier coup de téléphone, rendez-vous ou mail envoyé avant 9h.
4. La journée se termine au dernier coup de téléphone, rendez-vous ou mail envoyé après 18h.
5. L’heure de déjeuner lors des réunions avec plateau-repas a été ajoutée au temps de travail.
6. Tous les mails, réunions et appels téléphoniques d’ordre privé ou non identifiés ont été ignorés et supprimés.
7. Les coups de téléphone entrant d’une durée nulle (non répondus) ont été supprimés.
8. Les heures au-delà de minuit (jusqu’à 3h) sont traitées en heures à ajouter sur la journée précédente.
9. Nombre d’heures = heure de fin ‘ heure de début + nombre d’heures après minuit + heure plateau-repas.
10. La liste des réunions est extraite du calendrier stocké sur le serveur Exchange de la société.
11. La liste des mails est extraite de la messagerie stockée sur le serveur Exchange de la société.
12. La liste des communications téléphoniques est extraite du journal d’appels du téléphone fourni par la société.
13. Les réunions sur plusieurs jours ont été ignorées, faute de savoir les traiter (séminaires, audits).
Ces éléments apparaissent suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que M. [U] prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement.
De son côté, la société Ausy oppose, en premier lieu, que M. [U] ne produit aucune pièce justificative de ses allégations, notamment pas les courriels qu’il prétend avoir envoyés. Elle considère qu’elle ne peut pas prendre connaissance des éléments de calcul aboutissant à un nombre d’heures si important. Elle souligne que la lecture croisée des tableaux met en lumière de nombreuses incohérences conduisant à une augmentation artificielle du nombre d’heures supplémentaires réclamées. Elle conteste la réunion dénommée «’org’» fixée de 8h30 à 9h30, qui est en réalité une heure que M. [U] s’est réservée en début de journée pour s’organiser. La société Ausy fait valoir en deuxième lieu, qu’elle n’a jamais sollicité explicitement ou implicitement la réalisation d’heures supplémentaires de la part de M. [U]. Elle fait valoir en dernier lieu qu’il est étonnant que M. [U] ne se soit jamais plaint de sa charge de travail avant la présente instance.
Ce faisant, la société Ausy, qui n’a pas mis en place un outil de contrôle du temps de travail accompli par le salarié, ne répond pas utilement à la demande du salarié, de sorte qu’il y a lieu de
retenir le principe d’heures supplémentaires, dont l’importance sera toutefois appréciée en tenant compte des arguments avancés par les deux parties.
Compte tenu de la durée hebdomadaire de travail à prendre en compte (35 heures), de la période considérée (du 29 novembre 2014 au 29 novembre 2017), du salaire horaire de référence, des majorations applicables (25 % puis 50 %), en tenant compte du fait que le postulat du raisonnement de M. [U] n’est pas démontré (à savoir que sa journée de travail commençait à 9h pour finir à 18h), compte tenu de la charge de travail induite par les fonctions exercées, les heures supplémentaires accomplies seront évaluées aux sommes suivantes’:
– 3 530,73 euros au titre de l’année 2015,
– 3 773,69 euros au titre de l’année 2016,
– 5 697,94 euros au titre de l’année 2017.
La société Ausy sera en conséquence condamnée à verser à M. [U] la somme totale de 13 002,36 euros outre les congés payés afférents au titre des heures supplémentaires réalisées sur la période allant du 29 novembre 2014 au 29 novembre 2017, par infirmation du jugement entrepris.
Sur les repos compensateurs
Le contingent annuel d’heures supplémentaires, fixé à 220 en application des dispositions de l’article D. 3121-14-1 du code du travail n’ayant pas été atteint au titre de chacune des années concernées, ainsi que cela résulte des créances de salaire allouées au titre des heures supplémentaires chaque année, la demande sera rejetée, par confirmation du jugement entrepris.
Sur le travail dissimulé
L’article L. 8221-5 du code du travail dispose’: «’Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.’1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales’».
Aux termes de ces dispositions, la dissimulation d’emploi se caractérise par la réunion d’un élément matériel et d’un élément intentionnel tenant à l’intention coupable de l’employeur de dissimuler l’emploi salarié.
Conformément aux dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
M. [U] ne produit cependant aucun élément utile de nature à caractériser ici une intention coupable de la société Ausy de dissimuler son emploi, celle-ci ne pouvant se déduire de la seule application infondée du statut de cadre dirigeant.
Il sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.
Sur les durées maximales de travail
Il est rappelé qu’en application des dispositions des articles L. 3121-1 et suivants du code du travail, la durée quotidienne du travail effectif ne peut excéder dix heures, et dès que le temps de travail atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes consécutives, qu’au cours d’une même semaine la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.
M. [U], dont les décomptes du temps de travail n’ont pas été entérinés, ne rapporte la preuve, par aucun moyen utile, d’un dépassement des durées maximales de travail, de sorte qu’il sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.
Sur la rémunération variable
M. [U] sollicite la condamnation de la société Ausy à lui payer une somme de 50’000’euros au titre d’un rappel de rémunération variable.
S’agissant de la recevabilité de la demande
La société Ausy oppose en premier lieu l’irrecevabilité de la demande en application de l’article 566 du code de procédure civile.
En application de l’article susvisé, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Ne sont toutefois pas considérées comme des demandes nouvelles, prohibées en appel, celles qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, conformément aux dispositions de l’article 565 du même code.
L’employeur expose que M. [U] avait formulé en première instance une demande de rappel de rémunération variable de 64’000’euros, fondée sur les engagements pris par l’employeur lors des négociations précontractuelles, tandis qu’il formule devant la cour une demande de rappel de rémunération variable de 50 000 euros, fondée sur un «’avis de situation salariale’» qu’il considère constituer un avenant contractuel.
La demande présentée devant la cour, tendant au paiement d’un rappel de rémunération variable, tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si son fondement juridique est différent.
Elle doit en conséquence être déclarée recevable.
S’agissant du bien-fondé de la demande
La société Ausy oppose au fond que la rémunération variable est conditionnée par des objectifs et ne peut dès lors être sollicitée dès lors que M. [U] ne démontre pas avoir réalisé les objectifs qui lui étaient fixés.
M. [U] se prévaut d’un «’avis de situation salariale’» signé par le salarié et l’employeur le 3 avril 2012 aux termes duquel il a été convenu, outre un salaire fixe mensuel de 6’916,66’euros sur douze mois, une rémunération variable de 22 000 euros par an (pièce 5.2 du salarié). La valeur contractuelle de cet avis n’est pas remise en cause par l’employeur qui l’a exécuté en ce qui concerne l’augmentation du salaire fixe passé à 6 916,66 euros ainsi que cela résulte des bulletins de salaire.
Il est rappelé qu’en l’absence de fixation des objectifs, l’intégralité de la rémunération variable est due.
Or, en l’espèce, la société Ausy ne justifie par aucune pièce utile avoir fixé des objectifs à M.'[U] pour les années 2015 à 2017, de sorte que l’intégralité de la rémunération variable’est due.
M. [U] reconnaît avoir reçu une somme totale de 16 000 euros au titre de l’année 2015 puis indique ne plus rien avoir touché après. Il réclame donc un complément de 6 000 euros pour 2015 et 22 000 euros pour 2016 et 2017, soit au total 55 000 euros. De son côté, l’employeur prétend avoir versé un solde de rémunération variable de 11 000 euros au mois de mars 2015 et une avance sur la prime variable du second trimestre 2015 de 8 250 euros au mois de décembre 2015. Au regard des bulletins de salaire, il sera en effet retenu que le salarié a reçu au total la somme de 19 250 euros au titre de sa rémunération variable.
En définitive, la société Ausy sera condamnée à payer à M. [U] la somme de 46’750’euros à titre de rappel de rémunération variable pour les années 2015, 2016 et 2017, outre les congés payés afférents, par infirmation du jugement entrepris.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
M. [U] sollicite l’allocation d’une somme de 7 800 euros net à ce titre. Il fait valoir que tout au long de la relation de travail, la société Ausy n’a eu de cesse de contrevenir à son obligation en ne respectant pas les engagements de positionnements ayant conditionné son embauche, en ne payant pas la part variable de sa rémunération, en modifiant unilatéralement son contrat de travail sans avoir recueilli au préalable son accord, en ne lui dispensant aucune formation, ni aucune aide, en ne tenant aucun entretien d’évaluation et en ne lui faisant aucun retour sur ses prestations et en lui attribuant le statut de cadre dirigeant ne correspondant manifestement pas à sa situation. Il souligne qu’il n’a jamais démérité, exécutant au mieux les missions qui lui avaient été imposées. Il allègue encore que la mauvaise foi de son employeur s’est également illustrée au moment de la rupture du contrat de travail, à l’occasion de laquelle il s’est retrouvé acculé et pris à partie.
La société Ausy conclut au rejet de la demande présentée, motif pris qu’il a été suffisamment démontré, selon elle, que les griefs et demandes de l’appelant étaient infondés.
Il est rappelé que, conformément aux dispositions de l’article L.’1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
Les circonstances de la conclusion du contrat de travail et celles entourant la rupture, en ce qu’elles s’inscrivent nécessairement dans le cadre d’une négociation entre les parties, ne permettent pas de retenir que la société Ausy a fait preuve de mauvaise foi à ce titre.
En revanche, M. [U] démontre que l’employeur a eu un comportement fautif notamment en modifiant unilatéralement son contrat de travail, en ne tenant aucun entretien d’évaluation et en persistant à lui appliquer le statut de cadre dirigeant manifestement inadapté.
Les circonstances de la cause, telles qu’elles ont été caractérisées précédemment, conduisent à fixer à la somme de 2 500 euros les dommages-intérêts dus à M. [U] en réparation du préjudice subi en raison de l’exécution déloyale du contrat de travail.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les intérêts moratoires et leur capitalisation
Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur.
Les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation sur les créances contractuelles et à compter de la décision, qui en fixe le principe et le montant, sur les créances indemnitaires.
En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt.
Sur la remise des documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt
M. [U] est bien fondé à solliciter la remise par la société Ausy’d’un certificat de travail, d’un reçu pour solde de tout compte et d’une attestation destinée à Pôle emploi, l’ensemble de ces documents devant être conformes aux termes du présent arrêt.
Il n’y a pas lieu, en l’état des informations fournies par les parties, d’assortir cette obligation d’une astreinte comminatoire. Il n’est en effet pas démontré qu’il existe des risques que la société Ausy puisse se soustraire à ses obligations.
Sur les indemnités de chômage versées au salarié
L’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige, énonce : «’Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L.’1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.’»
En application de ces dispositions, il y a lieu d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes concernés du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de six mois d’indemnités, par confirmation du jugement entrepris.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
Compte tenu de la teneur de la décision rendue, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Ausy aux dépens et à une indemnité pour frais irrépétibles.
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société Ausy, tenue à indemnisation, supportera les dépens d’appel tels qu’ils sont définis par l’article 695 du même code.
La société Ausy sera en outre condamnée à payer à M. [U] une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1’500’euros et sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,
DIT recevable la demande de M. [L] [U] tendant à la condamnation de la société Ausy à lui payer une somme de 50’000’euros au titre d’un rappel de rémunération variable,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 4 février 2021, excepté en ce qu’il a dit que M. [L] [U] relevait du statut de cadre dirigeant, en ce qu’il a débouté M. [L] [U] de ses demandes d’heures supplémentaires, de rappel de rémunération variable et d’exécution déloyale du contrat de travail,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que M. [L] [U] ne relève pas du statut de cadre dirigeant,
CONDAMNE la SAS Ausy à payer à M. [L] [U] les sommes suivantes’:
. 13 002,36 euros au titre des heures supplémentaires réalisées sur la période allant du
29 novembre 2014 au 29 novembre 2017,
. 1 300,23 euros au titre des congés payés afférents,
. 46 750 euros de rappel de salaires au titre de la rémunération variable 2015, 2016 et 2017,
. 4 675 euros au titre des congés payés afférents,
. 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
CONDAMNE la SAS Ausy à payer à M. [L] [U] les intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation sur les créances contractuelles et à compter de la décision qui en fixe le principe et le montant sur les créances indemnitaires,
DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,
ENJOINT à la SAS Ausy de remettre à M. [L] [U] un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes aux termes du présent arrêt,
DÉBOUTE M. [L] [U] de sa demande d’astreinte,
RAPPELLE que la société Ausy est tenue de rembourser aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [U] dans la limite de six mois d’indemnités,
DIT qu’une copie numérique du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l’article R.’1235-2 du code du travail,
CONDAMNE la société Ausy au paiement des dépens d’appel,
CONDAMNE la société Ausy à payer à M. [U] une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société Ausy de sa demande présentée sur le même fondement.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,