Sécurité des Systèmes : 17 février 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/02906

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Sécurité des Systèmes : 17 février 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/02906

17/02/2023

ARRÊT N° 2023/ 75

N° RG 20/02906 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NY7E

SB/KS

Décision déférée du 24 Septembre 2020

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE

( F 18/01990)

SECTION ENCADREMENT

[M] [L]

[D] [H]

C/

S.A. SOCIETE AIR FRANCE

INFIRMATION PARTIELLE

Grosses délivrées

le03/02/2023

à

Me Renaud FRECHIN

Me Damien DE LAFORCADE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [D] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Renaud FRECHIN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

S.A. SOCIETE AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Damien DE LAFORCADE de la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , S.BLUME et M.DARIES chargées du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [H] a été embauché le 1er novembre 1994 par la société Air Inter, en qualité d’ingénieur d’études télécom suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des transports aériens de passagers.

Son contrat de travail a ensuite été transféré à la société Air France le 1er avril 1997.

De 2005 à 2013, Monsieur [H] a été titulaire de plusieurs mandats de représentation syndicaux.

Il a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail entre 2014 et 2019 et a été placé en invalidité le 1er juin 2019.

Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 26 novembre 2016 aux fins de voir reconnaître une discrimination syndicale, un harcèlement moral et une exécution fautive du contrat de travail, et solliciter le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Encadrement, par jugement

du 24 septembre 2020, a :

– débouté Monsieur [H] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné Monsieur [H] aux dépens.

***

Par déclaration du 28 octobre 2020, Monsieur [H] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié 7 octobre 2020, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 25 janvier 2021, Monsieur [H] demande à la cour de déclarer son appel recevable en la forme, d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux entiers dépens de l’instance ; statuant à nouveau de:

– dire qu’il est victime de discrimination et de harcèlement moral ;

– juger que la société Air France n’a pas respecté les termes du titre 3 de l’accord de prévention de la discrimination syndicale , ce qui a généré un préjudice qu’il conviendra de réparer ;

– condamner la société Air France à lui payer :

. 60 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né du harcèlement moral ;

.263 817,36 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au préjudice total subi par Monsieur [H] né de la discrimination syndicale ;

. 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l’irrespect du titre 3 de l’accord de prévention de la discrimination syndicale ;

. 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. ;

– la condamner aux entiers dépens.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 23 mars 2021, la SA Air France demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [H] de ses demandes tant au titre de la discrimination syndicale, qu’au titre du harcèlement moral et de l’article 700 du code de procédure civile . Il sollicite le rejet de la demande formée en cause d’appel par M.[H] au titre des frais irrépétibles.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date

du 4 novembre 2022.

***

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure

civile.

MOTIFS DE LA DECISION

M.[H] soutient qu’il a été victime d’une discrimination syndicale à raison de ses divers mandats représentatifs exercés au sein de la société Air France entre 2005 et 2013 , et d’un harcèlement ayant conduit à la détérioration de son état de santé .

1-Sur la discrimination

En application de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison, notamment, de ses activités syndicales.

Et, par application de l’article L 2141- 5 du code du travail, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite

et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Le régime probatoire de l’action en discrimination est fixé par l’article L. 1134-1 du code du travail qui dispose : ‘ lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’

D’après les indications non contestées fournies par l’employeur, M.[H] a exercé les mandats suivants au sein de la société Air France:

– d’octobre 2005 à octobre 2007 membre du CHSCT (avec 15 heures de délégation par mois),

– de janvier 2010 à mars 2011 représentant syndical au Comité d’Entreprise SI ( 20 heures de délégation par mois),

– d’avril 2011 à décembre 2013, vice-Président de la Commission Economie et Production du CE SI ( 4 heures de délégation par mois),

– de mars 2011 à décembre 2013, délégué du personnel titulaire (15 heures de délégation par mois) et délégué syndical coordonnateur bassin d’emploi, suivi des accords.

M. [H] déclare subir depuis 2008 une différence de traitement avec certains de ses collègues de travail. Il expose qu’en dépit d’une grande expérience professionnelle avant son embauche, il a connu une insertion difficile au sein d’Air France après la fusion avec Air inter, que son déroulement de carrière a été reconnu comme insuffisant par le DRH M.[K] qui lui a présenté des excuses en 2007 pour une gestion déplorable de sa carrière.

Il considère qu’on a voulu le faire taire après la gestion d’une situation difficile rencontrée par le médecin du travail, le Dr [C]. Il fait état d’un avertissement injustifié prononcé à son encontre le 6 juin 2013. Il ajoute que l’avis de danger grave et imminent émis le 17 mai 2013 le concernant n’a été suivi d’aucune réaction de la direction. Il déplore être resté sans poste pendant plusieurs mois et n’avoir bénéficié que de rares formations. Il évoque de plus une absence d’entretiens annuels d’évaluation

depuis 2010 en raison de son engagement syndical. Il excipe d’une absence de progression salariale ou de coefficient , en méconnaissance de l’article 4.2.1 du

titre 3 de l’accord collectif qui prévoit que l’accès aux fonctions de délégué syndical ne doit pas pénaliser la carrière individuelle du salarié concerné. Il fait état d’un décrochage avec la situation de carrière de ses collègues placés dans une situation équivalente à la sienne.

Il verse aux débats :

– un historique de carrière ;

– une évaluation annuelle en 2014 de son activité 2013. Il y est mentionné qu’en raison de ses fonctions de représentant du personnel permanent exercées , les objectifs 2013 n’ont pu être fixés, ainsi que la mention suivante: ‘évaluation impossible’ ;

– un bilan professionnel réalisé entre septembre et décembre 2017 à la demande de la direction des ressources humaines et un bilan de compétence du 5 novembre 2014 ;

– des documents afférents à une sanction disciplinaire: une lettre de convocation à un entretien préalable à une sanction du 6 mai 2013 , un compte rendu d’entretien

du 17 mai 2013 établi par un conseiller du salarié, un avertissement du 7 juin 2013 motivé par des propos agressifs et menaçants tenus le 8 mars 2013 à l’encontre de Mme J, un dépôt de main courante effectué par Mme J le 22 mars 2013 ;

– deux avis de danger grave et imminent : celui du 8 juin 2012 signé par M.[H] concernant le Dr [C] , celui du 17 mai 2013 signé par un membre du CHSCT concernant M.[H] à l’issue de son audition lors de l’entretien préalable à une sanction disciplinaire ;

– un procès-verbal de réunion du CHSCT du 23 mai 2013 en réponse à l’avis de danger grave et imminent émis le 17 mai 2013 ; une synthèse de cette réunion en complément du procès-verbal de réunion jugé non exhaustif ;

– un courriel de M.[N], dont la qualité est inconnue, document non daté portant transmission d’un ‘pré accord signé le 24 octobre’relatif au Dr [C], document non joint au débat.

– 2 sommations d’huissier des 23 et 25 juin 2014 délivrées à la demande de l’employeur, sommant M.[H] de répondre à des questions sur le contenu des échanges avec le Dr [C] qu’il assistait lors d’un entretien avec l’inspecteur du travail le 4 décembre 2011.

– une proposition en juin 2015 de poste de chargé de projet Centre [Localité 4], avec accompagnement et descriptif de poste;

– une déclaration accident du travail par M.[H] du 3 mars 2015 après une réunion syndicale UNSA au cours de laquelle il aurait appris la perte de son mandat syndical au sein de l’entreprise;

– évaluation août 2015-février 2016 ;

– le titre 3 de l’accord collectif sur les garanties d’évolution de salaire et de carrière des délégués syndicaux ;

– une attestation du 24 novembre 2017 de Mme [J], psychosociologue en charge du bilan de compétence et de l’accompagnement de M.[H], évoquant les efforts de formation du salarié et les obstacles rencontrés entre 2007 et 2014 en dépit de la mobilisation du salarié .

L’ensemble des éléments produits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une situation de discrimination.

La société Air France conteste toute discrimination. Elle fait état en réponse des éléments suivants.

Sur le déroulement de carrière

S’agissant de l’insertion du salarié depuis le transfert de son contrat de travail à Air France, elle objecte que les difficultés relationnelles rencontrées par le salarié

en avril 1997 ont motivé une première demande de bilan de compétence. Elle produit sur ce point une demande de bilan dès le mois de mai 2007 motivée par des inerties et un manque de coopération du salarié, ainsi qu’une synthèse établie le 14 juin 2008 évoquant une situation de rupture avec l’entreprise et une démarche non aboutie de mobilité professionnelle.

Ces éléments confortent les difficultés d’insertion évoquées par le salarié dans la société Air France et les dispositions prises par l’employeur pour y répondre . Ces difficultés sont antérieures aux mandats syndicaux exercés par le salarié à compter d’octobre 2005 et n’ont pas à être prises en compte dans l’appréciation d’une discrimination.

L’employeur conteste une quelconque reconnaissance par la société Air France du caractère prétendument insuffisant du déroulement de carrière du salarié en 2007, que celui-ci argumente sur une attestation établie par Mme [J] 10 ans plus tard, soit le 24 novembre 2017, par des propos qui sont en contradiction avec le bilan professionnel qu’elle-même a établi en 2007.

La cour constate à la lecture du bilan professionnel effectué par Mme [J] en décembre 2007 (pièce 3 du salarié) qu’ont été relevées chez le salarié des qualités et capacités professionnelles évidentes, mais aussi des difficultés de positionnement professionnel en lien avec des traits de personnalité marqués par une résistance à un cadre contraint, une difficulté à contrôler ses réactions émotionnelles et à gérer les conflits, sans réserves particulières sur le déroulement de carrière de l’intéressé.

Ce constat est effectivement peu compatible avec la relation indirecte par Mme [J] dans l’attestation établie en faveur du salarié le 24 novembre 2017, de déclarations qu’aurait faites le directeur des ressources humaines du service informatique M.[K] en 2007 afin de présenter ‘ses excuses pour la gestion déplorable de la carrière de ce cadre’. Le contenu de ce témoignage indirect est contesté par l’employeur, et peu plausible au regard des conclusions du rapport d’évaluation qui mettent en évidence les marges de progression attendues du salarié. Cette attestation ne permet pas de caractériser la reconnaissance par l’employeur d’un manquement dans la gestion de carrière du salarié depuis 1997.

Selon l’article 4.2.1 du titre 3 de l’accord collectif relatif aux garanties de carrière des délégués syndicaux, le délégué syndical ‘permanent’ , qui dispose d’un crédit d’heures mensuel égal ou supérieur à 110 heures et qui est dispensé de prestation de travail, reçoit à priori un avancement qui correspond à la moyenne par emploi et qualification des augmentations accordées à ce titre au personnel de la catégorie à laquelle il appartient dans son établissement. Sa situation est examinée annuellement par sa hiérarchie et les RRH.

S’agissant de l’absence longue et injustifiée d’entretiens annuels d’évaluation et de l’absence de fixation d’objectifs dont se prévaut le salarié à compter de 2010, la société Air France objecte qu’elle a toujours mis en place les entretiens annuels, que toutefois à compter de l’obtention du statut de délégué syndical ‘permanent’, le salarié n’accomplissait plus de travail pour l’entreprise et ne pouvait être évalué sur ses qualités professionnelles ni se voir fixer des objectifs.

Après la perte de son statut de délégué syndical permanent en décembre 2013, M.[H] s’est trouvé en arrêt de travail jusqu’en avril 2014, de sorte que si un entretien annuel a été fixé le 3 février 2014 (pièce 2 du salarié) aucun objectif ne lui a été fixé en 2013 du fait de l’absence d’activité , l’évaluation n’a pas été réalisée. Le salarié ayant pris un nouveau poste à compter de septembre 2015, il n’a pas été procédé à une évaluation sur les 4 mois de l’année considérée. Il ne ressort pas des éléments produits que le salarié ait été reçu en entretien annuel d’évaluation par la direction des ressources humaines entre 2011 et 2013, ce qui ne peut caractériser une discrimination à défaut d’activité professionnelle exercée par le salarié durant cette période où tout son temps était consacré à la représentation syndicale.

Concernant son avancement de carrière le salarié produit en page 13 de ses conclusions un tableau comportant une comparaison entre l’évolution de son coefficient entre janvier 1994 et avril 2017 et celle d’une moyenne établie entre 4 salariés (MM.[F], [Z], [S] et [W]) sans autre élément de nature à établir que ces salariés sont dans une situation comparable . Ainsi aucune précision n’est fournie sur leur ancienneté, leur classement et leur fonction, étant observé que le salarié s’abstient par ailleurs de produire ses propres bulletins de salaire , notamment sur la période concernée par l’exercice de ses mandats. Les éléments produits par le salarié ne sont donc pas de nature à établir que les salariés avec lesquels il se compare sont placés dans une situation identique.

L’employeur produit quant à lui un tableau comparatif établi en 2016 comportant le nom de 14 salariés se situant dans la moyenne d’âge de 49 à 60 ans , M.[H] étant alors âgé de 53 ans, de niveau C04, et C05 comme M.[H], et précisant les services d’affectation, coefficients, rémunération annuelle.

Ce tableau comparatif qui ne donne pas lieu à une remise en cause sérieuse par le salarié, montre que M.[H] se situe dans la moyenne d’évolution des coefficients et des rémunérations , sans qu’il en résulte une disparité de traitement et d’évolution de carrière.

L’historique de carrière produit par le salarié en pièce 1, révèle une progression de rémunération individuelle chaque année de janvier 1994 à octobre 2016.

Il ne résulte pas de l’ensemble de ces éléments un traitement défavorable de la carrière de M.[H] à raison de ses mandats syndicaux.

S’agissant des formations, il ressort des éléments versés aux débats (bilan de compétence du 5 novembre 2014, entretiens annuels) que le salarié a suivi des formations sur la sécurité des systèmes d’information et sur les produits d’analyse réseaux OPNET (pièce 21 salarié), une formation en anglais et vista/tempo en 2007 ainsi qu’une formation méthode en anglais en 2008, et en allemand.

L’employeur justifie ainsi que le salarié a bénéficié de formations durant la période d’exercice de ses mandats.

Sur les accidents du travail déclarés et les avis de danger grave et imminent

L’avis de danger grave et imminent du 8 juin 2012, produit M.[H], a été émis par lui concernant le Dr [C]. Il n’est donc pas utile au débat. Quant à l’avis du 17 mai 2013, il fait suite à un entretien préalable à une sanction disciplinaire et au signalement effectué par M.[R], salarié qui a vu M.[H] à la sortie de l’entretien et qui a exprimé son inquiétude concernant l’état de tension présenté par celui-ci.

L’employeur justifie avoir réuni le CHSCT dans un délai raisonnable le 22 mai 2013, l’organisme ayant alors décidé d’orienter le salarié avec son accord sur un médecin référent.

Le reproche tiré du caractère partial du procès-verbal de réunion du CHSCT dont la rédaction incombe au seul secrétaire est inopérant à établir une intention de l’employeur de censurer les déclarations du salarié.

Il est constaté par la cour que l’entretien préalable du 17 mai 2013 a été suivi de la notification d’un avertissement le 6 juin 2013 et que le recours gracieux formé par le salarié contre cette sanction a été rejeté. Cette sanction présente donc un caractère définitif.

Quant aux déclarations d’accident du travail effectuées par le salarié les 5 mars 2015 et 1er mars 2017, elles concernent :

– pour la première, un malaise du salarié après une réunion d’information syndicale de l’UNSA du 3 mars 2015 au cours de laquelle M.[H] indique avoir été informé de sa radiation par l’organisation syndicale, déclarant n’avoir été avisé que verbalement par le service des ressources humaines en avril 2014 de la suppression de ses heures de permanent.

– pour la seconde, un accès de panique et d’angoisse au domicile après s’être trouvé dans l’impossibilité de saisir en ligne ses demandes de congé.

Il convient de relever, d’une part, que les circonstances qui ont précédé les malaises susvisés dont la réalité ne saurait être mise en doute, ne sont pas en lien avec un manquement de l’employeur à l’ égard du salarié, d’autre part, que le caractère professionnel de ces accidents a été écarté par la CPAM.

Ces faits ne sauraient donc être pris en considération dans l’appréciation d’une situation de discrimination.

Sur les mesures alléguées de rétorsion

La juridiction prud’homale n’a pas été saisie d’une demande d’annulation de l’avertissement notifié au salarié le 7 juin 2013. Cette sanction devenue définitive ne saurait donc caractériser une volonté de rétorsion prêtée à l’employeur et motivée par le soutien apporté par le salarié au médecin du travail, le Dr [C], dans un litige l’ayant opposé à la société Air France.

Surabondamment il sera rappelé que l’avertissement notifié le 7 juin 2013 est motivé par des propos agressifs et menaçants qu’il était reproché à M.[H] d’avoir tenu à l’égard de Mme [P], infirmière, le 8 mars 2013, faits qui ont donné lieu au dépôt d’une main courante par cette salariée le 22 mars 2013 et à une déclaration d’accident du travail dont le caractère professionnel a été reconnu par la CPAM.

Quant aux sommations interpellatives délivrées au salarié par actes d’huissier

des 23 et 25 juin 2014 – la seconde ne faisant que rectifier une erreur de date – elles s’inscrivent dans le contexte d’un litige qui a opposé le Docteur [C] et la société Air France. L’employeur expose que l’inspecteur du travail n’ayant pas pris en compte la transaction intervenue entre les parties et ayant refusé l’autorisation de licenciement du Dr [C], il a entendu s’assurer auprès de M.[H] qui était présent lors de l’entretien avec l’inspecteur du travail, que le médecin avait respecté l’engagement pris de ne pas s’opposer à son licenciement lors de l’instruction de la demande d’autorisation de licenciement devant l’inspecteur du travail, l’employeur ayant pris quant à lui l’engagement de ne pas faire mention de certains griefs dans la lettre de licenciement.

Ces éléments strictement en lien avec le litige opposant l’employeur au Dr [C], ne procèdent pas d’un agissement de harcèlement à l’encontre de M.[H].

Sur le reclassement dans l’activité professionnelle

La société Air France indique, qu’en dépit de l’affirmation contraire du salarié, elle a entrepris les démarches en vue de permettre son reclassement après la perte de son statut de permanent syndical en novembre 2013, dans le respect des exigences du titre 3 de l’accord collectif en vigueur dans l’entreprise relatif au maintien des compétences professionnelles et au reclassement dans l’activité professionnelle des délégués syndicaux et autre titulaires de mandats de représentation.

Il s’évince des dispositions de cet accord visant à prévenir toute pénalisation des délégués syndicaux dans l’évolution de leur salaire et de leur carrière, que le délégué syndical permanent bénéficie en fin de mandat, lorsqu’il a exercé ses fonctions de manière continue depuis plus de trois ans, d’un bilan professionnel et , s’il le demande, d’un bilan de compétences. L’affectation définitive intervient sur un poste de niveau au moins équivalent et dans un délai qui, en principe, et incluant les éventuelles actions de formation particulières qui seraient nécessaires, est de 1 mois quand l’exercice de fonction de permanent a été inférieur à 3 ans et supérieur à 1 an, 6 mois quand l’exercice de fonction de permanent a été supérieur à trois ans et inférieur à cinq ans.

Au cas d’espèce M.[H] qui – d’après les indications fournies par l’employeur en page 3 de ses conclusions et non contredites par le salarié – a bénéficié du statut de délégué syndical ‘permanent’ de mai 2011 à décembre 2013, période au cours de laquelle les parties s’accordent pour admettre qu’il bénéficiait de plus de 110 heures de mandat par mois, devait en principe être affecté sur un poste dans le délai d’un mois.

Il s’évince cependant des pièces de la procédure que le salarié s’est trouvé en arrêt de travail d’octobre 2013 à avril 2014, de sorte que la recherche d’une affectation n’a pu commencer de façon effective en décembre 2013. Il est observé par ailleurs que le salarié sollicitait un bilan professionnel ainsi que l’indique Mme [J] dans son attestation (pièce 27 du salarié), et que la société Air France justifie avoir, sans tarder, mandaté Mme [J] par courriel du 17 décembre 2013, soit moins d’un mois après expiration des mandats, afin d’effectuer un nouveau bilan professionnel, qui a été déposé le 5 novembre 2014.

L’employeur a adressé au salarié le 10 février 2015 une liste de 10 postes disponibles correspondant à sa qualification N2.1

Si le repositionnement du salarié était complexe, ce dont convient Mme [J] en indiquant dans son témoignage que les postes d’ingénieur informatique relevant de la direction dont il dépendait étaient jugés ‘trop éloignés de son profil professionnel’ en l’absence de projet informatique pendant 5 ans, l’employeur justifie au vu de la situation de blocage constatée par Mme [J] , avoir créé un poste du niveau 2.1 correspondant à la classification du salarié. Ainsi la présentation formelle du poste proposé

le 17 juin 2015 correspond à un poste créé pour M.[H] et tenant compte de ses attentes telles que relayées par Mme [J] dans un courrier à l’employeur

du 22 septembre 2014 (‘M.[H] était en attente de deux postes qui devaient paraître, responsable de logistique immobilière et chef de centre’). Le bilan établi par Mme [J]

le 5 novembre 2014 évoquait par ailleurs le souhait du salarié d’être reclassé dans un poste avec peu de contact. Il est relevé que les postes revendiqués précédemment par le salarié étaient d’une catégorie supérieure à la sienne , soit N1.2 et N.2.2, élément porté à la connaissance de Mme [J] le 26 septembre 2020, ce qui conforte la réalité de la création de poste évoquée ultérieurement par l’employeur afin de finaliser le reclassement. Il est à noter que le salarié qui a été informé de cette offre de poste

le 17 juin 2015, ne s’est positionné sur cette proposition que le 3 août 2015 , après avoir été relancé par lettre de l’employeur du 29 juillet 2015.

Au regard des difficultés spécifiques de reclassement du salarié , dont le maintien dans le poste de cadre informatique initialement occupé n’était envisagé ni par le salarié ni par l’employeur, et du bilan professionnel mis en oeuvre avec accompagnement individualisé, le dépassement du délai de principe prévu par l’accord collectif ne saurait caractériser une situation de discrimination.

Il résulte des explications et pièces fournies par l’employeur que les faits dont excipe le salarié relèvent de décisions justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale.

Les demandes indemnitaires fondées sur la discrimination syndicale sont donc rejetées par confirmation du jugement déféré.

2- Sur le harcèlement moral

En application des dispositions de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article 1154-1 du code de travail dispose qu’il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

M.[H] expose que son état de santé s’est dégradé et que la dépression qu’il a subie est due à une situation de souffrance au travail en lien avec les agissements répétés de de son employeur. Outre l’ensemble des faits invoqués à l’appui de la discrimination, il fait valoir qu’il a été affecté par la perte de son statut de cadre et le contrôle médical diligenté par l’employeur à son domicile en période d’arrêt de travail.

Il appuit sa demande sur l’ensemble des pièces produites au titre de la discrimination ainsi que sur les pièces complémentaires suivantes:

– des pièces médicales: avis d’arrêts de travail ( du 4/10/2013 au 16/12/2013), dossier médical de la médecine du travail, attestations de psychiatres des 14 , 29 juin

et 6 juillet 2017certifiant le suivi d’une thérapie par le salarié depuis le 22 mai 2017;

– une lettre recommandée de l’employeur du 6 mars 2017 invitant le salarié à faire connaître les heures auxquelles peut être opérée une visite de contrôle médical à domicile ;

– un courrier en réponse du salarié du 10 mars 2017 évoquant un détournement du droit accentuant sa souffrance morale et présentant un caractère humiliant ;

– un courrier de la CPAM du 19 avril 2019 relatif à l’attribution d’une pension

d’invalidité ;

– une attestation du Dr [C] du 7 décembre 2017 dans laquelle elle évoque l’assistance par M.[H] durant sa procédure de licenciement, notamment lors d’un rendez-vous avec l’inspecteur du travail , ainsi que la sanction dont a fait l’objet M.[H] après son rôle auprès d’elle ;

– une attestation de M.[V] du 17 décembre 2017, salarié retraité d’Air France ayant exercé des mandats de représentation syndicale, évoque la forte implication de M.[H] dans la défense des intérêts du Dr [C].

Aux termes des développements qui précèdent, la cour a retenu que si l’ensemble des éléments produits permettent de présumer une situation de discrimination, les explications et pièces fournies par l’employeur conduisent à retenir que les décisions de ce dernier sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Au vu des justificatifs susvisés produits par l’employeur, ces mêmes éléments ne caractérisent pas des agissements ayant pour objet ou pour effet de créer un environnement dégradant, humiliant ou hostile à l’égard du salarié.

S’agissant des éléments complémentaires dont se prévaut le salarié, il est constaté que la perte alléguée du statut de cadre, qui est contestée par l’employeur, n’est étayée par aucun élément objectif.

Quant à la contre visite médicale envisagée par l’employeur au domicile du salarié en situation d’arrêt de travail , elle procède d’une application des dispositions de l’article L1226-1 du code du travail, et ses modalités pratiques impliquent la connaissance des horaires de présence du salarié au domicile. Le courrier par lequel l’employeur interroge le salarié sur les horaires de présence durant lesquels peut être fixée une contre visite procède donc d’un droit de l’employeur et ne saurait caractériser un agissement de harcèlement.

L’assistance par M.[H] du Dr [C], ne justifie pas en soi de la réalité des mesures de rétorsion évoquées par celle-ci, notamment la décision d’avertissement qui n’est pas remise en cause devant la juridiction.

M.[V] , par ailleurs, ne fait que confirmer le rôle de soutien et d’accompagnement assuré par M.[H] auprès du Dr [C], ainsi que l’état de santé morale dégradé du salarié, sans qu’il en résulte un lien de causalité avec des agissements de harcèlement.

Nonobstant les pièces médicales produites qui attestent d’un état de santé détérioré du salarié , que le dossier de la médecine du travail pointe dès l’année 2000 à raison d’un syndrôme dépressif, les difficultés professionnelles ainsi que les tensions syndicales évoquées ,bien que réelles, ne sont pas en lien avec des agissements répétés de harcèlement.

La demande indemnitaire fondée sur le harcèlement moral a donc été justement écartée par les premiers juges.

Sur le non -respect de l’accord collectif

Le titre 3 de l’accord collectif pose le principe que l’accès aux fonctions de délégué syndical ne doit pas pénaliser la carrière individuelle du salarié concerné.

Selon l’article 5, lorsqu’un salarié quitte ses fonctions de délégué syndical permanent, l’affectation définitive intervient sur un poste de niveau au moins équivalent et dans un délai qui, en principe, et incluant les éventuelles actions de formation particulières qui seraient nécessaires, est d’un mois quand l’exercice de fonction de permanent a été inférieur à trois ans et supérieur à un an.

M.[H] a exercé des fonctions de délégué syndical permanent de mai 2011 à décembre 2013, soit pendant plus d’un an mais moins de trois ans, son reclassement devait donc intervenir dans le délai d’un mois.

L’affectation effective de M.[H] dans un poste n’est intervenue qu’en septembre 2015 alors que la fin de mandat intervenait en décembre 2013.

Nonobstant les diligences entreprises par l’employeur en vue du reclassement du salarié par la mise en place d’un bilan professionnel rendu nécessaire par le profil du salarié et les attentes exprimées par celui-ci, M.[H] ne s’est vu proposer un poste qu’après un délai de 21 mois durant lequel il est resté sans activité proposée par l’employeur.

Ce délai de reclassement présente un caractère excessif et procède d’une violation des dispositions conventionnelles précitées. Il a occasionné un préjudice moral au salarié laissé dans une situation d’attente perturbante au regard de la volonté d’intégration décrite par Mme [J].

La méconnaissance de ces dispositions conventionnelles justifie la condamnation de la société Air France à payer à M.[H] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes annexes

La société Air France, partie perdante, supportera les entiers dépens de première instance et d’appel.

M.[H] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens qu’il a dû exposer à l’occasion de cette procédure. La société Air France sera donc tenue de lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 al.1er 1° du code de procédure civile.

Le jugement entrepris est infirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.

La société Air France est déboutée de sa demande formée au titre des frais et dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement , en dernier ressort

Infirme le jugement en ses dispositions ayant débouté M.[H] de sa demande de dommages et intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles

Le confirme pour le surplus

Statuant à nouveau du chef infirmé

Condamne la société Air France à payer à M.[D] [H] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles de l’accord collectif sur le reclassement des délégués syndicaux

Condamne la société Air France à payer à M.[D] [H] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties

Condamne la société Air France au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

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