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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 00A
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 NOVEMBRE 2020
N° RG 19/04461 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TIZF
AFFAIRE :
Société ALDINI AG
C/
SAS MBDA
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 07 Juin 2019 par le Président du TC de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2019R00447
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Bertrand LISSARRAGUE
Me Stéphanie TERIITEHAU
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Société ALDINI AG (société de droit suisse, UID CHE – 114.348.088) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 3] SUISSE
Représentée par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1961946 –
Assistée de Me Cataldo CAMMARATA de la SELARL SQUADRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0538
APPELANTE
****************
SAS MBDA FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 378 168 470
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELARL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 732 – N° du dossier 20190596
Assistée de Me Kyum LEE du cabinet BDGS, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Septembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie LE BRAS, faisant fonction de président, et Madame Marina IGELMAN, Conseiller, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Marie LE BRAS, Conseiller,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sophie CHERCHEVE,
EXPOSÉ DU LITIGE
La SA Dolphin Intégration est une entreprise cotée sur le marche Euronext Growth Paris, spécialisée dans la conception de circuits intégrés et de composants virtuels, analogiques et numériques pour la fabrication en grand volume.
La SAS MBDA France appartient à un groupe spécialisé dans la conception, la fabrication et la commercialisation de missiles et de systèmes de missiles destinés à répondre aux besoins opérationnels de l’armée. Le groupe est détenu par trois actionnaires, acteurs européens majeurs dans le domaine de l’aérospatial et de la défense : Airbus SE, Bae Systems PLC et Leonardo.
La société MBDA France a été administrateur de la société Dolphin Intégration de juillet 2017
au 5 juin 2018, date à laquelle elle a démissionné de ses fonctions.
La société Soitec est une société située dans la région grenobloise spécialisée dans les matériaux semi-conducteurs.
Les sociétés MBDA et Soitec sont des clients historiques de la société Dolphin Intégration.
La société Aldini AG est une entité suisse d’une banque d’affaires qui détient environ 2 % du capital de la société Dolphin Intégration, la majorité de ses actions (70%) ayant été acquise le 26 juillet 2018.
La société Dolphin Intégration a fait l’objet d’une première procédure de conciliation, ouverte le 17 avril 2017 et renouvelée le 22 août jusqu’au 14 septembre 2017, dont le plan n’a pas été respecté, ce qui a donné lieu fin 2017 à une procédure d’alerte des commissaires aux comptes.
Le 5 juin 2018, à la demande de la société Dolphin Intégration, une seconde procédure de conciliation a été ouverte à son bénéfice, et un conciliateur a été nommé avec pour mission d’assurer la pérennité de la société et notamment d’étudier toute solution de ‘prepack’ cession au sens de l’article L. 611-7 du code de commerce.
Dans le cadre de la conciliation, les sociétés MBDA France et Soitec ont présenté le 6 juillet 2018 une offre de reprise en plan de cession ‘prepack’ des actifs de la société Dolphin Intégration, remplacée par une offre améliorée le 13 juillet 2018 et complétée par une lettre du 10 août 2018.
La société Dolphin Intégration a déposé une déclaration de cessation des paiements le 16 juillet
2018 et par jugement du 24 juillet 2018, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de cette société.
Puis, par jugement du 21 août 2018, le tribunal de commerce de Grenoble a approuvé l’offre de reprise des actifs de la société Dolphin Intégration au bénéfice des sociétés MBDA France et Soitec ou de toute personne morale qu’elle se substituerait moyennant un prix de cession de 200 400 euros.
Le 19 octobre 2018, la société Aldini AG a formé une tierce-opposition nullité contre le jugement de cession au motif que le tribunal aurait commis un excès de pouvoir en arrêtant le plan de cession au profit des sociétés MBDA France et Soitec.
Cette tierce-opposition a été appuyée par des interventions volontaires le 2 novembre 2018 des sociétés Discovery Capital, Newsun Limited, Pekerm Investment et M. [N], actionnaires de la société Dolphin Intégration.
Par jugement du 18 décembre 2018, le tribunal de commerce de Grenoble a déclaré la société Aldini AG et les intervenants volontaires irrecevables en leur recours.
Sur appel de la société Aldini AG interjeté le 27 décembre 2018, la cour d’appel de Grenoble a, par arrêt en date du 6 juin 2019, en substance, confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 décembre 2018.
Le 27 décembre 2018, la société Aldini AG a par ailleurs fait assigner les sociétés Soitec et MBDA France, ainsi que la sociétés Dolphin Intégration, la Selarl AJ Partenaires, Me [R] [GX], la société Dolphin Design et le CGEA d’Annecy, en présence de M. le procureur de la République, devant le tribunal de commerce de Grenoble aux fins d’obtenir la nullité de l’acte de cession des actifs et du fonds de commerce de la société Dolphin Intégration au profit des repreneurs. Cette procédure est actuellement en cours.
C’est dans ces circonstances que la société Aldini AG a déposé le 2 avril 2019 une requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile devant le président du tribunal de commerce de Nanterre, visant à voir prononcer une mesure d’instruction à l’encontre de la société MBDA France sur la base de soupçon de fraude de la part des repreneurs et d’excès de pouvoir de la part du tribunal ayant ordonné la cession au bénéfice de ceux-ci.
Par ordonnance du même jour, le président tribunal de commerce de Nanterre a autorisé une mesure d’instruction visant à prendre copie, au siège social de la société MBDA France, de tous documents et courriers relatifs au dossier ‘Dolphin Intégration’ ainsi que les mails en relation directe avec ‘Dolphin Intégration’, échangés entre les dirigeants des sociétés MDBA France et Soitec, les dirigeants et les administrateurs de la société Dolphin Intégration et le conciliateur et administrateur judiciaire de celle-ci, entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2018. Par la même ordonnance, le président a ordonné le séquestre de l’ensemble des éléments recueillis entre les mains de l’huissier instrumentaire pendant un délai de 15 jours.
L’ordonnance a été signifiée par 1’huissier à la société MBDA France le 16 avril 2019 mais n’a pu être exécutée, la société MBDA France refusant de se soumettre à la mesure d’instruction ordonnée, aux motifs que cette mesure aurait été obtenue par fraude et que les éléments énoncés dans l’ordonnance sont couverts par le secret défense, la société MBDA France étant une société soumise aux dispositions de l’instruction générale sur la protection du secret de la défense nationale.
Par acte d’huissier de justice délivré le 29 avril 2019, la société Aldini AG a fait assigner en référé la société MBDA France afin d’obtenir principalement la confirmation de l’ordonnance sur requête du 2 avril 2019, sauf à tenir compte du secret défense, l’injonction sous astreinte à la société MBDA notamment d’établir les lieux de la société non soumis au secret défense et de permettre à l’huissier et l’expert informatique d’y accéder accompagnés de la force publique, d’établir la liste des informations et supports classifiés dans le dossier ‘Dolphin Intégration’, de remettre les éléments du dossier ‘Dolphin Intégration’ non soumis au secret défense, de permettre à l’expert informatique de prendre copie des mails en relation directe et exclusive avec le dossier Dolphin Intégration échangés par les personnels de direction de la société MBDA en excluant les informations et supports classifiés établis, la saisine de l’autorité administrative en charge de la déclassification pour saisine par cette dernière de la commission consultative du secret de la défense nationale aux fins de déclassification et communication des informations protégées ‘secret défense’ relatives au dossier ‘Dolphin Intégration’.
Parallèlement, sur requête du 14 mai 2019, le président du tribunal de commerce de Nanterre a, par ordonnance du même jour, autorisé la société MBDA à assigner la société Aldini en référé d’heure à heure à l’audience du 21 mai 2019, aux fins de rétractation de l’ordonnance sur requête du 2 avril 2019.
Par ordonnance contradictoire rendue le 7 juin 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :
– déclaré recevable l’assignation en rétractation de l’ordonnance du 2 avril 2019 formée par la société MBDA France,
– prononcé la jonction des deux instances,
– rejeté la demande de sursis à statuer formée par la société MBDA France sur la demande de la société Aldini AG d’une mesure d’instruction modifiée,
– rétracté l’ordonnance sur requête du 2 avril 2019 ayant ordonné une mesure d’instruction au siège social de la société MBDA France en toutes ses dispositions,
– déclaré irrecevable la demande d’une nouvelle mesure d’instruction formée par la société Aldini AG sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile,
– condamné la société Aldini AG à payer à la société MBDA France la somme provisionnelle de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
– condamné la société Aldini AG à payer à la société MBDA France la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Aldini AG aux dépens,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration reçue au greffe le 16 juin 2019, la société Aldini AG a interjeté appel de toutes les dispositions de cette ordonnance.
Le 16 juillet 2019, le tribunal de commerce de Grenoble a ordonné la liquidation judiciaire de la société Dolphin Intégration.
Dans ses dernières conclusions déposées le 5 février 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Aldini AG demande à la cour, au visa des articles 561, 562, 954 du code de procédure civile, 10 du code civil, 9, 10, 11, 145, 455, 487, 493, 496, 812 du code de procédure civile, ensemble les articles 6, 9, 13 et 17 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et 5 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de :
– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 7 juin 2019 ;
et statuant à nouveau :
– déclarer la demande de mesures d’instruction à futur introduite recevable et bien fondée par application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile motifs pris (i) de l’absence de tout procès relatif à la responsabilité des administrateurs et dirigeants, notamment mais pas exclusivement de Dolphin Intégration, sans égard aux procédures introduites devant les juridictions de Grenoble dont les objets et les parties sont différents et (ii) de l’existence d’un motif légitime avéré tenant tout à la fois au contexte décrit de manière circonstanciée de responsabilité vraisemblable des administrateurs notamment de Dolphin Intégration, au risque de dissimulation de preuve, à la nécessité de rassembler des preuves de cette responsabilité pour engager la responsabilité de ces dirigeants ;
– juger qu’en retenant, comme ils l’ont fait, la prétendue omission des procédures en cours devant les juridictions de Grenoble, les premiers juges ont méconnu les termes de l’article 145 du code de procédure civile en rajoutant une condition non prévue par ce texte ; étant précisé que cette prétendue omission est, de surcroît, fausse ;
– déclarer la demande de mesures d’instruction à futur nécessaire à l’exercice de son droit à la preuve lui permettant raisonnablement de présenter effectivement sa cause lors d’un éventuel procès en responsabilité des dirigeants, notamment de Dolphin Intégration ;
– déclarer sa demande de modification des mesures d’instruction ordonnées par le juge des requêtes (i) motivée par le refus d’exécuter les mesures d’instruction par la société MBDA France alléguant un ‘secret défense’, de surcroît, non démontré et (ii) bien fondée motif pris ‘que le juge qui a rendu l’ordonnance sur requête peut la rétracter ou la modifier..’ (Cass. 23/06/2016, n° 15-15186, publié au bulletin) ;
– infirmer ‘le jugement’ en ce qu’il l’a condamnée à payer la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ;
– déclarer cette demande non fondée motifs pris (i) principalement, de l’impossibilité pour le juge des référés saisi en rétraction d’une ordonnance sur requête de modifier l’objet du litige limité au débat contradictoire des mesures ordonnées et (ii) subsidiairement, de l’impossibilité pour le juge de décider par référence à une autre décision, d’indemniser un risque, de retenir des allégations non démontrées et, de surcroît, fausses, de faire référence à des articles de presse sans rapport avec le régime juridique de la responsabilité pour procédure abusive, (iii) encore plus subsidiairement, les premiers juges n’ont pas caractérisé l’abus du droit fondamental de valeur conventionnelle et constitutionnelle d’ester en justice ; surabondamment, la décision critiquée n’a pas caractérisé les éléments de la responsabilité civile relatifs à la faute, le préjudice et le lien de causalité ;
– déclarer bien fondée l’ordonnance sur requête du 2 avril 2019 et la mission impartie à l’huissier instrumentaire ; dire et juger qu’elle sera modifiée et complétée pour tenir compte (i) de l’obstruction de la société MBDA France à l’exécution de ladite ordonnance sur requête et (ii) du secret défense dès lors qu’il sera justifié par la société MBDA France et son périmètre établi et ce dans les termes indiqués ci-après :
– enjoindre à la société MBDA France :
a – (i) de communiquer la liste et la catégorie des lieux de la société MBDA France soumis au secret défense et (ii) et la remettre à l’huissier de justice, la SCP Venezia & Associés (Me Lodieu) pour qu’elle soit remise au juge ;
b – (iii) de permettre audit huissier de justice et au sachant désigné par l’ordonnance du 2 avril 2019, à savoir l’expert informatique, Expertise Lab, d’accéder aux lieux de la société MBDA France ne figurant pas dans la liste des lieux soumis au secret défense accompagnée de la force publique, en présence de l’officier de sécurité et l’officier de sécurité affecté à la sécurité des systèmes d’information de la société MBDA France ;
c – dans le dossier qualifié par la société MBDA France de ‘dossier Dolphin Intégration’, d’établir la liste des informations et documents qualifiés « informations et supports classifiés avec le niveau de classification pour permettre au juge de saisir, le cas échéant, en connaissance de cause, la commission consultative du secret de la défense nationale ;
d – de remettre à l’huissier de justice, la SCP Venezia & Associés(Me Lodieu), l’ensemble des éléments du dossier, qualifié par la société MBDA France du ‘dossier Dolphin Intégration’, non soumis au secret défense ;
e – de permettre à l’expert informatique, Expertise Lab, en présence et sous le contrôle de l’officier de sécurité et l’officier de sécurité affecté à la sécurité des systèmes d’information de la société MBDA France de prendre :
– la copie informatique sur un support numérique de tous les mails en relation directe et exclusive avec Dolphin Intégration échangés par ses personnels de direction et, notamment [H] [A] (Président MBDA), [P] [V] (Directeur général MBDA) et [FB] [W] [C] (en charge du dossier Dolphin Intégration chez MBDA) en relation avec [BW] [L] (Dolphin Intégration), [O] [K] (Soitec et administrateur chez Dolphin Intégration), [I] [B] (Administrateur et directeur général de Dolphin Intégration), [RB] [J] (actionnaire de Dolphin Intégration), [U] [UT] (MBDA et représentant permanent chez Dolphin Intégration), [WO] [F] (Directeur général de Soitec), [RB] [KN] (Président de Soitec), [T] [DF], [MJ] [DF], [Y] [E] [X] (ensemble conciliateur et administrateur judiciaire de Dolphin Intégration) en charge de ce dossier sur leurs messageries électroniques entre le 01/01/2017 et le 31 décembre 2018, tant sur l’adresse électronique MDBA que sur les autres comptes de messagerie présents sur leurs ordinateurs ; en excluant tout document ou fichier qualifié « informations et supports classifiés » dont Me [S] établira la liste en coopération avec l’officier de sécurité et l’officier de sécurité affecté à la sécurité des systèmes d’information de la société MBDA, pour permettre au juge de saisir, le cas échéant, en connaissance de cause, la commission consultative du secret de la défense nationale;
– et notamment, la copie informatique sur un support numérique des mails échangés par ceux-ci en faisant une recherche par chaîne de caractères à partir des mots clé suivants :
– « Dolphin », « SOITEC » ou « Soitec »
– « [DF] », « [T] » ou « [T] [DF] » « [Courriel 6] »
– « [MJ] », « [DF] », « [MJ] [DF] »
– « [Y] », « [E] [X] », « [Y] [E] [X] », «[Courriel 5] »
– « [K] », « [K] », « [O] » ou « [O] [K] »
– « [L] », « [BW] » ou « [BW] [L] » ou « Fontclaire »
– « [B] », [I] » ou « [I] [B] »
– « [F] », « [WO] » ou « [WO] [F] »
– « [RB] », « [J] », « [RB] [J] »
– « [U] », «[UT] », «[U] [UT]»
– «[P]», «[V]», «[P] [V]», «
– «[H]», «[A]», «[H] [A]»
– « [RB] », « [KN] », « [RB] [KN] »
– « [Z] », « [G] », « [Z] [G] »
– « [FB] », « [W] », « [C] », « [W] [C] », « [FB] [W] [C] »
– « [FB] », « [M] », « [FB] [M] » ;
– assortir cette injonction ainsi faite à la société MDBA France d’une astreinte de 10 000 euros par jour de retard dans l’obligation de l’exécuter, en cas de nouvelle obstruction dûment constatée par la SCP Venezia & Associés, huissier de justice, et ce à compter de cette obstruction ;
– se réserver compétence pour la liquidation de cette astreinte provisoire ;
– ordonner, pour connaître le ou les lieux abritant les éléments du secret défense du ‘dossier Dolphin Intégration’ à titre principal (i) l’interrogation par la juridiction de céans du ministère de la Justice ou de la commission consultative nationale du secret de la défense nationale, détenteurs de la liste, (ii) soit la consultation par la juridiction de la liste mise à disposition à cette fin sur le système informatique situé au ministère de la Justice par application de l’article R. 2311-9-1 du code de la défense nationale ;
– ordonner la saisine par la juridiction de céans de l’autorité administrative en charge de la déclassification pour saisine par cette dernière de la commission consultative nationale du secret défense aux fins de déclassification et communication des informations protégées secret défense relatives au ‘dossier Dolphin Intégration’ par application des articles L. 2312-1, L. 2312-4 et suivants du code de la défense ; et en l’état d’un avis favorable de déclassificaiton de ladite commission, ordonner la communication à l’huissier de justice, Me [S] (SCP Venezia & Associés), des documents déclassifiés pour être joints et faire partie de son rapport complémentaire remis aux parties à l’instance ;
– les autres éléments de la mission définie par l’ordonnance sur requête du 2 avril 2019 étant inchangés ;
– condamner la société MBDA à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et celle de 15 000 euros pour l’instance d’appel;
– condamner la société MBDA aux dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions transmises le 6 septembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société MBDA France demande à la cour, au visa des articles 145, 493 et suivants du code de procédure civile, de :
sur la rétractation de l’ordonnance du 2 avril 2019 du président du tribunal de commerce de Nanterre :
à titre liminaire,
– juger que la requête de la société Aldini AG est manifestement frauduleuse dès lors qu’elle a affirmé de façon mensongère qu’aucun procès n’était en cours entre les parties et qu’elle a dissimulé au président du tribunal de commerce de Nanterre des informations essentielles sur les procédures en cours entre les parties concernées ;
– juger que la requête est irrecevable dès lors qu’elle a n’a pas été introduite avant tout procès ; subsidiairement,
– juger que la société Aldini AG n’invoquait aucune circonstance particulière justifiant qu’il soit dérogé au principe du contradictoire ;
– juger que la société Adlini AG ne justifie d’aucun motif légitime ;
– juger qu’en toutes hypothèses, les mesures d’instruction ordonnées en raison de la requête frauduleuse de la société Aldini AG ne sont pas légalement admissibles ;
en conséquence,
– confirmer l’ordonnance du 7 juin 2019 du tribunal de commerce de Nanterre en ce qu’elle a rétracté l’ordonnance du 2 avril 2019 ;
sur la condamnation de la société Aldini AG pour procédure abusive :
– confirmer l’ordonnance du 7 juin 2019 du tribunal de commerce de Nanterre en ce qu’elle a condamné la société Aldini AG à verser la somme provisionnelle de 10 000 euros à la société MBDA France en réparation de son préjudice ;
sur la demande d’une nouvelle mesure d’instruction formée par la société Aldini AG (assignation de la société Aldini AG du 29 avril 2019) :
à titre principal :
– juger que la société Aldini AG est irrecevable dans ses demandes dès lors qu’elles n’ont pas été introduites avant tout procès ;
subsidiairement,
– juger que la société Aldini AG ne justifie d’aucun motif légitime ;
– juger que les mesures d’instruction sollicitées ne sont pas légalement admissibles ;
en toute hypothèse,
– rejeter la demande d’astreinte de la société Aldini AG ;
en conséquence,
– confirmer l’ordonnance du 7 juin 2019 du tribunal de commerce de Nanterre déclarant irrecevable la demande d’une nouvelle mesure d’instruction formée par la société Aldini AG ; – juger la société ALDINI irrecevable et la débouter de l’ensemble de ses prétentions ;
en toutes hypothèses :
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 7 juin 2019 du tribunal de commerce de Nanterre ;
– déclarer la société Aldini AG irrecevable et la débouter de l’ensemble de ses prétentions ;
– autoriser la société MBDA France à faire publier tout ou partie de la décision à intervenir;
– condamner la société Aldini AG à lui verser la somme de 50 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Aldini AG aux dépens dont distraction au profit de la SELARL Paticia Minault agissant par Me Patricia Minault avocat et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 mars 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la régularité de la saisine de la cour
En liminaire de sa discussion, la société MBDA France soutient qu’il existe un doute sérieux sur le point de savoir si la cour est saisie par les conclusions d’appel de la société Aldini AG à l’encontre de l’ordonnance puisque dans son dispositif, l’appelante demande l’infirmation de l’ordonnance du 6 juin 2019, alors qu’une ordonnance datée d’un tel jour n’existe pas, l’ordonnance critiquée ayant été rendue le 7 juin 2019.
Sur ce,
L’erreur invoquée par l’intimée, qui devrait être qualifiée d’erreur purement matérielle tant il est évident à la lecture de l’acte d’appel et des conclusions de l’appelante qu’elle entend remettre en cause l’ordonnance rendue le 7 juin 2019, n’apparaît en tout état de cause plus dans le dispositif des dernières conclusions de la société Aldini AG.
Les observations de la société MBDA France à ce titre seront écartées.
Sur la recevabilité de la requête au regard de l’existence de procès en cours intentés par la société Aldini AG contre la partie visée à la mesure d’instruction
La société Aldini AG fait valoir que pour rétracter l’ordonnance sur requête, les premiers juges ont estimé à tort que la condition relative à l’absence de tout procès requise par l’article 145 du code de procédure civile n’était pas remplie.
Elle souligne qu’elle n’a pas encore engagé d’action judiciaire en vue de rechercher la responsabilité des administrateurs de la société Dolphin Intégration, et notamment de la société MBDA et de son représentant permanent, M. [U] [UT], sur le fondement des articles L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce et l’article L. 225-20 du même code, pour méconnaissance de son obligation de loyauté et en vue d’établir l’existence d’une fraude au droit des petits porteurs de la société Dolphin Intégration.
Elle fait valoir qu’il est indifférent que ‘les faits invoqués’ ou ‘les allégations d’Aldini’ dans la procédure devant le tribunal de commerce de Grenoble puis devant la cour d’appel de Grenoble soient ‘identiques’ ou ‘en grande partie identiques’ à ceux retenus dans la procédure de l’article 145 présentés au juge des requêtes puis à celui des référés du tribunal de commerce de Nanterre.
Elle soutient que l’objet des procédures est distinct et que seul cela importe.
Elle ajoute que le fait que ‘certaines pièces recherchées’ dans les procédures à Grenoble et à Nanterre soient identiques, outre que cette considération n’entre pas dans les termes de l’article 145 du code de procédure civile, n’enlève rien à la pertinence et à la recevabilité de la demande devant les premiers juges de Nanterre et à présent devant la cour.
Sur la prétendue omission de mentionner les procédures en cours à Grenoble qu’elle aurait commise, elle répond qu’une telle appréciation ne participe pas de l’appréciation des mérites de la requête et que ce faisant, les premiers juges ont rajouté au texte et conditions de l’article 145.
La société MBDA France rétorque tout d’abord que la procédure sur requête exige que le requérant fasse preuve d’une loyauté toute particulière vis-à-vis du juge et qu’il doit lui présenter l’ensemble des faits pertinents.
Or elle déplore en l’espèce que la requête du 2 avril 2019 ne mentionne que ‘de façon très pudique’ qu’un recours en tierce opposition contre le jugement arrêtant le plan de cession a été formé sans succès et qu’un appel est en cours et surtout, que la requérante y ait déclaré qu’aucune action judiciaire en vue de trancher le différend l’opposant aux sociétés MBDA et Soitec était en cours, alors que le 27 décembre 2018 la société Aldini AG les avait faites assigner devant le tribunal de grande instance de Grenoble aux fins d’obtenir la nullité de l’acte de cession du fonds de commerce et des actifs de la société Dolphin Intégration, en faisant valoir les mêmes arguments pour obtenir des mesures identiques.
Elle souligne la mauvaise foi de la société Aldini AG qui dans sa requête, a prétendu avoir effectué des démarches pour obtenir des mesures d’instruction identiques notamment chez les sociétés Soitec, Dolphin Intégration et Dolphin Design alors que de son propre aveu, elle n’a jamais déposé ces requêtes.
Elle considère donc que le premier juge de la rétractation ne s’y est pas trompé en considérant que ‘les informations fournies par Aldini dans sa requête au Président du tribunal aux fins de voir ordonner la mesure d’instruction sollicitée étaient incomplètes et trompeuses en ce qu’elles passaient sous silence les procédures en cours devant la juridiction de Grenoble’.
Elle soutient que la requête a donc un caractère frauduleux qui justifie à lui seul la rétractation de l’ordonnance, conformément à l’adage fraus omnia corrumpit.
La société MBDA France soutient ensuite que la requête est irrecevable en raison de l’existence d’un procès en cours.
Elle fait valoir qu’à la date de sa requête, la société Aldini AG avait déjà diligenté plusieurs procédures contre elle et les sociétés Soitec et Dolphin Intégration, fondées sur des allégations identiques à celles exposées dans sa requête et son assignation en référé du 29 avril 2019.
Elle soutient que c’est en vain que la société Aldini AG répond que les procès en responsabilité qu’elle envisage auraient un fondement juridique différent des procédures actuellement en cours qui viseraient seulement à obtenir la nullité du jugement arrêtant le plan de cession et la nullité des actes de cession passés en exécution du plan.
Elle avance qu’il ne suffit pas d’invoquer de manière artificielle un nouveau fondement pour faire échec à la condition impérative tenant à l’absence de procès en cours dont la solution pourrait dépendre des mesures sollicitées.
Elle établit un tableau de synthèse démontrant que les allégations de l’appelante dans sa requête et son assignation en référé ne sont que des copier-coller des allégations dont elle a déjà saisi les juridictions grenobloises au fond.
Elle souligne qu’il convient à cet égard de constater qu’une partie des documents recherchés aux termes de la requête faisait l’objet d’une demande de production de pièces devant la cour d’appel de Grenoble.
Elle estime que les mesures d’instruction demandées ne visent donc qu’à tenter d’établir les fraudes dont elle se prévaut dans les autres procédures de sorte que la requête de la société Aldini AG doit être déclarée irrecevable.
Sur ce,
Il est constant que l’existence d’une instance en cours ne constitue un obstacle à la mesure d’instruction in futurum que si une instance au fond est ouverte concernant le même litige à la date de la requête.
Ainsi, c’est à l’aune de cet unique principe que doit être examinée la recevabilité de la requête, la procédure de rétractation de l’ordonnance sur requête prévue par l’article 497 du code de procédure civile ayant précisément pour vocation d’examiner, après rétablissement du débat contradictoire, les mérites de la requête en considération notamment des éléments qui auraient été omis par le requérant.
En l’espèce, il résulte en effet des termes de la requête de la société Aldini AG présentée le 2 avril 2019 qu’elle a simplement communiqué, en le visant dans ses annexes produites, le jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 18 décembre 2018 ayant statué sur la tierce opposition au jugement ayant ordonné la cession des actifs de la société Dolphin Intégration. Elle n’y mentionne pas l’instance pendante devant la cour d’appel de Grenoble suite au recours qu’elle a intenté contre ce jugement, ni n’évoque l’action au fond qu’elle avait alors introduite devant la juridiction grenobloise en nullité des actes de cession.
Par ailleurs, contrairement à ce que la société Aldini AG indique dans la requête du 2 avril 2019 concernant exclusivement la société MBDA France, en demandant la désignation d’un huissier ‘aux fins d’une intervention simultanée à l’égard des sociétés Soitec, Dolphin Intégration et Dolphin Design pour lesquelles une requête a également été déposée’, il ne résulte pas des présents débats qu’elle aurait parallèlement introduit de telles requêtes à l’encontre des autres sociétés visées.
Toutefois, comme ci-dessus rappelé, ces éléments ne peuvent être analysés qu’au regard de la recevabilité de la requête, voire le cas échéant lors de l’appréciation de la légitimité du motif la sous-tendant.
En ce qui concerne la recevabilité de la requête, elle est conditionnée à l’absence de saisine, à la date à laquelle elle est déposée, du juge du fond concernant un litige identique dans son objet et sa cause.
Or, il doit être relevé que si des actions au fond étaient déjà introduites par la requérante, notamment à l’encontre de l’intimée, celles-ci avaient pour objet, d’une part d’obtenir la nullité du jugement du 21 août 2018 ayant arrêté le plan de cession des actifs de la société Dolphin Intégration et d’autre part de voir prononcer la nullité de l’acte de cession du fonds de commerce et des actifs de la société Dolphin Intégration, soit des objets différents de l’action alléguée à l’appui de la requête présentée dans la perspective d’introduire une action en responsabilité à l’encontre des dirigeants de la société Dolphin Intégration.
Il importe peu dès lors que les griefs pris des fraudes commises notamment par la société MBDA France, en ce qu’elle aurait en sa qualité d’administrateur de la société Dolphin Intégration jusqu’au 5 juin 2018 disposé d’informations privilégiées, soient similaires dans les différentes procédures, de même qu’est indifférent le fait que les mesures d’instruction sollicitées soient en partie identiques, puisque la future action en responsabilité, fondée sur l’article L. 225-251 du code de commerce envisagée, indépendante des actions déjà introduites, est susceptible de justifier la recherche des pièces sollicitée.
En conséquence, la condition tenant à l’absence d’instance au fond en cours étant remplie et la requête de la société Aldini AG était recevable contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges dans l’ordonnance du 7 juin 2019.
Sur la rétractation
Selon l’article 145 du code de procédure civile, ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.
Le juge, saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et tenu d’apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale et à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui, à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.
Sur la motivation de la dérogation au principe de la contradiction
La société Aldini AG soutient qu’ayant été frauduleusement ou fautivement dépouillée de sa propriété par la faute, notamment des administrateurs de la société Dolphin Intégration, il est nécessaire d’ordonner les mesures sollicitées pour conserver et établir les preuves de la véritable nature de la fraude ou de la faute des administrateurs dont notamment la société MBDA France, et donc de sa responsabilité civile ou pénale ainsi que de l’éventuelle implication de la Selarl Administrateurs Judiciaires Partenaires dans la stratégie d’éviction des petits porteurs en ayant été la cheville ouvrière de deux conciliations pour forcer une cession pre-pack alors que la situation requerrait un redressement judiciaire et un appel d’offre de reprise en toute transparence.
Elle indique que les mesures sollicitées par voie de requête sont d’autant plus nécessaires qu’elle a les plus grandes craintes que les sociétés Soitec et MBDA, de concert avec la Selarl Administrateurs Judiciaires Partenaires, poussant à l’extrême leur déloyauté, ne fasse disparaître les preuves préparatoires, notamment informatiques, constatant l’entente entre ces mêmes parties et sa matérialisation sous forme de courriels et de projets dans la période de janvier 2017 à décembre 2018.
Elle rappelle qu’il est constant en droit positif que doivent être pris en compte la requête ou l’ordonnance et non pas seulement cette dernière si elle vise expressément la requête.
Elle prétend qu’au cas d’espèce, la requête faisant état des circonstances de nature à justifier la procédure non contradictoire, tout comme l’ordonnance qui vise à la fois la requête et contient une motivation adéquate.
Elle explique qu’ainsi, elle expose dans sa requête et aux termes des présentes conclusions un contexte et des éléments circonstanciés et des pièces qui laissent apparaître l’exercice fautif du mandat d’administrateur de la société MBDA France et de son représentant permanent.
Elle ajoute que ce contexte et l’obstruction lors de la visite de l’huissier par la société MBDA France font clairement apparaître un risque, aujourd’hui avéré, de dissimulation de preuves, notamment sous couvert d’un secret défense invoqué en fraude de la loi et à ce jour non démontré, justifiant la procédure non contradictoire.
La société MBDA France soutient que l’absence de justification à la dérogation au principe du contradictoire constitue un motif supplémentaire et autonome de rétractation car ni l’ordonnance du 2 avril 2019, ni la requête, ne justifient qu’il soit dérogé à ce principe, rappelant que la jurisprudence exige une démonstration très précise, justifiée par les faits et les pièces.
Elle fait valoir que l’ordonnance du 2 avril 2019 se contente d’indiquer :
‘
Constatons, au vu des circonstances particulières à l’espèce exposées et pièces versées à l’appui de la requête, que le requérant est fondé à ne pas appeler les parties visées par la mesure’,
et qu’à ce seul titre, l’ordonnance doit être rétractée.
Elle ajoute qu’en l’occurrence, la requête à laquelle il est renvoyé n’établit pas de circonstances justifiant une atteinte au contradictoire puisqu’elle se contente de formules de styles systématiquement censurées par la jurisprudence relative à l’effet de surprise et au risque de dépérissement des preuves.
Elle ajoute que ce prétendu ‘effet de surprise’ est totalement mensonger dans la mesure où il existait déjà des procédures en cours dans lesquelles la société Aldini AG avait déjà soumis aux tribunaux ses allégations de fraude aux procédures collectives et de fraude au droit des sociétés cotées et qu’était déjà formulée une demande de production forcée de pièces couvrant une partie des pièces recherchées dans le cadre de la mesure in futurum.
Elle considère que c’est en vain que la société Aldini AG tente de justifier, a posteriori, la dérogation au principe du contradictoire par la circonstance qu’elle se soit opposée à l’exécution de la mesure d’instruction en invoquant le caractère frauduleux de la requête et le secret défense.
Sur ce,
Selon l’article 493 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête est une décision rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.
Les mesures d’instruction prévues à l’article 145 du code de procédure civile ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.
Le juge saisi d’une demande de rétractation statue sur les mérites de la requête en se prononçant, au besoin d’office, sur la motivation de la requête ou de l’ordonnance justifiant qu’il soit dérogé au principe de la contradiction, motivation qui doit s’opérer in concreto et ne peut pas consister en une formule de style.
Il est donc constant que si le juge de la rétractation doit apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale ainsi qu’à la lumière des éléments de preuve produits ultérieurement devant lui, en revanche, il est tenu s’agissant de la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire d’apprécier les seuls éléments figurant dans la requête ou l’ordonnance.
Cet examen ne peut être fait qu’à l’égard des énonciations figurant dans la requête ou l’ordonnance relatives à la seule partie à laquelle l’ordonnance est destinée à être opposée, soit en l’espèce exclusivement à la société MBDA France, de sorte que les griefs concernant les autres administrateurs de la société Dolphin Intégration ainsi que la Selarl Administrateurs Judiciaires Partenaires sont inopérants en l’espèce.
Il convient par ailleurs également de souligner qu’une requête fondée sur les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile ne peut avoir comme objectif que de recueillir des preuves destinées à servir dans un éventuel procès exclusivement civil et non pénal, des règles propres s’appliquant en cette dernière matière.
Ceci étant rappelé, il sera constaté qu’en l’espèce l’ordonnance du 2 avril 2019 vise la requête déposée le même jour ainsi que les pièces qui y sont jointes, ce qui vaut adoption implicite des motifs figurant dans la requête.
Or celle-ci après avoir amplement énoncé les faits dénoncés, consacre un titre à la ‘nécessité de conserver ou d’établir la preuve de façon non contradictoire’ dans les termes suivants :
’42. En ayant été frauduleusement dépouillé de sa propriété, il est nécessaire d’ordonner les mesures sollicitées pour conserver et établir les preuves de la véritable nature de la fraude de MBDA, Soitec et de leurs dirigeants ainsi que de l’éventuelle implication de la Selarl Administrateurs Judiciaires Partenaires dans la stratégie d’éviction des petits porteurs en ayant été la cheville ouvrière de deux conciliations pour forcer une cession pré-pack alors que la situation requerrait un redressement judiciaire et un appel d’offre de reprise en toute transparence.
’43. Les mesures sollicitées par voie de requête sont d’autant plus nécessaires que Aldini AG a les plus grandes craintes que Soitec et MBDA, de concert avec notamment la Selarl Administrateurs Judiciaires Partenaires , poussant à l’extrême leur déloyauté, ne fassent disparaître les preuves préparatoires, notamment informatiques, constatant l’entente entre ces mêmes parties et sa matérialisation sous forme de courriels et de projets dans la période janvier 2017 à février 2019. Ainsi, cette procédure non contradictoire permettra un effet de surprise réduisant le risque de déperdition des preuves recherchées et une meilleure chance de succès de cette recherche probatoire en vue d’introduire ou non une procédure au fond.’
Si la seule invocation d’un risque de déperdition des preuves et de l’effet de surprise relève de l’affirmation et constitue un motif de portée générale susceptible d’être appliqué en toutes circonstances, en revanche, le risque visé fait l’objet de précisions propres à l’espèce, la requérante invoquant des craintes que les faits de fraude qu’elle dénonce ne soient favorisés par un obstacle que pourrait lui opposer en particulier la société MBDA France dans la recherche de preuves.
Par de tels motifs, la société requérante a donc suffisamment caractérisé les circonstances nécessitant de déroger au principe de la contradiction par rapport au contexte de fraude dénoncé.
Sur l’existence d’un motif légitime
L’appelante prétend que les mesures d’instruction sont destinées à établir la teneur de l’information ayant circulé entre le ‘tandem’ de reprise des actifs de la société Dolphin Intégration, à savoir MBDA/Soitec, en relation avec la Selarl Administrateurs Judiciaires Partenaires.
Elle explique en premier lieu que les repreneurs des actifs de la société Dolphin Intégration sont bien des administrateurs ou dirigeants, que s’agissant précisément de la société MBDA France, elle a démissionné de ses fonctions d’administrateur le 5 juin 2018, soit le jour même de l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Grenoble ouvrant une seconde conciliation, c’est-à-dire postérieurement à la requête aux fins d’ouverture de cette procédure de conciliation par les organes de direction de la société Dolphin Intégration.
Elle souligne que le cheminement intellectuel de cette fraude à l’interdiction légale d’ordre public est manifeste : l’administrateur démissionne au moment de l’ouverture de la conciliation n’ayant d’autre objet que de préparer la cession à son profit.
Elle avance en deuxième lieu qu’est susceptible d’avoir été transgressée par l’administrateur l’interdiction de ne pas profiter à des fins personnelles ou par personne morale interposée d’une information privilégiée s’agissant d’une société cotée, de la diffusion d’une fausse information, ainsi que celle de porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés.
Elle argue en troisième lieu d’un manquement de l’administrateur de la société Dolphin Intégration à son devoir de loyauté en ce qu’il a méconnu, en utilisant des informations confidentielles acquises au sein de la société Dolphin Intégration en cette qualité, les dispositions des articles L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce, ensemble l’article L. 225-20 du même code ainsi que son obligation de loyauté à l’égard de son mandant.
Elle ajoute à cet égard que ce détournement déloyal d’informations confidentielles constitue aussi une atteinte à la confiance due à la société Dolphin Intégration qui ne doit pas être abusée (article 314-1 du code pénal) ni son produit recelé (article 321-1 du même code).
Elle fait valoir en quatrième lieu que les agissements de la société MBDA France sont aussi susceptibles de caractériser une atteinte aux biens et crédit d’une entreprise dont le dirigeant ne doit pas faire ‘un usage qu’il sait contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement’ (article L. 241-3 et L. 242-6 du code de commerce).
En conclusion, elle indique que la preuve du motif légitime découle de ce ‘contexte laissant craindre’ une responsabilité des administrateurs, ‘des éléments circonstanciés’ décrits dans la requête et de la ‘vraisemblance’ de ces éléments.
L’intimée rétorque que le requérant ne justifie pas d’élément rendant crédibles ses suppositions.
Elle fait valoir que :
– il n’existe aucune interdiction pour les anciens dirigeants d’être repreneurs,
– la requête ne contient aucun élément sérieux et plausible de comportements caractéristiques d’opération d’initié et de manipulation de marché, la société Aldini AG n’alléguant même pas qu’elle aurait effectué des opérations sur les titres de la société Dolphin Intégration,
– la manipulation de marché relève en tout état de cause du pouvoir de sanction de l’Autorité des marchés financiers (AMF),
– la requête ne lui impute aucune diffusion de fausse information,
– les manquements de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés sont imaginaires et relèvent en tout état de cause d’une procédure devant l’AMF,
– la requête ne contient aucun élément relatif au manquement ‘au devoir de loyauté envers la société que l’on dirige ou administre dont la confiance ne doit pas être abusée’.
La société MBDA France entend rappeler que l’offre de reprise avec la société Soitec a consisté à reprendre dans des délais très resserrés une activité en difficulté, en investissant 5 millions d’euros afin de sauver plus de 146 emplois, le tout dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire sous le contrôle du tribunal.
Sur ce,
Il est constant que l’auteur de la demande à une mesure d’instruction in futurum à l’origine non contradictoire n’a pas à rapporter la preuve, ni même un commencement de preuve, du grief invoqué, mais qu’il doit toutefois démontrer l’existence d’éléments précis constituants des indices de violation possible d’une règle de droit permettant d’établir la vraisemblance des faits dont la preuve pourrait s’avérer nécessaire dans le cadre d’un éventuel procès au fond.
Comme ci-dessus rappelé, une mesure d’instruction civile ne peut être justifiée par la recherche de preuves destinées à servir dans une procédure pénale.
Par ailleurs, il sera aussi rappelé comme il a déjà été dit ci-dessus qu’à l’appui de sa requête, la société Aldini AG fait essentiellement valoir que la société MBDA France aurait commis des fraudes à son préjudice, de concert avec en particulier la société Soitec et ses administrateurs et dirigeants.
Or force est de constater que contrairement à ce qu’elle a indiqué dans sa requête pour justifier de la nécessité de désigner un huissier de justice, ‘aux fins d’une intervention simultanée à l’égard des sociétés Soitec, Dolphin Intégration et Dolphin Design pour lesquelles une requête a également été déposée’, elle ne conteste toutefois pas n’avoir en réalité pas sollicité ces mesures vis-à-vis des autres personnes à qui elle reprocherait une entente frauduleuse à son détriment, se décrédibilisant ainsi elle-même.
A l’égard en particulier de l’intimée, l’appelante lui reproche principalement d’avoir démissionné de ses fonctions d’administrateur de la société Dolphin Intégration le 5 juin 2018, soit au moment de l’ouverture de la conciliation, dans le but de préparer une cession à son profit.
Or, l’intimée verse aux débats le ‘projet de procès-verbal du conseil d’administration de Dolphin Intégration du 28 mai 2018’, dans lequel il est relaté, au paragraphe concernant le ‘point de situation suite au conseil du 18/05’, à propos de ‘la requête à déposer au greffe du tribunal de commerce en vue de la conciliation’ que :
‘L’administrateur MBDA prend la parole pour exposer son analyse, qu’il a préalablement communiquée à la direction de la société et ses conseils et qui est annexée au présent procès-verbal. Ainsi, au vu des éléments fournis depuis le précédent conseil du 18 mai, MBDA considère que l’entreprise n’a pas la capacité de faire face à ses charges courantes (notamment paiement des salaires et des fournisseurs essentiels), suite à la notification de la caducité du plan d’échelonnement CCSF et considère que la société est en état de cessation des paiements depuis au moins le 4 mai.
Dans ces circonstances, MBDA demande au président de saisir le tribunal afin de déclarer la cessation des paiements, dont nous avons connaissance depuis le 7 mai.
A défaut, MBDA remettra sa démission avec effet immédiat’.
Suit l’annexe comprenant la déclaration de la société MBDA France en ses termes :
‘Depuis le précédent conseil du 18 mai, l’analyse de MBDA est la suivant :
1. La situation de Dolphin est trop grave pour relever du champ des mesures préventives de la cessation des paiements (telles que visées aux articles L. 611-1 et suivants du code de commerce).
Un certain nombre de démarches ont été menées mais n’ont malheureusement pas abouti, notamment un projet d’offre conduit par un consortium a été rejeté par la société.
2. Par ailleurs à ce jour, nous avons l’intime conviction que l’entreprise n’a pas la capacité de faire face à ses charges courantes (suit les éléments repris dans le projet de procès-verbal) (…). MBDA considère que la société est de facto en état de cessation des paiements depuis au moins le 4 mai et ne peut donc bénéficier des mesures protectrices visées par les articles l. 611-4 et suivants du code de commerce, à savoir la conciliation, ou la sauvegarde, visée aux articles L. 620-1 du code de commerce), car ces mesures sont soumises à la condition que la société ne soit pas en état de cessation des paiements.
3. Considérant que Dolphin est en état de cessation des paiements, il y a lieu d’ouvrir une procédure de RJ, visée aux articles L. 631-1 et suivants du code de commerce. En effet, encore une fois, et comme indiqué par [D] [IT] dans son email du 28 mai, Dolphin, face à l’exigibilité des sommes dues au titre du moratoire (1,3M€) n’a pas un actif suffisant pour y faire face. (…)
En conséquence, MBDA demande au président de saisir le tribunal afin de déclarer la cessation des paiements, dans les 45 jours suivant le 5 mai, soit au plus tard le 19 juin.
A défaut, MBDA remettra sa démission avec effet immédiat.’
Il résulte de manière constante des débats que la requête aux fins d’ouverture d’une procédure de conciliation telle que prévue par les articles L. 611-4 et suivants du code de commerce a été déposée le 4 juin 2018.
La société MBDA France a alors le lendemain adressé au président, au directeur général et aux administrateurs du conseil de la société Dolphin Intégration, une lettre de démission dans ces termes :
‘Monsieur le président,
Lors du précédent conseil d’administration, en date du 28 mai 2018, nous avons clairement exprimé notre position sur la situation de la société, à savoir que nous considérons que cette dernière ne pouvait faire face à court terme à ses échéances vis-à-vis de ses créanciers et qu’il y avait lieu de solliciter auprès du président du tribunal de commerce l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
Le président s’était engagé à transmettre au conseil, dans les 48 heures, des éléments tangibles d’un soutien bancaire.
Ces éléments ne nous ont pas été transmis.
Par ailleurs, il a été porté à notre connaissance que notre recommandation de déclarer la cessation des paiements n’a pas été suivie et que, bien au contraire, sans l’autorisation préalable du conseil d’administration, une requête aux fins d’ouverture d’une procédure de conciliation a été déposée.
Dans ces circonstances, l’administrateur MBDA se voit dans l’obligation de démissionner de son mandat d’administrateur avec effet immédiat’.
Ainsi, il résulte des éléments apportés aux débats par l’intimée que sa décision de donner sa démission des fonctions d’administrateur, le lendemain du jour du dépôt par la société Dolphin Intégration de la requête aux fins d’obtenir l’ouverture d’une seconde procédure de conciliation, était uniquement guidée par un désaccord sur le choix procédural fait, étant souligné que son point de vue recoupait précisément celui de la société Aldini AG qui déplore qu’une procédure de redressement judiciaire, non précédée d’une procédure de conciliation avec mission confiée au conciliateur de préparer une cession, n’ait pas été ouverte.
En outre, il doit être relevé que la requête déposée par la société Dolphin Intégration aux fins de nomination d’un conciliateur n’est pas motivée par une nécessité particulière de préparer dans ce cadre une cession de l’entreprise.
Il y est simplement indiqué :
‘C’est dans ce contexte que la requérante sollicite l’ouverture d’une procédure de conciliation afin de négocier avec ses créanciers, notamment publics et de poursuivre le processus de recherche d’investisseurs et de financement’.
Aux termes de la requête, la société Dolphin Intégration sollicite ainsi principalement l’ouverture d’une conciliation à son profit et précise, s’agissant de la mission qu’il conviendrait de donner au conciliateur désigné, qu’il pourrait, ‘le cas échéant’, organiser la cession partielle ou totale de ses activités à mettre en oeuvre dans le cadre d’une procédure collective ultérieure.
Contrairement à ce qu’indique la requérante, il n’existe ainsi aucun indice rendant crédible son assertion selon laquelle la société MBDA France aurait démissionné dans le seul but de préparer la cession à son profit puisqu’au contraire, il apparaît qu’elle était opposée à l’ouverture de la procédure de conciliation dénoncée par la société Aldini AG.
Il sera également relevé à cet égard, d’une part qu’un dirigeant ou un administrateur peut valablement démissionner de son poste, même en cours d’une période d’observation et donc a fortiori au cours d’une procédure préventive, et que d’autre part il ne résulte pas de l’article L. 642-3 du code de commerce, applicable en redressement judiciaire par renvoi de l’article L. 631-22, que l’ancien dirigeant (auquel peut être assimilé l’administrateur) de la personne morale débitrice serait frappé d’une interdiction de présenter une offre d’acquisition de l’entreprise, sauf en cas de fraude, pour laquelle il n’existe aucun indice en l’espèce.
S’agissant des autres griefs soulevés par l’appelante, à savoir l’atteinte à la transparence des marchés, l’utilisation d’information confidentielle, le manquement à l’obligation de loyauté, l’usage prohibé des biens et du crédit de la société Dolphin Intégration, force est de constater que la société Aldini AG n’apporte aucun élément précis constituant des indices des violations alléguées.
La société Aldini AG se contente exclusivement de s’appuyer sur la chronologie des faits ayant conduit à la cession des actifs et du fonds de commerce de la société Dolphin Intégration pour supputer les fraudes alléguées, tandis que la validité de la procédure ayant conduit au jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 21 août 2018 approuvant l’offre de reprise des actifs de la société Dolphin Intégration au bénéfice des sociétés MBDA France et Soitec ou de toute personne morale qu’elles se substituerait, a été établie en dernier état par arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 6 juin 2019.
En ce qui concerne notamment les atteintes aux règles des marchés alléguées, cet arrêt rappelle que la cotation Euronext Growth du titre Dolphin Intégration pour la période du 3 janvier au 16 août 2018 fait apparaître que :
– le titre était coté le 3 janvier 2018 à 16,85 euros,
– il est monté à 38 euros le 9 janvier 2018,
– est descendu à 5,42 euros le 5 juillet 2018,
– à 4,050 euros le 12 juillet 2018,
– à 3,650 euros le 27 juillet 2018,
et que pourtant la société Aldini AG a décidé d’acquérir de sa propre initiative le 26 juillet 2018, 27 791 des 28 466 actions qu’elle détient, soit après une première suspension de la cotation des titres le 9 janvier 2018, une seconde le 13 juillet 2018, la diffusion de communiqués de presse et encore l’ouverture le 24 juillet 2018 de la procédure de redressement judiciaire, ce dont il est déduit qu’elle n’établit pas l’existence d’agissements frauduleux en vue de porter atteinte à ses droits d’acquéreurs de titres cotés.
Ainsi, il résulte de tout ce qui précède que la société Aldini AG, à défaut d’établir la vraisemblance des faits dont la preuve pourrait s’avérer nécessaire dans le cadre d’un éventuel procès au fond, échoue à caractériser le motif légitime de sa requête.
L’ordonnance du 7 juin 2019 ayant rétracté l’ordonnance sur requête du 2 avril 2019 sera confirmée et il n’y a donc pas lieu d’examiner les demandes de l’appelante tendant à modifier les mesures d’instruction.
Sur la procédure abusive
L’appelante demande l’infirmation de l’ordonnance en ce qu’elle l’a condamnée à payer à la société MBDA France la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur le montant des préjudices éventuellement fixés par le juge du fond.
Elle fait valoir que pour ce faire, les premiers juges ont à tort, considéré :
– ‘que le jugement du tribunal de Grenoble rejetant la tierce-opposition au jugement de cession a souligné l’absence de preuve de fraude et le caractère dilatoire du recours et prononcé une amende civile à l’encontre d’Aldini’,
– ‘qu’il apparaît que les informations fournies par Aldini dans sa requête au président du tribunal aux fins de voir ordonner la mesure d’instruction sollicitée étaient incomplètes et trompeuses en ce qu’elles passaient sous silence les procédures en cours devant la juridiction de Grenoble’.
Elle considère que ce faisant, les premiers juges ont dépassé leur pouvoir juridictionnel puisqu’un juge de la rétractation ne peut statuer que sur celle-ci.
Subsidiairement, elle fait valoir qu’un juge n’est pas autorisé à décider et motiver sa décision par référence à une autre décision de justice, que l’affirmation concernant le caractère incomplet et trompeur de sa requête est péremptoire et fausse.
S’agissant de la faute ainsi retenue : ‘la campagne de communication d’Aldini relative à la cession de Dolphin Intégration, illustrée par le communiqué de presse versé aux débats, démontre une volonté de présenter la cession sous un soupçon de fraude et de porter atteinte à la réputation de MBDA’, est contraire à la liberté de la presse et au droit d’informer.
Elle ajoute encore que la société MBDA France ne prouve pas l’abus du droit d’agir en justice, n’allègue qu’un préjudice hypothétique en arguant d’un ‘risque réputationnel’ et ne démontre pas le lien de causalité entre les fautes prétendues et le préjudice allégué.
La société MBDA France sollicite la confirmation de l’ordonnance sur ce point.
Elle allègue un préjudice causé par l’autorisation obtenue par la société Aldini AG de faire pratiquer une mesure d’instruction sur la base d’une requête frauduleuse et en communiquant sur cette mesure dans des termes graves auprès de différentes agences de presse mondiales.
Elle considère que ce faisant, l’appelante lui a causé un risque réputationnel fort, alors qu’elle a pour activité d’être au service de la défense nationale et soumissionne régulièrement à des marchés publics.
En réponse à l’argumentation adverse, elle indique que le juge de la rétractation est parfaitement fondé à prononcer une condamnation pour procédure abusive, que la motivation de la condamnation est exempte de critique, qu’il est seulement interdit au juge de se déterminer uniquement par référence à des causes déjà jugées sans prendre en compte l’ensemble des éléments qui lui sont soumis.
Elle ajoute que le caractère incomplet et trompeur d’une requête, en l’espèce établi, peut fonder une condamnation pour procédure abusive.
Elle précise enfin que les articles de presse versés aux débats ont un contenu parfaitement diffamatoires.
Sur ce,
En application des dispositions de l’article 1240 du code civil, l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur équivalente au dol.
Il appartient à toutes les juridictions, y compris dans le cadre d’un référé rétractation, de statuer sur la réparation du préjudice né de l’action dont elles sont saisies.
Toutefois en l’espèce, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, la rétractation n’est pas ordonnée à hauteur de cour au motif que des actions au fond auraient été omises dans la requête initiale, dans le but de tromper le juge des requêtes.
En outre, le fait que l’appelante échoue à établir le motif légitime au soutien de sa demande ne suffit pas à considérer son action comme abusive.
Enfin, comme le fait valoir l’appelante, la société MBDA France n’invoque qu’un préjudice hypothétique, soit un ‘risque réputationnel’, comme tel non indemnisable.
En conséquence, il convient de débouter l’intimée de sa demande au titre de la procédure abusive.
L’ordonnance critiquée sera infirmée de ce chef.
Sur les demandes accessoires
L’appelante succombant essentiellement, l’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie perdante, la société Aldini AG ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d’appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.
Il est en outre inéquitable de laisser à la société MBDA France la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. L’appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme l’ordonnance du 7 juin 2019 en toutes ses dispositions à l’exclusion de celle ayant condamné la société Aldini AG à payer à la société MBDA France la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Déboute la société MBDA France de sa demande au titre de la procédure abusive,
Dit que la société Aldini AG supportera les dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société Aldini AG à verser à la société MBDA France la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, Président et par Madame CHERCHEVE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,