Sécurité des Systèmes : 12 novembre 2014 Cour d’appel de Versailles RG n° 13/02076

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Sécurité des Systèmes : 12 novembre 2014 Cour d’appel de Versailles RG n° 13/02076
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 NOVEMBRE 2014

R.G. N° 13/02076

AFFAIRE :

[E] [S]

C/

SA DEGREMONT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Avril 2013 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 09/01643

Copies exécutoires délivrées à :

Me Emmanuelle BLOCH

la

Copies certifiées conformes délivrées à :

[E] [S]

SA DEGREMONT

le : 13 novembre 2014

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [E] [S]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Emmanuelle BLOCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1488

APPELANT

****************

SA DEGREMONT

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0016

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Martine FOREST-HORNECKER, Président,

Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller,

Madame Juliette LANÇON, Vice-président placé,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,

Par jugement du 9 avril 2013, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section encadrement) a:

– débouté Monsieur [E] [S] de l’intégralité de ses demandes,

– condamné Monsieur [E] [S] aux dépens.

Par déclaration d’appel adressée au greffe le 26 avril 2013 et conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, Monsieur [E] [S] demande à la cour, infirmant le jugement, de :

à titre principal,

– dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, ce faisant, condamner la SA DEGREMONT des chefs suivants :

. reliquat d’indemnité compensatrice de préavis (2 mois + 9 jours) : 11 438 euros,

. indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1 143 euros,

. indemnité de licenciement : 32 324 euros,

. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (18 mois) : 89 514 euros,

. dommages et intérêts pour préjudice moral et de carrière (6 mois) : 29 838 euros,

. annulation de la sanction disciplinaire de mise à pied prononcée le 25 mars 2009,

. remise d’un certificat de travail de janvier 2004 au 9 juillet 2009,

. remise de bulletins de paie des mois de mai à juillet 2009,

. remise de l’attestation d’employeur destinée au Pôle emploi rectifiée,

. lettre de licenciement rectifiée,

. article 700 du CPC : 3.000 euros,

. exécution provisoire,

. intérêts légaux,

. dépens.

à titre subsidiaire,

– dire que son licenciement ne repose pas sur une faute grave et, ce faisant, condamner la SA DEGREMONT des chefs suivants :

. reliquat d’indemnité compensatrice de préavis (2 mois + 9 jours) : 11 438 euros,

. indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1 143 euros,

. indemnité de licenciement : 32 324 euros,

. dommages et intérêts pour préjudice moral et de carrière (6 mois) : 29 838 euros,

. annulation de la sanction disciplinaire de mise à pied prononcée le 25 mars 2009,

. remise d’un certificat de travail de janvier 2004 au 9 juillet 2009,

. remise de bulletins de paie des mois de mai à juillet 2009,

. remise de l’attestation d’employeur destinée au Pôle emploi rectifiée,

. lettre de licenciement rectifiée,

. article 700 du CPC : 3.000 euros,

. exécution provisoire,

. intérêts légaux,

. dépens.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, la SA DEGREMONT demande à la cour de :

à titre principal, juger que le licenciement de Monsieur [S] est fondé sur une faute grave, en conséquence,

– confirmer le jugement entrepris;

– débouter Monsieur [S] de l’ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire, juger que le licenciement de Monsieur [S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

– allouer à Monsieur [S] :

. 8.371,23 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 837,12 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

. 4.825,33 euros à titre d’indemnité de licenciement,

à titre très subsidiaire, juger que Monsieur [S] ne justifie pas d’un préjudice à la hauteur de ses demandes,

– en conséquence, réduire à de plus justes proportions les indemnités sollicitées par Monsieur [S],

en tout état de cause,

– condamner Monsieur [S] au paiement de la somme de 2 000 euros surle fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [S] aux entiers dépens,

LA COUR,

qui se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et à la décision déférée,

Considérant que Monsieur [E] [S] a été embauché par la SA DEGREMONT, en qualité d’ingénieur recherche, position 2C, par contrat à durée indéterminée du 18 août 2002, prévoyant sa reprise d’ancienneté au 3 janvier 1994 ;

Que, par avenant du 1er mars 2006, il a été nommé Ingénieur Process sous la responsabilité du Directeur Technique du Pôle Dessalement ;

Que les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie ;

Que, le 18 mars 2009, Monsieur [S] a sollicité un rendez-vous auprès de la direction en vue de discuter d’une rupture amiable ;

Que, par courrier du 25 mars, Monsieur [S] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable fixé au 2 avril 2009 ;

Que, par courrier du 28 mars 2009, il a contesté les reproches énoncés au cours de l’entretien préalable ;

Qu’il a été licencié pour faute grave par lettre du 7 avril 2009 ainsi libellée :

‘ (…)

Faisant suite à la convocation qui vous a été remise en main propre le 25 mars 2009, et à notre entretien du 2 avril 2009, nous avons le regret de vous informer que nous prenons la décision de vous licencier pour faute grave. En effet, le 17 mars dernier à partir de 16h30, vous avez installé sur votre poste de travail un agent informatique qui vous a permis d’envoyer au départ de votre boîte mail Degrémont, 20 160 messages à destination des adresses e-mail suivantes :

[Courriel 1] pour 18812 messages

[Courriel 2] pour 1342 messages.

Le volume d’information concerné est de 5,3 gigas, dont 4,8 gigas vers votre boîte g mail, et 500 megas vers votre boîte aol

Au-delà du fait que cette mise en place d’agent a mis en péril l’intégralité de la plateforme informatique du Groupe, avec le risque d’endommager les serveurs, et a créé un engorgement du transit des mails de 1200 collaborateurs pendant 3 heures, il y a donc eu, de votre part, captage d’Informations appartenant à l’entreprise et envoi de ces informations sur des adresses internet privées dans un environnement non sécurisé.

Ces faits interviennent après un entretien que vous aviez sollicité auprès de la DRH et au cours duquel vous avez confirmé votre intention de quitter l’entreprise ainsi que les contacts que vous entreteniez avec une entreprise concurrente en vue d’une prochaine embauche.

Les faits qui vous sont reprochés constituent une violation de notre règlement intérieur et de son annexe, la charte de sécurité des systèmes d’information, ainsi qu’à la discipline et au bon fonctionnement de notre entreprise et nous conduisent par conséquent à vous signifier votre licenciement pour faute. Compte tenu de la gravité de la faute qui vous est reprochée il s’avère impossible de poursuivre notre collaboration. (…) ‘ ;

Que Monsieur [S] a saisi le conseil de prud’hommes le 25 mai 2009;

Considérant, sur la rupture, que Monsieur [S] explique qu’il a archivé sur son ordinateur portable, depuis 2002, 7 fichiers d’archives et un fichier de stockage du logiciel de messagerie Lotus Notes et que, pour rechercher rapidement les fichiers de type Word ou Excel, il utilise le logiciel Copernic 2.3 qui n’est pas adapté aux fichiers Lotus Notes mais seulement aux fichiers de la messagerie Outlook ; qu’en février 2009, il a contacté le service informatique pour obtenir la conversion des fichiers mais qu’il lui a été répondu que ce n’était pas possible ; qu’il a donc utilisé la procédure de renvoi de ses emails vers la boîte mail [Courriel 2] mise en place par la direction de l’informatique en 2003, puis les a renvoyés sur sa boîte gmail ;

Que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; que la charge de la preuve incombe à l’employeur qui l’invoque ;

Que, s’agissant de l’installation d’un agent informatique, les échanges de mails intervenus du 26 février au 6 mars 2003 entre Monsieur [S] et le Service Informatique DEGREMONT établissent, qu’à sa demande, le 6 mars 2003 Monsieur [S] a obtenu de ce service ‘ un forward automatique’ sur la messagerie [Courriel 2] ; que même si ce transfert a eu lieu à l’occasion d’un voyage de Monsieur [S] aux Etats Unis, il ne peut qu’être constaté que le service informatique n’y a pas mis fin et n’a pas demandé à Monsieur [S] de l’interrompre à son retour ; qu’au surplus, la SA DEGREMONT ne démontre pas que Monsieur [S] a procédé à la mise en place d’un nouveau système de transfert de courriels en 2009 ;

Que Monsieur [O], consultant Lotus Notes, atteste que la solution utilisée par le salarié , envoi des courriels vers Gmail, est la seule solution simple et gratuite pour convertir des fichiers de courriels Lotus Notes en fichiers Outlook et qu’après l’envoi les fichiers sont convertis par le serveur Gmail et disponibles sur le PC en format Outlook ;

Que ce grief n’est pas établi ;

Que, s’agissant de la violation de la charte informatique, celle-ci prévoit que le renvoi systématique de ses messages vers une messagerie externe est interdit sans autorisation préalable de la Direction des systèmes d’information ;

Qu’il a été démontré que Monsieur [S] a obtenu l’installation du transfert par le service informatique compétent ; que ce grief n’est pas établi ;

Que, s’agissant de la mise en péril de l’intégralité de la plate forme informatique, que la SA DEGREMONT ne communique aucune pièce établissant l’engorgement du transit des courriels des 1 2000 collaborateurs pendant 3 heures ; que Monsieur [O] atteste que l’envoi de 5,3 Go de courriel ne peut pas endommager des serveurs ni mettre en péril l’intégralité informatique d’un groupe comme DEGREMONT ; que ce grief n’est pas établi ;

Qu’infirmant le jugement, il convient donc de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Considérant, sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que Monsieur [S] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement ;

Qu’en prenant en compte, non pas seulement le salaire forfaitaire fixe comme le fait l’employeur, mais aussi la part variable et les diverses primes perçues par Monsieur [S], sa rémunération moyenne mensuelle brute s’élevait à un montant de 4 973 euros ;

Qu’au regard de son âge au moment du licenciement, 42 ans, de son ancienneté d’environ 15 ans dans l’entreprise en application de son contrat qui prévoyait une reprise d’ancienneté, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle et de ce qu’il communique seulement une attestation de demande d’emploi auprès de Pôle emploi en date du 22 février 2013, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi la somme de 50 000 euros ;

Que la SA DEGREMONT sera également condamnée à verser au salarié une indemnité conventionnelle de licenciement de 31 658 euros et non de 32 324 euros comme réclamée à tort et un reliquat d’indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 11 438 euros et les congés payés afférents ;

Considérant, sur les dommages et intérêts pour préjudice moral et de carrière, que Monsieur [S] n’établit pas avoir subi un préjudice distinct de celui réparé résultant de la perte de son emploi réparé par l’allocation de l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu’il convient, confirmant le jugement, de débouter Monsieur [S] de sa demande de ce chef ;

Considérant, sur l’annulation de la mise à pied disciplinaire du 25 mars 2009, que Monsieur [S] ne soutient pas cette demande ; qu’au demeurant, la mise à pied prononcée était une mise à pied conservatoire et non une mise à pied disciplinaire ; qu’il convient, confirmant le jugement, de débouter Monsieur [S] de sa demande de ce chef ;

Considérant qu’il convient d’ordonner à la SA DEGREMONT de remettre à Monsieur [S] un certificat de travail de janvier 2004 au 9 juillet 2009, des bulletins de paie de mai à juillet 2009 et une attestation Pôle emploi rectifiée ;

Considérant qu’il est inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [S] les fais par elle exposés non compris dans les dépens à hauteur de 3 000 euros ; que la SA DEGREMONT sera déboutée de sa demande de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT,

INFIRMANT partiellement le jugement,

DIT le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SA DEGREMONT à payer à Monsieur [E] [S] les sommes suivantes :

. 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

cette somme avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

. 11 438 euros à titre de reliquat d’indemnité compensatrice de préavis,

. 1 143 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,

. 31 658 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

ORDONNE à la SA DEGREMONT de remettre à Monsieur [S] un certificat de travail de janvier 2004 au 9 juillet 2009, des bulletins de paie de mai à juillet 2009 et une attestation Pôle emploi rectifiée,

CONFIRME pour le surplus le jugement,

DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la SA DEGREMONT à payer à Monsieur [S] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la SA DEGREMONT de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA DEGREMONT aux entiers dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame xxx , président et Monsieur, greffier.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

 


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