Sécurité des Systèmes : 12 mai 2022 Cour d’appel de Dijon RG n° 20/00274

·

·

Sécurité des Systèmes : 12 mai 2022 Cour d’appel de Dijon RG n° 20/00274

RUL/CH

[X] [N]

C/

S.A. SOCIÉTÉ NATIONALE SNCF représentée par son Président venant aux droits de l’EPIC SNCF

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 12 MAI 2022

MINUTE N°

N° RG 20/00274 – N° Portalis DBVF-V-B7E-FQCF

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section COMMERCE, décision attaquée en date du 07 Juillet 2020, enregistrée sous le n° F 17/00752

APPELANT :

[X] [N]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL – VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

S.A. SOCIÉTÉ NATIONALE SNCF représentée par son Président venant aux droits de l’EPIC SNCF

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Loïc DUCHANOY de la SCP LDH AVOCATS, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Stéphanie PEZZELLA-MENDES, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Mars 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [X] [N] a été embauché par la SNCF dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 mars 1983 et occupe les fonctions d’agent opérationnel à la surveillance générale (SUGE) de [Localité 4] en tant que chef d’équipe de la surveillance (CESUV), qualification D, niveau 1, échelon 10, position de rémunération 15.

Le 6 juin 2017, une mise à pied disciplinaire de 10 jours lui a été notifiée.

Par requête du 18 octobre 2017, il a saisi le conseil de prud’hommes de Dijon afin de contester cette sanction et solliciter des dommages-intérêts au titre du harcèlement moral subi et de l’exécution déloyale de son contrat de travail.

Par jugement du 7 juillet 2020, les premiers juges ont notamment :

– constaté le désistement d’instance de M. [N] concernant ses demandes relatives à l’exécution déloyale de son contrat de travail,

– dit que les faits reprochés au salarié sont avérés et que la sanction prononcée le 6 juin 2017 est justifiée,

– débouté M. [N] de l’ensemble de ses demandes.

Par déclaration du 31 juillet 2020, M. [N] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures du 9 février 2022, l’appelant demande de :

– infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté la SNCF de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,

– annuler la mise à pied disciplinaire prononcée le 6 juin 2017,

– juger que la SNCF a utilisé des moyens de preuve illégaux concernant l’exploitation du téléphone portable de M. [N], et en conséquence les écarter,

– la condamner à lui verser la somme de :

* 1 000 euros nets à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi suite à la mise à pied à pied disciplinaire du 6 juin 2017,

* 819,29 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les trois jours de mise à pied disciplinaire, outre 81,93 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 5 000 euros au titre du non-respect de sa vie privée,

* 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner à lui remettre un bulletin de paye correspondant aux condamnations prononcées,

– juger que les “intérêts ayant une nature salariale ou assimilée” produisent intérêts au taux légal à compter de la notification par le conseil de prud’hommes à l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation,

– la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures du 14 janvier 2021, la SNCF sollicite de :

– confirmer le jugement déféré,

– débouter M. [N] de toutes ses demandes,

– le condamner à lui payer la somme de 2 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Par décision du 6 juin 2017, une mise à pied disciplinaire de 10 jours a été notifiée à M. [N] dans les termes suivants :

“Suite au REX du 17 octobre 2016 concernant l’accident du travail du 26/05/2016, plusieurs manquements ont été constatés et une enquête a été diligentée à votre égard. Cette dernière a été clôturée le 31/01/2017 et a fait l’objet de trois rapports, l’un de la DZS SE et les deux autres de la cellule UNEX de la Direction de la Sûreté.

Il s’avère que :

a) Suite à l’analyse qualitative des procès-verbaux établis au cours de l’année 2015 et 2016, en ce qui vous concerne, il a été constaté un nombre très supérieur à la moyenne du site de Procès-verbaux dressés à l’encontre de personne ayant des noms à consonance étrangère. L’essentiel des contraventions sont dressées au titre de “défaut de billets sur un quai”. Le défaut de billet sur un quai est une infraction tarifaire et non de comportement, nécessitant un contrôle de la personne. Aussi, quels sont les motifs qui vous ont conduit à contrôler ces personnes pour défaut de Titre de transport sur un quai.

b) Le rapport d’expertise de l’UNEX met en avant une vidéo en date du 22/07/2016. Vous y apparaissez en tenue d’uniforme armé et participez à un chahut dans les locaux qui se termine par une dégradation sur un mur de l’agence. En ce qui vous concerne, vous disposez d’un Bâton de Protection Télescopique déployé dans chaque main en guise de défense face à votre collègue [J] [R] qui, quant à lui, brandit en guise de protection une chaise pour parer vos attaques. Vous avez déclaré à votre hiérarchie le 25/07/2017 que la dégradation était due à la manipulation d’une barre de fer cependant, la vidéo démontre le contraire.

c) Le rapport de l’UNEX met en évidence une utilisation contraire à la Politique de Sécurité des Systèmes d’Information de votre MobiSûr qui a pu compromettre le système d’information et la confidentialité des données de l’entreprise à savoir :

– un envoi d’une feuille de service par MMS, à une personne extérieure à l’entreprise et qui n’est pas qualifiée à en connaître le contenu,

– une utilisation très majoritairement non professionnelle des fonctions SMS/MMS, Contacts, Web (70% caractère non professionnel, 97% utilisation Web à caractère non professionnel),

– le paramétrage de comptes utilisateurs non-professionnels (15 comptes utilisateurs),

– les appels passés avec des applications tierces comme Facebook, Twitter, Instagram, Skype,..,

– la présence d’applications sans lien avec l’activité professionnelle (jeux, messagerie, utilitaires) dont une ayant fonction d’antivirus et de nettoyage système),

– la présence de logs de connexions sur des sites à caractère pornographique comme “Youporn.com”,

Ces faits sont contraires au code de déontologie en son Art 5 « L’agent des services internes de sécurité demeure impartial et s’interdit toute forme de discriminations, au RA 037, au RH 006, au RG 029 de la Politique de sécurité du système d’information de l’entreprise et à la chartre d’utilisateur du MobiSûr […]” (pièce n° 1).

I – Sur la prescription :

Le salarié invoque la prescription des faits qui lui sont reprochés en faisant valoir que la convocation à l’entretien préalable datant du 16 mars 2017, la SNCF ne peut lui opposer des faits antérieurs au 16 janvier 2017 et qu’elle ne démontre pas qu’elle n’avait pas une connaissance préalable des faits.

En matière disciplinaire, le point de départ de la prescription édictée par l’article L. 1332-4 du code du travail est de deux mois à partir du jour où l’employeur a eu connaissance du fait fautif et, lorsqu’une enquête interne est diligentée, du jour où les résultats de cette enquête lui sont communiqués. Lorsque la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, c’est à l’employeur qu’il appartient de rapporter la preuve de la connaissance de ces faits dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites disciplinaires.

L’article 4.1 du chapitre 9 relatif aux « garanties disciplinaires et sanctions » du statut des relations collectives de la SNCF et de son personnel, indique de la même manière qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où le service en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l’exercice de poursuites pénales. (pièce n° 19)

L’article 4.6 du même chapitre 9, reprenant les dispositions de l’article L. 1332-2 du code du travail, rappelle que « la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien ou pour le conseil de discipline. Elle doit être motivée et notifiée par écrit à l’intéressé ».

Ce délai ne peut être interrompu par la réunion d’un conseil de discipline que si l’employeur a informé le salarié de la convocation du conseil avant l’expiration dudit délai.

En l’espèce, il résulte du rapport d’enquête établi par la direction de la zone sûreté Sud-Est et clôturé le 31 janvier 2017 qu’un audit a été diligenté sur le site SUGE de Dijon «suite à des manquements aux principes fondamentaux du code déontologie mis en exergue par les agents [G] [V] et [D] M. à la suite d’un REX avec leur chef d’agence le 17 octobre 2016 et mettant en cause les agents [J] [R] et [X] [U] de [Localité 4] ».

La lecture du rapport d’enquête permet de constater que le recours à une telle enquête a été rendu nécessaire en raison des déclarations divergentes des agents SNCF en cause et de la décision de l’employeur de faire procéder à l’analyse des smartphones professionnels des salariés par une cellule spécialisée de la direction de la sûreté de l’entreprise. (pièce n° 2)

Le 21 février 2017, l’employeur a transmis au salarié une demande d’explications écrites sur les trois griefs identifiés. Celui-ci y a répondu par écrit manuscrit le 28 février 2017, contestant le premier grief relatif à la verbalisation des personnes ayant des noms à consonance étrangère, admettant la matérialité des deux autres en indiquant avoir réparé les dommages visés au second grief et en expliquant le troisième par le fait que son fils et sa compagne ont utilisé le téléphone. (pièces n° 12 et 13)

Le 16 mars 2017, le salarié a été convoqué à un entretien avec la directrice de zone sûreté Sud-Est fixée au 24 mars suivant. (pièces n° 14 et 15)

Le 19 avril 2017, le salarié a été informé qu’il faisait l’objet “d’une proposition de dernier avertissement et mise à pied de 12 jours ouvrés” et qu’il était convoqué devant le conseil de discipline le 1er juin 2017, précision étant apportée qu’il pourrait se faire assister lors de cet entretien par un défenseur qui pourrait prendre préalablement connaissance du dossier. (pièce n° 16)

Le 6 juin 2017, après avis du conseil de discipline du 1er juin précédent, il a été notifié à M. [N] un dernier avertissement et mise à pied de 10 jours ouvrés par son employeur, sanction confirmée par le président de la société à la suite d’un recours gracieux (pièces n° 17,18 et 20).

La procédure disciplinaire a ainsi été scrupuleusement respectée par l’employeur, dès lors que :

– les poursuites ont été engagées le 16 mars 2017, date de la convocation du salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, pour des faits établis par l’enquête interne clôturée le 31 janvier 2017,

– la sanction a été notifiée dans le délai d’un mois à compter de l’avis rendu par le conseil de discipline à l’instance disciplinaire.

Dans ces conditions, les faits reprochés à M. [N] ne sont pas prescrits.

II – Sur la sanction :

Trois griefs sont énoncés dans le courrier de mise à pied disciplinaire :

a – Le contrôle sur le quai et la verbalisation de personnes ayant un nom à consonance étrangère :

L’employeur rappelle dans ses écritures que l’article 5 du décret n° 2016-1495 du 4 novembre 2016 portant code de déontologie des agents des services internes de sécurité de la SNCF prévoit que “l’agent des services internes de sécurité demeure impartial et s’interdit toute forme de discrimination”. (pièce n° 21)

Il ajoute, à titre d’exemple non mentionné dans ce texte, que “l’agent de la SUGE procédera à une verbalisation uniforme pour une situation identique, sans tenir compte d’autres paramètres que la situation rencontrée. Ainsi il ne contrôlera pas systématiquement le titre de transport d’un individu parce qu’il est originaire d’un grand ensemble urbain ou défavorablement connu”.

L’article 4.2.4 du référentiel RA00037 prévoit “[qu’il] n’entre pas dans les missions des agents du Service Interne de Sécurité de la SNCF de procéder au contrôle systématique des titres de transport, cette mission relevant de la compétence des agents de contrôle de l’exploitant. En revanche, dans le cadre de leur mission de prévention, les agents peuvent être amenés à contrôler de façon non systématique la possession des titres de transport, ainsi que certains éléments de validité (parcours, classe, date, compostage). La mesure ne doit pas être motivée par l’un des critères de discrimination prévu par la loi”.

L’employeur ajoute que “au regard de l’enquête qui a été menée, de ses propres déclarations, de celles issues des différents témoignages, confirmées par le taux de verbalisation constaté, il apparaît que Monsieur [N] dresse énormément de Procès-Verbaux à l’encontre de personne ayant des noms à consonance étrangère”.

Toutefois, l’analyse qualitative des procès-verbaux établis au cours des années 2015 et 2016 évoquée à l’appui de ces affirmations n’est pas produite, ce qui ne permet pas de confirmer le fait que “l’essentiel des contraventions a été dressé au titre de défaut de billets sur un quai alors que cette infraction doit être normalement sous-jacente à une autre infraction”.

En outre, il ne saurait être ignoré que les déclarations effectuées à cet égard par MM. [M] (pièce n° 4) et [K] (pièce n° 2) dans le cadre de l’enquête interne émanent de deux collègues de travail de M. [N] avec lequel ils sont en conflit. La dégradation des relations de travail au sein du groupe a d’ailleurs été la raison première de l’ouverture de l’enquête interne. Par ailleurs, leurs déclarations sur les contrôles au faciès imputés à M. [N] demeurent imprécises et ne sont corroborés par aucun élément.

La preuve de ce grief, au demeurant contesté par le salarié, n’est dès lors pas rapportée.

b – La dégradation des locaux :

Une vidéo retrouvée sur le téléphone professionnel de M. [N], filmée le 22 juillet 2016, le met en scène en uniforme, armé, et participant à un chahut dans les locaux de la société se terminant par une dégradation d’un mur.

Il est constant que cette vidéo a été filmée puis transmise à M. [N] par Mme [C], laquelle en atteste dans le cadre de l’enquête interne. (pièces n° 2 et 11)

Le salarié invoque le manque de loyauté de cette preuve à raison de ce que l’employeur a utilisé une vidéo réalisée à son insu et retrouvée sur son téléphone professionnel.

S’agissant du fait d’avoir ignoré qu’il était filmé, l’employeur ne saurait soutenir que M. [N] aurait reconnu le 23 janvier 2017 que M. [C] le filmait. Cette affirmation ne ressort pas en effet des termes de l’entretien administratif mené ce jour-là. (pièce n° 2)

Par ailleurs, Mme [C] atteste du contraire dans une déclaration distincte. (pièce n° 11)

L’employeur n’a en tout état de cause eu connaissance de cette vidéo qu’en faisant procéder au contrôle des smartphones de l’ensemble des salariés mis en cause dans le cadre d’une enquête interne.

A cet égard, l’employeur peut contrôler et surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps du travail et le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments obtenus à partir d’un dispositif installé en méconnaissance des dispositions légales s’il n’en résulte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie personnelle des salariés concernés au regard du but poursuivi.

En l’espèce, l’enregistrement d’une vidéo sur le lieu de travail par une collègue du salarié, même à l’insu de celui-ci quand bien même en a-t-il été destinataire par la suite, ne met pas en cause sa vie privée, de sorte qu’il n’en résulte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie personnelle au regard du but poursuivi.

En conséquence, et nonobstant le fait que M. [R] atteste lui aussi a posteriori, et non sans complaisance, être à l’origine de la dégradation que M. [N] a pourtant reconnu et même réparée à ses frais (pièces n° 13, 15), le moyen de preuve est recevable et ce grief est donc fondé.

c – Sur l’utilisation irrégulière du téléphone portable professionnel :

L’employeur soutient que l’investigation numérique a fait apparaître :

– l’envoi par M. [N] d’un MMS contenant sa feuille de service à une personne non habilitée à en connaître le contenu, violant ainsi le principe de confidentialité et de réserve prévu aux articles 4.1 et 4.2 du RH00006,

– une utilisation majoritairement non professionnelle des fonctions SMS/ MMS/contacts/web du téléphone, la présence d’applications sans lien avec l’activité professionnelle (jeux, messagerie, utilitaires, nettoyage, anti-virus),

– des traces de consultation de sites de “streaming”, de rencontres, de téléchargement illégal ainsi que des sites à caractère pornographique. (pièces n° 11, 2, 6 et 7).

M. [N] oppose que :

– si le RG 0029 et son annexe 1 concernant le contrôle de l’usage des ressources que la SNCF permettent à celle-ci de contrôler le téléphone portable de son salarié, il doit y avoir pour ce faire “une enquête émanant soit des Tribunaux, soit des organismes de Police”, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce,

– qu’en sa qualité de délégué du personnel, la cour de cassation impose un contrôle limité de ses données.

En premier lieu, il convient de relever que la qualité de délégué du personnel revendiquée n’est établie par aucun élément, ni même confirmée par l’employeur. M. [N] n’en fait pas non plus état dans ses différentes correspondances, y compris durant l’enquête interne ou lorsqu’il a saisi le président de la société d’un recours gracieux.

Ensuite, les documents, dossiers et fichiers créés ou détenus par un salarié et mis à sa disposition par l’employeur sont, sauf lorsqu’il les identifie comme étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence. Il s’en déduit que l’employeur pouvait contrôler les messages électroniques envoyés par emails ou SMS/MMS ainsi que les données de connexion, lesquels ne relèvent pas, sauf mention contraire explicite, de la vie privée du salariée.

A cet égard, il peut être relevé que l’affirmation du salarié selon laquelle l’employeur ne peut contrôler le téléphone portable des salariés que dans le cadre d’une enquête de police ou judicaire résulte d’une lecture tronquée du document RG00029 (OG5) intitulé “politique de sécurité des système d’information Groupe” dans sa partie “contrôle de l’usage des ressources”.

Il en est de même de l’affirmation selon laquelle pour contrôler son téléphone portable le comité d’entreprise aurait dû être saisi, le document RG00029 (OG5) prévoyant seulement que, de façon générale et non de façon propre à M. [N], l’entreprise met en oeuvre des moyens de contrôle et d’investigation dans le respect de l’information des salariés et du comité d’entreprise. (pièce n° 25)

Dans ces conditions, il ressort des éléments produits que :

– en envoyant une feuille de service par MMS à une personne extérieure à l’entreprise non qualifiée pour en connaître le contenu,

– en utilisant très majoritairement les fonctions SMS/MMS/contacts et web de son téléphone à des fins privées (Respectivement 70% pour les premiers, 97% pour l’utilisation web),

– en paramétrant 15 comptes utilisateurs non-professionnels,

– en usant d’appels via des applications tierces comme Facebook, Twitter, Instagram, Skype,

– en installant des applications sans lien avec l’activité professionnelle (jeux, messagerie, utilitaires, antivirus et nettoyage système),

– en consultant des sites à caractère pornographique,

M. [N] a fait un usage de son téléphone professionnel manifestement contraire à la charte utilisateur qu’il a signé le 27 novembre 2016 (pièce n° 38).

Le caractère majoritairement privé de cette utilisation dépasse la tolérance accordée par l’employeur en préambule de la charte utilisateur.

Il convient enfin de souligner que M. [N] ne conteste pas ces faits, les expliquant seulement par le fait qu’il n’est pas le seul utilisateur de l’appareil, ce qui là-aussi caractérise un manquement à la charte précitée.

Il résulte des développements qui précèdent des éléments précis et circonstanciés de nature à justifier la mise à pied disciplinaire du 6 juin 2017, laquelle ne caractérise pas un usage disproportionné et dépourvu de discernement de son pouvoir disciplinaire par l’employeur.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de cette sanction et les demandes afférentes à titre de dommages-intérêts et de rappel de salaire.

III – Sur les demandes accessoires :

Sur les intérêts légaux et la remise d’un bulletin de paye correspondant aux condamnations prononcées :

La demande d’annulation de la sanction prononcée étant rejetée, les demandes de M. [N] à ce titre sont sans objet et seront rejetées, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

La demande de M. [N] à ce titre sera rejetée.

M. [N] sera condamné à payer à la SNCF la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [N] succombant, il supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 7 juillet 2020 par le conseil de prud’hommes de Dijon, sauf en ce qu’il a débouté la société SNCF de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE M. [X] [N] à payer à la société SNCF la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [X] [N] aux dépens d’appel.

Le greffierLe président

Kheira BOURAGBAOlivier MANSION

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x