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La société Carrier In a licencié Mme [V] pour cause réelle et sérieuse en invoquant plusieurs griefs, notamment des plaintes du client LM2S, un manque de professionnalisme, une mauvaise communication, et une mauvaise gestion des véhicules. Mme [V] conteste ces griefs et soutient que le licenciement est abusif.
Mme [V] a obtenu une indemnité pour préjudice subi en raison du caractère abusif du licenciement. Le jugement qui lui a alloué cette somme doit être confirmé.
Mme [V] invoque le non-respect de la classification conventionnelle, des fonctions contractuelles, et des insultes à caractère sexuel. La cour a jugé que la société Carrier In n’a pas respecté la classification conventionnelle de Mme [V], mais que les autres demandes ne sont pas fondées.
Mme [V] demande un rappel de prime d’astreinte, mais la société Carrier In conteste cette demande. Le jugement a débouté Mme [V] de sa demande au titre des astreintes.
Mme [V] demande des dommages-intérêts en raison de l’absence de visite médicale d’embauche. La cour a débouté Mme [V] de sa demande faute de preuve de préjudice.
Le jugement a mis à la charge de la société Carrier In les dépens de première instance et a alloué à Mme [V] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Cette décision doit être confirmée.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/04863 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MPGV
Société CARRIER IN
C/
[V]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON
du 25 Juin 2019
RG : F 16/02858
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2022
APPELANTE :
Société CARRIER IN
[Adresse 9]
[Adresse 9]
représentée par Me Eric ANDRES de la SELARL ANDRES & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
[D] [V]
née le 18 Septembre 1991 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Thibaut DE BERNON, avocat au barreau de LYON
et ayant pour avocat plaidant Me Valérie MALLARD de la SELARL MALLARD AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 Septembre 2022
Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 16 Novembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Mme [V] a été embauchée par la société Carrier In, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel pour une durée de 25 heures hebdomadaires, le 27 avril 2015, en qualité d’assistante d’exploitation, groupe 5, coefficient 12 de la convention collective nationale des transports routiers activités auxiliaires de transport de marchandises.
La relation de travail s’est poursuivie à temps complet à compter du 1er juin 2015.
Mme [V] travaillait au sein de l’agence de [Localité 10] avec M. [B] [T], employé exploitant et avec des chauffeurs.
Mme [V] s’est vu notifier :
– un premier rappel à l’ordre par lettre remise en main propre contre décharge du 25 août 2015 pour un retard le 24 août 2015,
– un second rappel à l’ordre par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 février 2016 aux motifs d’un manque de communication avec son collaborateur M. [T] et de plusieurs non respect des horaires de travail,
– un avertissement par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 février 2016 au motif du non respect des consignes auprès des partenaires, d’oublis répétés et non respect du client.
Par une lettre recommandée en date du 23 mars 2016, la société Carrier In a convoqué Mme [V] à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 1er avril 2016.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 avril 2016, Mme [V] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse, dans les termes suivants :
‘Suite à votre entretien avec Monsieur [H] [N], responsable des ressources humaines datant du 1er avril 2016, nous vous informons, par la présente, de notre décision de prononcer votre licenciement motivé par les faits suivants :
Plusieurs plaintes écrites (lettres avec accusé de réception de LM2S du 22 mars 2016 et du 16 mars 2016, ainsi que des mails internes de [U] [L] du 31 mars 2016, mail renvoyé par LM2 S le 17 mars 2016 concernant leur demande urgente du 15 mars 2016 non traitée) de notre principal client de stockage LM2S exprimant son plus vif mécontentement, quant à la gestion des stocks, la communication et prise de décision.(Communication hasardeuse, mauvaise organisation des stocks, colis FSL retrouvé dans le PUDO ou inversement ainsi que des refus pour la prise en charge de leurs courses)
Votre manque de professionnalisme. Lors de votre absence pour arrêt maladie à partir du 16 mars 2016, vous n’avez pas jugé utile de prévenir votre hiérarchie que vous-même et Monsieur [T] [B] ne pourriez pas ouvrir l’agence de [Localité 10], ce qui a entraîné de fortes perturbations sur notre activité. Le fait que ce soit notre client LM2S qui nous informe(au siège à [Localité 8]) que notre agence est fermée a été très préjudiciable(attente des techniciens devant l’agent sans explication, entrées en stock non faites, impossibilité pour nos clients et nos fournisseurs de communiquer avec votre site, etc’) et notre crédibilité a été remise en question encore une fois.
Mauvaise communication pour la gestion de votre activité occasionnant des dysfonctionnements dans l’exploitation(le 3 février 2016 un chauffeur de [Localité 7] est parti charger à [Localité 2] à 15 heures avec un véhicule qui n’avait pas assez de place pour la palette car il y avait un lien l’intérieur du [Immatriculation 5]-conséquences : notre chauffeur a dû revenir à [Localité 10] décharger le lit puis retourner achat poney pour charger la palette. Appel du client mécontent, perte de temps et d’argent).
Mauvaise gestion des véhicules (le 21 mars 2016 nous avons constaté que d’autre véhicule Mercedes immatriculé [Immatriculation 4] n’avait pas de plaque d’immatriculation à l’arrière).
L’ensemble de ces faits dénote votre manque de rigueur et de professionnalisme dans l’exécution de vos fonctions. Votre attitude n’est plus acceptable et met en péril les bonnes relations commerciales avec notre plus important client, LM2S et ce, d’autant plus que nous vous avons maintes fois avertie tant à l’oral qu’à l’écrit.
Pour rappel :
Rappel à l’ordre du 12 février 2016 : manque de communication avec votre collaborateur et manque d’assiduité.
Avertissement du 25 février 2016 : plainte de notre principal client LM2S, non-respect du client.
Votre préavis d’un mois débutera dès la première présentation votre domicile.’.
Par requête en date du 29 juillet 2016, Mme [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon en lui demandant de dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de dire et juger que la société Carrier In n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail, de dire et juger qu’elle doit être reclassée au groupe 6 coefficient 125 de la convention collective applicable, et de condamner la société Carrier In à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail ainsi qu’un rappel de prime d’astreinte et congés payés afférents.
Par un jugement en date du 25 juin 2019, le conseil de prud’hommes, en sa formation de départage, a :
– dit et jugé que les fonctions d’assistante d’exploitation occupées par Mme [V] relèvent du groupe 6 coefficient 125 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport de marchandises,
– dit et jugé que le licenciement de Mme [V] est abusif
– condamné la société Carrier In à verser à Mme [V]
* outre intérêts légaux a compter de la présente décision
750,00 euros (sept cent cinquante euros) à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective
300,00 euros (trois cents euros) à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d’embauche
3 800,00 euros (trois mille huit cents euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif
1 000,00 euros (mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– débouté Mme [V] de sa demande au titre des astreintes,
– débouté la société Carrier In de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision nonobstant appel ou opposition et sans caution,
– condamné la société Carrier In aux entiers dépens de la présente instance.
La société Carrier In a interjeté appel de ce jugement, le 10 juillet 2019.
La société Carrier In demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris
statuant à nouveau,
– dire bien fondé le licenciement de Mme [V] notifié le 12 avril 2016 pour cause réelle et sérieuse,
– débouter Mme [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– dire que l’arrêt à intervenir constituera le titre lui permettant de recouvrer à l’encontre de Mme [V] les sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement du 25 juin 2019,
– condamner Mme [D] [V] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Mme [V] demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé son licenciement abusif
– l’infirmer pour le surplus,
statuant à nouveau,
– condamner la société Carrier In à lui payer 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– dire et juger que la société Carrier In n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail
– condamner la société Carrier In à lui payer 4 000 nets de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
– condamner la société Carrier In à lui payer 522,59 euros bruts à titre de rappel de prime d’astreinte, outre 52,25 euros bruts de congés payés afférents
– condamner la société Carrier In à lui payer 800 euros nets de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d’embauche
– débouter la société Carrier In de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la société Carrier In à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel liquidés au profit de Maître Thibaut de Bernon selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 juin 2022.
SUR CE :
La cour observe d’une part que le premier juge a jugé qu’aucune irrégularité n’entachait la lettre de licenciement, mais a omis de répondre à cette demande dans son dispositif ; d’autre part qu’elle n’est saisie d’aucune demande relative à la régularité du licenciement, de sorte que les développements de la société Carrier In sur la qualité du signataire de la lettre de licenciement sont sans objet.
– Sur le licenciement :
Il résulte des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d’une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.
En vertu de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société Carrier In a licencié Mme [V] pour cause réelle et sérieuse en invoquant :
– les plaintes écrites du client LM2S quant à la gestion des stocks, la communication et la prise de décisions, notamment le 21 mars 2016 ;
– un manque de professionnalisme ;
– une mauvaise communication pour la gestion de l’activité, notamment à la date du 3 février 2016 ;
– une mauvaise gestion des véhicules.
La société Carrier In soutient qu’en dix mois de relation contractuelle, Mme [V] a été destinataire de deux rappels à l’ordre et d’un avertissement en raison de son dilettantisme certain dans l’exécution de sa mission, ainsi que de son absence totale de professionnalisme, sanctions qu’elle n’a jamais contestées.
La société Carrier In lui reproche de ne pas l’avoir prévenue de son absence le 16 mars 2016, ce qui a paralysé le service et suscité la réprobation du plus gros client du site, la société LM2S.
La société Carrier In invoque la faculté de caractériser la réitération du comportement litigieux de la salariée, en se fondant sur des faits postérieurs à l’envoi d’une lettre sanctionnant des faits de même nature intervenus auparavant.
Mme [V] conteste la réalité de ces griefs. Elle soutient que les motifs invoqués dans la lettre de licenciement ne sont en réalité que de pure façade puisque dès le 18 mars 2016 la société Carrier In diffusait une offre d’emploi pour remplacer M. [T], étant rappelé que les motifs énoncés dans sa lettre de licenciement sont en tout point identiques à ceux figurant dans la sienne, au point de faire état de l’avertissement du 25 février 2016, alors qu’elle n’a jamais été sanctionnée par un avertissement.
Mme [V] fait valoir :
– qu’elle ne peut se voir imputer les faits reprochés pendant sa période d’arrêt maladie du 16 au 26 mars 2016
– qu’il ne peut lui être reproché aucun grief relatif à la gestion des stocks puisque cela ne relève pas de ses fonctions listées contractuellement
– qu’il ne peut lui être reproché aucun manquement relatif à sa situation d’arrêt de travail puisqu’elle a respecté les obligations lui incombant à ce titre, et que la société ne peut certainement pas lui reprocher de ne pas l’avoir prévenu de l’absence pour maladie de M. [T], cette dernière ne pouvant se voir imposer aucune obligation à cet égard
– que l’employeur ne pouvait pas prononcer de licenciement pour des faits antérieurs à la date des deux sanctions du 23 février 2016 puisqu’il avait déjà épuisé son pouvoir disciplinaire par l’application de ces deux sanctions
– que les faits reprochés en date du 21 mars 2016 ne sont pas justifiés dans la lettre de licenciement et ne relèvent pas de ses fonctions contractuelles.
****
Il ressort des éléments factuels du dossier que Mme [V] a été placée en arrêt maladie du 16 mars 2016 au 26 mars 2016 selon les mentions de l’arrêt de travail initial; que la plainte du client LM2S datée du 22 mars 2016 relative à un manquement sur la prestation FSL confiée à la société Carrier In, concerne deux demandes de destockage suivies d’une course, datées du 19 mars 2016.
Il en résulte que l’incident avec le client LM2S s’est produit pendant l’arrêt maladie de Mme [V] et la société Carrier In qui soutient que cet incident résulte du stockage d’un colis au mauvais endroit, laissant supposer que la faute serait antérieure à l’arrêt maladie de Mme [V], n’établit pas l’imputabilité d’un quelconque manquement à cette dernière.
En ce qui concerne l’ouverture tardive du site à la date du 16 mars 2016 également reprochée par le client LM2S, la société Carrier In indique que M. [T] et Mme [V] étaient chargés de l’ouverture de site; que ni Mme [V], ni M. [T] ne s’étant présentés, elle n’a pas été tenue informée que le site n’était pas ouvert.
Il résulte d’un courriel adressé le 16 mars 2016 à 8H52 par le président de la société Carrier In à Mme [D] [V] que M. [T] avait prévenu de son absence la veille au soir et que cette dernière s’était engagée à le remplacer le matin du 16 mars à 7H30.
Mme [V] expose qu’aucun grief ne saurait être retenu contre elle dés lors qu’elle a bien adressé son arrêt de travail dans le délai de deux jours francs tel que fixé par la convention collective.
A le supposer établi, le défaut d’information préalable de Mme [V] sur son absence du 16 mars 2016 ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement compte tenu de l’existence d’un arrêt maladie daté du même jour, dont il n’est pas contesté qu’il a été transmis dans le délai conventionnel, et par conséquent du caractère justifié de l’absence.
De même, le défaut de plaque d’immatriculation d’un véhicule responsable de l’immobilisation du dit véhicule à la date du 21 mars 2016, exemple cité par la société Carrier In pour illustrer le grief de mauvaise gestion des véhicules, est relatif à une période d’arrêt maladie de Mme [V] et faute pour l’employeur d’établir l’antériorité du manquement par rapport à l’arrêt maladie , ainsi que l’état objectif du véhicule, ce grief n’apparaît pas sérieux.
En ce qui concerne l’incident du 3 février 2016 visé par la lettre de licenciement, Mme [V] soutient que l’employeur qui avait eu connaissance des faits reprochés dés le 3 février et qui lui a notifié une sanction disciplinaire le 12 février 2016 sans évoquer les faits du 3 février, a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait évoquer ces faits à l’appui du licenciement.
Surabondamment, Mme [V] soutient que ces faits ne lui sont pas imputables mais sont dus à la seule initiative du siège social qui a décidé d’organiser le 3 février 2016 une livraison avec le véhicule de l’entreprise, sans en aviser le personnel de l’agence, et de fait sans s’assurer de la disponibilité du véhicule et des chauffeurs, de sorte que le chauffeur qui avait chargé un lit à [Localité 3], avait dû le laisser dans le véhicule, lequel n’était programmé sur aucune livraison.
Mme [V] fait valoir au surplus que les faits reprochés ne relevaient pas de ses fonctions ainsi qu’il ressort de son contrat de travail.
Les échanges entre Mme [V] et M. [E], président de la société Carrier In au sujet de l’incident du 3 février révèlent notamment que Mme [V], après de longues explications sur les circonstances dans lesquelles le fret litigieux a été pris en charge, avec du retard, car le véhicule utilisé n’avait pas été débarrassé d’un lit, a déclaré prendre la responsabilité de l’incompréhension entre son chauffeur et elle-même quant au préalable de vider le camion avant de prendre en charge le fret du 3 février.
Il apparaît par ailleurs que Mme [V] est chargée de faire le suivi des camions selon le descriptif de ses missions.
Il en résulte que si Mme [V] a pu admettre qu’elle était responsable de l’incompréhension entre son chauffeur et elle-même le 3 février 2016, le retard de prise en charge d’un chargement en raison du défaut de préparation d’un camion, qui apparaît comme un incident mineur et isolé, ne saurait caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Il en résulte que le premier juge a fait une juste appréciation des éléments de faits, et que le licenciement de Mme [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.
– Sur les dommages-intérêts :
Mme [V] qui était embauchée par la société Carrier In depuis moins de deux années, soit en l’espèce, onze mois et quinze jours, peut prétendre, en application de l’article L. 1235-5 ancien du code du travail à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi; elle justifie de sa prise en charge au titre de l’allocation de retour à l’emploi au cours de plusieurs périodes, courant 2016, 2017, 2018 et 2019, ainsi que de son engagement suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée, le 20 juin 2018, le 5 novembre 2018 et le 31 janvier 2019 par les sociétés Keolis et SLV, éléments en faveur d’une situation professionnelle précaire; en conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 3 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif au caractère abusif du licenciement a fait une juste appréciation de ce préjudice et doit par conséquent être confirmé.
– Sur la demande au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail :
Mme [V] invoque au soutien de cette demande, le non respect de la classification conventionnelle (1°), le non respect des fonctions contractuelles (2°), ainsi que de graves insultes à caractère sexuel proférées à son égard par son employeur ( 3°).
1°) sur le non respect de la classification conventionnelle :
Mme [V] expose qu’elle a été classée au groupe 5 coefficient 120 de la convention collective des transports routiers et que cette classification ne correspond pas aux fonctions qu’elle a exercées conformément à son contrat de travail.
Mme [V] soutient que ses fonctions correspondent au groupe 6, coefficient 125 dés lors qu’elle effectuait divers travaux de l’agence, comprenant les appels et leurs transferts, la réception des colis et leur pointage, l’accueil des personnes, l’assistance administrative à l’exploitant, le suivi des chauffeurs, le suivi des camions, l’archive et le classement des documents, la réception du courrier, le rapprochement des lettres de voiture.
La société Carrier In fait valoir d’une part que Mme [V] ne rapporte pas la preuve ni le moindre commencement de preuve du fait qu’elle exerçait les fonctions définies par ce groupe 6, et tout particulièrement le point 40, dans la mesure où elle n’effectuait aucune opération commerciale complète, ni aucun inventaire permanent; d’autre part, que Mme [V] ne sollicite aucun rappel de salaire, ce qui démontre que sa rémunération était très largement celle du groupe 5 et non du groupe 6.
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En cas de litige relatif à la qualification professionnelle, il appartient au juge d’apprécier les fonctions réellement exercées par le salarié.
La société Carrier In ne contestant pas que les missions réalisées par Mme [V] correspondaient effectivement aux termes de son contrat de travail, le premier juge a fait une juste appréciation des faits en considérant que le contenu des missions confiées contractuellement à Mme [V] correspondait à un employé de service d’exploitation ou un employé aux expéditions ou aux arrives, emplois définis par la convention collective applicable, comme relevant du groupe 6.
Si le salarié peut alors prétendre, compte tenu de son repositionnement, à un rappel de salaire correspondant au minimum conventionnel afférent à ce positionnement, il ne peut en revanchesolliciter des dommages-intérêts que s’il justifie d’un préjudice particulier, ce que Mme [V] ne fait pas en l’espèce.
2°) sur le non respect des fonctions contractuelles :
Mme [V] soutient que l’employeur lui a imposé des fonctions d’enlèvement de colis et de livraisons, y compris en dehors et en sus de ses horaires de travail au titre desquelles il ne lui était accordé aucune contrepartie.
La société Carrier In fait valoir que cette critique n’est pas fondée dans la mesure où la liste de fonctions attribuées n’est pas limitative, qu’il est précisé dans le contrat de travail que les fonctions de Mme [V] sont par nature évolutives et pourront être modifiées en fonction des nécessités d’administration et de gestion.
La cour observe que Mme [V] verse aux débats des documents intitulés ‘confirmation d’affrètement’ numérotés, mentionnant les noms du client, de l’expéditeur et du destinataire, ainsi que la date et l’heure de la livraison prévue. Si aucun élément ne permet de dire qu’il s’agit de livraisons exigées de Mme [V], il apparaît cependant qu’en invoquant les termes du contrat de travail lui permettant de modifier les fonctions de la salariée en fonction des nécessités d’administration et de gestion, la société Carrier In ne conteste pas l’existence des demandes d’enlèvement de colis et de livraison dont Mme [V] fait état.
Les éléments produits par la salariée sont cependant insuffisants à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail.
3°) sur les insultes à caractère sexuel, Mme [V] verse aux débats le témoignage de M. [G] [Y], chauffeur livreur qui déclare avoir entendu un prénommé [X] rapporter à Mme [V] les propos suivants tenus par M. [E], directeur de la société :
‘ [D] [V] est une grosse cochonne, une grosse salope qui aime sucer et baisser’ (sic)
La société Carrier In dénonce des allégations diffamatoires et mensongères et souligne qu’en juillet 2015, à la suite de la plainte de Mme [V] pour des faits de harcèlement imputés à un salarié, M. [F], elle a procédé au licenciement de ce dernier, de sorte que des faits de cette nature ne sont pas admis dans l’entreprise et ne sauraient être le fait de son dirigeant.
Les propos prêtés à M. [E], dont la cour observe qu’ils sont rapportés par un témoin indirect et ne sont corroborés par aucun élément objectif, ne sont pas établis par les éléments du débat. Ils ne sauraient, en tout état de cause, caractériser une exécution dé loyale du contrat du travail.
Dés lors, le manquement à l’exécution loyale du contrat n’est pas établi et Mme [V] qui ne justifie d’aucun préjudice particulier résultant de son sous-positionnement conventionnel, sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre. Le jugement qui lui a alloué la somme de 750 euros de dommages-intérêts pour non respect de la convention collective sera donc infirmé en ce sens.
– Sur la demande au titre de la prime d’astreinte :
Mme [V] demande le paiement de la somme de 522,59 euros à titre de rappel de prime d’astreinte du mois de mars au 14 mai 2016, outre 52,25 euros bruts de congés payés afférents.
Elle expose qu’à la suite du départ du responsable d’exploitation M. [F], en juillet 2015 :
– elle s’est vu confier les astreintes à compter de janvier 2016 ;
– elle a perçu, à ce titre, la somme de 400 euros en janvier 2016 et la somme de 200 euros en février, ce qui correspondait à une prime d’astreinte de 300 euros bruts par mois convenue entre les parties ;
– elle n’a perçu que 58,06 euros en mars 2016 et 19,35 euros en avril 2016, et aucune somme en mai 2016.
La société Carrier In s’oppose à cette demande comme non fondée en contestant d’une part l’existence de cette prime d’astreinte et en invoquant d’autre part, l’arrêt maladie de la salariée à compter de mars 2016.
Le jugement déféré qui a constaté que les bulletins de salaire mentionnaient le versement de sommes au titre d’astreintes en janvier, février et mars 2016 et que Mme [V] ne produisait aucun élément pour la période mars à mai 2015 sera, faute de tout élément nouveau, confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande au titre des astreintes.
– Sur l’absence de visite médicale d’embauche :
Mme [V] sollicite le paiement de la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi en raison de l’absence de visite médicale d’embauche, au visa des dispositions des articles R. 4624-10 et L. 4121-1 et suivants du code du travail.
La société Carrier In s’oppose à cette demande au motif que Mme [V] ne justifie pas de son préjudice.
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Faute de preuve d’un préjudice direct, actuel et certain en lien avec le défaut de visite médicale d’embauche, Mme [V] déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement déféré infirmé sur ce point.
– Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société Carrier In les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à Mme [V] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné la société Carrier In à payer à Mme [V] la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la convention collective et la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d’embauche
INFIRME le jugement déféré sur ces chefs
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant
DÉBOUTE Mme [V] de ses demandes de dommages-intérêts pour non respect de la convention collective et pour défaut de visite médicale d’embauche
CONDAMNE la société Carrier In à payer à Mme [V] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,
CONDAMNE la société Carrier In aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE