Secrétaire d’avocat : le harcèlement psychologique retenu    
Secrétaire d’avocat : le harcèlement psychologique retenu    

« Mettre la pression » pour que sa secrétaire pose sa démission peut être qualifié de harcèlement moral / psychologique. Un cabinet d’avocat a écopé de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral de sa secrétaire et 51 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement abusif.

L’employeur avait mis en place un carnet de correspondance afin d’échanger avec sa salariée afin de consigner les prestations de travail exécutées pendant ses journées de télétravail. Il  ressort des courriels, courriers et notes manuscrites, que l’employeur avait adressé à sa salariée de très nombreux reproches concernant tant son comportement, que la qualité de son travail, aux termes de correspondances faisant parfois plusieurs pages.  

L’employeur n’a ainsi eu de cesse, pendant deux années, de reprocher à la salariée, notamment, les griefs suivants, non fondés : un manque de concentration, une attitude passive, le blocage de ses décisions et initiatives, le refus de suivre ses instructions, le non-respect des horaires, le défaut de rangement des dossiers physiques et informatiques, la rédaction de courriers personnels,  pendant les heures de travail, son ton arrogant ou désinvolte, sa mauvaise humeur, sa mauvaise volonté, son insubordination, ses mensonges, la réalisation de virements bancaires sans son autorisation, le blocage du compte bancaire du cabinet, le défaut de communication des informations concernant le cabinet, notamment des emails et appels reçus, une attitude irresponsable concernant les dépenses du cabinet, une absence de réponse quand elle parle, l’absence de note concernant le travail accompli, l’absence de mise en place d’un classeur destiné aux petites consignes, l’utilisation de son bureau en son absence, la prise de rendez-vous avec l’informaticien sans la consulter, la réalisation de facturations incomplètes comme ne reprenant pas les frais de livraison DHL etc.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

11e chambre

ARRET DU 26 NOVEMBRE 2020

N° RG 18/05059 –��N° Portalis DBV3-V-B7C-S2SI

AFFAIRE :

C X

C/

H Y

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Novembre 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 17/00461

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Gaëlle LIONEL-MARIE

Me Clémence LAVOISIER

LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame C X

N° SIRET : 790 371 538 00022

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me Gaëlle LIONEL-MARIE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0194

APPELANTE

****************

Madame H Y

née le […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me Clémence LAVOISIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 15

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Octobre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Le 4 mars 1991, Mme H Y était embauchée par M. J X, avocat, en qualité de secrétaire bilingue par contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail était régi par la convention des avocats et de leur personnel.

En janvier 2013, Mme C X reprenait le cabinet de son père.

Le 25 juillet 2016, l’employeur convoquait la salariée à un entretien préalable en vue de son licenciement. Le 28 septembre 2016, il lui notifiait son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Il lui était reproché une absence de sauvegarde de fichiers informatiques depuis 11 mois, l’utilisation des outils et services du cabinet à des fins personnelles, la transmission d’informations volontairement inexactes et contraires à l’intérêt de l’employeur et une insubordination.

Le 14 juin 2017, Mme H Y saisissait le conseil de prud’hommes de Versailles en contestation de son licenciement. Elle invoquait en outre un harcèlement moral.

Vu le jugement du 5 novembre 2018 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Versailles qui a :

— fixé la rémunération mensuelle moyenne des douze derniers mois à 4 070,00 euros brut.

— constaté que le licenciement de Mme H Y est sans cause réelle et sérieuse.

— constaté que Mme H Y ne démontre pas avoir été l’objet d’un harcèlement moral.

— condamné Mme C X a verser à Mme H Y :

— la somme de 61 050,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

— la somme de 1 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— débouté Mme H Y du surplus de ses prétentions.

— débouté Mme C X de sa demande reconventionnelle.

— mis les dépens a la charge de chacune des parties.

Vu l’appel interjeté par Mme C X le 13 décembre 2018.

Vu les conclusions de l’appelante, Mme C X, notifiées le 18 septembre 2020, soutenues à l’audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :

A titre principal :

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles du 5 novembre 2018 en ce qu’il a déclaré le licenciement de Madame H Y sans cause réelle et sérieuse,

Et statuant à nouveau de ce chef,

— débouter Madame H Y de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive,

A titre subsidiaire :

— réformer le jugement entrepris du chef de l’indemnité allouée à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

Et, statuant à nouveau de ce chef,

— réduire l’indemnité allouée au visa de l’article L. 1235-5 du code du travail.

En tout état de cause, et y ajoutant :

— écarter des débats la pièce n°80-1, communiquée par l’intimée au motif qu’elle ne répond pas aux exigences posées par l’article 202 du code de procédure civile,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles du 5 novembre 2018 en ce qu’il a constaté que Mme H Y n’avait pas subi d’agissements de harcèlement moral et l’a déboutée de ses demandes de ce chef,

— dire et juger que la demande formée par Mme H Y concernant la prétendue exécution déloyale du contrat de travail par son employeur est une demande nouvelle qui est irrecevable et qu’en tout état de cause, le contrat de travail a été exécuté loyalement par Mme X,

En conséquence,

— débouter Mme H Y de sa demande dommages et intérêts au titre de la prétendue exécution déloyale de son contrat de travail,

— débouter Mme H Y de sa demande de paiement des intérêts de retard en application de l’ordonnance du 16 juin 2017, la Cour se déclarant incompétente en la matière,

— condamner Mme H Y au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamner la même aux entiers dépens.

Vu les conclusions de l’intimée, Mme H Y, notifiées le 15 septembre 2020, soutenues à l’audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de:

Sur le licenciement,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en date du 5 novembre 2018 en ce qu’il a constaté que le licenciement de Mme H Y est sans cause réelle et sérieuse,

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 5 novembre 2018 s’agissant du quantum des indemnités allouées pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau

— condamner Mme C X à payer à Mme H Y la somme de 101 750 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Sur le harcèlement moral,

— infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes du 5 novembre 2018 en ce qu’il a dit que Mme H Y ne démontrait pas avoir été l’objet d’un harcèlement moral, et l’a déboutée de ses demandes de ce chef,

Statuant à nouveau,

— dire et juger que Mme H Y a subi un harcèlement moral de la part de Mme C X,

En conséquence,

— condamner Mme C X à payer à Mme H Y une somme de 48 840 euros à titre d’indemnité pour harcèlement moral,

Au surplus,

— condamner Mme C X à payer à Mme H Y les sommes suivantes :

—  24 420 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en raison de l’exécution déloyale du contrat de travail par Mme C X selon les dispositions de l’article 1134 du code civil et L.1222-1 du code du travail,

—  1 026,21 euros au titre des intérêts de retard conformément à l’ordonnance du 16 juin 2017, provisoirement arrêtés au 15 juin 2019 et dont le montant sera actualisé le jour de leur paiement,

—  7 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

— condamner Mme C X à payer les intérêts de droit à compter de la date de réception par Mme C X de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu’au jour du paiement ;

— ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil à compter de la date des présentes s’agissant des autres chefs de condamnation ;

— ordonner la remise d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi et du bulletin de paie rectificatif selon l’Ordonnance du 16 juin 2017, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

— condamner Mme C X aux dépens d’instance.

Vu l’ordonnance de clôture du 21 septembre 2020.

SUR CE,

Sur l’irrecevabilité de la demande relative à l’exécution déloyale du contrat de travail

Mme X soulève l’irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur, qui n’a pas été formulée en première instance.

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

En l’espèce, il ressort du jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Versailles le 5 novembre 2018, que la demande que Mme Y formule devant la cour au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail est nouvelle. Elle est donc irrecevable.

Sur le rejet de pièces

Mme X demande à la cour d’écarter des débats la pièce n°80-1 communiquée par l’intimée, au motif qu’elle ne répond pas aux exigences posées par l’article 202 du code de procédure civile. Mme X explique que Mme K n’a pas révélé le lien de collaboration ou de communauté d’intérêts existant avec elle, alors qu’elle a été la secrétaire de Me Zysman, qui a été sa sous-traitante. Cependant, cet élément qui se rapporte à la valeur probante du témoignage de Mme L, n’est pas de nature à justifier le rejet de son attestation.

Concernant le témoignage de Mme Z, Mme X soutient qu’en tant qu’avocat, elle a, par son attestation, violé les règles de déontologie et les principes essentiels de sa profession, dès lors qu’elle a travaillé pour le compte du cabinet X. Toutefois, la cour relève que Mme Z a précisé qu’il existait un « lien de parenté, d’alliance, de subordination ou de communauté d’intérêts avec les parties ». En outre, à nouveau, l’élément invoqué par l’employeur se rapporte à la valeur probante du témoignage de Mme Z ; il n’est donc pas de nature à justifier le rejet de son attestation.

Sur l’exécution du contrat de travail :

— Sur le harcèlement moral

Mme Y soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de Mme X. Elle invoque les faits suivants :

— des remarques dévalorisantes, dénigrantes et mensongères, notamment par courriers des 31 juillet 2014, 23 février 2015 et 10 mars 2016,

— le défaut de paiement fin 2014 de son 13e mois prévu par la convention collective,

— une volonté de la pousser à la démission,

— un contrôle excessif des horaires,

— des tâches dégradantes ne rentrant pas dans ses attributions, notamment le nettoyage du bureau et l’arrosage des plantes de l’employeur,

— la mise en place d’un carnet de correspondance à partir d’avril 2015,

— la consignation des tâches effectuées le vendredi,

— la proposition de modification du contrat de travail réduisant le temps de travail et donc le montant du salaire,

— la suppression de la mention relative à l’ancienneté sur les bulletins de salaire,

— des reproches concernant le chat du cabinet d’Alverny,

— la dégradation de son état de santé.

Mme X répond que tout l’argumentaire de l’intimée, émaillé de propos malveillants et de jugements moraux sur son employeur, repose entièrement sur ses seules allégations, et sur les pièces qu’elle s’est constituées à elle-même. Elle soutient que Mme Y n’a pas supporté que son nouvel employeur lui donne, en exécution de son pouvoir de direction, des instructions d’autant plus qu’elle avait pris l’habitude d’agir comme bon lui semblait lors des absences répétées de son ancien employeur vers la fin de 2012. Elle conteste tous les propos dénigrants, brimades et agissements fautifs reprochés, soulignant que les allégations de la salariée ne font que refléter ses ressentis.

Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ; dans l’affirmative, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

— Sur la mise en place d’un carnet de correspondance à partir d’avril 2015 et la consignation des tâches effectuées le vendredi,

Il n’est pas contesté qu’à partir du mois d’avril 2015, Mme X a mis en place un carnet de correspondance afin d’échanger avec Mme Y. Il n’est pas davantage discuté que l’employeur, qui travaillait depuis son domicile tous les vendredis, a demandé à la salariée de consigner les prestations de travail exécutées pendant cette journée.

Si Mme X disposait, en tant qu’employeur, du pouvoir de direction lui permettant de mettre en oeuvre ces mesures relatives à l’organisation du travail, il doit cependant être souligné que Mme Y bénéficiait alors d’une ancienneté de 24 années, de sorte qu’à cet égard, le fait doit être considéré comme établi.

— Sur les tâches dégradantes ne rentrant pas dans ses attributions, notamment le nettoyage du bureau et l’arrosage des plantes de l’employeur

Les différentes notes manuscrites produites en pièce n°55 par la salariée établissent que Mme X lui a demandé à plusieurs reprises de passer le chiffon dans son bureau, de le ranger et d’arroser ses plantes en son absence.

Si l’employeur pouvait légitimement demander à la salariée d’arroser les plantes en son absence, il ne ressortait pas des missions de Mme Y, en tant que secrétaire, de ranger et de nettoyer le bureau de Mme X. Le fait est par conséquent établi sur ce point.

— Sur les propos dévalorisants, dénigrants, mensongers, le contrôle excessif des horaires et la volonté de l’employeur de pousser la salariée à la démission

Il ressort des courriels, courriers et notes manuscrites produites par les parties, notamment ceux des 31 juillet 2014, 22 janvier, 23 février 2015, 13 janvier, 10 mars, 28 avril, 10 mai, 6 juillet, 9 septembre 2016, que Mme X a adressé à Mme Y de très nombreux reproches concernant tant son comportement, que la qualité de son travail, aux termes de correspondances faisant parfois plusieurs pages. L’employeur n’a ainsi eu de cesse, pendant deux années, de reprocher à la salariée, notamment, un manque de concentration, une attitude passive, le blocage de ses décisions et initiatives, le refus de suivre ses instructions, le non-respect des horaires, le défaut de rangement des dossiers physiques et informatiques, la rédaction de courriers personnels, notamment pour le compte de M. A, pendant les heures de travail, son ton arrogant ou désinvolte, sa mauvaise humeur, sa mauvaise volonté, son insubordination, ses mensonges, la réalisation de virements bancaires sans son autorisation, le blocage du compte bancaire du cabinet, le défaut de communication des informations concernant le cabinet, notamment des emails et appels reçus, notamment celui de Mme B, une attitude irresponsable concernant les dépenses du cabinet, une absence de réponse quand elle parle, l’absence de note concernant le travail accompli, l’absence de mise en place d’un classeur destiné aux petites consignes, l’utilisation de son bureau en son absence, la prise de rendez-vous avec l’informaticien sans la consulter, la réalisation de facturations incomplètes comme ne reprenant pas les frais de livraison DHL, l’utilisation de l’agrafeuse du cabinet d’Alverny, une attitude de dénigrement du cabinet, une régression dans son travail et plus généralement, un travail qui n’est pas au niveau de son expérience, de son coefficient et de sa rémunération.

Mme Y établit avoir contesté l’intégralité des messages de reproches qui lui ont été adressés, de manière très circonstanciée, notamment par courriers et courriels des 29 août 2014, 19 janvier, 2 avril 2015, 10 juillet 2015, 2, 28 avril, 19 mai 2016. Certains de ces écrits comportent en pièces jointes les justificatifs des contestations émises par la salariée. Ainsi, concernant les retards reprochés, Mme Y communique un courriel du 7 mai 2015 d’une secrétaire de Me d’Alverny auquel Me X sous-loue ses bureaux, par lequel elle informe notamment Mme Y et Mme X du fait que l’heure affichée sur les téléphones avance de 10 minutes. De même, s’agissant de la lettre de la Caisse Nationale des Barreaux, la salariée produit un échange de courriels du 30 janvier 2015, dont il ressort qu’elle a alerté l’employeur à propos de l’échéance au 31 janvier 2015, permettant ainsi à Mme X de répondre dans le délai imparti, ce dont elle l’a d’ailleurs remerciée, sans formuler le moindre reproche. Mme Y justifie encore notamment :

— de l’impossibilité de commander des agrafes, un tampon encreur et des enveloppes en raison du montant insuffisant de la commande pour éviter les frais de port, dont le paiement était refusé par Mme X,

— du transfert de l’appel de Mme B le 16 février 2015 à 14h09,

— de l’absence de toute responsabilité dans le blocage du compte bancaire du cabinet par l’échange de courriel avec la conseillère clientèle de la banque du 27 janvier 2016,

— de l’impossibilité de facturer les frais de livraison de DHL dans le dossier Fresnay au regard de l’envoi tardif de la facture du livreur le 31 janvier 2015, alors que le projet de facture au client avait déjà été établi 15 jours auparavant, le 14 janvier 2015.

La salariée a systématiquement fait part à son employeur de la déstabilisation psychologique engendrée par les nombreux reproches formulés qu’elle estimait injustifiés. Ainsi, dès le 29 août 2014 Mme Y écrit : « La pression psychologique que font peser sur moi votre attitude autoritaire ces derniers temps ainsi que votre allusion à une période de test jusqu’à décembre m’ont beaucoup déstabilisée »

Par courriel du 12 mars 2015, elle adresse ce message à son employeur : « C, Je suis épuisée par votre manière d’agir à mon égard. Tous vos reproches infondés sans cesse ces derniers temps, vos diverses notes (‘) Je me sens très lasse moralement et physiquement de devoir subir tout cela ‘ ».

Le 16 mars 2015, Mme Y renouvelle son message : « ’ vous semblez ne pas vouloir tenir compte des répercussions psychologiques qui résultent pour moi de la dégradation de mes conditions de travail. C’est pour ces motifs que je vous adresse ce courrier en réponse en souhaitant qu’il soit mis un terme au climat de dénigrement permanent et que je puisse effectuer mon travail comme je l’ai toujours fait, c’est-à-dire consciencieusement ».

Elle écrit encore le 16 avril 2015 : « Je voudrais chaque fois espérer que vos critiques cesseront mais vous n’arrêtez pas (‘) Vos accusations infondées me déstabilisent sur le plan psychologique et ne sont évidemment pas sans retentissement sur mon état de santé. Je me permets à cet égard de vous informer que je suis l’objet d’un suivi médical depuis plusieurs mois ».

Malgré ces messages clairs de Mme Y quant à la dégradation de ses conditions de travail, les reproches de Mme X ont continué. La salariée communique d’ailleurs un courriel du 10 juillet 2015 dans lequel elle indique : « C, Ainsi que vous l’avez demandé, je prends note de vos observations bien que celles-ci m’aient été données par sms sur mon téléphone personnel pendant mon arrêt de travail ‘ »

La salariée explique par ailleurs dans un courriel du 2 avril 2016 : « ’ Je terminerai en rappelant que vous m’avez clairement signifié les 22 décembre 2015 et 13 janvier 2016 que vous souhaitiez que je quitte le cabinet. Vous m’avez à ce titre vivement incitée à chercher un emploi ailleurs pendant qu’il est encore temps ‘ la tendance actuelle dans les cabinets étant de remplacer les secrétaires par des collaborateurs ‘ et que je pourrais sans doute trouver un emploi dans un grand cabinet où l’on emploie encore des secrétaires, alors que dans quelques années j’aurai beaucoup plus de mal à trouver un emploi. C’est dans ce contexte que je m’explique l’objet réel des vexations et des reproches répétés mais injustifiés que vous formulez à mon égard, lesquels seraient destinés à rendre de moins en moins supportable la poursuite de mon travail. Etant dans l’obligation de travailler, je tente de résister à toutes ces manoeuvres insidieuses lancinantes et déstabilisantes qui portent cependant indéniablement atteinte à mon équilibre psychologique et physique ».

Le 19 mai 2016, Mme Y renouvelle son incompréhension des reproches formulés en répondant ainsi à nouveau à une note de Mme X : « J’accuse réception de votre nouvelle note qui, cette fois, semble me reprocher de ne pas m’adapter au nouveau monde du travail et de na pas même réaliser que le monde change.

Vous faites aussi état d’un prétendu « déni de mes responsabilités » et du fait que vous soyez contrainte de m’adresser toutes ces notes qui vous font perdre du temps’ et compromettraient le bon fonctionnement et l’avenir du cabinet.

Puisque vous abordez ce sujet, permettez-moi de m’interroger sur l’utilité de ces dizaines de notes que vous m’adressez sans répit en me reprochant tout et même davantage.

Cela signifierait que ce que j’ai su bien faire pendant toutes ces années, je ne sais plus le faire aujourd’hui par manque d’adaptation ‘ Mais en quoi mes fonctions ont-elles changé ‘ A quoi dois-je m’adapter si ce n’est à cette guerre inlassable que vous me faites depuis que nous avons changé de cabinet en me dénigrant régulièrement avec une nouvelle note ‘ ‘ »

Enfin, par mail du 29 juillet 2016, Mme Y réitère sa lassitude et ses interrogations quant aux motivations de son employeur, en lui signifiant explicitement qu’elle considère subir un « harcèlement moral » de sa part : « … Ne parvenant pas à obtenir ma démission, tout est prétexte à reproches ainsi que le prouve la multitude de courriels et notes que vous m’adressez, de préférence la veille de mes congés. Ébranlée par un tel acharnement, je ne trouve plus les mots pour répondre à vos attaques permanentes. J’espère, à la veille de mes congés d’été, pouvoir me reposer physiquement et surtout moralement car j’atteins les limites de mes capacités de résistance …».

Les faits sont par conséquent établis.

— Sur la proposition de modification du contrat de travail réduisant le temps de travail et donc le montant du salaire,

Il ressort du courrier du 16 mars 2015 que Mme Y a adressé à Mme X que cette dernière lui a proposé un avenant à son contrat de travail réduisant la durée du travail de 39 à 35 heures, que la salariée a refusé en raison de sa situation familiale et de ses charges financières. Par mail du 12 mars 2015, Mme Y manifestait auprès de l’employeur son désappointement face à cette modification de son contrat de travail en ces termes : « ’ et aujourd’hui votre demande soudaine de signer un contrat de travail après 24 années passées au cabinet, en me laissant sous-entendre que vous tirerez les conséquences d’un refus de ma part de le signer ‘ ».

Le fait est par conséquent établi.

— Sur le reproche se rapportant au chat du cabinet d’Alverny

Il ressort des pièces n°29 et 30 que Mme X a reproché à Mme Y de s’occuper du chat de Me d’Alverny. Pourtant, il ressort des éléments de la procédure que la litière du chat a été placée à côté de la porte de son bureau et qu’elle a été contrainte de s’occuper de sa litière afin de limiter les désagréments de cette situation. Mme Y a donc conclu son courriel du 24 juillet 2015 en indiquant à l’employeur : « Je ne comprends donc pas l’objet réel du reproche que vous formulez (‘) Cela étant, si vous considérez que cela pose un problème, il vous appartient, en tant que sous-locataire et en tant qu’employeur, d’intervenir auprès d’D pour lui demander de la déplacer ‘».

Le fait est par conséquent établi.

— Sur la suppression de la mention relative à l’ancienneté sur les bulletins de salaire

Il ressort de l’examen des fiches de paie de Mme Y que la date d’entrée dans l’entreprise, jusqu’alors fixée au 04/03/1991 a été modifiée au mois de février 2016 pour être établie au 02/01/2013, date à laquelle Mme X a repris le cabinet de son père. La salariée démontre en outre qu’à la suite du licenciement, l’employeur a calculé l’indemnité conventionnelle de licenciement en tenant compte de l’ancienneté erronée au 02/01/2013, contraignant la salariée à saisir le conseil des prud’hommes, qui par ordonnance de référé du 16 juin 2017, a condamné Mme X au paiement d’un complément d’indemnité de licenciement d’un montant de 10 644 euros. La juridiction a également condamné l’employeur à rectifier les documents de fin de contrat en tenant compte de la réelle ancienneté de Mme Y.

Le fait est par conséquent établi.

— le défaut de paiement fin 2014 de son 13e mois prévu par la convention collective,

Le courriel de Mme Y du 19 janvier 2015 établit que le 13e mois prévu par la convention collective applicable n’a pas été réglé à la salariée en fin d’année 2014.

Le fait est par conséquent établi.

— Sur la dégradation de l’état de santé

La salariée communique plusieurs ordonnances prescrivant des antidépresseurs à compter du 20 septembre 2014 jusqu’au 25 octobre 2016, ainsi que les arrêts maladie établis par son médecin du 13 au 22 janvier 2016 pour anxiété. En revanche, les autres arrêts maladie ont été prescrits pour une trachéite, une sinusite et un motif illisible.

Le fait est par conséquent établi.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Mme Y établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un

harcèlement moral à son encontre.

Mme X ne justifie pas avoir contesté les réponses circonstanciées et documentées de Mme Y à ses reproches, se contentant notamment d’indiquer le 23 octobre 2014 : « J’ai pris connaissance de votre réponse du 31 août 2014 à mes observations du 31 juillet 2014 (‘). Mes observations étaient claires et fondées. Je ne tiens pas à revenir dessus » ou encore le 17 mai 2016 « Quelques soient vos explications les faits sont les faits ».

Elle ne démontre pas avoir pris en compte les courriels de sa salariée faisant explicitement état de la dégradation de ses conditions de travail et en particulier de sa déstabilisation psychologique.

En outre, les pièces produites par l’employeur ne permettent pas de confirmer les griefs énoncés dans les différents courriers, courriels et notes adressés à la salariée pendant deux ans.

Ainsi, aucun élément de preuve n’établit les retards répétés allégués, hormis un retard de 10 minutes le 29 septembre 2015 figurant sur le carnet de correspondance, que Mme Y a reconnu et demandé à rattraper, ce à quoi Mme X lui a répondu : « Je ne vous ai pas parlé de « rattraper ». Je vous demande juste d’être à l’heure ». Le départ anticipé en pause déjeuner du 28 avril 2016 n’est pas démontré, alors que Mme Y a immédiatement contesté les dires de l’employeur : « Je ne comprends pas vos reproches. A quelle heure m’avez-vous cherchée ‘ En effet, vous étiez dans votre bureau lorsque je suis sortie déjeuner et de plus je venais de vous rendre le projet corrigé pour Electra. Vous ne m’avez pas dit que vous aviez promis de l’adresser aux clients avant mon départ sinon j’aurais attendu comme je le fais systématiquement lorsque c’est nécessaire (‘). Vous savez que je ne refuse jamais de rester quand vous me le demandez, pour corriger un email ou autre qui doit partir de façon urgente. Par ailleurs, je vous confirme que je respecte scrupuleusement mes horaires de bureau ». Mme X ne justifie pas avoir contesté les termes de ce courriel.

Pour démontrer l’arrogance et l’insubordination de sa salariée, l’employeur produit l’attestation d’une de ses clientes Mme M N, qui s’est étonnée du ton de Mme Y lorsqu’elle s’est adressée à Mme X, laquelle a dû effectuer elle-même des photocopies. Elle communique également une attestation de M. E, prestataire de Mme X, se contente de rapporter des dires de l’employeur et d’évoquer l’attitude de Mme Y en termes, eux aussi, trop peu circonstanciés, puisqu’il indique, après avoir rencontré le nouveau secrétaire de l’intimée : « ’ j’ai été frappé par sa gentillesse et sa motivation qui tranchent nettement avec l’attitude de l’ancienne secrétaire ». Ces deux témoignages sont manifestement insuffisants à démontrer le ton arrogant et l’insubordination de Mme Y, pendant plus de deux années.

Concernant le paiement du 13e mois fin 2014, Mme X répond que Mme Y, qui opérait les virements bancaires, notamment celui de son salaire, a oublié de lui demander l’autorisation de procéder à ce paiement. Cependant, il appartenait à l’employeur de s’assurer du paiement du salaire dû à la salariée, en ce compris le 13e mois prévu par la convention collective, ce d’autant qu’il figurait sur le bulletin de paie du mois de décembre 2014 préparé par le comptable du cabinet.

S’agissant de la proposition d’avenant au contrat de travail, Mme X soutient qu’elle répond à une demande de la salariée de ne travailler qu’à trois quarts temps pour pouvoir prendre les même jours de congés que sa nièce. Cependant, l’employeur ne produit au soutien de ses dires aucun élément probant.

Mme X ne justifie pas davantage ses dires suivant lesquels Mme Y, le 6 juillet 2016, était en train de lire les nouvelles sur internet lorsqu’elle est arrivée à 9h50, alors que la salariée le conteste.

En ce qui concerne le chat, rien n’établit que Mme Y l’a attiré dans son bureau, alors qu’elle a clairement indiqué à Mme X, par mail du 24 juillet 2015 et par message du 11 décembre 2015 dans le carnet de correspondance, que la litière avait été placée devant la porte de son bureau, qu’elle prenait soin de la nettoyer pour éviter les nuisances et qu’il convenait de gérer la difficulté liée à la présence du chat dans son bureau avec son propriétaire, Me d’Alverny.

S’agissant des pièces médicales, si elles ne peuvent effectivement, à elles seules, établir l’existence d’un lien entre l’état de santé et l’activité professionnelle du salarié, elles doivent être appréciées à la lumière des autres éléments de preuve produits par ce dernier. Or, en l’espèce, Mme Y démontre avoir alerté Mme X de manière très explicite et à plusieurs reprises sur les conséquences néfastes des très nombreux reproches formulés de manière récurrente par l’employeur sur son état de santé physique et psychologique.

Enfin, concernant les autres manquements énoncés par Mme X dans les courriers, courriels et notes précités, aucune pièce probante ne permet de les confirmer.

Il résulte de ces éléments que l’employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par Mme Y sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est par conséquent établi.

Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu’il a eu pour Mme Y telles qu’elles ressortent des pièces et des explications fournies, il convient de condamner Mme X à payer à la salariée une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la rupture du contrat de travail :

Mme X fait grief à Mme Y de ne pas avoir procédé à la sauvegarde informatique pendant 11 mois tout en lui ayant assuré qu’elle était bien exécutée. Elle lui reproche également l’utilisation des outils et services du cabinet, en ayant recours à l’expert-comptable, à des fins personnelles et la transmission d’informations volontairement inexactes et contraires à l’intérêt de son employeur, dans son intérêt personnel exclusif, un manque d’attitude rigoureuse et professionnelle, ainsi qu’un comportement insubordonné, dont elle l’a alerté à plusieurs reprises notamment par courriers des 31 juillet, 23 octobre 2014, 22 janvier, 23 février, 16 avril 2015, 10 mars, 17 mai 2016.

Il ressort de la lettre de licenciement que trois reproches sont formulés à l’encontre de la salariée :

— la disparition de l’ensemble des fichiers de l’ordinateur du cabinet et l’absence de sauvegarde des fichiers informatiques ;

— une perte de confiance résultant du fait que Mme Y a utilisé les prestataires du cabinet, en particulier le comptable, à des fins personnelles, et la transmission d’informations inexactes ;

— un manque de motivation et de sérieux, un refus constant de communiquer et de la tenir informée ainsi qu’une impertinence à l’égard de l’employeur.

Mme Y répond que l’employeur ne démontre pas que la disparition des fichiers lui est imputable, dès lors qu’elle était en congés depuis plus d’une semaine lorsque Mme X a fait intervenir le technicien informatique. Elle souligne que l’employeur ne lui a fait aucune remarque sur ce point lors de son retour de vacances. Elle conteste l’affichage à l’écran de la fenêtre informant de l’échec de la procédure de sauvegarde. Elle souligne que lors de l’entretien préalable, l’employeur a reconnu qu’aucune note ne lui avait été remise expliquant la procédure de sauvegarde informatique. Concernant le contact avec le comptable, Mme Y explique avoir simplement souhaité avoir des informations concernant le solde de jours de RTT et de congés à prendre, leur échéance et le régime de leur report. Elle souligne que les informations fournies établissent le caractère mensonger de l’échéance avancée par l’employeur. Elle conteste le manque de professionnalisme reproché, soutenant que sa matérialité n’est pas établie.

S’agissant de la disparition de l’ensemble des fichiers de l’ordinateur du cabinet et de l’absence de sauvegarde des fichiers informatiques, l’employeur communique un courriel du 7 septembre 2016 de M. F, technicien informatique de la société SDM Bureautique, qui explique ceci : « Nous attestons par la présente que notre technicien a trouvé chez vous le 20/07/2016 le disque dur externe de sauvegarde branché correctement mais avec un nom logique différent de la normale (lettre du lecteur changée). En conséquence de cela nous attestons que le disque de sauvegarde a été débranché par quelqu’un hors SMD Bureautique, puis rebranché sur un autre port qu’à l’habitude, car seule cette man’uvre change le nom logique de disque. Après examen de notre technicien, votre dernière sauvegarde effective remonte au 24/08/2015. Ensuite à partir de la date de changement du port du disque par l’utilisateur pour lequel on ne soit pas à quel moment cela a eu lieu, la sauvegarde n’était plus possible jusqu’au rebranchement. Lors du rebranchement du disque de sauvegarde, une fenêtre windows présentant contenu est automatiquement apparue à l’utilisateur. Ce contenu permet sur le nom des fichiers de constater les dates des dernières sauvegardes. Cette fenêtre windows ne peut être refermée que par l’action intentionnelle et manuelle de l’utilisateur. (‘) Les 17 et 22/08/2016 un autre technicien SMD a été sollicité par votre assistante pour venir vérifier la sauvegarde. Celle-ci s’était bien déroulée. Votre assistante seule présente lui a demandé sur place comment elle pourrait expliquer que les sauvegardes ne s’étaient pas réalisées avant, ce qu’il lui a expliqué comme ci-dessus, puis face à l’insistance de celle-ci pour laquelle l’explication ne semblait pas suffisante il lui a répondu qu’il n’était pas là pour faire autre chose que vérifier et constater l’état correct des sauvegardes automatiques ».

Contrairement à ce que soutient l’employeur, ce courriel ne permet de corroborer ni la disparition de fichiers mentionnée dans la lettre de licenciement, ni l’imputabilité de l’absence de sauvegarde des fichiers depuis le 24/08/2015 à Mme Y. En effet, si le technicien informatique explique ce défaut par un changement de port du disque dur externe, aucun élément ne permet d’établir que la salariée en est l’auteur. Par ailleurs, il résulte du courriel de l’informaticien que la fenêtre windows qu’il évoque n’est apparue que « lors du rebranchement du disque ». Or, il n’est pas établi que Mme Y l’a nécessairement vue, puis refermée comme le prétend l’employeur, dès lors qu’il n’est pas contesté que la salariée était en congés depuis plus d’une semaine lorsque l’informaticien est

intervenu. Enfin, aucune conclusion ne peut être tirée du fait que Mme Y a essayé d’obtenir du technicien informatique une explication technique lui permettant de l’exonérer de toute responsabilité, dès lors que la salariée conteste être à l’origine et avoir eu connaissance de l’échec de la procédure de sauvegarde qui lui est reprochée.

Dans ces conditions, le grief n’est pas démontré.

Concernant le manque de motivation et de sérieux de Mme Y, son refus constant de communiquer et de tenir Mme X informée ainsi que l’impertinence de la salariée à l’égard de l’employeur, la cour constate qu’il s’agit de reproches qui ont déjà été formulés par Mme X par les différents courriers, courriels et notes examinées supra dans le cadre de la demande relative au harcèlement moral. Pour les motifs précités, il doit être considéré que les griefs ne sont pas démontrés.

Enfin, s’agissant du recours au comptable du cabinet et à la communication d’informations inexactes, Mme Y ne conteste pas avoir contacté le comptable afin d’obtenir des informations concernant son solde de jours de congés et de RTT, ainsi que leur échéance. Contrairement à ce que soutient l’employeur, cette demande formulée auprès du cabinet comptable chargé d’établir les bulletins de salaire de Mme Y ne caractérise pas un comportement fautif de la part de cette dernière. S’il soutient en page 25 de ses conclusions, que sa pièce n°25 établit qu’il avait interdit à la salariée de « s’abstenir de contacter les divers conseils du cabinet à son insu pour des questions personnelles », la cour constate que cette pièce concerne le refus de Mme Y de la proposition de modification de son contrat de travail. En outre, il ressort du compte rendu de l’entretien préalable que Mme X a indiqué sur ce point : « Je ne vous interdit pas d’appeler la comptable ». Par ailleurs, le mensonge invoqué par l’employeur ne ressort pas des pièces produites. En effet, par courriel du 25 juillet 2016, Mme X a relancé Mme Y au sujet de l’apurement de ses congés. La salariée n’a nullement répondu, le 26 juillet 2016, ignorer l’existence d’un reliquat important de congés et RTT au titre des années antérieures, puisqu’elle indique qu’elle dispose de 16 jours. Il se déduit de son message qu’elle l’ignorait avant de contacter le comptable, qui l’a informée du solde précité le 22 juillet 2016. De surcroît, la note manuscrite que Mme Y a rédigée à l’intention de l’employeur le 22 juillet 2016 ne caractérise pas le mensonge reproché, dès lors que la salariée se contente d’indiquer qu’il n’existe pas de date limite pour prendre les jours de congés litigieux. Or, dans un courriel du 26 juillet 2016, le comptable indique avoir dit sur ce point : « ’ Votre salariée a demandé si il y avait une date limite pour prendre les jours sur la période antérieure. Notre réponse « ces jours doivent être pris, sinon perdus. Il ne devrait pas y avoir de congés restant dus sur les périodes antérieures » …». Aussi, ce courriel confirme les dires de Mme Y lors de l’entretien préalable, suivant lesquels : « La note que je vous ai remise correspond à ce que le comptable m’a dit. Il me reste 16 jours prendre, quant au délai, compte tenu du fait que ce sont des RTT anciens, elle m’a dit que je devais les prendre sans tarder mais elle ne m’a pas parlé d’une échéance en octobre contrairement à ce que vous m’avez dit ». Mme X n’a d’ailleurs pas contesté ces propos. Enfin, si Mme X reproche à la salariée, dans ses conclusions, d’avoir interrogé le comptable en présentant la demande comme émanant de l’employeur, la cour constate que ce grief n’est pas évoqué dans la lettre de licenciement qui circonscrit pourtant les termes du litige. Il ne sera donc pas examiné.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les manquements reprochés par Mme X à Mme Y ne sont pas établis, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a

considéré que le licenciement de cette dernière est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

A la date de la rupture du contrat de travail, Mme Y percevait une rémunération moyenne mensuelle de 4 070 euros. Elle était âgée de presque 53 ans et bénéficiait d’une ancienneté de 25 ans. Elle établit avoir développé une activité sous le statut d’auto-entrepreneur dans le domaine des services administratifs. Elle démontre que ses revenus ont néanmoins accusé une baisse importante. Compte tenu de ces éléments, il convient de condamner Mme X à payer à Mme Y une somme de 51 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement abusif.

Sur le non-paiement des intérêts de retard suite à l’ordonnance du 16 juin 2017

Mme Y demande à la cour de condamner Mme X au paiement de la somme de 1 026,21 euros, à actualiser, au titre des intérêts accordés par l’ordonnance de référé du 16 juin 2017. Elle demande également à la cour d’ordonner la capitalisation de ces intérêts et de condamner l’employeur à lui remettre un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie rectificatif selon l’ordonnance du 16 juin 2017 sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Cependant, ces demandes n’ont pas été présentées en première instance. Elles sont, en application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile précité, irrecevables.

Au surplus, comme le souligne pertinemment l’employeur, aux termes de l’article L 213-6 alinéa 1er du code de l’organisation judiciaire, « le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ».

Le juge de l’exécution est donc seul compétent pour statuer sur les demandes de Mme Y se rapportant à l’ordonnance du 16 juin 2017.

Sur le remboursement par l’employeur à l’organisme des indemnités de chômage

En application de l’article L 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de un mois d’indemnités.

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire seront dus à compter de la décision les ayant prononcées. Ils seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée du chef des frais irrépétibles et infirmée du chef des dépens. Par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de Mme X.

La demande formée par Mme Y au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement

Déclare irrecevables les demandes de Mme H Y relatives à l’exécution déloyale du contrat de travail et à l’exécution de l’ordonnance de référé du 16 juin 2017 ;

Déboute Mme C X de sa demande de rejet des pièces 80-1, 81 et 82 communiquées par Mme H Y ;

Confirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions relatives au harcèlement moral, au quantum de l’indemnité allouée au titre du licenciement abusif et aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés ;

Condamne Mme C X à payer à Mme H Y les sommes suivantes :

—  10 000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

—  51 000 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement abusif ;

Ordonne le remboursement par Mme C X, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à Mme H Y dans la limite d’un mois d’indemnités en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail ;

Dit que les sommes précitées à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

Condamne Mme C X aux dépens de première instance et d’appel ;

Condamne Mme C X à payer à Mme H Y la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRESIDENT


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