Secret des correspondances : 9 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/02922

·

·

Secret des correspondances : 9 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/02922
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

9 février 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/02922

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 FEVRIER 2023

N° RG 20/02922 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UHEN

AFFAIRE :

[Y] [D]

C/

S.A.S. ELEE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Novembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE

N° Section : E

N° RG : F18/00239

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Banna NDAO

Me Christophe DEBRAY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 01 décembre 2022, prorogé au 12 janvier 2023, puis prorogé au 02 février 2023, puis prorogé au 09 février 2023, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Madame [Y] [D]

née le 15 Décembre 1989 à [Localité 4] (64)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Julie SOLAND, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0749 – Représentant : Me Banna NDAO, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667

APPELANTE

****************

S.A.S. ELEE

N° SIRET : 528 858 129

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Valérie DOLIVET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0655 – Représentant : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [Y] [D] a été engagée à compter du 4 juillet 2016, par contrat de travail à durée indéterminée, par la société Elée, société de conseil spécialisée en Software Asset Management (SAM), en qualité de consultante analyste, ingénieur ou cadre position 2.1, coefficient 115, moyennant un salaire mensuel brut de 3 600 euros pour 38h30 de travail par semaine, une prime annuelle de performance et une prime annuelle de congés payés. Elle a perçu en février 2017 une prime annuelle de performance pour l’année 2016 de 2 000 euros. Elle a été nommée à compter du 1er janvier 2017 consultante senior et son salaire mensuel brut a été porté à 3 760 euros Elle a perçu en février 2018 une prime annuelle de performance pour l’année 2017 de 4 600 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises aux dispositions de la convention collective nationale des personnels de bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec.

M. [C], salarié de la société Elée et compagnon de Mme [D], a quitté l’entreprise fin 2017 dans le cadre d’une rupture conventionnelle pour créer sa propre entreprise de conseil en système d’information spécialisée en Software Asset Management.

Mme [D] a été promue le 1er février 2018 à effet au 1er janvier 2018 responsable R&D, manager 1, moyennant un salaire mensuel brut de 4 600 euros, et classée position 2.2. coefficient 130.

Sur demande de la salariée, la société Elée et Mme [D] ont conclu le 27 mars 2018, une rupture conventionnelle, moyennant une indemnité spécifique de rupture d’un montant de 2162 euros, prévoyant une date de fin de contrat au 4 mai 2018. Le délai de rétractation ayant expiré le 11 avril 2018, l’employeur a adressé la convention de rupture conventionnelle pour homologation à l’autorité administrative par lettre recommandée avec demande d’avis de réception expédiée le 12 avril 2018. L’homologation a été prononcée par l’autorité administrative le 3 mai 2018, au terme du délai d’instruction de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande d’homologation.

Par lettre remise en main propre et adressée en recommandée avec demande d’avis de réception du 2 mai 2018, la société Elée a notifié à Mme [D] une mise à pied à titre conservatoire jusqu’à la fin de son contrat de travail, le 4 mai 2018, lui a indiqué que cette procédure de mise à pied n’a pas d’effet sur le processus de rupture conventionnelle engagé, qui ira à son terme, lui a demandé de lui remettre son ordinateur professionnel et ses mots de passe, l’a convoquée à un entretien fixé au 14 mai 2018 pour recueillir ses explications sur les faits qui lui sont reprochés, afin de lui permettre de confirmer ou d’infirmer sous 48 heures le non-paiement des jours de mise à pied et l’a informée qu’elle pourra alors récupérer son certificat de travail et solde de tout compte le 16 mai 2018.

Par courrier électronique du 3 mai 2018, Mme [D] a informé la société Elée qu’elle ne se présentera pas à cet entretien, son contrat de travail prenant fin le 4 mai 2018.

La société Elée a fait signifier à Mme [D], par acte d’huissier du 4 mai 2018, une lettre en date du 4 mai 2018, qu’elle lui a également adressé par courrier électronique, l’informant qu’elle souhaite rectifier les mentions de sa lettre en date du 2 mai 2018 relatives au processus de rupture conventionnelle et à la fin de son contrat de travail, que sa mise à pied conservatoire suspend l’exécution de son contrat de travail et proroge d’autant le contrat qui les lie, qu’elle se réserve le droit de reconsidérer éventuellement la rupture conventionnelle en un licenciement pour faute grave, voire lourde, et lui a proposé de décaler l’entretien de clarification au 18 mai 2018, en précisant : ‘L’objectif de cet entretien demeure inchangé et nous permettra de statuer dans un délai minimum de 48 heures sur la procédure de mise à pied et sur les dispositions relatives au droit du travail mentionnées ci-dessus.’

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 mai 2018, la société Elée a informé Mme [D] qu’elle annule et remplace la lettre du 4 mai par le présent courrier, que les faits pouvant être qualifiés de faute lourde qu’elle a découverts remettent en cause la rupture même du contrat de travail, qu’elle estime que son consentement ayant été vicié par dol, la rupture conventionnelle est nulle, que la salariée fait toujours partie des effectifs et que, envisageant son licenciement, elle la convoque à un entretien préalable sur cette éventuelle mesure fixé au 18 mai 2018, l’entretien fixé dans un premier temps le 14 mai 2018 étant annulé.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mai 2018, Mme [D] a mis la société Elée en demeure de lui adresser ses documents de fin de contrat et de lui payer son solde de tout compte, suite à la rupture de son contrat de travail intervenue le 4 mai 2018 du fait de l’homologation de la rupture conventionnelle.

La salariée ne s’est pas présentée à l’entretien prévu le 18 mai 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mai 2018, la société Elée a confirmé à Mme [D] qu’elle conteste, pour dol, la validité de la rupture conventionnelle, qu’elle va décider, à l’issue du délai de réflexion, si elle maintient ou pas l’effectivité du contrat de travail et que celle-ci a toujours toutes les obligations d’une salariée.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 31 mai 2018, la société Elée a notifié à Mme [D] son licenciement pour faute lourde.

L’entreprise employait habituellement environ 38 salariés au moment du licenciement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme [D] a saisi, par requête reçue au greffe le 9 août 2018, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye afin d’obtenir le paiement de diverses sommes.

Par acte du 5 décembre 2018, la société Elée a assigné Mme [D] en référé devant le président du tribunal de grande instance de Paris, aux fins de voir ordonner, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, une expertise du poste informatique de l’intéressée en vue de diligenter, le cas échéant, un procès pour concurrence déloyale.

Par ordonnance du 9 mai 2019, le président du tribunal de grande instance de Paris a rejeté l’exception d’incompétence au profit du conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye soulevée par Mme [D], a ordonné une expertise du poste informatique de celle-ci et désigné Mme [L] [B], expert près la cour d’appel de Paris, pour exécuter la mission qu’il a définie.

Par jugement du 10 février 2020, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye :

– a dit la société Elée recevable en sa demande reconventionnelle en nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail ;

– avant-dire droit, a ordonné aux parties de produire contradictoirement le rapport de l’expert nommé par le président du tribunal de grande instance de Paris accompagné de leurs éventuels commentaires sur le contenu du rapport et ses conséquences sur le litige prud’homal, a ordonné la réouverture des débats, a renvoyé l’affaire à l’audience du bureau de jugement du 20 avril 2020 et a réservé les dépens.

Pour ordonner aux parties, par jugement avant-dire droit du 10 février 2020, de produire contradictoirement le rapport de l’expert nommé par le président du tribunal de grande instance de Paris accompagné de leurs éventuels commentaires sur le contenu du rapport et ses conséquences sur le litige prud’homal, le conseil de prud’hommes retient dans les motifs de sa décision que le grief invoqué requiert une analyse technique approfondie du disque dur du poste informatique de Mme [D] par un expert judiciaire, qu’il peut ordonner d’office, mais qu’il est inutile qu’il duplique l’expertise ordonnée par le président du tribunal de grande instance de Paris qui répond nécessairement aux questions qu’il se pose, peu important, contrairement à ce que soutient Mme [D], que cette expertise ait été ordonnée postérieurement à sa saisine.

L’expert désigné par le président du tribunal de grande instance de Paris a clos son rapport le 15 juin 2020.

Par jugement du 16 novembre 2020, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye a :

– joint aux débats le rapport d’expert de Madame [B] en date du 15 juin 2020 ;

– dit que la convention de rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [D] en date du 27 mars 2018 est nulle ;

– débouté Mme [D] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamné Mme [D] à payer à la société Elée la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé qu’en vertu de l’article 1231-7 du code civil les intérêts légaux sont dus à compter du jour du prononcé du jugement ;

– condamné Mme [D] aux éventuels dépens comprenant les frais d’exécution dut jugement.

Madame [Y] [D] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 23 décembre 2020.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 27 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, Mme [D] demande à la cour :

¿ d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye du 16 novembre 2020, en ce qu’il l’a déboutée des demandes suivantes :

– juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse

– condamner la société Elee au paiement des sommes suivantes :

*8 836,48 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions déloyales et vexatoires,

*4 419,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

*441,92 euros à titre de congés payés afférents,

*2 162 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

*3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

*intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

*intérêts capitalisés dans les conditions de l’article 1154 du code civil

*exécution provisoire au titre de l’article 515 du code de procédure civile

¿ statuant à nouveau :

– juger que son licenciement pour faute lourde est sans cause réelle et sérieuse, et, en conséquence, condamner la société Elée à lui payer les sommes suivantes :

*8 836,48 euros net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*10 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions déloyales et vexatoires,

*13 257,72 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

*1 325,77 euros bruts à titre de congés payés afférents,

*2 162 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

– juger que son licenciement pour faute lourde est fondé sur une cause réelle et sérieuse (et non sur une faute lourde) et, en conséquence,

– condamner la société Elée à lui payer les sommes suivantes :

*10 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions déloyales et vexatoires,

*13 257,72 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

*1 325,77 euros bruts à titre de congés payés afférents,

*2 162 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

– juger que son licenciement pour faute lourde est fondé sur une faute grave (et non sur une faute lourde).

– débouter la société Elée de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Elée à lui payer la somme de 3 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire que l’ensemble des sommes sera assorti des intérêts au taux légal, à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation pour les sommes de nature salariale, et à compter de l’arrêt à intervenir pour les sommes de nature indemnitaire,

– condamner la société Elée aux entiers frais et dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 16 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société Elée demande à la cour :

– débouter l’appelant de son appel et de l’ensemble de ses demandes ;

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

*joint aux débats le rapport d’expert de Madame [B] du 15 juin 2020,

*dit que la convention de rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [D] en date du 27 mars 2018 est nulle,

*débouté Mme [D] de l’intégralité de ses demandes,

*condamné Mme [D] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

*rappelé qu’en vertu de l’article 1231-7 du code civil, les intérêts sont dus à compter du jour du prononcé du jugement,

*condamné Mme [D] aux dépens ;

– juger que le licenciement repose à tout le moins sur une faute grave ;

– réduire les demandes indemnitaires de cette dernière à la somme de 4 419,24 euros (un mois de salaire) à titre de dommages et intérêts ;

– débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes et y ajoutant :

– condamner Mme [D] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner Mme [Y] [D] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 14 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail

En application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Si, aux termes de sa déclaration d’appel, Mme [D] a fait appel de la disposition du jugement ayant dit que la convention de rupture conventionnelle de son contrat de travail en date du 27 mars 2018 est nulle, elle ne forme aucune demande d’infirmation de cette disposition dans le dispositif de ses dernières conclusions d’appel. La cour n’est donc pas saisie de ce chef.

Sur le licenciement

La société Elée expose que Mme [P], une autre salariée de l’entreprise, mise à pied à titre conservatoire pour avoir exigé de manière menaçante, le 23 avril 2018, une rupture conventionnelle de son contrat de travail, lui a restitué le 25 avril 2018 son ordinateur et que l’étude de sa messagerie Skype Entreprise a révélé des échanges avec Mme [D] caractérisant la préparation et la coordination de congés maladies, une tentative de créer en interne des difficultés relationnelles et des insultes à l’égard d’autres salariés et du directeur général ; que c’est au vu de ces éléments qu’elle a notifié à Mme [D] une mise à pied conservatoire le 2 mai 2018 ; que celle-ci à qui elle a demandé de restituer son ordinateur, le lui a restitué le jour même après avoir été autorisée à intervenir au préalable sur celui-ci pour supprimer les informations personnelles qu’il contenait, et que c’est alors, en suivant une procédure usuelle pour assurer le suivi des informations professionnelles qui n’auraient pas été sauvegardées, qu’elle a découvert que Mme [D] avait manqué à ses obligations professionnelles en apportant son aide à des tiers et joué un double jeu depuis plusieurs mois avec l’intention de lui nuire.

La lettre de licenciement notifiée par la société Elée à Mme [D], qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

‘… nous n’avons d’autre choix que de vous notifier votre licenciement pour faute lourde.

Nous vous rappelons vos responsabilités et les raisons qui nous contraignent à prendre cette mesure.

Vos responsabilités

Vous avez été embauchée à compter du 4 juillet 2016, avec le statut de cadre, en qualité d”Analyste Consultante’ Software Asset Manager au sein de l’activité ‘Maîtrise et optimisation des logiciels éditeurs’ avant d’évoluer, à l’occasion de la mise en place lors de la nouvelle organisation en janvier 2018, vers un poste de ‘Responsable de la Recherche et Développement d’Elée’.

Lors d’entretiens répétés avec votre management fin 2017, vous avez indiqué, malgré le départ de votre conjoint de l’entreprise, lequel avait décidé de créer une structure concurrente, souhaiter rester salariée de Elée, et vous vous êtes engagée à travailler loyalement au profit de votre entreprise. Nous vous avons fait confiance en vous donnant les responsabilités rappelées ci-dessus jusqu’à ce que vous demandiez à ce que votre contrat de travail soit rompu conventionnellement.

Ayant encore toute confiance en vous, nous avons accepté d’entrer dans ce processus. Du 20 au 27 mars 2018, nous avons négocié ensemble votre départ sur le mode de la rupture conventionnelle de votre contrat de travail, et avons signé le 27 mars le formulaire actant de l’accord que nous avions trouvé à ce titre.

Or, nous considérons que notre consentement a été vicié pour dol en raison des actions que vous avez menées et dissimulées avant le 27 mars, et qui n’auraient jamais permis notre accord de telle sorte que la rupture conventionnelle signée est nulle.

Si nous avions eu à l’époque connaissance de ces éléments, nous aurions immédiatement engagé

une procédure pour faute lourde.

Nous nous réservons toute faculté, par toute voie appropriée, d’apporter une démonstration distincte, renforcée, de notre dol.

Nous n’excluons pas de plus de poursuivre nos actions à votre encontre, par toute voie judiciaire que nous jugerons appropriée, et le cas échéant sur le plan pénal.

En tout état de cause, les griefs que nous vous reprochons constitutifs d’une faute lourde sont les suivants :

1. Nos griefs en matière de comportements déloyaux – préparation et coordination de congés maladie

Avant et après le 27 mars 2018, vous avez coordonné avec Madame [P] le principe de prendre des congés maladie, et vous vous êtes incitées mutuellement à le faire.

Vos discussions ont d’ailleurs porté leurs fruits puisque vous avez été finalement et simultanément du 10/11 avril au 20 avril 2018 en congé maladie.

Des éléments en notre possession, votre déloyauté est claire alors que Elée a maintenu avec loyauté votre inscription à une formation Microsoft, malgré votre départ prévu.

2. Nos griefs en matière de comportement déloyal – tentative de créer des difficultés relationnelles

Nous avons découvert que le 13 mars 2018, vous avez préparé avec Madame [P] la tentative de déstabilisation d’un autre salarié de la société, plan que vous avez exécuté le 28 mars 2018.

3. Nos griefs en matière d’insultes à l’endroit des salariés et dirigeants Elée

Nous avons également découvert qu’à partir d’outils de communication interne de l’entreprise, vous avez depuis le début de l’année 2018 et au cours des dernières semaines, et en vous adressant à votre collègue, Madame [F] [P], insulté alternativement les salariés suivants :

– [X] [Z]

– [A] [K]

– [I] [R]

– [J] [O]

– [S] [M].

Nous sommes particulièrement choqués par votre comportement préjudiciable pour Elée dès lors que vous créez ainsi une atmosphère nauséabonde avec votre collègue, Madame [F] [P], puisque :

– vous construisez ainsi l’accroissement de votre relation, de votre complicité par l’insulte,

– vous vous éloignez elle et vous d’un comportement bien intentionné, loyal et respectueux vis-à-vis de votre employeur et de ses salariés,

– et ce alors même qu’en tant que cadre vous aviez un devoir de rappeler au contraire Mademoiselle [P] à un comportement respectueux de ses collègues et de l’entreprise.

4. Nos griefs en matière d’assistance apportée à des acteurs tiers, en contradiction avec votre obligation de loyauté

Monsieur [U] [C] est un ancien salarié de Elée, devenu entrepreneur. L’activité concurrente d’Elée qu’il mène lui est autorisée.

Vous-même par contre avez utilisé les moyens techniques, humains et organisationnels de l’entreprise, et dissimulé à votre management leur emploi, au profit d’acteurs tiers, et directement et indirectement via Monsieur [U] [C].

Ces activités ont été menées pendant les heures de travail chez Elée, mais aussi en dehors et sans autorisation d’Elée s’agissant d’activités directement concurrentes.

Elles ont été menées de manière dissimulée, notamment depuis février 2018, et en violant de plus les engagements de respect et protection que nous Elée avons avec les clients concernés.

5. Conclusion

L’ensemble des faits exposés précédemment est constitutif d’une faute lourde.

L’intention de nuire, dissimulée sur plus de trois mois, mais caractérisée par vos échanges avec Monsieur [U] [C] et Madame [F] [P], ne fait aucun doute.

Votre comportement, compte-tenu de votre niveau de responsabilité au sein de la société et de votre statut de cadre, et encore plus inacceptable. Il crée un trouble caractérisé préjudiciable à Elée et rend impossible votre maintien dans la société et toute idée de préavis travaillé.

En conséquence, Elée vous notifie votre licenciement pour faute lourde qui prend donc effet à ce jour.’

Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la faute lourde qu’il invoque à l’appui du licenciement.

– Sur les griefs tenant à la préparation et à la coordination de congés maladie, à la tentative de créer des difficultés relationnelles au sein de l’entreprise et aux insultes à l’endroit d’autres salariés et dirigeants de l’entreprise

Mme [D] expose que ces griefs se basent sur une lecture approximative de conversations issues de la messagerie interne de l’entreprise dont l’accès est sécurisé par un mot de passe personnel et individuel connu uniquement du salarié utilisateur. Le règlement intérieur de la société Elée rappelle cependant que l’entreprise peut consulter les données stockées sur les ordinateurs professionnels et que les mots de passe doivent être communiqués à la direction.

Mme [D] soutient en premier lieu que le moyen de preuve consistant en des extraits de conversations sur la messagerie interne de l’entreprise doit être écarté des débats par la cour, étant illicite comme violant le droit du salarié au respect de sa vie privée et en particulier son droit au secret des correspondances et comme constituant un moyen de contrôle et de surveillance qui apporte aux droits des salariés des restrictions disproportionnées et non justifiées par la tâche à accomplir et dont la mise en oeuvre suppose au préalable une information-consultation des institutions représentatives du personnel, une information des salariés concernés et une déclaration à la CNIL Elle souligne que s’agissant d’un compte de messagerie instantanée, l’identification du caractère personnel des communications peut s’avérer techniquement difficile, voire impossible, et fait valoir que les messages litigieux ont été ouverts hors sa présence et que, même valablement consultées par l’employeur, les conversations privées ne peuvent pas être invoquées par lui à l’appui du licenciement.

La messagerie instantanée Skype Entreprise ne constituait ni un moyen de contrôle de l’activité professionnelle des salariés, ni un dispositif de surveillance des salariés. Les dispositions du code du travail relatives aux conditions de mise en oeuvre de moyens et techniques de contrôle et de surveillance de l’activité des salariés n’étaient donc pas applicables.

Si le salarié a droit, même au temps et au lieu du travail, au respect de sa vie privée, l’employeur peut toujours consulter les fichiers présents sur l’ordinateur professionnel du salarié qui n’ont pas été identifiés comme personnels et les utiliser à son encontre s’ils ne relèvent pas de sa vie privée.

Les messages écrits litigieux échangés au temps et au lieu du travail par Mme [D], responsable R&D, manager 1, avec une autre salariée, Mme [P], consultante senior, cadre, proviennent d’une messagerie interne à l’entreprise à usage professionnel, n’ont pas été identifiés comme personnels par Mme [D] et sont en rapport avec l’activité professionnelle de celle-ci, ce dont il ressort qu’ils ne revêtent pas un caractère privé. La société Elée était donc en droit de les ouvrir hors la présence de Mme [D] et de les retenir au soutien de la procédure disciplinaire engagée à son encontre. La salariée est en conséquence mal fondée à soutenir que ce moyen de preuve est illicite.

Mme [D] soutient en second lieu que la preuve des faits qui lui sont reprochés n’est pas rapportée et qu’aucune cause réelle et sérieuse de licenciement n’est caractérisée à son encontre à raison de ces faits.

Si Mme [D] s’est vue prescrire un arrêt de travail du 10 au 20 avril 2018 et si Mme [P] s’est vue prescrire un arrêt de travail du 10 au 18 avril 2018, prolongé du 18 au 20 avril 2018, il n’est pas établi que ces arrêts de travail n’étaient pas médicalement justifiés. La seule concomitance de ces arrêts de travail ainsi que les messages écrits échangés par les intéressées plusieurs semaines auparavant, le 13 mars 2018 (Mme [D] : ‘l’arrêt maladie se sera que s’ils acceptent pas la RC’) ou le 27 mars 2018 (Mme [D] : ‘t’as pris RDV avec un médecin toi’; Mme [P] : ‘lol non’ ; Mme [P] : ‘non pas encore’ ; Mme [D] : ‘t’as vraiment besoin de repos!!!’), ne suffisent pas à établir que la salariée se soit entendue avec Madame [P] sur le principe de prendre des congés maladie et ait incité celle-ci à solliciter abusivement de son médecin un arrêt de travail pour maladie.

S’il n’est pas rapporté la preuve que Mme [D] a préparé, le 13 mars 2018, avec Madame [P] une tentative de déstabilisation d’un autre salarié de l’entreprise, il est établi en revanche qu’informée que celle-ci allait entreprendre une action de nature à déstabiliser un autre salarié, en demandant à celui-ci si l’offre d’emploi diffusée par la société portait sur son poste, elle a soutenu cette initiative malveillante en manifestant son approbation, ainsi qu’il ressort des messages écrits échangés entre elles le 28 mars 2018 :

‘Mme [D] : ‘Serait-ce le poste de [I] ”’

Mme [D] : ‘On veut déjà le virer”’

Mme [D] : ‘: D’

Mme [P] : ‘Lol mais oui c’est trop bizarre’

Mme [D] : ‘Ou alors il est en processus de départ”’

Mme [D] : ‘mais ça m’étonnerait çà’

Mme [P] : ‘je voulais lui demander mais il est pas à son bureau’

Mme [D] : ‘garce va’

Mme [P] : ‘bah quoi”

Mme [P] : ‘autant en avoir le coeur net’

Mme [D] : ‘oui oui’

Mme [D] : ‘et s’il est pas au courant ça va foutre la merde’

Mme [P] : ‘pas grave’

Mme [P] : ‘en même temps l’annonce est sur internet’

Mme [P] : ‘ils ont qu’à communiquer’

Mme [D] : ‘oui oui c’est sur’ (…)

Mme [P] : ‘j’ai parlé à [I]’

Mme [P] : ‘il ne savait pas’

Mme [D] : ‘lool’

Mme [D] : ‘c’est bien fait pour cet idiot’. ‘

Il est également établi que Mme [D] a usé de termes injurieux et dénigrants envers le directeur général et plusieurs salariés dans des messages adressés à Mme [P] (‘quelle conne’à propos d’une autre salariée dans une conversation du 19 mars 2018, ‘c’est bien fait pour cet idiot’ à propos de [I] [R] dans une conversation du 28 mars 2018, ‘il me relance ce con’à propos du directeur général, [A] [K], dans une conversation du 9 avril 2018), les autres insultes invoquées dans la lettre de licenciement ne pouvant en revanche lui être imputées comme ressortant uniquement des messages reçus par l’intéressée de Mme [P].

Contrairement à ce que soutient Mme [D], ces comportements ne sont pas la conséquence d’une dégradation de ses conditions de travail, en l’absence de tout fait matériellement établi le laissant supposer, mais d’une démotivation, dont l’employeur n’était pas à l’origine, et d’un désintérêt commun des deux salariées pour la bonne marche de l’entreprise.

Le comportement irrespectueux et malintentionné de Mme [D] envers ses collègues et envers le directeur général, de nature à compromettre la qualité des relations sociales au sein de l’entreprise est constitutif d’une faute.

Sur les griefs en matière d’assistance apportée à des acteurs tiers, en contradiction avec l’obligation de loyauté

Mme [D] soutient en premier lieu que le moyen de preuve consistant en un rapport qui est le fruit d’une expertise judiciaire ordonnée, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, à d’autres fins, par le président du tribunal judiciaire de Paris, qui a précisé dans l’ordonnance, qu’il sera exclu de la mission de l’expert toute investigation recoupant le litige en cours devant le conseil de prud’hommes, est illicite et doit donc être écarté des débats.

Mme [D] soutient en second lieu que la preuve des faits qui lui sont reprochés n’est pas rapportée et qu’aucune cause réelle et sérieuse de licenciement n’est caractérisée à son encontre à raison de ces faits.

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Il en résulte qu’il ne peut être fait application des dispositions de l’article 145 lorsque le procès au fond est engagé.

Il n’est pas établi en l’espèce qu’en assignant Mme [D] en référé, le 5 décembre 2018, devant le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins qu’il ordonne une expertise du poste informatique de celle-ci sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, en vue de diligenter, le cas échéant, un procès au fond pour concurrence déloyale, la société Elée ait agi de mauvaise foi et entendu en réalité obtenir la preuve de faits dont pouvait dépendre la solution du litige prud’homal en cours l’opposant à Mme [D], alors qu’elle justifiait d’éléments selon lesquels l’ordinateur mis à la disposition de la salariée avait été utilisé pour favoriser des actes de concurrence déloyale. Il importait peu dès lors qu’une partie des faits litigieux aient pu être commis par Mme [D] en qualité de salariée. Il sera relevé au surplus que la société Elée n’avait pas demandé au conseil de prud’hommes de surseoir à statuer jusqu’au dépôt de ce rapport et n’a produit celui-ci, une fois déposé, que sur demande expresse de la juridiction prud’homale.

Si dans les motifs de l’ordonnance de référé du 9 mai 2019, devenue définitive, le président du tribunal judiciaire de Paris énonce, concernant Mme [D], qu’il sera fait droit à la demande d’expertise de la société Elée dans les termes du dispositif, étant précisé qu’il sera exclu de la mission de l’expert toute investigation recoupant le litige en cours devant le conseil de prud’hommes, il n’en fait pas état dans le dispositif de sa décision. Si la mesure d’instruction, qui avait pour objet la recherche de preuve en rapport direct avec les actes de concurrence déloyale réalisés au préjudice de la société Elée qui la justifiait, recoupait nécessairement le grief fait par l’employeur à la salariée d’avoir favorisé la concurrence déloyale imputée à M. [C] et à la société Icon-Consulting créée par ce dernier, Mme [D] ne forme pas, dans le dispositif de ses conclusions, de demande tendant à voir le rapport d’expertise déclaré nul, mais se borne à solliciter, dans le corps de ses conclusions, que le rapport d’expertise soit écarté des débats.

Si Mme [D], aux termes de son acte d’appel, a déclaré faire appel de la disposition du jugement ayant joint aux débats le rapport d’expert de Madame [B] en date du 15 juin 2020, elle ne forme cependant pas de demande d’infirmation de cette disposition du jugement dans le dispositif de ses dernières conclusions d’appel.

Il n’y a pas lieu de refuser d’examiner ce rapport établi contradictoirement, qui n’a pas été obtenu frauduleusement et qui, régulièrement versé aux débats, a été soumis à la discussion contradictoire des parties.

La société Elée exerce une activité de conseil dans la gestion des logiciels avec comme objectif de permettre à ses clients de réduire les risques et d’optimiser les coûts logiciels. Elle a développé à cette fin ses propres outils logiciels et a réunit sa propre documentation. Elle a notamment développé plusieurs outils logiciels permettant l’inventaire et l’optimisation des licences logiciel de grands éditeurs. Elle a ainsi développé et utilise, pour l’analyse des licences Oracle, le logiciel Delphes, développé dans le langage R., qui analyse la conformité des positions de licences du client à partir d’une table de correspondance créée au sein de l’entreprise entre les caractéristiques analysées par les scripts (les features) et les dénominations commerciales des options des contrats Oracle et fournit un résultat qui se présente sous la forme d’un fichier ‘Excel Summary’.

Il est établi qu’après son départ de la société Elée, M. [C], s’est d’abord inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité d’entrepreneur individuel le 1er décembre 2017, travaillant via la société Skillbase Consulting, au sein de Orange Belgique, également cliente de la société Elée, puis a créé la société Icon-Consulting, dont il est le président, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 26 avril 2018, qui a commencé son activité le 1er mai 2018.

S’il est établi que la société Elée n’a pas tenu rigueur à M. [C] de créer une entreprise concurrente, lui fournissant même des références élogieuses, aucun élément ne permet de considérer qu’elle ait toléré que son ancien salarié utilise les ressources de l’entreprise pour exercer sa propre activité.

Dans son rapport en date du 15 juin 2020, établi à l’issue d’une expertise contradictoire du contenu du poste informatique de Mme [D], Mme [B], après avoir indiqué que ce poste, remis par la salariée à la société Elée le 2 mai 2018, a été remis par cette dernière entre les mains d’un huissier de justice le 4 mai 2018 en l’absence de la salariée, après y avoir accédé et y avoir installé et exécuté le logiciel Recuva afin de récupérer les fichiers supprimés par celle-ci, relève :

‘Le poste de travail analysé ne peut, de ce fait, être considéré comme celui laissé en l’état par Mme [D]. Nous indiquerons dans la suite du rapport toute réserve utile sur l’intégrité des fichiers reconstitués par le logiciel Recuva ou dont la date de dernière modification serait postérieure à la restitution du PC par Mme [D].

Les opérations exécutées par la société Elée entre le 2 et le 4 mai sur le PC de Mme [D] avant sa remise à l’huissier ont fait l’objet de discussions au cours des réunions d’expertise. L’éventuelle destruction ou modification de preuves par Elée a été écartée au cours de ces discussions.’

Mme [B] indique que le PC ne contenait pas de dossier portant la mention personnel, à l’exception du dossier 99-PRV présent dans la messagerie, qu’elle a exclu de ses recherches, le suffixe -PRV indiquant qu’il contient des messages à caractère privé.

Elle conclut qu’il ressort de ses constatations et observations les points suivants :

– Mme [D] a utilisé son poste de travail professionnel pour développer une application Java à la demande de M. [C], qui lui en a fourni des spécifications ;

– ces développements ont été au moins partiellement réalisés sur les horaires de travail de Mme [D], alors qu’elle était employée de la société Elée ;

– les développements effectués par Mme [D] en Java offrent des fonctionnalités similaires et utilisent une méthodologie identique à celle mise en oeuvre par la société Elée dans son logiciel Delphes ;

– M. [C] a utilisé cet applicatif, en tant qu’autoentrepreneur via la société de portage Skillbase Consulting Ltd, puis dans le cadre de sa société Icon Consulting, pour réaliser des travaux facturables pour le compte des sociétés Orange Belgique et [N] [V] International également clientes de la société Elée ;

– Mme [D] a effectué une copie sur un support amovible des fichiers présents sur son disque dur avant son départ de la société Elée ;

– Mme [D] a supprimé du disque dur de son PC professionnel les fichiers source des développements effectués en Java ainsi qu’un ensemble de messages et dossiers, considérés comme personnels.

Il est établi par ce rapport que Mme [D] a lancé et exécuté le script Java au cours de ses jours de travail et aux heures de travail le mercredi 24 janvier 2018, le jeudi 8 février 2018 et le lundi 19 février 2018. Les programmes Java réalisés par Mme [D] pour M. [C] suivant les spécifications qu’il lui a adressées sont des programmes d’analyse des licences Oracle, qui présentent un contenu similaire à celui des analyses de licences Oracle réalisées par la société Elée pour ses clients. Les logiciels développés par Mme [D] dans le langage Java pour la société Icon reprennent dans leurs grandes lignes les fonctionnalités du logiciel Delphes, les processus et méthodes utilisées sont identiques.

Indépendamment du rapport d’expertise, d’autres éléments de preuve établissent la réalité des manquements de la salariée à son obligation de loyauté envers la société Elée, à savoir :

– deux courriers électroniques adressés le 22 janvier 2018 par Mme [D] à M. [C] à partir de sa messagerie professionnelle lui transférant des liens vers des listes de modules Oracle qu’elle avait précédemment recherchés pour le compte de la société Elée durant son temps de travail et qu’elle avait adressés le 19 janvier 2018 à M. [G] et en copie à plusieurs autres salariés de l’entreprise ;

– des courriers électroniques échangés à partir de sa messagerie professionnelle avec M. [C] le 26 février 2018, dont il ressort qu’à la demande de ce dernier, qui ne disposait pas des droits d’administrateur lui permettant d’installer le logiciel IBM Sysplan sur son ordinateur, elle a installé ce logiciel sur son ordinateur professionnel, qu’elle a ensuite utilisé pour transformer le format de fichiers pour celui-ci, en effectuant ‘des exports csv des allocations de vCPU’, pour l’aider dans le cadre de la mission qu’il effectuait au sein de la société Orange Belgique ;

– le courrier électronique adressé par M. [T] au président de la société Elée le 30 mai 2018 et les copies d’écran produites, dont il ressort que la mise en oeuvre du logiciel de récupération Recuva a permis de récupérer sur l’ordinateur professionnel de Mme [D] des fichiers permettant d’établir l’existence du travail qu’elle a effectué pour M. [C] dans le cadre de l’activité de celui-ci pour la société Orange Belgique et pour la société [N] [V] International, la salariée n’ayant aucune autre raison d’avoir ces fichiers confidentiels, dont la société Elée ne disposait pas, sur son ordinateur :

*un fichier OBE Time matrix se rapportant à Orange Belgique et un fichier OLU Time se rapportant à Orange Luxembourg ;

*un fichier Icon-Summary-Orange-2018-03-05, contenant plusieurs fichiers dont les premiers s’ouvrent sur le logo Elée (cf. Fichier ‘Instances usages summary’se rapportant à [N] [V] International (PMI)) et les suivants sur le logo Icon Consulting (cf. page ‘client name-mission name-Year’) se rapportant à Orange Belgique (OBE) ;

*un fichier OBE-Database-Installations usages summary-20180316, comportant des onglets se rapportant à des machines Oracle d’Orange Belgique, anciennement Mobistar.

La salariée reconnaît elle-même à tout le moins avoir développé sur l’ordinateur professionnel mis à sa disposition par la société Elée un morceau de code Java pour M. [C].

Le comportement déloyal de Mme [D] envers la société Elée est caractérisé.

La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

Le fait d’avoir usé de termes injurieux et dénigrants envers le directeur général et plusieurs salariés dans des messages adressés à Mme [P] et le fait d’avoir approuvé l’initiative prise par celle-ci, dont elle avait conscience qu’elle était susceptible de déstabiliser un autre salarié, ne caractérisent pas l’existence d’une faute lourde.

La société Elée ne démontre ni qu’au-delà de la volonté de favoriser à son insu l’activité concurrente de M. [C], Mme [D] ait eu la volonté de porter préjudice à la société Elée, ni que la suppression sur son ordinateur des données se rapportant au travail qu’elle a accompli pour le compte de M. [C] ait eu pour objet non seulement d’éviter qu’il soit établi qu’elle a favorisé l’activité de son compagnon en utilisant les ressources de son employeur, mais également de priver ce dernier de la possibilité de bénéficier des résultats de ce travail.

Si la volonté de la salariée de porter préjudice à la société Elée dans la commission des faits fautifs n’est pas établie, de sorte que la preuve de l’intention de nuire de la salariée n’est pas caractérisée, les faits commis par la salariée constituaient une violation des obligations du contrat de travail d’une gravité telle qu’elle rendait impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [D] de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d’indemnité de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Si aux termes de sa déclaration d’appel, Mme [D] a fait appel de la disposition du jugement l’ayant déboutée de l’intégralité de ses demandes, elle ne reprend pas, dans l’énumération desdites demandes, la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et la demande de congés payés afférents et ne forme aucune prétention à ces titres dans le dispositif de ses dernières conclusions d’appel. La cour n’est donc pas saisie de ces chefs.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions déloyales et vexatoires

A l’appui de cette demande, Mme [D] fait valoir :

– que la lettre de licenciement l’accuse d’agissements d’une particulière gravité, lui reprochant d’avoir fait preuve de déloyauté à son égard et de manoeuvre dolosive dans le cadre de la rupture conventionnelle, alors qu’elle a toujours fait preuve d’un grand professionnalisme dans l’accomplissement de son travail ;

– qu’après la signature de la rupture conventionnelle, l’employeur n’a eu de cesse de lui adresser des correspondances plus que sibyllines, allant jusqu’à lui signifier une correspondance par voie d’huissier, alors qu’elle la savait à cette période en arrêt de travail pour maladie ;

– que les conditions de la rupture ont été d’une particulière déloyauté.

Mme [D], qui n’a pas saisi la cour, dans le dispositif de ses conclusions, d’une demande tendant à l’infirmation du jugement en ce qu’il a dit que la convention de rupture conventionnelle du contrat de travail en date du 27 mars 2018 est nulle, en retenant l’existence d’un dol, est mal fondée à prétendre que la société Elée a commis une faute en lui reprochant dans la lettre de licenciement une manoeuvre dolosive dans le cadre de la rupture conventionnelle.

Le comportement déloyal invoqué par la société Elée à l’appui du licenciement étant démontré, la salariée est également mal fondée à prétendre que son employeur a commis une faute en lui reprochant, dans la lettre de licenciement, d’avoir fait preuve de déloyauté à son égard.

Il n’est pas établi qu’au regard de la situation inédite à laquelle elle a été confrontée, compte-tenu des faits qu’elle a successivement découverts après la fin du délai de rétractation de la convention de rupture conventionnelle, la société Elée a commis une faute en adressant successivement à la salariée plusieurs courriers lui faisant part de l’évolution de sa position et en lui faisant signifier l’un d’eux par acte d’huissier pour préserver ses droits.

Si Mme [D] fait valoir enfin que les conditions de la rupture ont été d’une particulière déloyauté, elle ne caractérise pas cette déloyauté.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [D] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions déloyales et vexatoires.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

Mme [D] succombant à l’instance sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Elle sera condamnée à payer à la société Elée la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés par celle-ci en cause d’appel, en sus de la somme de 1 000 euros qu’elle a été condamnée par le conseil de prud’hommes à payer à celle-ci pour les frais irrépétibles exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye en date du 16 novembre 2020, dans la limite des dispositions dont la cour est saisie ;

Y ajoutant :

Condamne Mme [Y] [D] à payer à la société Elée la somme de 1 000 euros pour les frais irrépétibles que celle-ci a exposés en cause d’appel,

Condamne la société Elée aux dépens d’appel.

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x