Secret des correspondances : 8 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/02874

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Secret des correspondances : 8 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/02874
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8 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/02874

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 MARS 2023

N° RG 20/02874

N° Portalis DBV3-V-B7E-UGYB

AFFAIRE :

[AW] [WS]

C/

SAS COFIGEO

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Novembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG :

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI BLM ASSOCIES

Me Claire RICARD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [AW] [WS]

née le 18 Août 1971 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me France LENAIN de l’AARPI BLM ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R121

APPELANTE

****************

SAS COFIGEO

N° SIRET : 542 076 633

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Claire RICARD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622

Représentant : Me Catherine LEPY de la SELARL JTBB AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0254

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

Appelée à l’audience collégiale, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 janvier 2023, devant la cour composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE

EXPOSE DU LITIGE

Mme [AW] [WS] a été engagée par la société Raynal et Roquelaure suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2015 en qualité d’adjointe à la directrice des ressources humaines, coefficient 350, avec le statut de cadre. Le contrat de travail prévoyait une clause de forfait annuel en jours de 217 jours travaillés par an.

Par avenant du 28 décembre 2015, la salariée a été promue à compter du 1er janvier 2016 au poste de directrice des ressources humaines adjointe, coefficient 400, avec le statut de cadre. L’avenant au contrat de travail prévoyait une clause de forfait annuel en jours de 218 jours travaillés par an.

Par convention tripartite du 22 décembre 2016, le contrat de travail de Mme [WS] a été transféré au sein de la société Cofigeo avec effet au 1er janvier 2017 avec reprise d’ancienneté au 1er septembre 2015, Mme [WS] étant promue directrice des ressources humaines groupe. La convention prévoyait une clause de forfait annuel de 218 jours travaillés par an.

Le groupe Cofigeo était alors constitué des sociétés Cofigeo, Raynal et Roquelaure Provence, Raynal et Roquelaure Sud Ouest et Toupnot. Durant l’année 2017, il connaît un développement important suite à l’acquisition de l’activité de plats cuisinés du groupe William Saurin.

La relation de travail était régie par la convention collective des industries de produits alimentaires élaborés.

Du 4 décembre au 29 décembre 2017, la salariée a fait l’objet d’un arrêt de travail pour maladie.

Par lettre du 5 février 2018, Mme [WS] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 15 février 2018.

Par lettre du 23 février 2018, l’employeur a licencié la salariée pour cause réelle et sérieuse.

Le 19 novembre 2018, Mme [WS] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin d’obtenir la condamnation de la société Cofigeo au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou exécution déloyale du contrat de travail, pour manquement à l’obligation de sécurité, pour discrimination, pour heures supplémentaires, pour contrepartie obligatoire en repos, pour travail dissimulé, pour non-respect du repos quotidien et hebdomadaire, pour licenciement nul, ou, à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, et de diverses indemnités et sommes liées à l’exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 12 novembre 2020, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

– dit et jugé que le licenciement de Mme [WS] est fondé sur des insuffisances professionnelles majeures qui sont établies, que ce licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, et qu’il n’est entaché d’aucune nullité,

– dit et jugé qu’il n’existe aucun fait de harcèlement moral ni aucun fait constitutif d’une exécution déloyale du contrat de travail,

– constaté l’absence de tout manquement de l’employeur à l’obligation de prévention en matière de santé et à l’obligation dite ‘de sécurité de résultat’,

– constaté l’absence de discrimination salariale liée au sexe, concernant Mme [WS],

– dit et jugé que la durée de son travail relevait individuellement et dans le cadre de dispositions collectives, d’une convention individuelle de forfait en jours annuel licite,

– dit et jugé qu’aucune heure supplémentaire n’est avérée ni due à Mme [WS],

– dit et jugé qu’aucune contrepartie en repos ne lui est due,

– dit et jugé qu’aucune infraction de travail dissimulé n’est constituée, en l’absence des éléments matériel et intentionnel,

– dit et jugé qu’aucun manquement au repos quotidien et hebdomadaire n’est constitué,

– débouté Mme [WS] de ses demandes,

– débouté la société Cofigeo de ses demandes reconventionnelles,

– laissé les dépens de la présente instance à la charge de chacune des parties.

Le 17 décembre 2020, Mme [WS] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 12 janvier 2023, Mme [WS] demande à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau de :

– rejeter la demande de la société Cofigeo tendant à voir écarter la pièce n°56,

– dire qu’elle a été victime d’un harcèlement moral, ou a minima d’une exécution déloyale du contrat de travail, de la part de la société,

– dire que la société Cofigeo a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

– dire qu’elle a été victime d’une discrimination salariale en raison de son sexe,

– dire que son licenciement est nul, ou a minima qu’il ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

– annuler la clause de forfait-jours stipulée au contrat de travail Raynal et Roquelaure de Mme [WS], ou à tout le moins la priver d’effet, avec toutes les conséquences y attachées,

– en conséquence, condamner la société Cofigeo à lui payer les sommes suivantes :

* 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou exécution déloyale du contrat,

* 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de la société Cofigeo à son obligation de sécurité,

* 65 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou a minima sans cause réelle et sérieuse,

* 65 500 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,

* 76 988,62 euros bruts au titre des heures supplémentaires outre 7 698,86 euros bruts de congés payés,

* 22 774,18 euros bruts au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

* 43 671,36 euros pour travail dissimulé,

* 15 000 euros pour non-respect du repos quotidien et hebdomadaire,

– condamner la société Cofigeo à lui remettre les documents de fin de contrat rectifiés conformes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter des 15 jours suivants le prononcé du jugement à intervenir,

– ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du code civil,

– condamner la société Cofigeo à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 6 décembre 2022, la société Cofigeo demande à la cour de confirmer le jugement, et :

– à titre liminaire, rejeter la pièce adverse n°56 en ce qu’elle viole le principe du secret des correspondances échangées entre le client et son avocat,

– sur le fond, valider le licenciement de Mme [WS] comme fondé sur des insuffisances professionnelles majeures qui sont établies ce qui rend son licenciement causé et entaché d’aucune nullité,

– la débouter de toute son argumentation sur un prétendu harcèlement moral ne constituant d’aucune manière que ce soit une exécution déloyale du contrat de travail,

– rejeter toutes ses demandes au titre d’un prétendu manquement de l’employeur à son obligation de prévention en matière de santé et à son obligation dite de sécurité de résultat,

– rejeter toutes ses demandes au titre d’une prétendue discrimination salariale liée au sexe,

– la débouter de toutes ses demandes liées à la durée de son travail lesquelles relevaient individuellement et dans le cadre de dispositions collectives, d’une convention individuelle de forfait en jours annuel, licite,

– subsidiairement et dans l’hypothèse où la cour annulerait la convention individuelle de forfait en jours,

– condamner Mme [WS] à lui restituer les jours rtt alloués depuis 2015 soit la somme de 13 159,42 euros correspondant à 30 jours rtt,

– la débouter de ses demandes liées à un paiement d’heures supplémentaires,

– la débouter de ses demandes liées à une contrepartie en repos,

– la débouter de ses demandes liées à une prétendue infraction de travail dissimulé laquelle n’est pas constituée, en l’absence des éléments matériel et/ou intentionnel,

– la débouter de toutes ses demandes liées à un prétendu manquement au repos quotidien et hebdomadaire,

– en conséquence, débouter Mme [WS] de l’intégralité de ses demandes,

– la condamner à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’instance.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 17 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur la pièce n° 56 produite par la salariée

L’employeur soutient que la production de la pièce numérotée 56 viole le principe du secret professionnel des correspondances échangées entre le client et son avocat, que cette correspondance n’était adressée à la salariée que parce qu’elle intervenait au nom de la société Cofigeo.

La salariée fait valoir que l’échange communiqué est intervenu entre elle-même et le conseil de la société Cofigeo de sorte qu’aucune violation du secret professionnel ne peut lui être opposée puisqu’elle-même n’était pas tenue à un tel secret. Au surplus, elle indique qu’un professionnel mis en cause dans son honneur et ses compétences peut passer outre le secret auquel il est tenu, en vertu de l’exercice des droits de la défense, cette communication répondant aux exigences des droits de la défense et étant proportionnée au but poursuivi.

Aux termes de l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa version applicable au litige, en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention ” officielle “, les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel.

Il appartient au juge de vérifier la nécessité de la production des correspondances quant aux besoins de la défense et sa proportionnalité au but recherché.

En l’espèce, la pièce litigieuse comporte deux courriels de Mme [WS] adressés à Maître Tréhorel, avocat de la société ainsi que deux courriels en réponse de ce dernier à Mme [WS] au sujet d’une lettre recommandée envoyée par M. [D], correspondances entre Mme [WS] en qualité de directrice des ressources humaines et l’avocat de la société, protégées par le secret professionnel.

Cependant, la salariée justifie de la nécessité de produire cette pièce au soutien de sa version des faits et aux besoins de sa défense, l’écrit de M. [D] étant produit par l’employeur aux fins d’étayer le motif de licenciement. La demande de voir écarter cette pièce sera donc rejetée, la production de la pièce étant proportionnée à l’exercice des droits de la défense par la salariée.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail et le harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La salariée invoque l’exécution déloyale du contrat de travail et une surcharge de travail.

S’agissant de l’exécution déloyale du contrat de travail, la salariée a été promue directrice des ressources humaines du groupe Cofigeo avant que ce dernier ne procède à une acquisition externe de l’activité de plats cuisinés du groupe William Saurin. La salariée déplore de ne pas avoir pu utiliser son titre de directeur des ressources humaines groupe, d’avoir été privée de responsabilité du jour au lendemain, la mise en place d’une nouvelle organisation des ressources humaines avec le recrutement d’un directeur des ressources humaines pour le groupe sans l’informer, ni la consulter, le refus de prendre des congés du 2 au 27 septembre 2017, l’absence d’entretien d’évaluation au titre de l’année 2017, des remarques vexatoires, blessantes et déplacées et des provocations.

Cependant, il relevait du pouvoir de gestion et de direction de l’employeur de procéder à un recrutement externe pour pourvoir le nouveau poste de directeur des ressources humaines du groupe Cofigeo comprenant un périmètre plus important et de ne pas proposer ce poste à la salariée, cette dernière ne démontrant pas avoir été dépossédée de ses fonctions dans le cadre de son poste de directeur ressource humaines du ‘sous-groupe’ Cofigeo composé des sociétés Cofigeo, Raynal et Roquelaure Provence, Raynal et Roquelaure Sud Ouest et Toupnot mais ayant été allégée pour partie dans certaines tâches du fait de sa charge de travail très importante. Le fait de ne pas pouvoir poser quatre semaines de congés en septembre 2017 n’est pas en lui-même un acte déloyal de l’employeur et entre dans les prérogatives du pouvoir de direction et de contrôle de l’employeur en vertu des contraintes de service. La salariée ayant été en arrêt de travail du 4 au 29 décembre 2017, il n’est pas déloyal que son entretien d’évaluation pour l’année 2017 n’ait pas été tenu immédiatement à son retour d’arrêt maladie. A l’appui de ses allégations de remarques vexatoires, blessantes et déplacées et autres provocations, la salariée produit un courriel du 8 janvier 2018 de son supérieur hiérarchique l’informant de plusieurs sujets dans des termes factuels et professionnels, outre un article qu’il a transféré des Echos sur l’égalité homme femme au travail qui n’est pas effective actuellement en matière salariale, ce transfert d’un article étant de nature provocante au vu de la sensibilité de la question pour la salariée. Ce seul fait isolé de provocation de la part de son supérieur hiérarchique n’est pas de nature à caractériser des actes déloyaux de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail. Par ailleurs, la contestation de son évincement par la salariée relève de la contestation de la rupture du contrat de travail et non de son exécution. Aucune exécution déloyale du contrat de travail n’est ainsi établie.

S’agissant de la surcharge de travail, la salariée indique que dès son embauche, elle a été très sollicitée en raison de la vacance du poste depuis plusieurs mois, puis en raison de départs de deux responsables de ressources humaines Mme [B], qui a souhaité réintégrer son poste d’assistante administration du personnel, et M. [JC] fin novembre 2015 jusqu’au recrutement de Mme [A] en juillet 2016. Elle précise avoir lancé un processus de recrutement sur ces deux postes en décembre 2015, gelé pendant plusieurs mois par son responsable hiérarchique. Elle ajoute avoir dû assurer deux postes également après le départ le 24 janvier 2017 de M. [I], directeur des ressources humaines de transition sur le site de [Localité 5]. Elle produit trois attestations précises et concordantes de salariés de l’entreprise sur une charge de travail très importante :

– M. [Z], retraité, du 11 mai 2020 : ‘dès sa prise de fonction, Mme [WS] a été surchargée de travail compte-tenu de l’absence du précédent DRH depuis plusieurs mois (et du retard accumulé), des spécificités du secteur agro-alimentaire et des nombreuses missions que lui avait confiées son supérieur hiérarchique’,

– M. [C], ouvrier, du 8 février 2018 : ‘Mme [WS] oeuvrait pour le bon fonctionnement de l’entreprise au niveau social et autre. Ces horaires étant 7h30 le matin jusqu’au soir 21h30 voir plus’,

– Mme [X], responsable ressources humaines, du 14 janvier 2021 : ‘j’ai pu constater sa charge de travail phénoménale ! Cela nécessitait qu’elle travaille toujours plus y compris le soir et le week-end’.

Elle verse également aux débats le compte-rendu d’entretien d’activité et de développement avec M. [PA] du 16 mars 2016 où elle mentionne cette surcharge de travail : ‘surcharge continuelle pour respecter les délais légaux et objectifs RH’, des tableaux récapitulant les heures de travail qu’elle considère avoir accomplies de novembre 2015 à décembre 2017 montrant des horaires de travail importants, des extraits de courriels, certains étant datés du dimanche 3 décembre et du lundi 4 décembre 2017, date de début de son arrêt de travail pour maladie.

La surcharge de travail est donc matériellement établie.

Il se déduit de ces éléments que la salariée présente une surcharge de travail laissant supposer l’existence d’un harcèlement, de sorte qu’il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’employeur indique qu’il a multiplié les mesures pour faciliter l’exécution des missions de la salariée, notamment en mettant en place un coaching dédié, en la déchargeant à plusieurs reprises de projets chronophages, en lui facilitant l’exercice de ses fonctions, en allant par exemple jusqu’à modifier les liens hiérarchiques de rattachement des ressources humaines du site de [Localité 5].

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la charge de travail importante de la salariée résulte de plusieurs vacances de poste mais est aussi inhérente à un poste de directeur des ressources humaines de plusieurs sociétés. Elle a également fait l’objet d’une prise en compte par l’employeur, qui a procédé à plusieurs aménagements afin de permettre à la salariée de travailler dans de meilleures conditions et qui a mené à bien plusieurs recrutements en matière de ressources humaines, y compris le poste de directeur des ressources humaines groupe nouvellement créé après l’acquisition de l’activité de plats cuisinés du groupe William Saurin. Ainsi, la surcharge de travail est expliquée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, les faits de harcèlement moral ne sont donc pas établis.

La demande de dommages et intérêts formée par la salariée au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail et du harcèlement doit, par conséquent, être rejetée.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur l’inégalité de traitement

La salariée forme une demande de dommages et intérêts à hauteur de 65 500 euros pour discrimination en raison de son sexe, qui s’analyse plus exactement en une demande fondée sur une atteinte au principe d’égalité de traitement.

Aux termes de l’article L. 3221-2 du code du travail, tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe de l’égalité de traitement, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement entre des salariés placés dans une situation comparable. Dans l’hypothèse où cette inégalité est établie, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs et pertinents justifiant la différence de traitement constatée.

En l’espèce, la salariée indique que M. [I] qui a été embauché dans la même société en tant que directeur des ressources humaines de transition pour le site de [Localité 5] en novembre 2016 s’est vu allouer un salaire bien plus élevé que le sien.

Elle précise qu’elle est âgée de 46 ans, qu’elle justifiait d’une expérience de 12 ans en tant que directrice des ressources humaines lors de son recrutement en septembre 2015 et qu’elle percevait un salaire annuel de 75 000 euros, outre un véhicule de fonction alors que M. [I] est âgé de 38 ans, a une expérience de responsable ressources humaines uniquement et une première expérience de directeur des ressources humaines de transition de six mois, qu’il a perçu une rémunération annuelle de 100 000 euros, outre un véhicule de fonction, et une prime de précarité de 10 %.

Elle produit ses contrats de travail montrant une rémunération mensuelle brute de 7 083,33 euros par mois à compter du 1er janvier 2017 correspondant à un salaire annuel brut de 85 000 euros ainsi qu’un bulletin de paie de M. [I] du mois de son embauche en novembre 2016 montrant un salaire mensuel brut de 6 818,18 euros du 7 au 30 novembre 2016 correspondant à un salaire annuel brut de 100 000 euros hors prime de précarité.

Elle ajoute que son périmètre d’intervention était plus important que celui de M. [I] puisqu’elle couvrait :

– trois sociétés : Raynal et Roquelaure, Toupnot et Cofigeo, alors que M. [I] couvrait une société : Raynal et Roquelaure Provence,

– quatre établissements : [Localité 10], [Localité 6], [Localité 9] et Siège (Cofigeo), alors que M. [I] en couvrait un seul à [Localité 5],

– deux conventions collectives : industries de produits alimentaires élaborés et industrie de la salaison, charcuterie en gros et conserves de viandes alors que M. [I] couvrait la première seulement,

– les salariés d’usine et de services : marketing, commercial, comptabilité et contrôle de gestion, logistique et administration des ventes, achats, supports industriels, systèmes d’information, recherche et développement, qualité, alors que M. [I] couvrait uniquement les salariés de l’usine de [Localité 5],

– six instances représentatives du personnel : 1 comité d’entreprise, 1 délégation unique du personnel conventionnelle, 1 comité central d’entreprise, 1 délégué du personnel et 2 CHSCT, alors que M. [I] en couvrait trois : 1 comité d’entreprise, 1 délégué du personnel et 1 CHSCT.

Elle indique qu’elle est titulaire de deux diplômes de troisième cycle : un DESS en finance et en informatique et un master en ressources humaines de l’ESCP, et que M. [I] est titulaire d’un DESS analyse du travail, organisation et gestion de l’emploi et d’un MBA en management des ressources humaines, les niveaux de diplôme étant ainsi comparables.

Il s’en déduit que la salariée établit donc l’existence d’une différence de traitement avec un salarié placé dans une situation comparable à la sienne.

L’employeur fait valoir que M. [I] était dans une situation différente puisqu’il a été embauché dans le cadre d’une mission de management de transition par nature temporaire, que le coût de ce type de recrutement est plus onéreux en raison de la spécificité du management de transition, le poste exigeant une expertise spécifique en raison d’un contexte très conflictuel.

Cependant, le principe d’égalité de traitement, s’applique dans la mesure où les salariés appartenaient à la même entreprise Cofigeo et exerçaient des responsabilités de directeur de ressources humaines comparables avec des périmètres distincts, le seul fait que M. [I] exerçait dans le cadre d’une mission de management de transition temporaire étant déjà pris en considération par l’allocation d’une prime de précarité au titre du contrat à durée déterminée et le fait que le site de [Localité 5] soit particulièrement conflictuel étant inopérant alors que la salariée avait un périmètre d’intervention plus large avec des problématiques conflictuelles également.

Il s’en déduit que l’employeur ne démontre pas que cette inégalité de traitement était justifiée par des éléments objectifs.

Par conséquent, il est établi que Mme [WS] a subi une inégalité de traitement injustifiée qui lui a causé un préjudice qui sera réparé par l’allocation de la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêt, au paiement de laquelle sera condamnée la société Cofigeo.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur l’obligation de sécurité

La salariée indique qu’elle a subi une telle pression au travail que son état de santé s’est dégradé. Elle soutient que l’employeur n’a pris aucune mesure, n’a mené aucune enquête objective et impartiale, afin de prévenir les agissements subis alors qu’il était avisé de la situation. Elle relève que l’employeur a limité son périmètre d’intervention et ses responsabilités de façon brutale, sans échange. Elle conclut à un préjudice moral sur le long terme.

L’employeur considère qu’il n’a pas failli a son obligation de sécurité, en prenant plusieurs mesures pragmatiques et en apportant des solutions à chacune des demandes de la salariée. Il souligne qu’en réalité, la salariée causait elle-même de la souffrance dans ses équipes et même au sein de sa hiérarchie en raison de ses méthodes agressives et de sa posture conflictuelle.

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l’article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Ne méconnaît cependant pas son obligation légale l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En l’espèce, aucun manquement de l’employeur au titre de son obligation de sécurité n’est caractérisé, l’employeur ayant en particulier pris soin d’accompagner la salariée dans le cadre d’un coaching régulier dans la durée.

Au surplus, la salariée ne démontre pas le lien de causalité entre les conditions de travail dénoncées et la dégradation de son état de santé.

Il convient donc de débouter Mme [WS] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

La salariée soulève la nullité ou l’inopposabilité de sa clause de forfait jours à son contrat de travail chez Raynal et Roquelaure en l’absence de contrôle de la charge de travail et de l’amplitude du temps de travail des salariés en forfait jours, puis chez Cofigeo en l’absence d’accord d’entreprise sur le forfait jours.

L’employeur indique que la salariée a relevé d’un forfait annuel en jours à son contrat de travail dès son embauche puis lors du transfert de son contrat de travail à la société Cofigeo en vertu de l’avenant à son contrat de travail. Il précise que ce forfait relevait de l’avenant accord d’entreprise du 13 juin 2016 qui prévoyait les garanties requises. Il souligne que la salariée avait la responsabilité des questions afférentes à la durée du travail, et partant du forfait annuel en jours, qu’elle a, d’ailleurs, mis en place un logiciel permettant la saisie des activités des salariés et le contrôle de l’amplitude et de la charge de travail.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. Cet accord prévoit un suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs de temps travaillé transmis, permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. La convention de forfait conclue sur la base d’un accord collectif qui ne répond pas à ces exigences est nulle.

Sur la période du 1er septembre 2015 au 31 décembre 2016

En l’espèce, la salariée a initialement été engagée à compter du 1er septembre 2015 par la société Raynal et Roquelaure suivant une clause contractuelle de forfait annuel en jours de 217 jours travaillés par an puis à compter du 1er janvier 2016, une clause de forfait annuel en jours de 218 jours travaillés par an.

Il ressort du dossier que la société Raynal et Roquelaure disposait d’un accord sur le temps de travail signé le 12 septembre 2006 avec un avenant spécifique sur le forfait jours en date du 13 juin 2016. Cependant, l’employeur ne justifie pas que l’accord d’entreprise prévoyait un suivi effectif et régulier des temps travaillés, afin de permettre à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. Par conséquent, la convention de forfait conclue sur la base d’un accord collectif qui ne répond pas à ces exigences est nulle.

Sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017

Par convention tripartite du 22 décembre 2016, le contrat de travail de Mme [WS] a été transféré au sein de la société Cofigeo avec effet au 1er janvier 2017, la convention prévoyait une clause de forfait annuel de 218 jours travaillés par an.

Cependant, la société Cofigeo ne justifie pas que la convention de forfait en jours était prévue par un accord collectif dont les stipulations assuraient la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, l’outil instauré par la salariée en sa qualité de directeur des ressources humaines n’étant pas effectif sur la période considérée. Par conséquent, la convention de forfait conclue dans ces conditions est nulle.

Il s’ensuit que la salariée est fondée à demander à ce que la convention de forfait annuel en jours incluse dans son contrat de travail soit considérée comme nulle et à ce que son temps de travail soit comptabilisé selon les règles du droit commun sur la totalité de la période considérée du 1er septembre 2015 au 31 décembre 2017.

En application notamment de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, la salariée produit :

– des états des heures supplémentaires qu’elle considère avoir accomplies sur une base quotidienne, avec des tableaux récapitulatifs par semaine exhaustifs de septembre 2015 à décembre 2017 inclus, mentionnant l’heure de prise de poste souvent entre 7h30 et 8h30, la pause déjeuner d’une heure, l’heure de fin de poste souvent vers 19h, les congés et RTT, les arrêts maladie, avec des commentaires sur le contenu du travail effectué, un total heures travaillées et un total heures supplémentaires par jour, par semaine, et par an, avec les heures avec majoration de 25 %, et les heures avec majoration de 50 %, soit les heures supplémentaires suivantes :

237,28 heures en 2015,

579,23 en 2016,

587,67 en 2017.

– des courriels montrant des échanges électroniques à destination de la salariée avec une amplitude horaire importante,

– les trois attestations susmentionnées de salariés: M. [Z], M. [C], Mme [X], précises et concordantes, confirmant une charge de travail très importante assumée par la salariée.

Il s’en déduit que la salariée présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle considère avoir accomplies de sorte que l’employeur est en mesure d’y répondre.

L’employeur produit le tableau de ‘badgeage’ de la salariée pour la période du 23 novembre 2017 au 5 février 2018 et soulève des incohérences entres les heures d’arrivée, de pause, de sortie, dénonçant le caractère mensonger du décompte de la salariée et l’absence de fiabilité des informations. Il conteste les éléments produits par la salariée, l’absence de sérieux des courriels communiqués ou du décompte, le caractère discutable des appréciations.

Cependant, la salariée ne sollicite des heures supplémentaires sur la période du tableau de ‘badgeage’ que du 23 novembre au 3 décembre 2017, son contrat de travail étant ensuite suspendu par son arrêt maladie à compter du 4 décembre 2017, puis la salariée ne faisant pas de demande au titre de l’année 2018.

Après analyse de chacun de ces jours travaillés, la cour retient que la salariée a présenté un nombre d’heures supplémentaires total sur la période du 23 novembre au 3 décembre 2017 qui correspond exactement au total calculé par le système de badgeage de l’employeur, les légers décalages au niveau du comptage par jour se compensant très exactement au niveau du total sur la période considérée. En outre, les trois attestations produites sont précises et concordantes et des courriels échangés à des horaires matinaux ou tardifs témoignent des heures de travail effectuées par la salariée.

Après pesée des éléments produits par chacune des parties, la cour considère que Mme [WS] a accompli des heures supplémentaires non rémunérées correspondant aux missions qui lui étaient confiées qu’elle évalue à 76 988,62 euros, outre 7 698,86 euros au titre des congés payés afférents.

La cour retient également que Mme [WS] a accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel applicable de 220 heures et qu’elle est fondée à prétendre à la contrepartie obligatoire en repos, équivalente à 22 774,18 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l’article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l’espèce, la salariée ne démontre pas l’élément intentionnel de la mention d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli sur le bulletin de paie, elle sera déboutée de sa demande d’indemnité à ce titre.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le non-respect du repos quotidien et hebdomadaire

La salariée fait valoir que son employeur n’a pas respecté la durée du repos quotidien, ni le repos hebdomadaire, qu’il lui a ainsi causé un préjudice au vu de l’impact sur sa vie personnelle et de l’impact de la privation de repos sur sa santé et sécurité, qu’il convient de réparer par l’allocation d’une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.

L’employeur indique que la salariée ne rapporte pas la preuve des heures supplémentaires qu’elle prétend avoir effectuées, ni du non-respect des obligations relatives au repos quotidien et hebdomadaire. Il fait valoir qu’il a rappelé à la salariée cette obligation et que sa demande est inopérante.

L’employeur ne rapporte pas la preuve que la durée minimale de 11 heures consécutives pour le repos quotidien et que les 24 heures minimales du repos hebdomadaire ont bien été respectées par la salariée, alors que cette dernière a notamment accompli de nombreuses heures supplémentaires.

La salariée produit son arrêt de travail à compter du 4 jusqu’au 29 décembre 2017 ainsi que deux ordonnances du 4 décembre 2017 et du 19 janvier 2018 montrant notamment un traitement par antidépresseur anxiolytique.

Il en résulte un préjudice du fait du trouble dans la vie personnelle de Mme [WS] et des risques pour sa santé et sa sécurité qu’il convient de réparer par l’allocation de la somme de 2 000 euros, somme au paiement de laquelle la société Cofigeo sera condamnée.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Sur la validité du licenciement

La salariée soutient que son licenciement est nul et réclame des dommages et intérêts à ce titre aux motifs que :

– cette décision est une mesure de rétorsion à sa dénonciation de ses conditions de travail dégradées, d’un manquement à l’obligation de sécurité, d’un harcèlement moral,

– cette décision est fondée sur son sexe et est donc discriminatoire.

L’employeur conclut au débouté des demandes.

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

Aux termes de l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Aux termes de l’article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En l’espèce, la salariée déclare avoir dénoncé l’anormalité du traitement qui lui était infligé par son employeur par courriels des 8 et 10 janvier 2018.

Il ressort du courriel du 8 janvier 2018, que la salariée a listé de façon factuelle des sujets ou des questions en attente ou des demandes d’information qu’elle a adressés à son supérieur hiérarchique, sans dénoncer ses conditions de travail dégradées, un manquement à l’obligation de sécurité, ou des faits de harcèlement moral.

Dans le courriel du 10 janvier 2018 la salariée dénonce effectivement ses conditions de travail, notamment des changements d’organisation, des modifications d’affectation de mission et des non-participations à des réunions, un manquement à l’obligation de sécurité, notamment des agissements portant atteinte à sa santé, des faits de harcèlement moral, notamment le retrait de certaines attributions.

Le passage litigieux de la lettre de licenciement est ainsi rédigé ‘Vous avez violemment mis en cause votre supérieur hiérarchique, Monsieur [V] [PA], en lui adressant des courriels dont les termes sont d’une très grande agressivité.

Bien que dans ces courriels, vous mettiez en cause le management de Monsieur [V] [PA], il ne s’agissait pas du tout d’alerter votre employeur, puisque vous n’avez pas saisi la Direction Générale du groupe (ni Monsieur [K] [J], ni le signataire du présent courrier, Monsieur [E] [NN]). Vous aviez manifestement la volonté de « régler des comptes», tels que vous les perceviez, avec Monsieur [V] [PA], et le déstabiliser.

C’est Monsieur [V] [PA] lui-même qui nous a remis ces courriels que vous lui aviez exclusivement adressés, car étant déstabilisé par la violence des attaques, il ne savait plus comment vous répondre et, de manière très légitime, considérait qu’il n’était plus en position de prendre une quelconque décision vous concernant.

C’est à la suite de cet incident très préoccupant signalé par Monsieur [V] [PA], que nous avons procédé à des investigations approfondies auprès de différentes personnes qui travaillent avec vous et qui sont témoins de vos relations professionnelles avec Monsieur [V] [PA].’

Il n’en ressort pas que l’employeur reproche à la salariée d’avoir dénoncé ses conditions de travail, un manquement à l’obligation de sécurité, des faits de harcèlement moral.

Par conséquent, la salariée n’est pas fondée à soutenir que son licenciement est motivé par la dénonciation de ses conditions de travail, d’un manquement à l’obligation de sécurité ou de faits de harcèlement moral.

En outre, la salariée ne présente pas d’élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte liée au sexe, contrairement aux dispositions de l’article L. 1132-1 du code du travail, le fait qu’elle ait subi une inégalité de traitement ne valant pas reconnaissance que le licenciement est fondé sur le sexe.

Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de débouter Mme [WS] de sa demande de nullité de son licenciement et de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

« Depuis plusieurs mois, nous avons constaté des tensions entre vous, la Direction Générale du groupe et différents intervenants. Ces tensions se sont accrues depuis que vous avez été informée, de la décision de la Direction Générale de mettre en place, au niveau de FINANCIERE COFIGEO (holding de tête du groupe), un Directeur des Ressources Humaines de l’ensemble du groupe comprenant désormais WILLIAM SAURIN, en plus de COFIGEO, RAYNAL & ROQUELAURE, RAYNAL & ROQUELAURE PROVENCE et TOUPNOT.

Pourtant, ce recrutement ne remettait pas en cause vos fonctions de Directeur des Ressources Humaines du sous-groupe dépendant de COFIGEO et comprenant RAYNAL & ROQUELAURE, RAYNAL & ROQUELAURE PROVENCE et TOUPNOT. Votre contrat de travail qui était préalablement rattaché à RAYNAL & ROQUELAURE avait été transféré à COFIGEO, bien avant l’intégration de WILLIAM SAURIN, afin que vous puissiez exercer pleinement vos fonctions de Directrice des Ressources Humaines de l’ensemble RAYNAL & ROQUELAURE et TOUPNOT.

Votre mode de communication et votre façon d’exercer vos fonctions de Directeur des Ressources Humaines ont généré des tensions avec différents intervenants du groupe avec lesquels vous étiez en relation, tout particulièrement avec la Direction Générale, et plus particulièrement encore avec : Monsieur [O] [W], Directeur Général des Opérations ; Monsieur [V] [PA], Secrétaire Général ayant la responsabilité de l’ensemble des Ressources Humaines et qui était donc votre supérieur hiérarchique direct.

Nous avons approfondi les raisons de ces tensions, procédé à des investigations et nous en sommes arrivées aux conclusions suivantes.

Vous n’acceptez pas la décision de la Direction Générale du groupe de recruter et de mettre en place un Directeur des Ressources Humaines de l’ensemble du groupe dépendant de FINANCIERE COFIGEO.

Vous considérez, en effet, que ce nouveau poste aurait dû vous être attribué, et vous avez rappelé l’intitulé contractuel de votre propre poste, à savoir « Directeur des Ressources Humaines groupe », qui pourtant ne pouvait pas comprendre le groupe dans son ensemble, élargi depuis l’intégration de WILLIAM SAURIN. Cette dénomination qui vous avait été attribuée fin 2016 n’a pas été utilisée en pratique par vous-même (elle n’était pas dans votre signature électronique) et n’a jamais figuré dans un organigramme. Il n’y avait donc aucune difficulté en pratique, à ce que l’intitulé de « Directeur des Ressources Humaines groupe » soit attribué au Directeur des Ressources Humaines de l’ensemble du groupe, mais vous avez laissé entendre que cela impliquerait une sorte de « rétrogradation » de vos fonctions, alors que ce n’était absolument pas le cas puisque vos fonctions restaient inchangées.

Si vous aviez accepté de contribuer à la nouvelle organisation, au poste qui était le vôtre, vous auriez entièrement conservé vos responsabilités dans le périmètre COFIGEO, RAYNAL & ROQUELAURE TOUPNOT, et vous auriez eu deux responsables hiérarchiques dans le domaine des Ressources Humaines : [V] [PA], Secrétaire Général, et le nouveau Directeur des Ressources Humaines de l’ensemble du groupe.

Mais vous avez indiqué nettement dans différents propos que vous avez tenus que vous n’acceptiez pas cette nouvelle configuration, ce qui montrait qu’avant même qu’il commence à exercer ses fonctions, vous contestiez la légitimité du Directeur des Ressources Humaines de l’ensemble du groupe.

Lors de l’entretien préalable, vous avez indiqué que vous n’aviez pas été associée à la décision consistant à recruter un Directeur des Ressources humaines de l’ensemble du groupe et que vous n’aviez donc pas pu vous y opposer, selon vous.

Vous avez ajouté que vous ne vouliez de toute façon pas de ce poste, car il allait être basé à [Localité 8].

Cependant, ces arguments ne sont pas convaincants car :

– S’il est vrai que vous n’avez pas été associée à la décision de la Direction Générale, cela ne retire rien au fait que vous avez nettement désapprouvé cette décision, pour les raisons déjà indiquées. Vous avez expressément fait connaître votre désapprobation sur le sens et le contenu de cette décision à Monsieur [V] [PA] et à différentes personnes qui travaillent avec vous, ce qui, d’emblée, compliquait la tâche du Directeur des Ressources Humaines de l’ensemble du groupe, compte tenu des responsabilités qui vous sont confiées.

– Il est exact que vous avez indiqué que vous ne souhaitiez pas d’un poste basé à [Localité 8], mais cela ne vous empêchait pas de considérer que le poste de Directeur des Ressources Humaines de l’ensemble du groupe devait vous être attribué, et que vous pouviez parfaitement exercer ces fonctions à [Localité 6], selon vous.

Lors de l’entretien préalable, nous avons essayé de vous faire comprendre pourquoi nous considérions que vous ne pouviez pas être le Directeur des Ressources Humaines de l’ensemble du groupe, à savoir que vous n’aviez pas, à notre sens, les qualités nécessaires pour accompagner le changement dans un groupe de cette taille, malgré vos qualités techniques, par ailleurs, que nous avons parfaitement reconnues.

Vous avez répondu sur ce point en montrant une nouvelle fois votre désaccord avec notre appréciation, puisque vous avez souligné que vous aviez professionnalisé dans le groupe la fonction de Directeur des Ressources Humaines jusqu’à aujourd’hui, ce qui vous semblait la démonstration que vous pouviez parfaitement accompagner le changement dans le groupe.

Nous sommes en total désaccord sur ce point, car vos compétences et qualités techniques qui sont parfaitement reconnues, encore une fois, ne signifient pas que vous auriez les qualités nécessaires pour jouer un rôle de « catalyseur » du changement dans le groupe car ce rôle exige de faire preuve d’un esprit de grande ouverture avec tous les décideurs du groupe, de faire preuve de beaucoup de diplomatie et de pédagogie, qualités que vous n’avez pas démontrées dans l’exercice de vos fonctions.

Nous devons constater que votre communication dans le groupe et le positionnement que vous adoptez avec vos interlocuteurs posent un véritable problème. En effet, vous avez une conception trop rigide et formaliste des Ressources Humaines, ce qui vous conduit fréquemment à vous opposer avec différents responsables du groupe. Vous avez notamment été en désaccord, à plusieurs reprises, avec Monsieur [O] [W] ou avec votre supérieur hiérarchique direct, Monsieur [V] [PA]. Vous avez également et très fréquemment été en opposition avec les Directeurs de sites ou autres responsables d’équipe. Il vous est manifestement difficile d’entendre les contraintes et les difficultés auxquelles les managers sont confrontés d’un point de vue opérationnel.

A titre d’exemples (non exhaustifs) : Votre acharnement à supprimer les boissons de type jus de fruits lors des médailles du travail à [Localité 10] a créé des tensions inutiles sur un sujet mineur et a été perçu par l’ensemble des salariés, managers compris comme un irritant social. L’application du temps de pause dans le respect des dispositions légales, a mal été accompagnée en amont auprès des managers, ce qui a généré, là encore, de fortes tensions au sein des équipes alors que ce point qui était légalement fondé, aurait pu être mis en place sans générer de difficultés.

Les très fortes pressions exercées sur les RRH de [Localité 5], qui se sont succédées, ont créé de fortes tensions entre vous et [G] [P] d’une part, et avec [O] [W] et [V] [PA], d’autre part.

Vous exercez un management d’une grande rigidité et d’une grande exigence envers les personnes qui vous sont rattachées. Ce management est souvent ressenti comme très dur et éprouvant par les salariés qui ont un rapport hiérarchique avec vous.

Vous nous avez indiqué, lors de l’entretien préalable, que vous étiez exigeante avec vous-même et donc avec les autres, ce qui est vrai, mais vous semblez avoir du mal à accepter que chaque personne qui travaille avec vous peut avoir une perception et une conception de l’exigence, différentes de la vôtre. Vous employez fréquemment un adage qui fait peur à vos équipes: « tu te soumets ou tu te démets », qui semble un peu le reflet de votre personnalité. Différentes personnes de votre équipe ont mal ressenti vos exigences et une forme de sévérité dans votre management, ce qui les a fortement perturbées dans leur travail. À titre d’exemples : vos relations très tendues avec Madame [M] [ZR] ont nécessité la mise en place d’un coaching pour tenter d’apaiser le conflit, la situation s’est améliorée à la suite de ce coaching mais Madame [M] [ZR] est restée marqué par votre management qui l’a éprouvée durablement.

Force est aussi de constater qu’un certain nombre de personnes qui vous étaient rattachées directement ou indirectement ont quitté le groupe soit à votre initiative, soit parce qu’elles ne parvenaient pas à s’adapter à vos exigences.

À titre d’exemples : [H] [JC], RRH usine de [Localité 6], [V] [VZ], assistante RH, [N] [S], assistante RH, [R] [L], assistante RH.

En effet, la pression s’exerçait particulièrement sur vos collaborateurs directs mais également sur vos N-2.

Nous avons rencontré, tout particulièrement, de graves difficultés sur le site de [Localité 5], dont vous n’êtes pas seule responsable, mais vos méthodes de management n’ont pas du tout facilité la situation. Vous avez été mis en cause par Monsieur [U] [D], dans les termes que nous avons considérés à l’époque excessifs, mais Madame [F] [KO] embauchée après son départ, n’est restée qu’un mois car elle a manifestement été soumise, comme son prédécesseur, à des demandes d’explications circonstanciées et écrites sur de multiples sujets et dans des délais particulièrement difficiles à tenir. C’est pourquoi, nous avons pris la décision de couper le lien hiérarchique direct entre le responsable des Ressources humaines du site de [Localité 5] et vous-même, lorsque nous avons recruté Madame [Y] [T]. Mais, malgré ce changement d’organisation, vous avez tenté de soumettre cette nouvelle responsable des Ressources Humaines à vos méthodes et à la même pression que les prédécesseurs. Nous avons donc dû protéger cette responsable des Ressources Humaines de vos interventions pour éviter un nouveau départ sur ce site.

Il est donc incontestable que malgré vos compétences techniques, vos méthodes de management sont un facteur de perturbation dans le groupe.

Vous avez violemment mis en cause votre supérieur hiérarchique, Monsieur [V] [PA], en lui adressant des courriels dont les termes sont d’une très grande agressivité.

Bien que dans ces courriels, vous mettiez en cause le management de Monsieur [V] [PA], il ne s’agissait pas du tout d’alerter votre employeur, puisque vous n’avez pas saisi la Direction Générale du groupe (ni Monsieur [K] [J], ni le signataire du présent courrier, Monsieur [E] [NN]). Vous aviez manifestement la volonté de « régler des comptes», tels que vous les perceviez, avec Monsieur [V] [PA], et le déstabiliser.

C’est Monsieur [V] [PA] lui-même qui nous a remis ces courriels que vous lui aviez exclusivement adressés, car étant déstabilisé par la violence des attaques, il ne savait plus comment vous répondre et, de manière très légitime, considérait qu’il n’était plus en position de prendre une quelconque décision vous concernant.

C’est à la suite de cet incident très préoccupant signalé par Monsieur [V] [PA], que nous avons procédé à des investigations approfondies auprès de différentes personnes qui travaillent avec vous et qui sont témoins de vos relations professionnelles avec Monsieur [V] [PA].

Non seulement les personnes que nous avons entendues n’ont pas confirmé les accusations qui figuraient dans les courriels que vous avez adressés exclusivement à Monsieur [V] [PA], mais elles ont clairement indiqué que ces accusations n’avaient aucun fondement, le comportement de Monsieur [V] [PA] n’étant en rien sexiste, comme vous l’avez prétendu, ne comportait aucune agressivité envers nous, et, de façon générale, n’était en rien un comportement inapproprié.

Ces mêmes témoins nous ont par ailleurs confirmé, ce que nous avions déjà pu percevoir lors des derniers mois, à savoir un comportement de votre part rigide et blessant, avec la conviction que vous avez toujours raison, et une absence de diplomatie et de pédagogie.

C’est en constatant les perturbations résultant de votre comportement et de vos méthodes de management, que nous avons pris la décision de vous convoquer à un entretien à un éventuel à un éventuel licenciement et de vous dispenser de toute activité pendant cette procédure. Il ne s’agissait en rien d’une « mise à pied », ni d’une mesure vexatoire, contrairement à ce que vous avez indiqué lors de l’entretien préalable, puisque votre rémunération a été maintenue, ainsi que le véhicule de fonction mis à votre disposition.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que vous n’effectuez plus de façon satisfaisante vos fonctions de Directeur des Ressources Humaines dans le périmètre qui est le vôtre, à savoir COFIGEO, RAYNAL & ROQUELAURE, TOUPNOT. En effet, votre communication inappropriée a créé de vives tensions avec d’importants responsables du groupe, qui ne peuvent plus désormais être surmontées ([V] [PA], [O] [W], Directeurs de sites, dont celui de [Localité 5]) ; vos méthodes de management sont mal ressenties et ont également créé d’importantes perturbations avec des salariés qui travaillaient avec vous (notamment Madame [M] [ZR]), au point que nous avons dû protéger de vos interventions la responsable des Ressources Humaines du site de [Localité 5] (Madame [Y] [T]) ; vous avez ouvertement déclaré que vous étiez en désaccord avec la nouvelle organisation des Ressources Humaines que la Direction Générale du groupe est en train de mettre en place, et notamment le recrutement d’un Directeur des Ressources Humaines de l’ensemble du groupe.

Il s’agit donc d’insuffisances et de manquements professionnels qui, compte tenu de votre niveau de responsabilité, rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail.

Pour les motifs indiqués ci-dessus, nous vous notifions donc par la présente lettre votre licenciement pour cause réelle et sérieuse (‘) ».

Sur la prescription

La salariée fait valoir qu’en réalité les motifs de licenciement sont de nature disciplinaire, que l’employeur avait donc deux mois à compter de la connaissance des faits pour la sanctionner, que les griefs sont manifestement prescrits, d’autant plus qu’elle a été en arrêt de travail.

L’employeur considère que licenciement est motivé uniquement sur l’insuffisance professionnelle et ne conclut pas sur ce point.

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, reproche en substance à la salariée : le refus de voir recruter un directeur des ressources humaines groupe, la mise en cause de son supérieur hiérarchique direct ainsi qu’une insuffisance professionnelle. Il s’en déduit que le licenciement est motivé par des motifs mixtes d’insuffisance professionnelle d’une part, disciplinaires d’autre part : le refus de voir recruter un directeur des ressources humaines groupe, la mise en cause de son supérieur hiérarchique direct, contrairement aux affirmations de l’employeur, et que les règles de prescription en matière disciplinaire s’appliquent donc à ces deux motifs disciplinaires.

S’agissant de la mise en cause de son supérieur hiérarchique, l’employeur se base principalement sur l’envoi de courriels les 10 et 12 janvier 2018 par la salariée. Il s’en déduit que l’employeur a eu connaissance de ces faits dans toute leur ampleur moins de deux mois avant sa convocation à entretien préalable à éventuel licenciement le 5 février 2018. Le moyen tiré de la prescription doit être écarté.

S’agissant du refus de voir recruter un directeur des ressources humaines groupe, il ressort du dossier que postérieurement à l’acquisition de l’activité de plats cuisinés du groupe William Saurin et au changement de périmètre du groupe, l’employeur a souhaité recruter un directeur des ressources humaines pour l’ensemble des entités composant le nouveau groupe. Or, la salariée a manifesté son opposition à cette décision, notamment lors d’un séminaire convergence le 14 novembre 2017, où elle a été présentée comme directrice des ressources humaines pôle Raynal et Roquelaure. Il s’en déduit que ce fait était connu de l’employeur à cette date, que cependant au vu d’échanges de courriels notamment du 12 janvier 2018, la salariée a persisté à manifester ce refus, concluant ‘en tant que DRH groupe’ contrairement aux directives de l’employeur sur ce point suite au changement du périmètre du groupe. Le moyen tiré de la prescription de ce fait doit donc être rejeté.

Sur le fond

La salariée conteste les griefs formulés à son encontre, ceux-ci n’étant pas caractérisés et étant intervenus après qu’elle ait souligné plusieurs manquements graves et des faits de discrimination à l’endroit de la société.

L’employeur indique que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse résultant d’insuffisances professionnelles majeures et de manquements.

Sur le bien fondé du licenciement, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

En l’espèce, la lettre de licenciement reproche en substance à la salariée : le refus de voir recruter un directeur des ressources humaines groupe, une mise en cause de son supérieur hiérarchique, une insuffisance professionnelle.

S’agissant de la mise en cause de son supérieur hiérarchique M. [PA], l’employeur indique que la salariée a violemment mis en cause celui-ci qui a été contraint d’en informer son propre supérieur hiérarchique, se plaignant de se trouver dans une impasse et d’une impossibilité de dialoguer avec la salariée. Il produit l’attestation de M. [PA] du 26 février 2020, des échanges de courriels entre la salariée et M. [PA] du 8 au 18 janvier 2018, des échanges de courriels du 12 et du 18 janvier 2018 entre la salariée et M. [PA] au sujet de problèmes de bulletins de paie, une lettre de la salariée du 24 janvier 2018.

La salariée ne dément pas que les relations avec son supérieur hiérarchique se sont dégradées à la fin de l’année 2017 mais indique que c’est ce dernier qui est à l’origine de cette situation. Elle fait valoir qu’il a adopté un comportement déloyal, voire harcelant au cours de la relation contractuelle, qui s’est accentué lorsque M. [YE] a confirmé son intérêt pour le poste de directeur des ressources humaines groupe, puis à son retour d’arrêt maladie lorsqu’elle a légitimement exprimé ses doléances et incompréhensions.

Il résulte des développements qui précèdent que M. [PA], supérieur hiérarchique de la salariée, n’est pas à l’origine d’actes déloyaux ou de faits de harcèlement moral à l’encontre de la salariée.

En outre, dans le cadre de son pouvoir de gestion et de direction, l’employeur avait toute latitude de choisir de recruter un directeur des ressources humaines externe et de ne pas proposer ce poste à la salariée après le changement du périmètre du groupe suite à une acquisition externe d’importance.

Enfin, les termes des courriels adressés les 10 et 12 janvier 2018 par la salariée à son supérieur hiérachique sont empreints d’agressivité et d’irrespect et sont contraires au comportement et à la maîtrise de soi attendus d’un cadre à ce niveau de responsabilité, à titre d’exemple : ‘je suis extrêmement affectée et choquée par ton courriel’, ‘je te demande de cesser tout agissement visant à compromettre mon avenir professionnel et à porter atteinte à ma santé. En effet, c’est ton comportement qui a conduit mon médecin à m’arrêter durant un mois’.

‘J’avoue être profondément choquée par une telle position. Ce manque d’éthique RH est en totale opposition avec mon professionnalisme’.

Par ailleurs, la lettre de la salariée du 24 janvier 2018 traduit une rupture de confiance et une attaque envers son supérieur hiérarchique : ‘j’avoue ne pas comprendre ton comportement et ton écrit très différent de la réalité des faits. Ta réponse est d’ordre de la calomnie et tes propos y sont, une fois de plus, infamants.’

Il s’en déduit que le grief de remise en cause de son supérieur hiérarchique par la salariée est établi.

S’agissant du refus de voir recruter un directeur des ressources humaines groupe, l’analyse de la lettre de la salariée du 24 janvier 2018, qui comprend deux pages de récriminations de sa part au sujet du ‘DRH groupe’ confirme que la salariée n’a pas accepté le choix de la direction de procéder à un recrutement externe pour pourvoir le nouveau poste de directeur des ressources humaines groupe suite à l’importante acquisition externe qui a eu lieu en 2017 postérieurement à sa dernière promotion, son poste de directeur des ressources humaines de plusieurs sociétés du groupe ayant vocation à évoluer vers un poste de directeur de pôle au sein du groupe Cofigeo qui présente désormais un périmètre plus large. Or, cette décision est du ressort de l’employeur dans le cadre de son pouvoir de gestion et de direction, de sorte que le grief relatif au refus de la salariée de voir recruter un directeur des ressources humaines groupe est établi.

Ces deux griefs sont suffisamment sérieux pour établir la cause réelle et sérieuse du licenciement au vu du niveau de responsabilité de la salariée directrice de ressources humaines de plusieurs sociétés du groupe, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le grief relatif à l’insuffisance professionnelle.

Le licenciement de la salariée étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, cette dernière sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de remise des documents de fin de contrat rectifiés, sous astreinte.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ces points.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts échus pour une année entière sera ordonnée.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Cofigeo succombant partiellement à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d’appel. Elle devra également régler à Mme [WS] une indemnité d’un montant de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu’il a :

– dit que le licenciement de Mme [AW] [WS] repose sur une cause réelle et sérieuse et n’est entaché d’aucune nullité,

– dit qu’il n’existe aucun fait de harcèlement moral, ni aucun fait constitutif d’une exécution déloyale du contrat de travail,

– dit que l’employeur n’a pas manqué à son obligation de sécurité,

– débouté Mme [WS] de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou exécution déloyale, pour manquement de la société Cofigeo à son obligation de sécurité,

– débouté Mme [WS] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté Mme [AW] [WS] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Rejette la demande de la société Cofigeo de voir écarter la pièce numérotée 56 de Mme [AW] [WS],

Condamne la société Cofigeo à payer à Mme [AW] [WS] les sommes suivantes:

35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement,

76 988,62 euros au titre des heures supplémentaires, outre 7 698,86 euros au titre des congés payés afférents,

22 774,18 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

2 000 euros pour non-respect du repos quotidien et hebdomadaire,

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et que les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

Condamne la société Cofigeo aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la société Cofigeo à payer à Mme [AW] [WS] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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