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8 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/02310
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 08 MARS 2023
(n° 2023/ , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02310 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJSV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/11083
APPELANT
Monsieur [W] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Isabelle KUOK BELLAMY, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
SASU REPLY FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Alexandre BOULANT, avocat au barreau de PARIS, toque : B440
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Nadège BOSSARD, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
M. [W] [N], né en 1976, a été engagé par la société Reply France à compter du 12 mars 2018 selon contrat de travail à durée indéterminée du 6 mars 2018 en qualité de manager, statut cadre, avec une rémunération de 5 416,67 euros mensuels bruts.
La société Reply France est un cabinet de consultants, d’intégration de systèmes et de services.
Elle applique la convention collective nationale bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseils (SYNTEC).
Le 26 mars 2019, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et mis à pied à titre conservatoire.
Le 8 avril 2019, la société Reply lui a notifié son licenciement pour faute grave en raison de faits de harcèlement sexuel.
M. [N] a contesté cette sanction et a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 16 décembre 2019 afin de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 24 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Paris l’a débouté de ses demandes, a débouté la société Reply de ses demandes reconventionnelles et a condamné M. [N] aux dépens.
M. [N] a interjeté appel le 2 mars 2021.
Selon ses dernières conclusions, remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 24 mars 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [N] demande de :
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris en date du 24 novembre 2020 ;
Déclarer recevable et bien fondé M. [N] en ses demandes, fins et prétentions ;
Juger que le licenciement pour faute grave notifié à M. [N] le 8 avril 2019 est infondé ;
Juger que la société Reply France ne produit aucun élément démontrant que M. [N] aurait commis des agissements constitutifs de harcèlement sexuel à l’encontre de Mme [Y] ;
Condamner la société Reply France à verser à M. [N] les sommes suivantes :
– 16.249,98 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1.625,00 € au titre des congés payés y afférents ;
– 1.760,41 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– 30.000,00 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 15.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;
Condamner la société Reply France à verser à M. [N] la somme de 2 000€ en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Selon ses dernières conclusions, remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 3 juin 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Reply France demande de :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 24 novembre 2020 ;
Débouter M. [W] [N] l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société Reply France ;
Condamner M. [W] [N] à payer à la société Reply France la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner le même aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 22 novembre 2022.
MOTIFS :
Sur la faute grave :
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Sur le fondement des articles L 1232-1 et L 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l’espèce, la cour, à qui il appartient de qualifier les faits invoqués et qui constate l’absence de faute grave, doit vérifier s’ils ne sont pas tout au moins constitutifs d’une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.
La lettre de licenciement reproche à M. [N] un harcèlement sexuel par des propos et attitudes à connotation sexuelle pour avoir pendant plusieurs mois fait preuve d’effusions déplacées, de sous-entendus et d’une insistance lourde à entrer en contact avec une consultante d’une autre société ayant une vingtaine d’années de moins et à lui offrir des cadeaux malgré ses demandes réitérées de s’arrêter.
La société Reply verse aux débats les échanges entre M. [N] et Mme [Y] sur la messagerie professionnelle du client BNP, échanges que lui a adressés Mme [Y] après avoir signalé ces faits au supérieur de M. [N]. Cette communication ne viole pas le secret des correspondances s’agissant de messages adressés via un outil professionnel et que ces échanges ont été remis à l’employeur par son destinataire.
Ces échanges dit ‘chats’ établissent que M. [N] lui a demandé à qui on doit demander sa main, lui a écrit que sa voix le perturbe, qu’elle est magnifique, lui a demandé son ‘whatsapp’, lui a écrit ‘bien que tu veux pas de moi je t’aimerai toujours :)’. Il a continué à lui adresser des messages alors qu’elle lui demandait d’arrêter les 11 et 21 janvier 2019 et lui a rapporté un cadeau de Milan le 15 février 2019 alors qu’elle s’y était opposée et lui demandait à nouveau de la ‘laisser tranquille’. Il a poursuivi en s’adressant à elle en la dénommant ‘princesse’, lui a écrit qu’à son arrivée il avait ‘craqué sur (s)a personne’, qu’il a cru qu’elle était ‘l’amour d’une vie et ça n’a pas changé depuis’. Le 26 mars 2019, il lui a demandé d’accepter le cadeau laissé à son bureau en guise de respect’. Il lui a écrit ce même jour en lettres capitales, ‘ puis-je te dire au revoir’.
Ces nombreux messages pendant plus de deux mois caractérisent l’insistance manifestée par M. [N] à l’égard d’une consultante d’une autre société travaillant dans le même openspace, âgée de vingt ans de moins que lui et qui avait clairement indiqué qu’elle souhaitait qu’il cesse de lui envoyer des messages personnels ce qu’il n’a pas respecté. Son instance est devenue harcelante et a nui à l’image de la société qui l’emploie, le comportement de M. [N] ayant eu lieu pendant son temps de travail et avec l’outil informatique mis à sa disposition.
M. [R], salarié de Reply France, auquel Mme [Y] a rapporté ces faits le 26 mars 2019, atteste que celle-ci était extrêmement fragilisée par cette insistance déplacée et qu’elle a, à plusieurs reprises éclaté en sanglots lorsqu’elle lui a relaté les faits.
Seule la mise à pied de M. [N] le 26 mars 2019 a permis de mettre fin à son attitude.
C’est vainement que M. [N] soutient avoir entretenu une relation personnelle d’ordre privé ce qu’il ne démontre nullement.
C’est également de manière inopérante qu’il reproche à son employeur de ne pas avoir diligenté d’enquête, ce dispositif visant à protéger la santé des salariés mais n’étant pas requis de manière obligatoire dans une démarche probatoire.
De même, seuls les faits reprochés au salarié doivent être évoqués lors de l’entretien préalable sans que l’employeur soit tenu de communiquer au salarié les preuves dont il dispose.
Il résulte des éléments soumis à la cour que l’insistance du salarié a contribué à dégrader les conditions de travail de sa collègue de travail, son comportement étant harcelant, et rendait impossible la poursuite du contrat de travail sauf à mettre en danger la santé de la victime. Le licenciement pour faute grave est donc justifié.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [N] de ses demandes indemnitaires.
Sur la demande de dommages-intérêts pour comportement fautif de l’employeur lors de la rupture:
La cour ayant confirmé le jugement ayant jugé que le licenciement pour faute grave de M. [N] était justifié, c’est vainement que le salarié soutient qu’ alors qu’il n’avait pas reçu la moindre observations sur la qualité de son travail, ni sur son comportement, il s’est vu notifier soudainement une mise à pied à titre conservatoire et un licenciement pour faute grave dont le motif de licenciement injustement évoqué a été attentatoire à son honorabilité et à sa probité.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
M. [N] est condamné aux dépens d’appel et au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
CONDAMNE M. [N] à payer à la société Reply France la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [W] [N] aux dépens d’appel
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT