Your cart is currently empty!
8 mars 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
19/08100
AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/08100 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MWZG
[T]
C/
[P]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON
du 24 Octobre 2019
RG : F18/01041
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 08 MARS 2023
APPELANT :
[V] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Agathe LUCOT de la SELARL DNL AVOCATS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Guillaume DUMAS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Philippe PETIT, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
[L] [P]
née le 14 septembre 1955 à [Localité 9] (POLOGNE)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Georges MEYER de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, présidente
Nathalie ROCCI, conseiller
Anne BRUNNER, conseiller
Assistées pendant les débats de Morgane GARCES, greffière
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 08 mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Morgane GARCES, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 15 juin 2005, Mme [L] [P] a été engagée par M. le Député du Rhône, [V] [T], à compter du 1er juillet 2005, en qualité de collaboratrice.
Elle était employée en qualité de cadre, à temps partiel (121,34 heures mensuelles),
percevait une rémunération moyenne de 3 208,47 euros (rémunération de base de 2 262,30 euros) et exerçait ses fonctions au sein de la permanence parlementaire de [Localité 3].
A la suite des élections législatives de juin 2017, M.[T] a perdu son mandat de Député.
Par courrier du 19 juin 2017, il a convoqué Mme [P] à un entretien préalable à son licenciement.
M. [T] a licencié Mme [P] par courrier du 30 juin 2017 en raison de la cessation de son mandat de Député.
Le contrat de travail a pris fin le 31 août 2017 au terme du préavis dont la salariée a été dispensée d’exécution.
Par une requête du 10 avril 2018, Mme [P] a saisi le Conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de voir juger que son licenciement était fondé sur un motif économique, qu’il ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse et de voir M. [T] condamner en conséquence à lui payer les sommes de 38 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 25 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l’absence de proposition et de bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Mme [P] concluait par ailleurs à la violation du principe « à travail égal, salaire égal », et réservait la condamnation à un rappel de salaires pour la période d’avril 2013 à août 2017. Elle sollicitait en outre une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud’hommes s’est déclaré en partage de voix par procès-verbal du 24 mai 2018.
Par jugement avant dire droit en date du 29 janvier 2019, le Conseil de prud’hommes, statuant en formation de départage, a:
– Ordonné à M. [T] d’avoir à produire les contrats de travail et les bulletins de salaire pour la période d’avril 2013 à août 2017 de M. [R] [S], Mme [G] [F] et Mme [Y] [T] ;
– Dit que ces éléments devront être produits au plus tard le 28 février 2019 ;
– Dit n’y avoir lieu à astreinte ;
– Condamné M. [T] à payer à Mme [L] [P] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par un jugement du 24 octobre 2019, le conseil de prud’hommes, statuant en formation de départage a :
– Constaté une inégalité de traitement entre Mme [P] et Mme [Y] [T] durant l’exécution du contrat de travail les liant à M. [T],
– Dit que le licenciement de Mme [P] par M. [T] repose sur une cause réelle et sérieuse,
– Condamné en conséquence M.[T] à verser à Mme [P] les sommes suivantes :
* 48 867,93 euros à titre de rappel de salaires pour la période du mois d’août 2014 au mois d’août 2017,
* 4 886,79 euros au titre des congés payés y afférents,
* 15 950,00 euros à titre de rappel de la prime exceptionnelle pour la période du mois d’août 2014 au mois d’août 2017,
* 1 595,00 euros au titre des congés payés y afférents,
* 3 596,99 euros à titre de rappel de la prime de 13ème mois pour la période du mois d’août 2014 au mois d’août 2017,
* 359,69 euros au titre des congés payés y afférents,
* 5 375,09 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement,
* 5 375,09 euros à titre de rappel d’indemnité supplémentaire de licenciement,
* 1 971,79 euros à titre de majoration d’indemnité supplémentaire de licenciement,
Sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2019, date de l’audience
de départage,
* 3 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte au principe d’égalité de traitement assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,
– Rejeté la demande formée par M. [T] tendant à l’octroi de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté et de confidentialité,
– Ordonné à M.[T] de délivrer à Mme [P] l’ensemble des documents de travail et de rupture, à savoir les bulletins de paie d’août 2014 à août 2017 et une attestation Pôle Emploi, rectifiés conformes à la présente décision, dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente,
– Condamné M. [T] à verser à Mme [P] la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Rejeté la demande de M. [T] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Fixé la moyenne de salaire à la somme de 5 229,04 euros,
– Débouté les parties de plus amples demandes contraires au présent dispositif,
– Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement en application de l’article 515 du code
de procédure civile,
– Condamné M. [T] aux dépens de la présente instance.
La cour est saisie de l’appel interjeté le 25 novembre 2019 par M. [T], enregistré sous le numéro de RG 19/08100 et de l’appel interjeté par Mme [P] le même jour, enregistré sous le numéro de RG 19/08114.
Une ordonnance de jonction a été prise le 27 février 2020, aux termes de laquelle la procédure se poursuit sous le numéro de RG 19/08100.
Saisi par M. [T] d’une demande de suspension de l’exécution provisoire, le premier président de la cour d’appel a rejeté cette demande par ordonnance du 2 mars 2020.
Par conclusions notifiées le 30 novembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [T] demande à la cour de :
A titre principal :
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Constaté une inégalité de traitement entre Mme [P] et Mme [T] durant l’exécution du contrat de travail les liant à M. [T]
– Condamné M. [T] à payer différentes sommes à l’intimée en déboutant Mme [P] de l’ensemble de ses demandes de ce chef, comme non fondées
– Ordonné à M. [T] de délivrer à Mme [P] l’ensemble des documents de travail et de rupture, à savoir les bulletins de paie d’août 2014 à août 2017 et une attestation Pôle Emploi, rectifiés conformes à la présente décision dans le délai de 2 mois à compter de la notification de la présente
– Fixé la moyenne de salaire à la somme de 5 229,04 euros
– Rejeter toutes les demandes formées par Mme[P] à ce titre, comme non fondées
A titre subsidiaire
– Déclarer irrecevable comme prescrite, la demande indemnitaire de Mme [P] portant sur une période antérieure au 31 août 2014, et la rejeter
– Rejeter la demande au titre de rappel de primes exceptionnelles
– Rejeter la demande au titre de rappel de prime d’ancienneté
– Déclarer irrecevable la demande au titre d’un rappel de prime d’ancienneté sur rappels de salaires, comme nouvelle en appel, et la rejeter en tout état de cause comme non fondée
– Juger qu’il n’y a pas lieu de retenir l’écart mensuel de 1 494,72 euros sollicité , celui-ci étant au maximum de 1 385,67 euros, et confirmer le jugement entrepris sur ce point
– Juger qu’il ne peut être retenu un salaire de base de 5 756,16 euros pour le calcul des indemnités de licenciement, supérieur à celui retenu pour Mme [T]
– Tirer toutes conséquences utiles du rejet de certaines demandes adverses sur le salaire de référence et sur les demandes accessoires de Mme [P], étant précisé qu’il s’agit de sommes brutes
2) Sur la demande relative au non-respect de l’obligation de loyauté et de confidentialité :
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté sa demande indemnitaire
– Condamner Mme [P] à lui payer la somme de 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts
3) Sur la demande relative au licenciement :
A titre principal
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse et au défaut de proposition de CSP,
A titre subsidiaire
– Réduire à de plus justes proportions les sommes allouées le cas échéant à la partie adverse tant au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse qu’au titre de l’absence de CSP, ces sommes ne pouvant excéder respectivement 5 000,00 euros et 1 000,00 euros.
4) Sur la demande additionnelle de Mme [P] en dommages et intérêts :
– Débouter Mme [P] de sa demande en dommages et intérêts, comme non fondée
5) Sur la demande relative aux frais irrépétibles de première instance :
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à Mme [P] la somme de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
6) Sur les frais irrépétibles en cause d’appel et les dépens :
– Débouter Mme [P] de sa demande d’indemnité judiciaire en cause d’appel, comme non fondée
– Condamner Mme [P] à payer à M. [T], en cause d’appel, la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Condamner Mme [P] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions notifiées le 19 septembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, Mme [P] demande à la cour de :
– Débouter M. [T] de toutes ses demandes ;
– Confirmer le jugement en ce qu’il a :
– Constaté une inégalité de traitement entre Mme [P] et Mme [Y] [T] durant l’exécution du contrat de travail les liant à M. [T] ;
– Condamné M. [T] à payer à Mme [P] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné M. [T] aux dépens ;
– Débouté M. [T] de l’intégralité de ses demandes ;
– Faire droit à toutes exceptions de procédure, annuler, sinon infirmer ou réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Dit que le licenciement de Mme [L] [P] par M. [T] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– Condamné M. [T] à verser à Mme [P] les sommes suivantes :
* 48 867,93 euros à titre de rappel de salaire pour la période du mois d’août 2014 au mois d’août 2017,
* 4 886,79 euros au titre des congés payés y afférents,
* 15 950,00 euros à titre de rappel de la prime exceptionnelle pour la période du mois d’août 2014 au mois d’août 2017,
* 1 595,00 euros au titre des congés payés y afférents,
* 3 596,99 euros au titre de rappel de la prime de 13ème mois pour la période du mois d’août 2014 au mois d’août 2017,
* 359,69 euros au titre des congés payés y afférents,
* 5 375,09 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement,
* 5 375,09 euros à titre de rappel d’indemnité supplémentaire de licenciement,
* 1 971,79 euros à titre de majoration d’indemnité supplémentaire de licenciement,
– Ordonné à M. [T] de délivrer à Mme [P] l’ensemble des documents de travail et de rupture, à savoir les bulletins de paie d’août 2014 à août 2017 et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformes à la présente décision, dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente,
– Fixé la moyenne de salaire à la somme de 5 229,04 euros,
– Débouté Mme [P] des autres chefs de demandes lesquelles tendaient
* 64 413,32 euros à titre de rappel de salaire de base sur la période d’avril 2013 à août 2017, outre celle de 6 441,33 euros au titre des congés payés afférents,
* 26 400,00 euros à titre de rappel de primes exceptionnelles pour la période d’avril
2013 à août 2017, outre celle de 2 640,00 euros au titre des congés payés afférents,
* 3 745,44 euros à titre de rappel de salaire au titre du rappel de prime d’ancienneté pour la période d’avril 2013 à août 2017, outre celle de 374,54 euros au titre des congés payés afférents,
* 5 140,78 euros à titre de rappel de 13ème mois pour la période d’avril 2013 à août 2017, outre celle de 514,08 euros au titre des congés payés afférents,
* 5 861,53 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement de base,
* 5 861,53 euros à titre de rappel de majoration d’indemnité supplémentaire de licenciement,
* 2 150,23 euros à titre de rappel de majoration de l’indemnité supplémentaire de licenciement
– Condamné M. [T] à payer à Mme [P] :
* 64 890 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi en raison de l’absence de proposition et de bénéfice du CSP.
STATUANT A NOUVEAU :
– Condamner M. [T] à lui payer les sommes suivantes :
* 63 018,60 euros à titre de rappel de salaire de base pour la période d’avril 2013 à août 2017, outre 6 301,86 euros au titre des congés payés afférents,
* 14 530,77 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté sur le rappel du salaire de base, outre 1 453,08 euros au titre des congés payés afférents ;
* 26 400,00 euros à titre de rappel de primes exceptionnelles pour la période d’avril 2013 à août 2017, outre 2 640,00 euros au titre des congés payés afférents,
* 3 676,08 euros à titre de rappel de salaire au titre du rappel de prime d’ancienneté pour la
période d’avril 2013 à août 2017, outre 367,61 euros au titre des congés payés afférents,
* 5 072,98 euros à titre de rappel de 13 ème mois pour la période d’avril 2013 à août 2017, outre 507,30 euros au titre des congés payés afférents,
* 6 812,02 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement de base,
* 6 812,02 euros à titre de rappel d’indemnité supplémentaire de licenciement,
* 2 498,91 euros à titre de rappel de majoration de l’indemnité supplémentaire de licenciement,
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du principe d’égalité de traitement et discrimination ;
– Ordonner à M. [T] d’avoir à établir et lui transmettre un bulletin de salaire rectificatif par mois pour la période d’avril 2013 à août 2017, comprenant les rappels de salaire susvisés, et une attestation Pôle Emploi rectifiée ;
– Juger que son licenciement doit être qualifié de licenciement pour motif économique ;
– Juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;
– Condamner en conséquence M. [T] à lui payer les sommes suivantes :
* 64 890 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de l’absence de proposition et de bénéfice du CSP ;
– Condamner M. [T] à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et retard dans la délivrance de l’attestation Pôle Emploi rectifiée ;
– Condamner M. [T] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner M. [T] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.
MOTIFS
– Sur le principe : ‘ à travail égal, salaire égal’ et la discrimination :
Le principe ‘à travail égal, salaire égal’ consacré par la jurisprudence, a ensuite été remplacé par le principe d’égalité de traitement, qui permet de prendre en compte d’autres avantages que le salaire dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.
Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, et il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.
Mme [P] expose que M. [T] a employé, au cours de ses différents mandats, plusieurs salariés pour sa permanence à [Localité 3], dont, en dernier lieu et simultanément son épouse Mme [Y] [T] et elle-même.
Mme [P] soutient que les bulletins de salaire versés aux débats ont fait apparaître une importante différence de rémunérations, entre Mme [T] et elle, différence nullement justifiée dés lors qu’elles exerçaient toutes deux des fonctions de même nature.
Mme [P] expose que ses bulletins de salaires et ceux de Mme [T] portent la même mention de « collaborateur de député » et que les deux contrats de travail ne comportent aucune distinction, pas plus qu’ils ne prévoient les fonctions exercées, étant précisé que les fonctions d’assistant ou de collaborateur, ne sont pas définies légalement ou par l’Assemblée Nationale, mais renvoient, de fait, davantage à un statut.
Elle conclut que Mme [Y] [T] ayant été présentée comme «collaboratrice parlementaire », au même titre qu’elle-même, il convient de présumer l’existence de fonctions identiques ou de même nature, nécessitant le respect du principe d’égalité de rémunérations, sauf pour M. [T] à démontrer l’existence de fonctions différentes, insusceptibles de comparaison.
Mme [P] fait valoir qu’elle est titulaire d’un DEA de l’université [6] et qu’elle est avocate de profession ; qu’elle est parfaitement bilingue français/anglais, et maîtrise en outre le polonais (native) et le russe, tandis que Mme [T] ne justifie d’aucun diplôme et d’une expérience professionnelle limitée à son travail de collaboratrice parlementaire de son époux de 2003 à 2017.
Mme [P] conclut qu’aucun élément ne laisse présumer que Mme [T] exerçait des fonctions d’un niveau supérieur aux siennes (justifiées par exemple par une formation ou des compétences particulières) et souligne qu’elle était employée au statut cadre, tandis que Mme [T] était non-cadre, ce qui laisse supposer qu’elle exerçait des fonctions de niveau supérieur à celles de Mme [T].
Concernant les missions dévolues à une collaboratrice de député, Mme [P] expose qu’elle était notamment chargée des missions suivantes :
– Support au travail législatif (étude et rédaction de propositions de loi, d’amendements, de questions écrites (169 revendiquées par M. [T] au cours de la dernière législature), suivi de la rédaction des rapports parlementaires auprès des conseillers du groupe parlementaire ;
– Réception des administrés au quotidien en cas d’absence ou d’indisponibilité du Député (normalement présent à l’Assemblée Nationale une partie importante de la semaine) et traitement de l’ensemble de leurs doléances (interventions écrites auprès de l’administration, ministères instances territoriales, médiateur etc., suivi des saisines) ; Dans son bilan de mandat 2012-2017, M. [T] indique avoir traité 5 000 courriers et 150 000 courriels.
– Préparation des interventions du député (rédaction d’allocutions, préparation des débats et conférences sur l’actualité législative (travail à temps partagé, lois bioéthique, transition énergétique, mariage pour tous, etc’) ;
– Préparation des rendez-vous du député à sa permanence et nombreux rendez-vous assumés par elle seule, étant souligné que M. [T] revendique 1 700 rendez-vous à sa permanence et visites de terrain pendant son dernier mandat ;
– Rédaction des comptes-rendus de mandat ;
– Communication et relations institutionnelles de proximité (communes, préfecture, conseil départemental) et médias (presse, TV) sur les dossiers traités ou les questions d’actualité ;
– Suivi des dossiers d’intérêt local (infrastructures, évènements locaux) et participation occasionnelle aux réunions institutionnelles à la Préfecture du Rhône ;
– Relations avec les interlocuteurs institutionnels français et étrangers (consulats, ambassades, ministères) ;
– Gestion des subventions dans le cadre de la réserve parlementaire ;
– Rédaction des demandes de distinctions honorifiques/ gestion et suivi des dossiers en cours.
Mme [P] reproche à M. [T] d’attribuer l’essentiel de ces fonctions à son épouse sans en justifier et produit des attestations dont il résulte que les interventions de Mme [T] étaient limitées au champ militant et « logistique », en sa qualité d’épouse, comme apporter le courrier ou encore des boissons et des victuailles à l’occasion de buffets.
Elle soutient encore qu’elle et Mme [F] étaient les seules à renseigner le cahier tenu à la permanence.
Mme [P] invoque les nombreux courriels objet de la pièce n°7 de M. [T] lesquels, selon elle, ne démontrent aucune action, aucun travail accomplis par Mme [T] en lien avec celui du mandat de député ou à tout le moins une grande confusion entre les différents mandats de M. [T] et avec ses fonctions purement politiques de responsable d’un parti.
Elle ajoute que les seules fonctions réellement identifiables de Mme [T] en sa qualité de collaborateur/assistant parlementaire concernent :
– l’alimentation du site internet et de la page facebook de M. [T],
– sa qualité d’ intermédiaire entre Mme [P] et M. [T] lorsqu’elle avait besoin de lui faire passer un message.
M. [T] soutient au contraire que son épouse et Mme [P] avaient des fonctions et des missions totalement différentes même si elles étaient toutes les deux des collaboratrices parlementaires, qu’elles n’étaient pas placées dans une situation identique et que Mme [P] n’était pas en charge de l’ensemble des missions dévolues à une collaboratrice de député.
M. [T] conteste la valeur probante des pièces sur lesquelles Mme [P] fonde sa demande et souligne que le juge de première instance s’est appuyé à tort sur un extrait du cahier tenu à la permanence, versé aux débats par l’intimée alors qu’il s’agit d’un document contenant des informations nominatives et des coordonnées personnelles, de sorte que sa production en justice constitue non seulement une atteinte à la vie privée des personnes mentionnées dans ce document, mais aussi un manquement aux directives du député de détruire ces cahiers de liaison au fur et à mesure, ainsi qu’un manquement à l’obligation de discrétion à laquelle Mme [P] était tenue.
M. [T] soutient que Mme [P] a été dans l’incapacité de produire des justificatifs des nombreuses tâches qualifiées qu’elle invoque concernant les propositions de loi, les rapports parlementaires, les compte-rendus de mandat, la communication et les relations institutionnelles, les échanges dans le cadre de la commission des affaires étrangères. Il soutient au contraire qu’elle n’intervenait que très exceptionnellement dans ces domaines, dans les proportions suivantes :
– les questions écrites : une moyenne de 2, 5 questions écrites par mois ;
– les propositions de lois : une seule en cinq ans ;
– les rapports parlementaires : aucune responsabilité en la matière, ces rapports étant rédigés par M. [T] et Mme [T] et le secrétariat de la commission des affaires étrangères ;
– la réception des administrés : cette tâche était essentiellement dévolue à M. [T] et Mme administrés était partagé entre les trois collaboratrices parlementaires et la boite courriel [Courriel 7] était exclusivement gérée par Mme [T] ;
– les relations avec les interlocuteurs institutionnels locaux et étranger étaient assurées par M. [T] ;
– la communication avec la presse et les institutions de proximité étaient assurées par Mme [T] et M. [T] ;
– la préparation des conférences et débats était assurée par Mme [T] et lui-même.
M. [T] ajoute que son épouse avait des missions nombreuses, variées et sensibles telles que :
– la coordination de l’agenda Mairie/Député
– la gestion des courriels envoyés directement au député
– la revue de presse quotidienne des communes de la circonscription
– l’organisation des manifestations semaines et week-end
– les photos
– la communication
– les contacts avec les responsables politiques et militants, les relations avec les associations
– les analyses électorales et la stratégie politique
– le suivi des sondages
– la gestion des rendez-vous et des réunions politiques à [Localité 5]
– le suivi et la préparation des réunions en commissions et groupes d’amitié
– la préparation des missions à l’étranger
– la fonction de community manager : gestion du site internet et des réseaux sociaux Facebook, Twitter
– la veille numérique
– la gestion du CRM ( logiciel de gestion des contacts ‘maximizer’)
– la co-gestion des ressources humaines avec le député.
M. [T] conclut que la disparité matérielle et objective des fonctions exercées par Mme [T] et par Mme [P] est avérée et qu’elle est de nature à justifier une différence de traitement entre ces deux collaboratrices.
****
Le premier juge, au terme de ses constatations, a objectivé que :
– Mme [T] a bénéficié d’une rémunération initiale plus élevée à hauteur de 1 500 euros que Mme [P], engagée deux années plus tard et ce pour une durée de travail initialement identique ;
– travaillant à hauteur de 113,75 heures mensuelles, Mme [T] percevait, lors de la rupture de la relation contractuelle un salaire au taux horaire de 30,02 euros contre un taux horaire de 18,42 euros pour 121,34 heures mensuelles pour Mme [P] ;
– Mme [T] a donc perçu une rémunération de base de 62% supérieure à celle de Mme [P] en 2017 ;
– seule Mme [T], à l’exception des autres collaborateurs, a perçu des primes exceptionnelles à hauteur de :
* 5 650 euros pour l’année 2013
* 7 900 euros pour l’année 2014
* 6 600 euros pour l’année 2015
* 6 250 euros pour l’année 2016.
M. [T] n’a pas critiqué l’analyse chiffrée de la différence de traitement entre Mme [T] et Mme [P].
Il appartient par conséquent à la cour de dire si cette différence de traitement est justifiée par les missions respectives des deux collaboratrices et dans la négative, de dire si cette différence de traitement relève d’une discrimination en raison de la situation de famille.
M. [T] soutient que Mme [P] n’intervenait pas ou que très exceptionnellement dans les fonctions relatives au travail législatif (questions écrites, propositions de lois, rapports parlementaires). Or, celle-ci verse aux débats une note établie par ses soins comportant des éléments juridiques destinés à la réunion publique de mi-mandat du député pour l’année 2009, ainsi qu’une note de dix pages intitulée ‘Mesures anti-crise Eléments pour la conférence’ qui constituent des documents techniques de support pour les interventions publiques de M. [T].
La cour observe d’une part que si M. [T] affirme que la préparation des conférences et débats était assurée par Mme [T] et lui-même, il ne produit aucun support écrit rédigé par Mme [T] à cette fin, d’autre part, que Mme [P] présente un niveau de diplôme et d’expérience professionnelle lui conférant une compétence juridique dés lors qu’elle est titulaire d’une licence de droit privé, d’une maîtrise et d’un DEA de droit des affaires, qu’elle a exercé la profession d’avocat au barreau de Paris, puis de juriste d’entreprise de février 2000 à juin 2003 pour une société côtée en bourse avant d’être embauchée comme attachée parlementaire en juillet 2005, tandis que M. [T] ne justifie d’aucun diplôme obtenu par son épouse.
La remise en cause du travail législatif de Mme [P] est par ailleurs en contradiction avec les propres déclarations de M. [T] dans le cadre d’une enquête France Info parue en novembre 2017 selon lesquelles :
‘L’une de mes assistantes parlementaires est juriste de formation. Elle est plus qualifiée sur ces sujets. C’est elle qui s’occupe du travail législatif. Je ne suis pas quelqu’un qui légifère beaucoup, parce que j’ai choisi les affaires internationales’. A propos d’un rapport sur la côte d’Ivoire remis le 15 février, M. [T] indiquait : ‘D’ailleurs, ma femme a réorganisé mes notes.’
En ce qui concerne les relations avec les administrés, Mme [P] produit en pièce n°29 un extrait du cahier tenu à la permanence pour la période de septembre 2014 à septembre 2015, lequel n’est protégé par aucun secret empêchant sa production en justice. Mme [P] souligne que la mention de son prénom apparaît souvent en marge de ce document, mais cet élément ne permet de tirer aucune conclusion quant à son travail auprès des administrés.
En revanche, l’attestation de M. [S], chauffeur et collaborateur du député [T], qui indique qu’il passait très souvent, parfois plusieurs fois par semaine à la permanence pour déposer divers documents ou matériels ou pour venir chercher des courriers préparés par Mme [P] à la signature de M. [T], va dans le sens d’une présence soutenue de Mme [P] à la permanence du député. Ainsi, M. [S] indique :
‘ A la permanence, il y avait que les deux collaboratrices, Mme [F] qui s’occupait de l’accueil téléphonique et la réception du public de l’agenda du député et de la logistique et Mme [P] elle s’occupait du travail législatif du traitement des demandes adressées au député lorsqu’il était absent ou bien indisponible c’est elle qui recevait les personnes qui sollicitaient le député. J’ai pu constater qu’elle s’occupait aussi de préparer toutes les manifestations organisées par le député, notamment des débats sur différents sujets d’actualité législative.(…)’.
La lecture des attestations versées aux débats par M. [T] en pièce n°14, dont il ressort que Mme [T] avait la gestion des aspects politiques, qu’elle était disponible et donnait des rendez-vous à la permanence à des horaires décalés (entre midi et 14 h ou après 20 h), qu’elle s’occupait de la logistique des réunions politiques, qu’elle participait à tous les événements et était joignable y compris le week-end, ne sont pas en contradiction avec les éléments produits par Mme [P] sur sa présence à la permanence du député.
S’agissant des relations avec la presse, Mme [P] apparaît mentionnée en qualité de ‘contact presse’ au bas d’un communiqué publié le 19 mai 2009 par M. [T] et M. [A] au sujet de la construction du pôle régional de gendarmerie de [Localité 8], et la cour observe que M. [T] n’apporte, dans le débat, aucun élément contraire permettant d’affirmer que cette mission particulière n’était pas confiée à Mme [P].
Enfin, Mme [T] qui a pu s’exprimer au cours de l’enquête de France Info sur son rôle en sa qualité d’assistante parlementaire de son mari, n’ a, à aucun moment, mis en avant sa fonction à l’égard des administrés ou de la presse, se définissant dans les termes suivants :
‘ Je ne suis pas une collaboratrice classique, je suis comme la femme du boulanger ou la femme du boucher. Car nous avons une proximité que les autres n’ont pas. Et une complémentarité : lui c’est moi et moi c’est lui.’ ou encore’ : ‘Je suis plus l’assistante de [V] [T] mon mari que l’assistante de [V] [T] le député.
Il résulte de ces éléments que M. [T] ne démontre pas que Mme [P] aurait eu moins de responsabilités ou de missions que Mme [T], ni que Mme [T] aurait rempli une fonction justifiant un salaire plus élevé que celui de Mme [P], de sorte que ces deux collaboratrices pouvaient prétendre au même traitement salarial et que le principe ‘ A travail égal, salaire égal’ que tout employeur est tenu d’assurer pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, n’a pas été respecté par M. [T].
M. [T] n’est en outre pas en mesure de justifier la différence de salaire observée, ni par le niveau de diplôme, ni par l’expérience professionnelle de ses collaboratrices, Mme [P] ayant sur ces points, une expertise supérieure à celle de Mme [T].
Mme [P] invoque en même temps la violation du principe d’égalité de traitement et une discrimination en raison de la situation familiale. Il est constant que si ces deux concepts sont proches, une différence de traitement entre salariés ne constitue pas nécessairement une discrimination illicite au sens de l’article L 1132-1 du Code du travail.
L’article L 1132-1 du code du travail énonce qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement (…), aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire( …), notamment en matière de rémunération (…) en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de sa situation de famille (…).
Le premier juge a jugé que le critère de la situation de famille s’applique à la personne qui se dit victime de discrimination et non à l’employeur et qu’une interprétation divergente de cette disposition impliquerait d’en détourner le sens et la lettre.
Mais, il résulte des débats que M. [T] justifie la différence de traitement entre ses deux collaboratrices par le caractère plus politique des fonctions de son épouse, fonctions qu’il définit comme ‘nombreuses, variées et sensibles, et exigeant une disponibilité et une confidentialité totales’. Il s’en déduit que M. [T] fait reposer la garantie de disponibilité et de confidentialité sur la seule qualité d’épouse de sa seconde collaboratrice, et que c’est donc par un critère familial, en l’espèce, celui de ne pas appartenir à son cercle familial, qu’il justifie la différence de traitement.
Il en résulte que le non respect du principe ‘à travail égal, salaire égal’ caractérise en l’espèce une différence de traitement prohibée car rattachée à l’un des critères visés par l’article L 1132-1 du code du travail, étant précisé que l’expression ‘sa situation de famille’ peut se définir par des critères qui sont propres à la personne discriminée, mais aussi par comparaison à d’autres situations de famille prises en compte au détriment de la personne discriminée.
Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu’il a constaté une inégalité de traitement entre Mme [P] et Mme [T] durant l’exécution du contrat de travail les liant à M. [T] et infirmé en ce qu’il a jugé qu’il n’y avait pas de situation de discrimination.
Le jugement déféré est également confirmé en ce qu’il a condamné M. [T] à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation de ce principe. Mme [P] sera en conséquence déboutée de sa demande pur le surplus.
– Sur la demande de rappel de salaires :
Compte tenu des développements ci-avant, la prescription applicable à la demande de Mme [P] est la prescription quinquennale de l’article L 1134-5 du code du travail qui énonce que l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.
Mme [P] produit en pièce n°27 le tableau des calculs relatifs à sa demande de rappel de salaires pour la période d’avril 2013 à juillet 2017 et demande en conséquence les sommes suivantes :
* 63 018,60 euros de rappel de salaire de base
* 6 301,86 euros de congés payés afférents
* 26 400,00 euros de rappel de primes exceptionnelles
* 2 640,00 euros de congés payés afférents
* 14 530,77 euros à titre de rappel d’ancienneté sur la différence mensuelle
* 1 453,08 euros de congés payés afférents
* 3 676,08 euros de rappel de prime d’ancienneté
* 367,61 euros de congés payés afférents
* 5 072,98 euros au titre de l’incidence sur le 13ème mois
* 507,30 euros de congés payés afférents.
Mme [P] sollicite d’une part un rappel de prime d’ancienneté pour la période d’avril 2013 à août 2017 d’un montant de 3 676,08 euros, outre les congés payés afférents.
D’autre part, elle ajoute à sa demande initiale, formulée en première instance ,une demande relative au rappel d’ancienneté calculé sur l’écart mensuel de rémunération entre Mme [T] et Mme [P].
Mme [P] se prévaut d’une disposition du statut des collaborateurs parlementaires selon laquelle, depuis le 1er janvier 2006, ceux-ci bénéficient, à compter de deux ans d’ancienneté, d’une prime d’ancienneté égale à 5% du salaire de base et revalorisée de 5% tous les deux ans, dans la limite de 16 ans d’ancienneté.
M. [T] soutient que :
– la demande de rappel de prime exceptionnelle n’est pas fondée dés lors qu’il a accordé cette prime à Mme [T] en vertu de son pouvoir discrétionnaire et compte tenu de la disponibilité totale de cette dernière, au contraire de Mme [P] ;
– la prime d’ancienneté des collaborateurs parlementaires a été créée par arrêté des Questeurs du 11 juillet 2005, pour une prise d’effet au 1er janvier 2006. Cet arrêté prévoyait également la prise en compte de l’ancienneté acquise pour la période allant du 12 juin 1997 au 31 décembre 2005, pour les collaborateurs ayant acquis au moins 2 ans d’ancienneté au cours de cette période ;
– Mme [T] remplissait parfaitement les conditions prévues par cet arrêté pour bénéficier d’un rappel de prime d’ancienneté (ayant été embauchée à compter du 15 février 2003) ;
– en revanche, la partie adverse, si elle a régulièrement acquis un droit à une prime d’ancienneté à compter du 1er janvier 2006 dans les conditions fixées par l’arrêté du Questeur susvisé, ne peut aucunement prétendre à ce rappel de prime d’ancienneté, dans la mesure où elle n’avait pas acquis 2 ans d’ancienneté au cours de la période 12 juin 1997/31 décembre 2005, ayant été embauchée le 15 juin 2005 ;
– s’agissant du rappel de prime d’ancienneté sur le rappel de salaires, cette demande est irrecevable, comme nouvelle en appel, n’ayant pas été soumise au juge de 1ère instance.
Le premier juge a considéré que Mme [P] ne peut prétendre à un rappel de prime d’ancienneté dés lors que cette prime a été établie par arrêté de juin 2005, qu’elle est réservée aux collaborateur titulaires d’un contrat de travail et comptant au moins deux ans d’ancienneté acquise durant la période de juin 1997 à décembre 2005 et que Mme [P] qui a été embauchée en juin 2005 n’a donc pas acquis l’ancienneté requise pour en bénéficier.
****
S’agissant de la prime exceptionnelle, il résulte des développements ci-avant que la différence de disponibilité entre les deux collaboratrices n’est pas justifiée par des éléments objectifs et que la demande de rappel de prime est justifiée par application du principe ‘ à travail égal, salaire égal’.
S’agissant de la prime d’ancienneté, il est constant que les bulletins de salaire de Mme [P] mentionnent le versement d’une prime d’ancienneté depuis le 1e juillet 2007, ce qui correspond à l’acquisition d’une ancienneté de deux années dans l’emploi de collaboratrice de M. [T].
Mme [P] s’appuie en outre sur une fiche de synthèse relative au statut des collaborateurs parlementaires diffusée sur le site de l’assemblée nationale dont il ressort que depuis le 1er janvier 2006, à compter de deux ans d’ancienneté, la prime d’ancienneté est égale à 5% du salaire de base et revalorisée de 5% tous les deux ans dans la limite de 16 ans d’ancienneté.
Dés lors, en procédant à un calcul de rappel par application du taux de 20% du salaire de base de juillet 2013 à juin 2015 ( soit 5% tous les deux ans entre juillet 2007 et juillet 2013), du taux de 25% de juillet 2015 à juillet 2017 et du taux de 30% de juillet 2017 à août 2017, Mme [P] a fait une juste application des dispositions du statut applicable aux collaborateurs parlementaires pour le calcul de la prime d’ancienneté et cette demande est recevable car complémentaire de la demande initiale au sens de l’article 566 du code de procédure civile.
Il convient d’infirmer le jugement sur le montant des condamnations prononcées et de condamner M. [T] à payer à Mme [P], à titre de rappel de salaires, les sommes qui seront mentionnées au dispositif ci-après.
– Sur les rappels au titre des indemnités de rupture :
Mme [P] demande la condamnation de M. [T] à lui payer les sommes suivantes :
* 6 812, 02 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement,
* 6 812, 02 euros à titre de rappel d’indemnité supplémentaire de licenciement,
* 2 498, 91 euros à titre de majoration d’indemnité supplémentaire de licenciement.
Elle expose que sa rémunération moyenne était de 3 208,47 euros et qu’il convient d’y ajouter la somme de 2 547,69 euros se décomposant comme suit :
* 1 494,72 euros correspondant à l’écart sur le salaire de base
* 1/12ème des 6 250 euros de primes exceptionnelles des mois de septembre et décembre 2016, soit 520,83 euros
* 348,68 euros au titre de la prime d’ancienneté
* 69,36 euros correspondant au rappel de prime d’ancienneté
* 1/12ème du rappel au titre du 13ème mois, soit 114,07 euros.
M. [T] conteste les bases de calcul du salaire de référence retenu par Mme [P] , soit un écart mensuel de 1 494,72 euros. Il soutient qu’au vu du propre tableau établi par celle-ci en pièce n°27, cet écart est de 1 394,72 euros pour la période de février 2017 à août 2017 (7 mois), et de 1 372,99 euros pour la période de septembre 2016 à février 2017 (5 mois), soit un écart moyen de 1 385,67 euros.
****
Conformément aux montants mentionnés dans le tableau de la pièce n°27, la moyenne des écarts mensuels des douze derniers mois à retenir est de 1 385,67 euros.
Le salaire de référence s’établit donc à 5 647,98 euros se décomposant comme suit :
3 208,47 euros + (1 385,67 + 520,83 + 348,68 + 69,36 + 114,97).
Le différentiel est donc de 5 647,98 – 3 257,25 euros ( = salaire de référence sur le solde de tout compte), soit : 2 390, 73 euros.
M. [T] sera en conséquence condamné à payer à Mme [P] les sommes suivantes :
* 6 517,13 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement (2 390,73 euros x 2,726 ( = coefficient multiplicateur de référence)
* 6 517,13 euros à titre de rappel d’indemnité supplémentaire de licenciement
* 2 390,73 euros à titre de majoration de l’indemnité supplémentaire de licenciement.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu un écart moyen mensuel sur les douze derniers mois de salaires de 1 385,67 euros conformément à la demande de M. [T] et sera infirmé sur son calcul qui exclut les rappels de prime d’ancienneté du salaire de référence.
– Sur la demande de M. [T] au titre du manquement à l’obligation de loyauté :
M. [T] soutient que Mme [P] a, particulièrement au cours de l’année 2017, gravement manqué à son obligation de loyauté et de discrétion, en :
– dénigrant publiquement et à de nombreuses reprises son employeur,
– se rapprochant ouvertement de l’adversaire politique de son employeur pendant la campagne des législatives de 2017,
– mettant en cause l’intégrité de son employeur, se rapprochant de l’équipe adverse dès avant la fin de la campagne des législatives 2017, et en ne s’impliquant pas dans son travail à la permanence et dans la campagne dès début 2017,
– ayant conservé en sa possession, de manière illicite ou à tout le moins irrégulière, des documents strictement confidentiels, contenant des informations nominatives et des coordonnées personnelles, ce qui constitue une atteinte à la vie privée des personnes mentionnées dans ce document.
Mme [P] fait valoir en réponse que :
– n’ayant pas, à la différence de Mme [T], de fonction politique, sa liberté d’opinion était totale ;
– si elle a effectivement participé à une campagne politique en qualité de sympathisante du mouvement ‘En marche’, il s’agissait des élections européennes de 2019, période postérieure à la fin du mandat du député ;
– le dénigrement invoqué par M. [T] résulte d’un message échangé dans un cadre strictement privé en mai 2019 entre Mme [P] et l’une de ses connaissances et constitue une violation du secret des correspondances ;
– les nouvelles attestations produites en cause d’appel rapportent, sans plus de précision, ni de détail et de manière subjective, son comportement prétendument peu impliqué dans le travail à la permanence ;
– certains témoins qui attestent pour la seconde fois (Mme [W], Mme [C], Mme [K]), font en revanche état, pour la première fois de son attitude peu motivée ou du dénigrement politique.
****
M. [T] s’appuie sur une attestation de son mandataire financier, M. [N] [E], selon qui Mme [P], avait, avant même la fin de son contrat de travail, pris l’attache de l’adversaire politique de son employeur.
M. [E] expose que le 18 juin 2017, il était assesseur au bureau de vote n°2 du groupe scolaire [4] à [Localité 3] et qu’il a rencontré lors d’une pause, le suppléant de la candidate LREM, [I] [H], en la personne de [V] [J]. Il aurait à l’occasion d’une conversation avec ce dernier, appris que Mme [P] avait tenté récemment de joindre M. [J].
Il s’agit d’un témoignage indirect sans aucune indication objective ni sur la réalité de cette tentative de prise de contact, ni sur son objet, de sorte que c’est par une juste appréciation que le premier juge a considéré ce témoignage comme non probant.
De même, ni les photographies non datées relatives à la présence de Mme [P] à des réunions du partie LREM, ni le soutien apporté par Mme [P] à Mme [H], même en janvier 2018, à l’occasion des voeux de cette dernière, ne démontrent l’existence d’un quelconque dénigrement à l’encontre de M. [T].
Enfin, s’agissant du SMS adressé par [P] à Mme [W] le 27 mars 2019, il s’agit d’une communication privée et sa production en justice par M. [T], porte atteinte au principe du respect à la vie privée, sans justification de la nécessaire protection d’un intérêt supérieur.
Enfin, les témoignages de M. [B], conseiller municipal, de Mme [U], de Mme [K] et de M. [X] sur ‘le comportement de médisance et de manque de loyauté de la part de Mme [P]’, sur son ‘manque de sérieux et d’implication ‘, sa véhémence à l’encontre de M. [V] [T] et de son épouse, sa critique de ‘l’engagement politique de parlementaire du député [T]’ avec pour Mme [K] une référence à ce qu’elle a pu lire dans la presse, constituent des témoignages non circonstanciés, dépourvus de toute référence datée et particulièrement subjectifs.
Au terme des débats, il ne résulte pas des éléments et témoignages produits par M. [T] que Mme [P] aurait manqué de loyauté au cours de l’exécution du contrat de travail en le dénigrant ouvertement ni en soutenant son adversaire politique.
Le jugement déféré est par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté M. [T] de sa demande au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.
– Sur le licenciement :
Mme [P] entend faire juger que son licenciement consécutif à la cessation du mandat de député de M. [T] aurait dû être qualifié de licenciement économique dès lors qu’il ne peut être inhérent à sa personne, conformément aux dispositions de l’article L1233-3 du code du travail.
Elle soutient en effet que le licenciement qui n’est pas inhérent à la personne du salarié, est nécessairement qualifié d’économique, indépendamment de la cause justificative, selon la
distinction opérée par la doctrine.
Elle considère que le député doit être considéré comme un employeur de droit commun en s’appuyant d’une part sur une fiche de synthèse relative aux collaborateurs du député, publiée sur le site de l’assemblée nationale, d’autre part sur une jurisprudence ancienne relative à l’existence d’un motif économique autonome caractérisé par la cessation d’activité.
Mme [P] [P] demande en conséquence la condamnation de M. [T] à lui payer les sommes suivantes :
* 64 890 euros, correspondant à 12 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
* 10 000 euros en réparation du préjudice spécifique résultant de la privation du bénéfice du dispositif d’accompagnement spécifique dédié par Pôle Emploi dans le cadre du Contrat de Sécurisation Professionnel.
M.[T] s’oppose à cette demande en exposant que les dispositions du code du travail relatives au contrôle des licenciements pour motif économique ne s’appliquent pas à un assistant parlementaire.
Il s’appuie sur un arrêt de la Cour de Cassation en date du 20 octobre 1988, ainsi que sur la position du garde des sceaux à l’occasion de l’examen du projet de loi pour la confiance dans la vie publique qui a considéré que le parlementaire employeur n’est pas une entreprise comme les autres.
Il s’appuie enfin sur un courrier du Questeur de l’Assemblée Nationale en date du 26 mars 2019 qui rappelle que le motif du licenciement est bien la cessation du mandat du Député et, cette cause de rupture du contrat de travail étant d’ailleurs expressément prévue dans les contrats de travail.
M. [T] fait enfin observer que Mme [P] a perçu, en sus de l’indemnité légale de licenciement, des indemnités complémentaires suite à son licenciement, pour justement compenser la perte de l’emploi ensuite de la perte du mandat de député.
****
Le premier juge a constaté que :
– la fin du mandat de député a mis fin aux fonctions de Mme [P] conformément au motif expressément prévu par son contrat de travail dans les termes suivants :
‘ Les parties reconnaissent expressément que la cessation, pour quelque motif que ce soit, du mandat de député employeur, constitue une juste cause de résiliation du contrat…’;
– M. [T] en sa qualité d’employeur ne saurait être qualifié d’entreprise au sens des dispositions relatives au licenciement économique ;
– la fin du mandat de député ne saurait être considérée comme ‘des difficultés économiques ‘ au sens de l’article L. 1233-3 du code du travail ;
– cette analyse a été confortée par l’article 19 de la loi n°2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie publique, lequel prévoit que ‘la cessation du mandat du parlementaire constitue un motif spécifique de licenciement du collaborateur reposant sur une cause réelle et sérieuse’ ;
Il en résulte que le licenciement du collaborateur parlementaire à la suite de la perte de son mandat par son employeur député, constitue un licenciement sui generis qui ne relève pas des dispositions relatives au licenciement économique.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme [P] de sa demande d’indemnisation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages-intérêt au motif de l’absence de proposition de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle.
– Sur la demande de dommages-intérêts pour transmission tardive de l’attestation Pôle Emploi rectifiée :
Mme [P] expose que M. [T] n’a délivré l’attestation Pôle Emploi, après relances, que le 12 juillet 2021 et que cette résistance abusive et fautive a occasionné un retard de près d’un an et demi dans le re-calcul du montant de l’ARE, ce qui ne lui a pas permis de bénéficier d’une indemnisation pleine et entière.
M.[T] soutient que:
– la gestion des contrats de collaborateurs parlementaires était une gestion déléguée aux Services de la Questure de l’Assemblée Nationale, Services qui avaient donc la charge d’établir tous documents pendant l’exécution du contrat de travail et après la rupture du contrat de travail ;
– il a sollicité les Services de l’Assemblée afin qu’il soit établi une attestation Pôle Emploi rectificative, conforme aux termes du jugement entrepris, téléphoniquement et par courriel ;
– si dans un premier temps, les Services de l’Assemblée n’ont pas fait droit à sa demande en ne communiquant pas l’attestation rectifiée, cependant, suite à une itérative demande de sa part, cette attestation rectifiée a bien été établie par les Services de l’Assemblée et transmise à Mme [P].
****
L’article R 1234-9 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, énonce que l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle Emploi. (…)
Il est constant que le manque de diligence dans la délivrance de l’attestation Pôle Emploi constitue une faute au titre de laquelle le salarié qui justifie d’un préjudice peut demander réparation.
Le premier échange avec les services de la gestion financière de l’assemblée nationale dont justifie M. [T], est daté de septembre 2020, soit près d’une année après le jugement déféré et l’attestation d’employeur destinée à Pôle Emploi est datée du 9 juillet 2021 et fait suite à un courriel officiel de Maître [M] du 28 juin 2021 réclamant ce document et menaçant d’une exécution forcée.
Mme [P] produit en outre un courrier que lui a adressé Pôle Emploi le 13 juillet 2021 confirmant que sans l’attestation rectifiée de son employeur, il ne pouvait être procédé à la régularisation de son dossier.
La transmission tardive de l’attestation rectifiée est par conséquent avérée et Mme [P] justifie d’un préjudice qui sera réparé par l’allocation de la somme de 1 000 euros sollicitée.
– Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de M. [T] les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à Mme [P] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [T], partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile sera condamné aux dépens d’appel.
L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :
– condamné M. [T] à payer à Mme [P] une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l’inégalité de traitement
– dit que le licenciement de Mme [P] par M. [T] repose sur une cause réelle et sérieuse et rejeté les demandes pécuniaires consécutives à la rupture
– rejeté la demande reconventionnelle de M. [T] tendant à l’octroi de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté et de confidentialité
CONFIRME le jugement déféré sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
INFIRME le jugement déféré pour le surplus
STATUANT à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE M. [T] à payer à Mme [P] les sommes suivantes :
* 63 018,60 euros de rappel de salaire de base
* 6 301,86 euros de congés payés afférents
* 26 400 euros de rappel de primes exceptionnelles
* 2 640 euros de congés payés afférents
* 14 530,77 euros à titre de rappel d’ancienneté sur la différence mensuelle
* 1 453, 08 euros de congés payés afférents
* 3 676,08 euros de rappel de prime d’ancienneté
* 367,61 euros de congés payés afférents
* 5 072,98 euros au titre de l’incidence sur le 13ème mois
* 507,30 euros de congés payés afférents.
* 6 517,13 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement
* 6 517,13 euros à titre de rappel d’indemnité supplémentaire de licenciement
* 2 390,73 euros à titre de majoration de l’indemnité supplémentaire de licenciement.
* 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la délivrance tardive de l’attestation employeur rectificative
ORDONNE à M. [T] de remettre à Mme [P] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,
CONDAMNE M. [T] à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,
CONDAMNE M. [T] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE