Secret des correspondances : 6 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11647

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Secret des correspondances : 6 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11647
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6 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/11647

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 06 AVRIL 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/11647 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAFF

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Mai 2022 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY – RG n° 2021R00401

APPELANTE

S.A. ENTREPRENEUR INVEST, RCS de Paris sous le n°431 633 452, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée à l’audience par Me Paul L’HUILLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J031

INTIMEES

S.A.S. WI, RCS de VERSAILLES n°794 558 882, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

S.A.S. FINANCIERE BLUE HIPPO, RCS de PARIS n°529 325 128, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée à l’audience par Me Marie TEUMA, substituant Me Pierre MOUNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0436

S.A.S. SMART TRESO CONSEIL, RCS de PARIS n° 815 251 525, représentée par la SCP Administrateurs Judiciaires [Z] et [K], prise en la personne de Maître [Y] [K]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée à l’audience par Me François ALTMEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : L99

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 Mars 2023 en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et Michèle CHOPIN, Conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Michèle CHOPIN, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Thomas RONDEAU, Conseiller, pour la Présidente de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Entrepreneur Invest est une société anonyme agréée par l’Autorité des Marchés Financiers.

Elle exerce l’activité de commercialisateur dans le cadre du Fonds Commun de Titrisation dénommé « Smart Tréso » dont la société de gestion est dénommée Eurotitrisation.

Le fonds Smart Tréso a été constitué le 12 septembre 2016 par la société Eurotitrisation, en sa qualité de société de gestion de portefeuille, et la société Rbc Investor Services Bank France, en sa qualité d’établissement de crédit dépositaire.

L’activité du fonds Smart Tréso consistait à acquérir des créances composant le « poste clients » d’entreprises françaises, principalement des PME dont le chiffre d’affaires se situait entre 5 et 50 millions d’euros.

La société Financière Blue Hippo a investi dans le fonds Smart Tréso les 12 novembre 2019 et 23 novembre 2020, par l’intermédiaire de la société Family Office Business Services.

La société WI a également investi dans le fonds Smart Tréso le 23 décembre 2020, par l’intermédiaire aussi de la société Family Office Business Services.

Par communiqué de presse de la société Eurotitrisation en date du 24 février 2021, il a été indiqué que :

– à partir de janvier 2018, le fonds Smart Tréso s’est porté acquéreur du poste clients de la société L2V Ascenseurs, spécialisée dans l’installation, la modernisation et la maintenance d’ascenseurs en Ile-de-France exclusivement auprès d’acheteurs publics et dans le cadre de marchés publics réglementés ;

– un audit de la situation économique, commerciale et financière de la société L2V sous l’égide d’un conciliateur désigné par le tribunal de commerce de Créteil, a été mis en oeuvre pour clarifier l’origine des difficultés et de l’irrécouvrabilité d’une part importante (37,2 millions d’euros) du poste clients de L2V ayant fait l’objet de cessions au Fonds Commun de Titrisation, les conclusions de cet audit ayant été restituées le 19 février 2021.

Selon un communiqué du 24 février 2021, la société Eurotitrisation, en sa qualité de société de gestion, a indiqué avoir pris la décision d’arrêter avec effet immédiat la commercialisation du fonds Smart Tréso auprès de nouveaux investisseurs, l’encours des créances acquises et non recouvrées à date représentant un montant total de 37,2 millions d’euros sur un montant total de fonds levés auprès des investisseurs de 150 millions d’euros.

Le 15 mars 2021, les sociétés Financière Blue Hippo et Wi, par l’intermédiaire de leurs conseils, ont mis en demeure la société Eurotitrisation, avec copie à la société Smart Tréso Conseil et la société Entrepreneur Invest, afin d’obtenir, notamment, une chronologie précise des démarches accomplies par la société Eurotitrisation auprès de la société L2V après la découverte de chaque anomalie.

Le 6 avril 2021, les sociétés Financière Blue Hippo et Wi ont adressé, par l’intermédiaire de leurs conseils, une « mise en demeure n°2 » aux sociétés Eurotitrisation, Smart Tréso Conseil et Entrepreneur Invest, réitérant sa demande d’informations.

Les sociétés Financière Blue Hippo et Wi ont soumis au tribunal de commerce de Bobigny une requête aux fins de mesure d’instruction in futurum le 25 mai 2021. Par ordonnances de même date, le juge des requêtes du tribunal de commerce de Bobigny a fait droit à cette demande et nommé « tout huissier de justice du choix » de la société Financière Blue Hippo, avec pour mission de se rendre dans les locaux de la société Entrepreneur Invest et de la société Smart Treso Conseil et de prendre copie à l’issue d’une recherche par mots-clés d’un certain de nombre de fichiers et de correspondances électroniques.

Les ordonnances sur requête ont été signifiées à la société Entrepreneur Invest et exécutées le 24 juin 2021.

Par assignation du 23 juillet 2021, la société Entrepreneur Invest a saisi le tribunal de commerce de Bobigny d’une demande de rétractation de cette ordonnance.

Par deux ordonnances de référé rendues le 18 novembre 2021, cette demande a été rejetée.

Elles ont fait l’objet d’un appel de la société Entrepreneur Invest devant la cour d’appel de Paris, qui par arrêts du 23 septembre 2022 a confirmé en toutes leurs dispositions les ordonnances rendues.

Par exploit du 23 août 2021, les sociétés Wi et Financière Blue Hippo ont fait assigner la société Smart Tréso Conseil devant le tribunal de commerce de Bobigny, au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, aux fins de voir :

– ordonner l’ouverture des séquestres portant sur l’intégralité des pièces copiées par Me [T], huissier de justice, dans le cadre des mesures d’instruction in futurum qu’il a exécutées le 24 juin 2021 et les 9, 12 et 21 juillet 2021,

– autoriser la communication de l’intégralité des pièces copiées par Me [T] huissier de justice, dans le cadre des mesures d’instruction in futurum ordonnées par le président du tribunal de commerce de Bobigny le 27 mai 2021 ;

– condamner la société Smart Treso Conseil aux entiers dépens.

Dans le cadre de cette instance, les sociétés Entrepreneurs Invest et Smart Treso Conseil se sont opposées à la remise aux demandeurs d’un certain nombre de courriels saisis, au motif qu’ils étaient couverts par la confidentialité des échanges avocat-client.

Par ordonnance contradictoire du 30 mai 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny a :

– ordonné la levée du séquestre par Me [T], huissier de justice, de l’ensemble des pièces saisies à l’exception des pièces n°15, 16, 17, 18, 19, 20, 26, 27, 33, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 68, 69, 86, 90, 91, 92, 93, 99, 100, 101, 102, « R2contrat » ;

– pris acte de l’intervention volontaire de la société Entrepreneur Invest, par conclusions en date du 16 septembre 2021 ;

– liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 75,96 euros TTC (dont 12,66 euros de TVA).

Par déclaration du 21 juin 2022, la société Entrepreneur Invest a relevé appel de la décision rendue le 30 mai 2022 par le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny.

La société Entrepreneur Invest a saisi la commission de déontologie de l’ordre des avocats de Paris qui, par avis du 20 février 2023, a, notamment, indiqué que « Monsieur [R] (conseil des sociétés Financière Blue Hippo et Wi) ne saurait solliciter la levée du séquestre en tant qu’il s’applique aux correspondances incluant parmi les destinataires Monsieur [N] (président du conseil de surveillance de la société Smart Treso Conseil et PDG de la société ENTREPRENEUR INVEST). La commission invite en conséquence Monsieur [R] à en tirer les conséquences procédurales et à renoncer à la demande tendant à la levée de séquestre qu’il a présentée » .

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 1er mars 2023, la société Entrepreneur Invest demande à la cour, au visa de l’article 66-5 alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1971, de :

– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Bobigny le 30 mai 2022 ;

Statuant à nouveau,

– ordonner le maintien sous séquestre par Me [T], huissier de justice, des 47 courriels contenant M. [U] [N] comme auteur ou destinataire ou personne en copie, c’est-à-dire les courriels numérotés par les parties :

– N° 12 et 13 inclus

– N° 15 à 30 inclus

– N° 33

– N° 34

– N° 58

– N° 62 à 76 inclus

– N° 86

– N° 90 à 98 inclus

– N° 103 et 104 (ci-après ensemble désignés les « courriels »)

– ordonner la destruction par Me [T] des courriels une fois expiré le délai de pourvoi en cassation de l’arrêt d’appel à intervenir,

– condamner les sociétés Financière Blue Hippo et Wi à verser chacune à la société Entrepreneur Invest la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ces derniers au profit de Me François Teytaud, avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Entrepreneur Invest soutient en substance :

– la motivation de l’ordonnance rendue le 30 mai 2022 est contraire à l’état du droit, alors que les échanges entre l’avocat d’une société et les membres du conseil de surveillance de cette société sont couverts par la confidentialité des échanges avocat-client,

– les courriels impliquant M [N] dont l’ordonnance rendue a ordonné la remise sont caractérisés sur le plan ratione materiae par des échanges entre les mandataires sociaux de la société Smart Treso Conseil et l’avocat de la société dans le cadre de la défense de cette dernière à l’encontre de la société L2V Ascenseurs,

– par conséquent, tout courriel incluant dans ses destinataires, directs ou en copie, et ses auteurs, le cabinet Kramer Levine, avocats, avec un dirigeant ou salarié de la société Smart Treso Conseil et/ou M [N] et/ou un dirigeant ou salarié de la société Eurotitrisation doit être considéré comme couvert par la confidentialité des échanges entre ses clients et leur avocat commun à l’époque des faits,

– l’ordonnance entreprise devra être réformée, l’ensemble des pièces étant maintenues sous séquestre, en ce compris les courriels antérieurs de la chaîne d’emails qui ont nature de pièces jointes.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 1er mars 2023, la société Smart Treso conseil demande à la cour, au visa de l’article 145 du code de procédure civile et de l’article 66-5 alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1977, de :

– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé rendue en date du 30 mai 2022 par le président du tribunal de commerce de Bobigny ;

Et, statuant à nouveau,

– juger que les courriers électroniques saisis échangés entre le 1er novembre et le 23 novembre 2020, tels que listés en annexe, sont couverts par la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client en vertu de l’article 66-5 alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1977 ou contiennent des échanges couverts par cette confidentialité ;

Par conséquent,

– rejeter la demande d’ouverture du séquestre et de communication aux sociétés Financière Blue Hippo et Wi s’agissant des courriers électroniques numérotés de 1 à 77 dans la pièce Entrepreneur Invest n°11 dans leur intégralité ;

– autoriser la demande d’ouverture du séquestre et de communication aux sociétés Financière Blue Hippo et WI s’agissant des courriers électroniques numérotés de 78 à 104 dans la pièce Entrepreneur Invest n°11, en caviardant les correspondances avec les avocats de Smart Tréso Conseil ;

En tout état de cause,

– condamner in solidum les sociétés Financière Blue Hippo et Wi à payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner les sociétés Financière Blue Hippo et Wi aux entiers dépens.

La société Smart Tréso conseil soutient en substance que :

– le principe de confidentialité des correspondances s’attache à l’ensemble des échanges entre les avocats qu’elle a mandatés et elle-même, sur la période fixée par l’ordonnance du 27 mai 2021,

– lorsque le client est une société, cette confidentialité s’étend à tous les échanges entre avocats et dirigeants ou salariés de celle-ci,

– elle s’applique également aux correspondances entre la société Smart Treso Conseil, et ses avocats et la société Eurotitrisation, dans la mesure où les avocats de la société Smart Treso Conseil étaient également conseils du FCT Smart Treso représenté par sa société de gestion, la société Eurotitrisation,

– s’agissant des messages transférés, cette confidentialité s’applique également,

– l’ordonnance rendue aboutit à un tri entre courriers électroniques pour lesquels la levée de séquestre est demandée et celle pour qui elle est refusée sans cohérence.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 28 février 2023, les sociétés Financière Blue Hippo et Wi demandent à la cour, au visa de l’article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et des articles 145, 455, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

– débouter la société Entrepreneur Invest de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

– débouter la société Smart Tréso Conseil de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions formées au titre de son appel incident ;

– déclarer la société Wi et la société Financière Blue Hippo recevables et bien fondées en leur appel incident ;

– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a refusé la mainlevée du séquestre et la communication des éléments saisis auprès de Smart Tréso Conseil n°15 à 20, 26, 27, 33, 48, 49, 50, 51, 52, 52, 54, 55, 56, 68, 69, 86, 90, 91, 92, 93, 99, 100, 101 et 102 ainsi que de leurs pièces jointes éventuelles ;

– confirmer l’ordonnance entreprise pour le surplus, en excluant du périmètre de la mainlevée du séquestre les courriers électroniques exclusivement échangés entre les représentants légaux de Smart Tréso Conseil et ses avocats et dont Monsieur [U] [N] serait émetteur, destinataire ou en copie ;

statuant à nouveau des chefs de l’ordonnance infirmés,

– ordonner la mainlevée du séquestre et la communication à la société WI et la société Financière Blue Hippo de tous les courriers électroniques contenus dans les éléments saisis auprès de Smart Tréso Conseil n°15 à 20, 26, 27, 33, 48, 49, 50, 51, 52, 52, 54, 55, 56, 68, 69, 86, 90, 91, 92, 93, 99, 100, 101 et 102, y compris les courriers électroniques contenus dans des chaînes de courriers électroniques, à l’exception des courriers électroniques exclusivement échangés entre les représentants légaux de Smart Tréso Conseil et ses avocats et dont Monsieur [U] [N] serait émetteur, destinataire ou en copie,

En tout état de cause,

– condamner Entrepreneur Invest et Smart Tréso Conseil à payer à la société WI et à la société Financière Blue Hippo 5.000 euros, à chacune d’elles, en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner Entrepreneur Invest et Smart Tréso Conseil au paiement des entiers dépens de l’instance.

La société Financière Blue Hippo et la société Wi soutiennent en substance que :

– la société Smart Treso Conseil est représentée dans ses relations avec les tiers par M. [J] [V], président et M. [L] [S], directeur général mais non par M. [U] [N], à défaut de délégation spécifique, ce d’autant plus qu’il intervenait en qualité de représentant légal d’Entrepreneur Invest,

– pour tenir compte de l’avis rendu par la commission de déontologie de l’ordre des avocats, cependant, les sociétés Wi et Financière Blue Hippo renoncent à solliciter les courriels échangés entre les représentants de la société Smart Treso Conseil, ses avocats et M. [N],

– à supposer que dans une chaine de courriers électroniques, certains soient couverts par la confidentialité, les courriers antérieurs ou postérieurs ne sont pas confidentiels.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

L’obligation au secret professionnel de l’avocat est générale et absolue, de sorte que celui-ci ne peut en être délié par son client (Cass., Civ1., 6-4-2004 no 00-19.245).

Aux termes de l’article 66-5 alinéa 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques :

« En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention ” officielle “, les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. ».

En ce qui concerne le secret des correspondances, en application de ces dispositions, ces échanges, quel qu’en soit le support, ont un caractère confidentiel.

La confidentialité s’applique, de droit, aux correspondances adressées par l’avocat à son client ou destinées à celui-ci et couvre l’ensemble des documents faisant l’objet d’une même correspondance échangée entre avocats. Font également l’objet du privilège légal les courriels échangés entre dirigeants et salariés des sociétés-clientes et les avocats. Si, globalement, cette confidentialité permet à l’avocat de refuser aux tiers de prendre connaissance de sa correspondance (Crim. 6 févr. 1997, Gaz. Pal. 1997. 1. 183, note [D] ; Com. 5 mai 1998, JCP 1998. II. 10126, note [M] [C]), elle empêche aussi qu’un tiers puisse la produire en justice pour l’exploiter comme un moyen de preuve (V. Civ. 1re, 14 janv. 2010, Bull. civ. I, n° 4 ; D. 2010. Jur. 1125, note J. [I]).

En l’espèce, 104 pièces au total font l’objet de ce litige, l’ordonnance du premier juge ayant ordonné en premier lieu la communication des courriels, au nombre de 47, impliquant M. [N], président d’Entrepreneur Invest et membre du conseil de surveillance de la société Smart Treso Conseil, estimant que la protection prévue par l’article 66-5 alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1971 ne pouvait leur bénéficier, M. [N] n’étant ni représentant légal de la société Smart Treso Conseil ni tiers disposant d’une délégation spécifique du représentant légal.

Il apparaît que, sur la période fixée par l’ordonnance du 27 mai 2021, la société Smart Treso Conseil était assistée des conseils suivants :

– le cabinet Kramer [B], notamment Mes [W] [F] et leurs collaborateurs, également avocats de la société Eurotitrisation,

– le cabinet Dentons, notamment Mes [O] [A] et [G] [E] et leurs collaborateurs.

Or, la qualité de membre du conseil de surveillance d’une société ne peut exclure de la confidentialité les correspondances qui l’impliquent et qui sont échangées avec des conseils, une telle distinction entre membre du conseil de surveillance et représentants légaux conduisant à rompre la confidentialité des échanges et mettre en péril la défense de la société concernée. En outre, le cabinet Kramer [B] est également le conseil de la société Eurotitrisation, société de gestion du fonds commun de titrisation Smart Treso, de sorte que cette société ne peut être considérée comme tierce et que tout échange survenu avec elle est couvert par la confidentialité des échanges avocats-clients. Il en est ainsi des pièces n°21 à 23 inclus et n°34, qui consistent en des courriels échangés entre la société Smart Treso Conseil, M [N], la société Eurotitrisation et le cabinet Kramer Levine.

L’ordonnance rendue sera donc infirmée sur ce point et les pièces n°12 et 13, 15 à 30 inclus, 33, 34, 62 à 76, 86, 90 à 98 inclus, 103 et 104 seront maintenues sous séquestre.

Par ailleurs, s’agissant des chaînes de courriels, dont les intimées indiquent que bien que certains soient couverts par la confidentialité, les courriers antérieurs ou postérieurs ne sont pas confidentiels, il est de principe que le secret professionnel couvre l’ensemble des documents faisant l’objet d’une même correspondance échangée entre avocats (Civ, 1ère, 2 octobre 2007, n°04-18.726). Cette confidentialité s’étend ainsi à des documents échangés en interne par les salariés de la société cliente, dès lors que « l’objet essentiel » de ces documents est de reprendre une stratégie de défense mise en place par leur avocat (Cass. crim., 26 janvier 2022, n° 17-87.359).

Il ressort des pièces produites, après analyse précise et in concreto de chacune, le secret professionnel, au surplus, s’attachant aux pièces jointes, que :

– les pièces n°1 à 33 ne font pas débat à ce titre, s’agissant d’échanges entre la société Smart Treso Conseil, la société Eurotrisation et leurs conseils, couverts par la confidentialité comme exposé plus haut,

– les pièces n°34 à 77 sont des courriels internes à la société Smart Treso Conseils, ou échangés avec la société Eurotitrisation faisant état d’une stratégie de défense, et par conséquent, couverts par la confidentialité,

– les pièces n°78 à 104 sont des courriers électroniques internes de la société Smart Treso Conseil, mais incluent, en tant que message transféré, un message émanant de l’un de ses conseils, de sorte que la confidentialité s’étend à l’ensemble de chacun des courriels.

Ainsi, l’ensemble des 104 pièces litigieuses est couvert par la confidentialité des correspondances avocat-client et devra être maintenu sous séquestre de Me [T], huissier de justice.

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge et les sociétés Financière Blue Hippo et Wi qui succombent seront condamnées aux dépens de l’appel.

Enfin, les circonstances de l’instance ne commandent pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 30 mai 2022, excepté sur les dépens et les frais irrépétibles,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Ordonne la levée de séquestre de l’ensemble des pièces saisies, à l’exception des pièces n°1 à 104 (numérotation selon la pièce n°11 du bordereau du conseil de la société Entrepreneur Invest)

Ordonne la destruction des pièces n°1 à 104 (numérotation selon la pièce n°11 du bordereau du conseil de la société Entrepreneur Invest) par Me [T], huissier de justice, après expiration du délai de pourvoi en cassation,

Condamne les sociétés Financière Blue Hippo et Wi aux dépens de l’appel,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRESIDENTE

DE CHAMBRE EMPÊCHÉE

 


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