Secret des correspondances : 5 janvier 2021 Cour d’appel de Besançon RG n° 19/00695

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Secret des correspondances : 5 janvier 2021 Cour d’appel de Besançon RG n° 19/00695
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5 janvier 2021
Cour d’appel de Besançon
RG n°
19/00695

ARRÊT N°

LM/SMG

COUR D’APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 5 JANVIER 2021

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 17 novembre 2020

N° de rôle : N° RG 19/00695 – N° Portalis DBVG-V-B7D-EC2Y

S/appel d’une décision

du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de besancon

en date du 06 mars 2019

Code affaire : 80A

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANT

Monsieur [J] [S], demeurant [Adresse 4] – [Localité 2]

représenté par Me Christine MAYER BLONDEAU, avocat au barreau de BESANÇON, présente

INTIMÉE

SA AGENCE REGIONALE DE BOURGOGNE FRANCHE COMTE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège, sise [Adresse 3] – [Localité 1]

représentée par Me Caroline LEROUX, Postulante, avocat au barreau de BESANÇON et par Me Sylvain LETEMPLIER, Plaidant, avocat au barreau de LYON, présent

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 17 Novembre 2020 :

Mme Christine K-DORSCH, Président de Chambre

Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller

Monsieur Laurent MARCEL, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER , Greffière lors des débats

En présence de Mme [H] [P], avocat stagiaire

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 05 Janvier 2021 par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétentions des parties

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 6 mars 2006 M. [J] [S] a été embauché par l’agence régionale de développement de Franche-Comté en qualité de chargé de mission, suivi des entreprises stratégiques.

Au jour de la rupture de son contrat de travail M. [J] [S] exerçait les fonctions de directeur général en exécution d’un avenant conclu le 26 juin 2009.

La fusion de l’agence régionale de développement de Bourgogne (ARDIE) et de Franche-Comté(ARD FC) en février 2017, résultant de la réorganisation des régions, a conduit à la création de l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté et à la mise en place d’une nouvelle gouvernance pour l’entité créée.

Dans le cadre de cette réorganisation il a été proposé à M. [J] [S] le 16 octobre 2017 le poste de ‘Directeur du service à l’appui des territoires’, cette nomination devant s’accompagner d’une modification de son contrat de travail, notamment d’une baisse de sa rémunération et d’une rétrogradation du coefficient hiérarchique.

Le 27 octobre 2017 M. [J] [S] a fait savoir à son employeur qu’il refusait cette proposition de poste.

A la suite de ce refus M. [J] [S] a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement économique.

Le 5 décembre 2017 M. [J] [S] a adhéré au CSP qui lui avait été proposé lors de l’entretien préalable de sorte que son contrat de travail s’est trouvé rompu le 20 décembre 2017.

Contestant le motif économique de son licenciement, M. [J] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Besançon aux fins de le voir requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse et entendre condamné son ex-employeur à lui payer diverses sommes à ce titre.

Par jugement contradictoire rendu le 6 mars 2019 le conseil de prud’hommes de Besançon a débouté M. [J] [S] de ses prétentions.

Par déclaration reçue le 8 avril 2019 M. [J] [S] a relevé appel du jugement.

Dans ses dernières écritures déposées le 13 novembre 2019 M. [J] [S] poursuit l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de céans de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de :

condamner l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche Comté à lui payer les sommes de :

– 141.295,00 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif,

– 45.982,00 euros à titre d’indemnité de préavis ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 4598,20 euros,

– 40.000,00 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral,

– 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

condamner l’agence a rembourser à l’organisme concerné les indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de 6 mois,

enjoindre l’agence de délivrer à M. [J] [S] un certificat de travail comportant la désignation exacte de ses fonctions,

Pour sa part, l’AERBFC conclut, dans ses dernières écritures transmises le 20 septembre 2019, à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l’appelant à lui verser la somme de 7500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu’il convient de rappeler à titre liminaire qu’à la suite de réforme territoriale initiée par la loi du 15 janvier 2015 les nouvelles régions ont vu s’accroître leur domaine de compétence en matière de développement économique, d’innovation et d’internationalisation;

Que la fusion des régions Bourgogne et Franche-Comté a conduit au rapprochement de l’Agence régionale de développement de l’innovation et de l’économie (ARDIE) de la Région Bourgogne et de l’Agence régionale de développement économique de la région Franche-Comté (ARDE FC) et à la création de la société Publique locale l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté; que la fusion des deux entités a nécessité de redéfinir les missions de leurs personnels respectifs et d’organiser différemment la gouvernance de la nouvelle structure;

Que s’agissant plus spécifiquement de M. [J] [S], qui occupait le poste de Directeur général au sein de L’ARDE FC, l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté lui a proposé dans un premier temps le poste de ‘directeur général’, avec le statut de mandataire-social, poste qu’il a refusé pour ne pas perdre son statut de salarié;

Que le 16 octobre 2017 son employeur lui a proposé le poste de ‘directeur appui aux territoires’, qu’il a également refusé par courrier du 27 octobre 2017 puisque cette nouvelle affection induisait une modification de son contrat de travail;

Que lors de l’entretien préalable qui s’est tenu le 29 novembre 2017 M. [J] [S] s’est vu remettre un contrat de sécurisation professionnelle ainsi qu’un exposé du motif économique du licenciement envisagé ;

Que dans le cadre de son obligation de reclassement l’AERBFC lui a de nouveau proposé le poste de ‘Directeur du service à l’appui des territoires’, proposition qu’il a de nouveau déclinée;

Sur le sort à réserver à certaines pièces communiquées par M. [S]

Attendu que l’AERBFC fait grief à M. [J] [S] de produire des pièces dont il ne devrait pas être en possession et demande qu’elles soient retirées des débats ; que M. [J] [S] explique qu’il a eu connaissance des pièces litigieuses de par l’exercice de ses fonctions de directeur régional au sein de l’agence et qu’il ne les a donc pas obtenues de façon frauduleuse;

Qu’il ne saurait être reproché au salarié pour se défendre dans la présente instance de faire état de documents qui lui ont été régulièrement adressées alors qu’il était encore en poste au sein de l’agence ; qu’il s’ensuit que ce chef de demande doit donc être rejeté;

Sur le caractère réel et sérieux du licenciement

Attendu que pour contester le caractère réel et sérieux de son licenciement M. [J] [S] soutient que la Directrice de l’AERBFC n’était pas habilitée à le licencier; que pour parvenir à cette conclusion il se réfère à la délégation de pouvoir consentie par le conseil d’administration à la directrice générale le 23 août 2017;

Qu’il est loisible de lire au paragraphe 3) de la délégation :

‘Elle (la directrice générale) assurera le suivi de la gestion du personnel, tant sur le plan administratif que disciplinaire. Les licenciements qui pourraient intervenir seront de sa compétence et elle en assurera l’entière responsabilité. Toutefois le conseil d’administration se réserve les pouvoirs suivants :

– Nommer et révoquer les directeurs de la société, fixer leurs traitements, salaires et gratifications …’

Attendu que M. [J] [S] explique en premier lieu que le terme ‘révoquer’ a été utilisé pour englober toutes les modalités de rupture d’un contrat de travail ; que cet argument n’est pas dépourvu de fondement dès lors qu’en droit administratif le terme de ‘révocation’vise le licenciement d’un agent public pour raison disciplinaire ;

Que pour leur part les premiers juges ont préféré donner au terme ‘révoquer’ une acception plus restreinte, considérant qu’il avait vocation à s’appliquer aux ‘directeurs de l’agence’ ayant le statut de mandataires sociaux; qu’en application des règles de droit commun du ‘mandat’ aux droits des sociétés, les mandataires sociaux s’exposent en effet à une révocabilité à tout moment de leurs mandats, sans juste motif et sans indemnité ;

Attendu que M. [J] [S] expose ensuite que la délégation précise que le conseil d’administration se réserve non seulement de ‘nommer et révoquer les directeurs de la société’ mais également de ‘fixer leurs traitements, salaires et gratifications; qu’il explique que le terme de ‘salaires’ ne peut en aucun cas s’appliquer à un ‘mandataire social’et qu’il ne peut concerner qu’un directeur ayant comme lui le statut de salarié;

Attendu qu’il résulte des explications fournies par les parties que l’AERBFC compte parmi ses cadres dirigeants des directeurs ayant le statut de mandataires sociaux et d’autres ayant le statut de salariés;

Qu’il convient de relever tout d’abord que la délégation ne limite pas expressément le pouvoir du conseil d’administration de nommer et de révoquer les directeurs aux seuls directeurs ayant le statut de mandataires sociaux; qu’elle vise ‘les directeurs’ sans autres précisions;

Qu’il y a lieu ensuite de considérer qu’en ayant recours tout à la fois à la notion de ‘traitements’ (terme utilisé concurremment avec celui de ‘rémunération’ pour évoquer les appointements versés aux mandataires sociaux) et de ‘salaires’ (terme réservé aux salariés) la délégation litigieuse englobe tout à la fois dans le terme ‘ les directeurs’ aussi bien ceux exerçant ces fonctions en qualité de salariés que ceux les assumant en qualité de mandataires sociaux;

Qu’il échet enfin de juger qu’en raison de la disparité des statuts(mandataires sociaux /salariés) les rédacteurs de la délégation ont préféré le terme générique ‘révoquer’ pour signifier la rupture des relations contractuelles, que celles-ci s’inscrivent dans le cadre d’un mandat ou dans celui d’un contrat de travail;

Attendu qu’il s’évince de ce qui précède que M. [J] [S] ne pouvait être licencié que sur décision du conseil d’administration; qu’à défaut d’une telle décision et dès lors que la directrice générale ne disposait pas de délégation du conseil d’administration pour ce faire, le licenciement de M. [S] doit être jugé comme ne reposant pas sur une cause réelle et sérieuse; qu’il s’ensuit que le jugement déféré sera infirmé sur ce point;

Sur les sommes dues au salarié au titre du licenciement

Attendu qu’en application de la convention collective relative au statut des personnels des organismes de développement économique du 9 mars 1999, révisé le 12 décembre 2007, M. [I] [S] :

– une indemnité compensatrice de préavis de 6 mois en sa qualité de directeur (article 9 de la CCN) égale à :

7663,66 € x 6 = 45.982,00 €

ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 4598,20 euros ;

– une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, doublée en application de l’article 12 de la CCN applicable, étant ajouté que M. [S] bénéficiait lors de la rupture de son contrat de travail d’une ancienneté de 11 ans 9 mois et 14 jours pour avoir été embauché à compter du 6 mars 2006. Il lui sera alloué à ce titre la somme de 122.618,56 euros.

Sur la demande formée au titre du préjudice moral

Attendu que M. [J] [S] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant de la rupture de son contrat de travail ; qu’il s’ensuit qu’il sera débouté de ce chef de demande;

Sur le remboursement des sommes versées au salarié au titre des indemnités de chômage

Attendu que l’article 1235-4 du code du travail dispose :

Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Pour le remboursement prévu au premier alinéa, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu’il désigne au sein de Pôle emploi peut, pour le compte de Pôle emploi, de l’organisme chargé de la gestion du régime d’assurance chômage mentionné à l’article L. 5427-1, de l’Etat ou des employeurs mentionnés à l’article L. 5424-1, dans des délais et selon des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d’un jugement et confère le bénéfice de l’hypothèque judiciaire.

Attendu qu’il convient, eu égard aux circonstances de la cause de condamner l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [S], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage;

Sur la demande de rectification du certificat de travail

Attendu qu’il est établi que du 26 juin 2009 au 20 décembre 2017

M. [S] a exercé les fonctions de Directeur Général en exécution d’un avenant du 26 juin 2009; qu’il convient en conséquence d’enjoindre l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté de lui délivrer un certificat de travail établi conformément aux dispositions contractuelles précitées;

Sur les demandes accessoires

Attendu que le jugement critiqué sera infirmé dans ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens;

Qu’au titre de la première instance il y a lieu de condamner l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté à Payer à M. [S] la somme de 1.500,00 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens;

Attendu que l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté qui succombe à hauteur de cour sera condamnée à payer à M. [J] [S] la somme de 1.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel, lesdites condamnations emportant nécessairement rejet de ses prétentions formées à ces titres;

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 6 mars 2019 par le conseil de prud’hommes de Besançon, sauf en ce qu’il a débouté l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté de sa demande formée au titre de la violation du secret des correspondances, et M. [J] [S] de sa prétention émise au titre d’un préjudice moral,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [J] [S] par l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne en conséquence l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté à payer à M. [J] [S] les sommes de :

– 45.982,00 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 4598,20 euros,

– 122.618,56 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [S], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage.

Déboute l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamne sur ce fondement à payer à M. [S] la somme de trois mille euros (3.000,00 €).

Condamne l’Agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté aux dépens de première instance et d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le cinq janvier deux mille vingt et un et signé par Patrice BOURQUIN, Conseiller à la Chambre Sociale, pour le Président empêché et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE,LE CONSEILLER,

 


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