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30 juin 2010
Cour d’appel de Versailles
RG n°
09/05156
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 00A
14ème chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 30 JUIN 2010
R.G. N° 09/05156
AFFAIRE :
[O] [V]
C/
S.A. SQLI
[L] [B]
…
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 10 Juin 2009 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 09/01398
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Jean-Pierre BINOCHE (X 2)
SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TRENTE JUIN DEUX MILLE DIX,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [O] [V]
né le [Date naissance 4] 1978 à [Localité 30]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 21]
représenté par Me Jean-Pierre BINOCHE – N° du dossier 09/382
assisté de Me Anne HEURTEL du Cabinet BEHILLIL & Associés (avocats au barreau de Paris)
APPELANT
****************
S.A. SQLI
[Adresse 26]
[Adresse 26]
[Localité 19]
représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD – N° du dossier 0946669
assistée de Me Nathalie KARPIK de la SELARL LATOURNERIE WOLFROM ET ASSOCIES (avocats au barreau de Paris)
INTIMEE
****************
Monsieur [L] [B]
né le [Date naissance 10] 1975 à [Localité 25]
de nationalité Française
[Adresse 16]
[Localité 17]
représenté par Me Jean-Pierre BINOCHE – N° du dossier 382/09
assisté de Me Anne HEURTEL du Cabinet BEHILLIL & Associés (avocats au barreau de Paris)
Monsieur [G] [U]
né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 24]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 14]
représenté par Me Jean-Pierre BINOCHE – N° du dossier 382/09
assisté de Me Anne HEURTEL du Cabinet BEHILLIL & Associés (avocats au barreau de Paris)
Monsieur [T] [J]
né le [Date naissance 1] 1974 à
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 22]
représenté par Me Jean-Pierre BINOCHE – N° du dossier 382/09
assisté de Me Anne HEURTEL du Cabinet BEHILLIL & Associés (avocats au barreau de Paris)
Monsieur [K] [W]
né le [Date naissance 5] 1972 à [Localité 28]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 13]
représenté par Me Jean-Pierre BINOCHE – N° du dossier 382/09
assisté de Me Anne HEURTEL du Cabinet BEHILLIL & Associés (avocats au barreau de Paris)
Monsieur [A] [R]
né le [Date naissance 6] 1971 à [Localité 23]
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 20]
représenté par Me Jean-Pierre BINOCHE – N° du dossier 382/09
assisté de Me Anne HEURTEL du Cabinet BEHILLIL & Associés (avocats au barreau de Paris)
Société ALTI
[Adresse 15]
[Localité 18]
représentée par Me Jean-Pierre BINOCHE – N° du dossier 382/09
assistée de Me Thierry PARIENTE (avocat au barreau de Paris)
PARTIES INTERVENANTES
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Mai 2010, Monsieur Jean-François FEDOU, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François FEDOU, président,
Madame Ingrid ANDRICH, conseiller,
Monsieur Philippe BOIFFIN, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre LOMELLINI
FAITS ET PROCEDURE,
La société SQLI, créée en mars 1990, est une société de services en ingénierie informatique (SSII) spécialisée en technologie internet qui propose à ses clients un accompagnement global de leur gestion interne afin de leur permettre d’optimiser leur organisation, via la modernisation de leur système d’informations et l’utilisation des technologies Internet.
Depuis 2002, elle s’est inscrite dans une démarche d’amélioration de son processus de fabrication en intégrant le modèle CMMI (Capacity Maturity Model Integration), modèle de référence destiné à appréhender, évaluer et améliorer les activités des entreprises d’ingénierie, en permettant de garantir la réussite des projets informatiques s’inscrivant notamment dans des contextes complexes, comme ceux du ‘nearshore’ (agences de province regroupant des experts en pratique CMMI et en informatique et des chefs de projet) ou de l”offshore’ (centres de développement informatique situés à l’étranger, dont l’effectif est exclusivement composé de développeurs informatiques).
La société ALTI, qui est concurrente de la société SQLI, conseille les grandes entreprises et leur offre un ensemble de services dont la finalité est d’optimiser l’organisation et les systèmes d’informations de ses clients.
L’agence de [Localité 29] de la société SQLI, qui est la plus importante du réseau et qui génère près de 40 % du chiffre d’affaires du groupe SQLI, était dirigée depuis sept ans par Monsieur [A] [R]; le 20 octobre 2008, Monsieur [R] a été licencié pour insuffisance professionnelle ; le 26 janvier 2009, à l’issue de son préavis, il a quitté la société SQLI.
Soupçonnant la société ALTI d’avoir, avec la complicité de Monsieur [R], procédé au débauchage de ses salariés ainsi qu’au pillage de son savoir-faire stratégique, la société SQLI a, par une requête unique présentée le 23 mars 2009, sollicité du président du tribunal de grande instance de Nanterre, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, la désignation d’huissiers afin de constats au siège social de la société ALTI et aux domiciles respectifs de trois de ses anciens salariés, Messieurs [A] [R], [O] [V] et [L] [B], afin que soit établie et conservée, avant tout procès, la preuve des actes suspectés de concurrence déloyale.
Suivant quatre ordonnances en date du 23 mars 2009, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a fait droit à ces requêtes, soit une ordonnance par personne visée par les opérations de constat autorisées, une cinquième ordonnance ayant été rendue le 28 mars 2009 relativement à Monsieur [A] [R], afin d’autoriser les opérations de constat à son domicile effectif chez sa compagne.
Le 30 mars 2009, les cinq huissiers instrumentaires mandatés, agissant en vertu des cinq ordonnances susvisées, ont procédé concomitamment aux opérations de constat au siège de la société ALTI et aux domiciles de Messieurs [R], [V] et [B] suivant les termes de leur mission et ont procédé à la copie d’un certain nombre de documents, fichiers informatiques et messages électroniques.
Par acte du 17 avril 2009, Messieurs [A] [R], [L] [B] et [O] [V] ont assigné en référé d’heure à heure la société SQLI devant le président du tribunal de commerce de Nanterre, la société ALTI étant intervenue volontairement, pour, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, voir ordonner la désignation d’un expert judiciaire avec pour mission notamment de se faire remettre l’intégralité des documents collectés par les huissiers instrumentaires, motif pris de ce que les documents saisis l’avaient été en violation de la protection de leur vie privée, du secret des affaires, du principe du contradictoire, de la défense de leurs intérêts et de leur droit à un procès équitable.
Par ordonnance du 6 mai 2009, le président du tribunal de commerce de Nanterre a dit n’y avoir lieu à référé sur cette demande.
Par acte du 18 mai 2009, Monsieur [O] [V] a assigné la société SQLI en rétractation de l’ordonnance rendue le 23 mars 2009 et en paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; Monsieur [A] [R] est intervenu volontairement.
Par ordonnance de référé rendue le 10 juin 2009, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a :
– dit Monsieur [R] irrecevable en son intervention volontaire,
– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Monsieur [V] au profit du tribunal de grande instance de Créteil,
– dit n’y avoir lieu de rétracter l’ordonnance rendue sur requête de la société SQLI le 23 mars 2009, confirmée en ses forme et teneur, de même que les procès-verbaux de constat dressés pour son exécution par la SCP MEUNIER-GENDRON-DI PERI, huissiers de justice à Rungis,
– ‘débouté Monsieur [B] de sa demande de rétractation des ordonnances rendues le 23 mars 2009 sur requête de la société ALTI au préjudice de Monsieur [V] et de la société ALTI’,
– rejeté le surplus des demandes,
– condamné Monsieur [V] à payer à la société SQLI la somme de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamné Monsieur [V] aux dépens.
Monsieur [O] [V] a interjeté appel de cette ordonnance.
Aux termes de leurs écritures récapitulatives du 7 avril 2010, Monsieur [O] [V], appelant, Monsieur [A] [R], appelant provoqué, Monsieur [L] [B], Monsieur [G] [U], Monsieur [T] [J] et Monsieur [K] [W], intervenants volontaires, soutiennent que la société SQLI aurait dû, pour chacune des personnes visées par la mesure, saisir la juridiction territorialement et matériellement compétente, et en l’occurrence s’agissant de Monsieur [V] le tribunal de grande instance de Créteil.
Il font valoir que le caractère circonscrit de la mission de l’huissier n’est qu’apparent, que certaines des informations convoitées par la société SQLI pouvaient parfaitement l’être sans qu’il soit nécessaire de recourir à la procédure d’ordonnance sur requête et que la procédure sur requête initiée par la société intimée méconnaît le principe du contradictoire dans des conditions inacceptables.
Ils relèvent que la distinction effectuée par la société SQLI dans sa requête entre les messages à caractère personnel et ceux à caractère non personnel est totalement inopérante en l’espèce, puisque, vis-à-vis des tiers, toute correspondance a par essence une nature privée et est protégée au titre du secret des correspondances.
Ils soulignent qu’il est nécessaire que la requête et l’ordonnance sur requête soient signifiées, non seulement à la personne auprès de qui la mesure est exécutée, mais également à la personne à qui on entend l’opposer, laquelle peut, comme c’est le cas en l’espèce, être différente de la personne à l’encontre de laquelle ladite mesure est exécutée.
Aussi, ils demandent à la cour d’infirmer l’ordonnance rendue le 10 juin 2009 :
– à titre principal, dire et juger que le président du tribunal de grande instance de Nanterre n’avait pas compétence ratione loci pour statuer sur la requête de la société SQLI en date du 23 mars 2009,
– rétracter purement et simplement l’ordonnance sur requête du 23 mars 2009 rendue à l’encontre de Monsieur [V],
– dire et juger que l’ordonnance rendue le 23 mars 2009 porte atteinte au droit au secret des correspondances et au respect de la vie privée,
– dire que les demandes de la société SQLI devaient faire l’objet d’un débat contradictoire, rétracter purement et simplement l’ordonnance rendue sur requête le 23 mars 2009 à l’encontre de Monsieur [V],
– déclare nulles et de nul effet toutes les conséquences attachées à l’exécution de ladite ordonnance,
– annuler les constatations dressées par l’huissier dans son constat du 30 mars 2009,
– condamner la société SQLI à restituer l’intégralité des éléments saisis par les huissiers et listés dans le constat du 30 mars 2009, ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
– faire défense à la société SQLI de faire usage, de quelque manière que ce soit, des informations portées à sa connaissance dans le cadre des mesures exécutées par l’huissier désigné dans l’ordonnance rétractée,
– à titre subsidiaire, constater que l’ordonnance sur requête rendue le 23 mars 2009 porte atteinte dans ses effets au secret des correspondances,
– rétracter partiellement l’ordonnance en ce qu’elle a autorisé la saisie des correspondances électroniques reçues et/ou adressées par Monsieur [V],
– annuler les constatations dressées par l’huissier s’y rapportant et plus particulièrement les courriers électroniques annexés à son constat du 30 mars 2009,
– condamner la société SQLI à restituer l’intégralité des correspondances saisies par l’huissier, ce sous astreinte de 500 € par jour de retard,
– faire défense à la société SQLI de faire usage, de quelque manière que ce soit, des correspondances ainsi portées à sa connaissance dans le cadre des mesures exécutées par l’huissier,
– sur l’appel provoqué de Monsieur [A] [R] et les interventions volontaires de Messieurs [B], [J], [U] et [W],
dire Monsieur [R] recevable en son appel incident,
– dire Messieurs [B], [J], [U] et [W] recevables et bien fondés en leur intervention,
– dire et juger que la requête et l’ordonnance rendue le 23 mars 2009 à l’encontre de Monsieur [V] auraient dû leur être notifiées,
– rétracter purement et simplement l’ordonnance du 23 mars 2009,
– déclarer nulles et de nul effet toutes les conséquences attachées à l’exécution de cette ordonnance,
– annuler les constatations dressées par l’huissier dans son constat du 30 mars 2009,
– condamner la société SQLI à restituer l’intégralité des éléments saisis par les huissiers et listés dans le constat du 30 mars 2009, ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
– faire défense à la société SQLI de faire usage, de quelque manière que ce soit, des informations portées à sa connaissance dans le cadre des mesures exécutées par l’huissier désigné par l’ordonnance rétractée,
– en toute hypothèse, condamner la société SQLI à verser à Monsieur [V] la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 10 mars 2010, la société ALTI demande à la cour de déclarer son intervention volontaire recevable et bien fondée et de :
– constater l’absence de toute signification à la société ALTI de l’ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de grande instance de Nanterre à l’encontre de Monsieur [V] le 23 mars 2009,
– infirmer l’ordonnance de référé du 10 juin 2009 rendue par le président du tribunal de grande instance de Nanterre,
– rétracter purement et simplement l’ordonnance sur requête rendue le 23 mars 2009 à l’encontre de Monsieur [V],
– déclarer nulles et de nul effet toutes les conséquences attachées à l’exécution de ladite ordonnance,
– condamner la société SQLI aux entiers dépens d’appel.
Aux termes de ses écritures récapitulatives du 26 mars 2010, la société SQLI indique, à titre liminaire, avoir, le 17 juillet 2009, assigné la société ALTI et Messieurs [R], [V] et [B] au fond devant le tribunal de grande instance de Nanterre, pour les voir condamner à cesser leurs actes de concurrence déloyale et les voir condamner in solidum à réparer les préjudices subis, ce sur la base du rapport d’expertise de Monsieur [I] [P] et de Madame [X] [S].
Elle expose que les mesures d’instruction ordonnées étaient limitées aux seules investigations nécessaires à la preuve des faits litigieux et que l’absence de contradictoire était indispensable à l’obtention des preuves recherchées.
Elle précise que ces mesures d’instruction ont conduit les huissiers instrumentaires à ne collecter que des éléments de preuve des faits de concurrence déloyale décelés et pressentis, ceux-ci étant désormais avérés, et d’ailleurs non démentis par les appelants, lesquels fondent leurs demandes de rétractation sur des moyens sans rapport avec les faits en cause dans le présent litige.
Elle fait valoir que, dans la mesure où le président du conseil de prud’hommes n’a pas de pouvoir en matière de requête, le juge des requêtes du tribunal de grande instance de Nanterre était compétent pour connaître de la présente requête.
Elle soutient que la mesure de constat sollicitée et mise en oeuvre était justifiée par un motif parfaitement légitime, et était totalement nécessaire à la protection de ses droits, ainsi que l’ont confirmé les preuves accablantes de concurrence déloyale collectées.
Elle allègue que Monsieur [R], appelant provoqué, qui n’a pas jugé utile d’user de sa faculté, en qualité de partie à l’instance de référé-rétractation, d’interjeter appel de l’ordonnance entreprise, ne saurait tirer prétexte de l’appel formé par Monsieur [V] pour pallier sa propre carence et ainsi justifier son intervention dans la présente instance.
Elle objecte que la société ALTI ne dispose d’aucun intérêt légitime à contester cette ordonnance qui ne la concerne pas et est donc irrecevable en sa demande de rétractation.
Elle soulève l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de Monsieur [B], elle précise que ce dernier ne dispose pas davantage d’un intérêt légitime à agir, et elle souligne que l’ordonnance rendue à l’encontre de Monsieur [V], qui ne les concernait pas, n’avait à être notifiée ni à la société ALTI, à Monsieur [R] et à Monsieur [B].
Elle ajoute que, pour les mêmes raisons, Messieurs [U], [J] et [W] sont dépourvus de tout intérêt à agir afin de rétractation de l’ordonnance sur requête rendue à l’encontre de Monsieur [V], ces derniers ne disposant d’aucun intérêt légitime à contester l’ordonnance rendue à l’encontre de ce dernier qui ne les concerne pas et qui n’avait pas à être portée à leur connaissance par la société SQLI, laquelle a en revanche parfaitement respecté les termes de l’article 495 du code de procédure civile en faisant notifier ladite ordonnance à la seule personne à laquelle elle était opposée, à savoir Monsieur [V].
Elle demande donc à la cour de :
– débouter Monsieur [V] de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête en date du 23 mars 2009 rendue à son encontre,
– débouter Monsieur [V] de sa demande de rétractation partielle de l’ordonnance sur requête en date du 23 mars 2009 rendue à son encontre,
– débouter Monsieur [R] de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête en date du 23 mars 2009 rendue à l’encontre de Monsieur [V], comme étant irrecevable ou subsidiairement mal fondée,
– débouter la société ALTI et Messieurs [L] [B], [G] [U], [T] [J] et [K] [W], intervenants volontaires, de leurs demandes respectives de rétractation de l’ordonnance sur requête en date du 23 mars 2009 rendue à l’encontre de Monsieur [V], comme étant irrecevables, et subsidiairement dénuées de tout fondement,
– débouter tous les appelants et intervenants volontaires de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
– en conséquence, confirmer l’ordonnance de référé du 10 juin 2009 en toutes ses dispositions,
– confirmer purement et simplement l’ordonnance sur requête de la société SQLI en date du 23 mars 2009 ayant autorisé les opérations de constats par huissier chez Monsieur [O] [V], ainsi que les constats opérés en exécution par la SCP Meunier-Gendron-Di Peri selon procès-verbal en date du 10 avril 2009,
– condamner chacun des appelants et intervenants volontaires à payer à la société SQLI la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
MOTIFS DE L’ARRÊT,
Sur l’incompétence territoriale du président du tribunal de grande instance de Nanterre:
Considérant que, pour conclure que le président du tribunal de grande instance de Nanterre était territorialement compétent pour connaître de la requête et rendre les ordonnances sollicitées à l’encontre de la société ALTI et de Messieurs [R], [V] et [B], la société SQLI invoque l’article 42 du code de procédure civile, dont l’alinéa 2 prévoit expressément que :
‘S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux’;
Que la société SQLI soutient que le président du tribunal de grande instance de Nanterre était territorialement compétent pour connaître de la requête et rendre les ordonnances y afférentes, puisqu’il était le président du tribunal dans le ressort duquel deux des mesures de constat sollicitées par elle devaient être exécutées, et qu’il était en outre le président de la juridiction compétente pour connaître du fond du litige ;
Qu’elle ajoute qu’il ne saurait être fait échec à la prorogation de compétence prévue par l’article 42, alinéa 2, susvisé, au motif que Messieurs [V] et [R] ont leur domicile situé en dehors du département des Hauts-de-Seine, dès lors que cette prorogation de compétence était justifiée par l’unicité de l’objet du litige et par la nécessité de garantir l’efficacité de la procédure sur requête et d’éviter toute déperdition des actes de concurrence déloyale commis à son préjudice par la société ALTI et Messieurs [R], [V] et [B] ;
Mais considérant qu’il est constant que, sauf disposition légale contraire, le juge territorialement compétent pour rendre une ordonnance sur requête est le président de la juridiction saisie au fond, ou, à défaut, celui du tribunal du lieu où la mesure demandée doit être exécutée ;
Or considérant qu’en l’occurrence, d’une part, à la date de présentation de la requête unique visant la société ALTI et Messieurs [R], [V] et [B], aucune juridiction n’était saisie au fond d’un litige opposant les parties ;
Considérant que, d’autre part, l’ordonnance rendue le 23 mars 2009 à l’encontre de Monsieur [V] ne vise que Monsieur [V], à l’exclusion des personnes, physiques et morale, concernées par d’autres ordonnances spécifiquement prononcées le même jour et le 28 mars suivant ;
Considérant qu’en effet, aux termes de cette ordonnance, le président du tribunal de grande instance de Nanterre, saisi à la requête de la société SQLI, a désigné la SCP Meunier-Gendron-Di Peri, huissiers de justice, avec pour mission de se rendre au lieu d’habitation effectif de Monsieur [O] [V], demeurant [Adresse 9] ;
Considérant que ce magistrat a également, les 23 et 28 mars 2009, rendu trois autres ordonnances à l’encontre respectivement de la société ALTI, Messieurs [R] et [B], et désigné à cette fin trois autres officiers ministériels exerçant leur activité dans des départements distincts et ayant reçu mission d’instrumenter dans des lieux différents de ceux occupés par Monsieur [V] ;
Considérant que l’existence de quatre ordonnances distinctes faisait obstacle à ce que le président du tribunal de grande instance de Nanterre (92) retienne sa compétence pour ordonner des mesures devant être mises en oeuvre au domicile de Monsieur [V], situé à [Localité 27], au seul motif que d’autres mesures, celles concernant en particulier la société ALTI et Monsieur [B], devaient être réalisées dans le ressort du tribunal de grande instance de Nanterre (92) ;
Considérant qu’il s’ensuit que la société SQLI n’avait pas d’autre alternative que de saisir, pour chacune des personnes visées par les mesures les concernant respectivement, la juridiction matériellement et territorialement compétente, soit, en ce qui concerne Monsieur [V], le président du tribunal de grande instance de Créteil, dans le ressort duquel se trouvait le lieu d’habitation de l’intéressé ;
Considérant que, dans la mesure où le président du tribunal de grande instance de Nanterre était dépourvu de pouvoir pour statuer par voie d’ordonnance à l’encontre de Monsieur [V], il convient d’infirmer l’ordonnance de référé rendue le 10 juin 2009 et de rétracter l’ordonnance sur requête prononcée le 23 mars 2009 à l’encontre de Monsieur [V] ;
Considérant que, par voie de conséquence, il y a lieu d’annuler les constatations dressées par huissier de justice suivant procès-verbal du 30 mars 2009, et de condamner la société SQLI à restituer, sous astreinte de 100 € par jour de retard commençant à courir à l’expiration du délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt, l’intégralité des éléments saisis par l’huissier instrumentaire et listés dans ce constat;
Considérant qu’il doit en outre être fait défense à la société SQLI d’utiliser, de quelque manière que ce soit, des informations portées à sa connaissance dans le cadre des mesures exécutées par les huissiers désignés dans l’ordonnance rétractée.
Sur l’irrecevabilité de l’appel provoqué de Monsieur [R] :
Considérant qu’il est constant que Monsieur [R] était intervenant volontaire en première instance, qu’il a été déclaré irrecevable en son intervention par le juge des référés, et qu’il n’a pas interjeté appel de l’ordonnance rendue le 10 juin 2009 ;
Considérant qu’il apparaît également que Monsieur [V] a interjeté appel de cette ordonnance uniquement à l’encontre de la société SQLI, seule intimée ;
Considérant qu’aux termes de l’article 549 du code de procédure civile :
‘L’appel incident peut également émaner, sur l’appel principal ou incident qui le provoque, de toute personne, même non intimée, ayant été partie en première instance’ ;
Considérant que, toutefois, il est admis que la recevabilité de l’appel provoqué est subordonnée à la condition qui celui qui l’exerce justifie que sa situation se trouve menacée par l’appel principal ou par l’appel incident ;
Or considérant que, d’une part, la société SQLI, seule intimée en cause d’appel par Monsieur [V], n’a pas formé un appel incident à l’encontre de l’ordonnance entreprise ;
Considérant que, d’autre part, la situation de Monsieur [R] n’est pas menacée par l’appel formé par Monsieur [V], puisque son appel provoqué a un objet identique à l’appel interjeté par ce dernier, soit la rétractation de l’ordonnance rendue le 23 mars 2009, objet de la présente instance ;
Considérant qu’il s’ensuit que Monsieur [R], à qui il incombait d’interjeter appel de ladite ordonnance, doit être déclaré irrecevable en son appel provoqué à l’encontre de cette décision.
Sur les interventions volontaires de la société ALTI et de Monsieur [B] :
Considérant qu’il résulte de la requête présentée le 23 mars 2009 par la société SQLI au président du tribunal de grande instance de Nanterre que la société ALTI et Monsieur [L] [B] sont expressément cités comme pouvant être les auteurs ou complices d’actes de concurrence déloyale ;
Considérant que, dès lors, les interventions volontaires pour la première fois en cause d’appel de la société ALTI et de Monsieur [B] se rattachent par un lien suffisant à la demande de rétractation initialement formée par Monsieur [V] ;
Considérant qu’au surplus, dans la mesure où les investigations ordonnées au domicile de ce dernier étaient susceptibles de révéler leur éventuelle implication dans les faits de concurrence déloyale reprochés à Monsieur [V], la société ALTI et Monsieur [B] justifient d’un intérêt à solliciter la rétractation de l’ordonnance rendue à l’encontre de ce dernier ;
Considérant qu’aux termes de l’article 495 du code de procédure civile :
‘L’ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle l’ordonnance est opposée’ ;
Considérant qu’il est admis que la personne à laquelle l’ordonnance est opposée est celle contre laquelle un procès est envisagé et/ou la personne chez qui la mesure est exécutée ;
Or considérant qu’il doit être observé que cette ordonnance n’a pas, en son temps, été portée à la connaissance de la société ALTI et de Monsieur [B], alors pourtant que ces derniers étaient nommément désignés dans la requête unique présentée au président du tribunal de grande instance de Nanterre, ce dont il résulte qu’ils faisaient partie des personnes auxquelles ladite ordonnance était opposée ;
Considérant qu’il s’ensuit que c’est en violation de l’article 495 du code de procédure civile qu’aucune copie de l’ordonnance rendue à l’encontre de Monsieur [V] n’a été remise ni signifiée à la société ALTI et à Monsieur [B] ;
Considérant que le défaut de notification de cette ordonnance à la société ALTI et à Monsieur [B] justifie, à titre surabondant, la rétractation de l’ordonnance sur requête rendue le 23 mars 2009 à l’encontre de Monsieur [V].
Sur les interventions volontaires de Messieurs [U], [J] et [W] :
Considérant que Messieurs [U], [J] et [W] interviennent volontairement pour la première fois en cause d’appel ;
Considérant qu’il résulte de l’article 554 du code procédure civile que seuls sont recevables à intervenir volontairement pour la première fois en cause d’appel ceux qui y ont intérêt ;
Considérant qu’à cet égard, il a été précédemment relevé que les prescriptions de l’article 495 alinéa 3 susvisées ne sont satisfaites que si l’ordonnance est signifiée à la personne à laquelle elle est opposée, c’est-à-dire à la personne contre laquelle un procès est envisagé, et/ou à la personne chez qui la mesure est exécutée ;
Or considérant qu’aucune mesure d’instruction n’a été ni sollicitée ni diligentée à l’encontre de Messieurs [U], [J] et [W], et il ne peut se déduire des termes de la requête unique présentée au président du tribunal de grande instance de Nanterre une mise en cause de leurs agissements par la société SQLI ;
Considérant que, d’ailleurs, la société SQLI mentionne à plusieurs reprises que son unique requête avait pour objet la recherche de preuves concernant une unique opération de concurrence déloyale dont elle était victime de la part de plusieurs personnes morale (ALTI) et physiques (Messieurs [R], [V] et [B]), sans viser expressément Messieurs [U], [J] et [W] ;
Considérant que, dans la mesure où ils ne peuvent justifier d’un intérêt à agir, Messieurs [U], [J] et [W] doivent être déclarés irrecevables en leur intervention volontaire.
Sur les demandes accessoires :
Considérant qu’il n’est pas inéquitable que la société SQLI conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de cette procédure ;
Considérant qu’il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné Monsieur [V] à payer à la société SQLI la somme de 800 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que l’équité commande d’allouer à Monsieur [V] la somme de 1 500 € en remboursement des frais non compris dans les dépens qu’il a engagés dans le cadre de la présente instance ;
Considérant que les entiers dépens de première instance et d’appel doivent être mis à la charge de la société SQLI, à l’exception de ceux afférents à l’appel provoqué de Monsieur [R] et aux interventions volontaires de Messieurs [U], [J] et [W].
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
Déclare irrecevable l’appel provoqué de Monsieur [A] [R] ;
Déclare recevables les interventions volontaires de la société ALTI et de Monsieur [L] [B] ;
Déclare irrecevables les interventions volontaires de Messieurs [G] [U], [T] [J] et [K] [W] ;
Infirme l’ordonnance de référé rendue le 10 juin 2009 par le président du tribunal de grande instance de Nanterre;
Statuant à nouveau ;
Rétracte l’ordonnance sur requête rendue le 23 mars 2009 à l’encontre de Monsieur [O] [V] ;
Annule les constatations dressées par huissier de justice suivant procès-verbal de constat en date du 30 mars 2009 ;
Condamne la société SQLI à restituer, sous astreinte de 100 € (cent euros) par jour de retard commençant à courir à l’expiration du délai d’un mois après la signification du présent arrêt, l’intégralité des éléments saisis par voie d’huissier de justice et listés dans le procès-verbal de constat du 30 mars 2009 ;
Fait défense à la société SQLI d’utiliser, de quelque manière que ce soit, des informations portées à sa connaissance dans le cadre des mesures exécutées par l’huissier de justice désigné par l’ordonnance rétractée ;
Condamne la société SQLI à payer à Monsieur [O] [V] la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société SQLI aux entiers dépens de première instance et d’appel, à l’exception de ceux afférents à l’appel provoqué de Monsieur [R] et aux interventions volontaires de Messieurs [U], [J] et [W], et autorise Maître [C], avoué, à recouvrer directement ceux dont il a fait l’avance, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-François FEDOU, président et par Madame LOMELLINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,