Secret des correspondances : 3 novembre 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 15-14.745

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Secret des correspondances : 3 novembre 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 15-14.745
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3 novembre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n°
15-14.745

SOC.

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 novembre 2016

Rejet non spécialement motivé

Mme GOASGUEN, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Décision n° 10905 F

Pourvoi n° N 15-14.745

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par Mme [J] [T], domiciliée [Adresse 1],

contre l’arrêt rendu le 15 janvier 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l’opposant à la société Allen et Overy LLP, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 4 octobre 2016, où étaient présents : Mme Goasguen, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller rapporteur, M. Ricour, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme [T], de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Allen et Overy LLP ;

Sur le rapport de Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [T] aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille seize.MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme [T].

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté la salariée de sa demande en paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, d’indemnité de préavis, de congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement abusif, brutal et vexatoire et au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et de l’AVOIR condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

AUX MOTIFS QUE si, lorsqu’une autorisation administrative de licenciement d’un salarié protégé a été accordée à l’employeur, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement ni la régularité de la procédure antérieure à la saisine de l’inspecteur du travail, il reste compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute sur laquelle s’est fondée l’autorité administrative pour autoriser le licenciement, au regard du droit aux indemnités de préavis et de licenciement ; que le licenciement de Mme [J] [T], en sa qualité de membre du CHSCT, a été autorisé par décision administrative de l’inspection du travail du 6 juillet 2010, aux motifs que « la réalité des faits reprochés, à savoir avoir accédé de façon répétée, en utilisant ses droits d’accès liés à ses fonctions, à des fichiers et des dossiers informatiques du directeur informatique et de la directrice des ressources humaines, qu’elle a parfois copiés, à leur insu et en dehors de toute intervention de maintenance informatique dûment tracée, a été établie lors de l’enquête, sans que Mme [T] ait pu nous apporter des explications satisfaisantes sur ces « intrusions » ; que ces faits sont de nature à justifier la mesure de licenciement envisagée et sans rapport avec son mandat » ; que l’intéressée a ainsi été licenciée par lettre du 12 juillet 2010 pour faute grave, aux motifs suivants : « Vous exercez les fonctions de support team leader au sein du département informatique de notre cabinet. Vous disposez de ce fait d’un accès permanent aux dossiers informatiques et aux courriers électroniques de l’ensemble des membres du cabinet : cela vous permet de leur apporter, à leur demande, l’assistance nécessaire en cas de dysfonctionnement informatique. Vous avez outrepassé les droits d’accès qui vous étaient confiés dans la stricte limite de vos fonctions : vous avez pris connaissance, de manière totalement illégitime, des fichiers et dossiers informatiques du directeur informatique et de la directrice des ressources humaines et ce, à leur insu. Vous avez ainsi consulté, depuis le mois de janvier 2010, et plus particulièrement au mois de mars dernier, de très nombreux dossiers ou courriers électroniques confidentiels figurant dans les dossiers des deux directeurs ; vous avez copié une partie de ces documents. A titre d’exemple : – vous avez pris connaissance des courriers électroniques échangés entre notre conseil et notre cabinet (emails des 22 et 23 février 2010, consultés les 16 mars et 28 avril 2010). Vous en avez par ailleurs fait une copie le 28 avril à 9h35 ; – vous avez pris connaissance de plusieurs emails et fichiers du directeur informatique, et notamment d’e-mails très confidentiels adressés aux seuls managers du cabinet (tels que celui du 12 février 2010, intitulé « compte rendu de la réunion des managers », adressé par la direction générale aux 6 managers du cabinet et au managing partner) ou encore, d’emails échangés avec la direction des ressources humaines (e-mails du 4 août 2009 par exemple) ; – vous avez également lu de nombreux courriers électroniques et fichiers figurant dans les dossiers de la direction des ressources humaines et de son équipe ; ces courriers ne vous concernaient nullement. Ceci est d’autant plus grave que vous avez ainsi accédé à des documents concernant la gestion des ressources humaines du cabinet, et ainsi, à des informations portant sur la vie personnelle et professionnelle de salariés et d’avocats du cabinet (évaluations, offres d’emploi, contrats de travail, etc …). Vous avez notamment pris connaissance de documents, concernant le recrutement de salariés et d’avocats, et en particulier de CV de candidats, d’offres d’emploi faites à ces candidats, de contrats de travail de collaborateurs en cours de recrutement ou encore de correspondances expressément identifiées comme « personnelles et confidentielles » notamment entre un cabinet de recrutement et la Direction des RH. Vous avez enfin consulté de nombreux documents concernant la situation individuelle de salariés ou d’avocats du cabinet (avenants au contrat de travail, évaluation de performances, demandes de formation, bilan de compétences, demande de congé parental, modifications de contrats de travail, etc). Il s’agit là d’agissements extrêmement graves, confortés par le constat d’huissier réalisé en votre présence le 26 mai dernier. (…) » ; que la décision administrative d’autorisation n’a pas été contestée par Mme [T], si bien que le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement n’est plus discutable, ce qui signifie que tant la matérialité des faits reprochés que leur caractère fautif ont aujourd’hui un caractère définitif ; qu’il n’y a donc pas lieu d’examiner la question de la validité ou du caractère probant du constat d’huissier, ni celle du droit de la salariée de consulter et d’appréhender les documents qu’elle a consultés et, pour certains, copiés, encore moins de l’existence d’une prétendue autre cause au licenciement, seuls les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixant les termes du litige ; que, s’agissant de la gravité de la faute reprochée, il convient de relever que le fait que Mme [T] ait eu un accès libre de par ses fonctions aux documents litigieux ne l’autorisait pas pour autant à prendre connaissance, encore moins à en prendre copie, la salariée ne justifiant aucunement comme l’a retenu l’inspecteur du travail, l’avoir fait pour les besoins de son travail, la gestion des comptes utilisateur, la gestion du logiciel d’intervention dédié à l’assistance à distance et la formation informatique des nouveaux arrivants au sein du cabinet ne nécessitant pas ces intrusions dans les fichiers de la DRH ou du directeur informatique ; que le fait que certains documents l’aient concernée personnellement ne justifiait pas davantage la violation du secret des correspondances qu’elle a commise ; que le fait que le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 27 juin 2014, au demeurant non définitif à ce jour puisque l’intéressée en a interjeté appel, n’ait requalifié qu’une partie des faits reprochés, qualifiés dans la poursuite d’accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données, considéré comme non établi, en atteinte au secret des correspondances, est sans incidence sur l’appréciation par la Cour, qui porte sur la gravité de la faute de la salariée au regard de ses obligations contractuelles et non des dispositions pénales ; que compte tenu du caractère répété de ses intrusions soit dans des dossiers du personnel ou des avocats, soit dans son propre dossier dans un intérêt personnel, il s’agit là, de la part d’un cadre responsable ayant accès à toutes les données informatiques de l’entreprise dans lequel l’employeur ne pouvait plus conserver plus longtemps sa confiance, d’un détournement de ses fonctions d’une particulière gravité justifiant la rupture immédiate de son contrat de travail et privatif de toute indemnité au titre du licenciement ; que le jugement sera en conséquence confirmé qui a rejeté l’ensemble des demandes ; qu’il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de la société intimée les frais de procédure qu’elle a pu engager en appel.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur la compétence du Conseil de prud’hommes ; que vu l’article 7 du Code du travail : « L’inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l’intéressé » ; que, si le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement alors qu’une autorisation administrative de licenciement d’un salarié protégé a été accordée et n’a pas fait l’objet d’un recours ; que le juge prud’homal doit par contre examiner la gravité de la faute sur laquelle l’inspecteur du travail n’avait pas à se prononcer, de même que sur le caractère brutal et vexatoire de ce licenciement ; que le Conseil de céans se déclare donc compétent ; que sur le motif du licenciement ; qu’il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis ; que Mme [T] disposait en sa qualité de responsable du service « helpdesk » d’un droit d’accès aux dossiers informatiques virtuels (contenant des documents électroniques et des courriels) et à la messagerie électronique de la totalité des membres du cabinet, comprenant les documents classés confidentiels, ouverts, et à accès restreint ; que le service informatique « helpdesk » était en charge du traitement, de la résolution d’incidents informatiques, de la maintenance du système de logiciel spécifique des identifiants des utilisateurs : création, mise à jour et suppression selon les mouvements de personnel ; que la société Allen & Overy exerce dans un domaine sensible ; que de surcroit son activité signifie qu’elle est particulièrement avisée sur les risques et obligations concernant les règles ou procédures de sécurité ; qu’elle ne justifie d’aucune information, règle contractuelle précise, de charte informatique ou même de note d’information pour préciser les règles d’accès et d’utilisation, concernant les informations disponibles sur son réseau informatique ; qu’elle doit assumer les conséquences d’un défaut d’organisation manifeste et ne peut faire porter la charge sur Mme [T] d’un accès intempestif aux informations ; que d’autant qu’il est de la responsabilité de chaque utilisateur, qui plus est des directeurs, de s’assurer de la protection éventuelle de leurs propres informations en rendant les fichiers inaccessibles et, le cas échéant, en identifiant clairement les fichiers comme confidentiels, ce qui a été fait notamment par la directrice des ressources humaines quand elle l’a jugé nécessaire et indique a contrario que les autres informations pouvaient être consultées ; que contrairement à ce qu’il indique dans ses écritures l’employeur n’a jamais autorisé l’accès aux informations sous les conditions suivantes : « autorisation d’accès sur demande expresse » ou avec une « demande de sa hiérarchie » et il ne rapporte pas la preuve de ce qu’il affirme ; que Mme [T] avait un poste de responsabilité dans le service informatique ; qu’elle s’était vu attribuer un large accès aux données par son entreprise, l’employeur indiquant luimême qu’elle avait accès à tous les fichiers et qu’elle y accédait depuis des mois ; que l’employeur a organisé cette situation en parfaite connaissance de cause ; qu’il a lui-même défini contractuellement la limite de l’exercice de ces accès à l’article 10 du contrat de travail « Madame [J] [T] s’engage à observer toutes les instructions ou consignes particulières de travail qui lui seront données et à respecter une stricte obligation de discrétion, même après son contrat et qu’elle qu’en soit la cause, à l’égard de l’ensemble des renseignements et informations qu’elle aura recueillis à l’occasion de ses fonctions ou du fait de sa présence au sein de Allen & Overy » ; que la salariée, contrairement à ce qui est affirmé par l’employeur n’a à aucun moment violé son obligation de préserver le secret professionnel et des correspondances, puisqu’il n’est pas invoqué et encore moins prouvé qu’elle ait divulgué une quelconque information à des tiers ; que la véritable motivation de la rupture doit être recherchée sur d’autres motifs que cette consultation générale ; que ceci est corroboré par le fait que ce motif de licenciement est apparu opportunément, alors que se manifestait un différent profond sur les horaires de travail entre Mme [T] et la directrice des ressources humaines, celle-ci poussant avec insistance la salariée à signer un nouvel avenant sur les horaires de travail ; que cependant la Société Allen & Overy établit avec le rapport de l’huissier que Mme [T], a fait un balayage des fichiers avec une requête sur son nom ; qu’en procédant de la sorte elle a accédé à un courriel du 12 mars 2010, consulté le 29 avril 2010, identifié « personnelles et confidentielles » ; qu’elle a ainsi commis une intrusion volontaire dans des données qu’elle savait réservées, sans justifier pour autant d’une raison légitime ; qu’elle a commis une faute grave remettant en cause la confiance qui lui était faite en lui donnant la possibilité d’accéder à toutes sortes de données et justifiant la rupture immédiate du contrat de travail ; que dès lors, elle sera déboutée de toutes ses demandes ; qu’il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des parties la totalité des frais par eux exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’il y a lieu de les débouter de leur demande en application de l’article 700 du code de procédure civile ; qu’il convient de mettre à la charge de la partie qui succombe les dépens.

ALORS QUE la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise ; que les qualités professionnelles reconnues au salarié pendant ses années de service ainsi que son ancienneté, constituent des éléments que le juge doit prendre en compte pour apprécier la gravité de la faute ; que, pour autoriser le licenciement de Mme [T], l’inspecteur du travail a uniquement retenu la réalité des faits reprochés à Mme [T], à savoir avoir accédé de façon répétée, en utilisant ses droits d’accès liés à ses fonctions, à des fichiers et des dossiers du directeur informatique et de la directrice des ressources humaines qu’elle a parfois copiés à leur insu et en dehors de toute intervention de maintenance informatique dûment tracée, pour en déduire qu’ils étaient de nature à justifier la mesure de licenciement ; qu’en retenant la faute grave sans préciser l’importance et la datation des faits retenus, et sans préciser non plus s’il s’agissait de faits récurrents ou isolés dans le temps la cour n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

ALORS encore QU’ qu’en retenant la faute grave sans prendre en considération la durée et la qualité des services, l’ancienneté de la salariée dans l’entreprise, ses compétences et qualités professionnelles , pour apprécier la gravité des fautes qui lui étaient reprochées, la cour n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

 


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