Secret des correspondances : 3 février 2021 Cour d’appel de Paris RG n° 19/13074

·

·

Secret des correspondances : 3 février 2021 Cour d’appel de Paris RG n° 19/13074
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

3 février 2021
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/13074

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 03 FEVRIER 2021

(n° 9, 19 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 19/13074 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAG43 auquel sont joints les RG 19/13077(recours), 19/13101(appel) et 19/13103(recours)

Décisions déférées : Ordonnance rendue le 01 Juillet 2019 par le Juge des libertés et de la détention du ribunal de Grande Instance de CRETEIL

Procès-verbaux de visite et saisies en date du 4 juillet 2019 pris en exécution de l’Ordonnance rendue le 01 Juillet 2019 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de CRETEIL

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article 64 du code des douanes ;

assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l’audience publique du 04 novembre 2020 :

LA société SINOTRANS AIR SARL prise en la personne de son gérant

Élisant domicile au cabinet C’M’S FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Jean-Fabrice BRUN de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

assistée de Me Jean-Fabrice BRUN et de Me Gauthier POULIN de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE

APPELANTE ET REQUERANTE

et

LA DIRECTION NATIONALE DU RENSEIGNEMENT ET DES ENQUETES DOUANIERES – DNRED

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Mme [G] [L], Inspectrice des douanes

INTIMÉE ET DEFENDERESSE AUX RECOURS

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 04 novembre 2020, l’avocat de la requérante, et le représentant de l’intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 13 Janvier 2021 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour puis prorogée au 3 février 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

Le 1er juillet 2019, le Juge des Libertés et de la Détention (ci-après JLD) du Tribunal de grande instance (ci-après TGI) de CRETEIL a rendu, en application des dispositions de l’article 64 du code des douanes, une ordonnance autorisant des opérations de visites domiciliaires dans les locaux situés :

-Au siège de la société SINOTRANS AIR sis [Adresse 1], tant les pièces à usage professionnel, caves, dépendances et annexes ;

– à l’entrepôt dédié à l’importation pour la société SINOTRANS AIR [Adresse 2], tant les pièces à usage professionnel que les pièces à usage d’habitation, les caves, dépendances et annexes ;

-dans les véhicules de la société SINOTRANS AIR ([Immatriculation 11], Renault Clio, couleur noir ; [Immatriculation 9], Citroën Berlingo, couleur blanc ; [Immatriculation 12], Volvo V90, couleur gris foncé ; [Immatriculation 10], Maserati Ghibli, couleur noir), stationnés aux adressés susvisés ou à proximité immédiate.

Cette ordonnance se fondait sur une requête de la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (ci-après DNRED) présentée le 26 juin 2019.

La requête de l’administration était accompagnée de 8 pièces ou annexes.

Il ressortait des éléments du dossier, et notamment de la requête de l’administration des douanes, que la société SINOTRANS AIR est présidée par M. [X] [T], né le [Date naissance 6]/1990 à [Localité 15] (CHINE), directeur général, et que M. [T] est secondé par M. [Z] [D], né le [Date naissance 3]/1987 à [Localité 14] (CHINE), manager des opérations.

Il était également indiqué que la société SINOTRANS AIR dispose d’un siège social au [Adresse 1], et de locaux professionnels destinés aux activités d’importation au [Adresse 2]. Elle possède également quatre voitures : une Renault Clio de couleur noir (numéro d’immatriculation [Immatriculation 11]), une Citroën Berlingo de couleur blanc ([Immatriculation 9]), une Volvo V90 de couleur gris foncé ([Immatriculation 12]) et une Maserati Ghibli de couleur noir ([Immatriculation 10]).

Il apparaîtrait que la société SINOTRANS AIR importerait des marchandises en provenance de CHINE en son nom depuis le 06/07/2017 et, sous le nom de ROUGE EXPRESS (SIREN 818 281 198 ‘ dirigeant M. [X] [T]) entre le 06/02/2017 et le 05/07/2017, et qu’elle transmettrait les informations nécessaires au dédouanement à la société STILE, laquelle procéderait au dédouanement des marchandises de la société SINOTRANS AIR par une déclaration simplifiée papier avec, comme documents, une lettre de transport aérien (ci-après LTA) et un manifeste.

Par ailleurs, les marchandises ‘ dont les expéditeurs seraient des sociétés chinoises, clients de la SINOTRANS AIR – arriveraient par avion cargo et seraient ensuite triées dans l’entrepôt situé [Adresse 2].

Il était précisé que la société SINOTRANS AIR serait reprise comme destinataire principal des marchandises sur la LTA, la déclaration simplifiée de dédouanement et le listing et que ces marchandises correspondraient à des flux de petits colis destinés à être acheminés auprès de destinataires particuliers.

En outre, la société SINOTRANS AIR aurait reconnu travailler avec différents consolidateurs/groupeurs en CHINE, qui lui expédieraient leurs marchandises, et que ces mêmes groupeurs travailleraient avec des plateformes de ventes en ligne comme WISH, CDISCOUNT, AMAZON ou ALI EXPRESS. Elle aurait également reconnu que les marchandises chinoises destinées à des clients européens seraient importées dans le cadre de ventes sur internet via des plate-formes de e-commerce.

Il était indiqué que les valeurs reprises pour chaque colis sur les documents servant au dédouanement seraient systématiquement inférieures à 22 euros et que la société SINOTRANS AIR n’acquitterait ni droits ni taxes (TVA) sur les marchandises importées.

Par ailleurs, les dirigeants de la société SINITRANS AIR ont indiqué qu’ils dédouanaient plusieurs vols par jours. Pour le seul mois d’avril 2018, ce flux concernerait 278 vols (chaque vol correspondant à une LTA) représentant 2 816 284 petits colis dédouanés. Le prix moyen de chaque colis aurait été évalué à 9 € pour 25 LTA, la valeur déclarée serait donc de plus de 26 millions d’euros. Sur la base de cette valeur déclarée, la TVA à récupérer pour le seul mois d’avril 2018 serait de 5,2 millions d’euros.

Selon la DNRED, les données correspondant aux expéditeurs dans les listings ne permettraient pas d’identifier les vendeurs ou les expéditeurs des marchandises.

Après vérification d’un échantillon de destinataires finaux sélectionnés aléatoirement, il s’avérerait que les valeurs déclarées pour le dédouanement seraient systématiquement minorées.

Enfin, la société SINOTRANS AIR n’aurait pas été en mesure d’expliquer pourquoi les valeurs présentées par les clients finaux au service ne seraient pas les mêmes que celles reprises sur les listings de dédouanement et, après trois relances du service, elle aurait fourni à ce jour une seule des factures demandées lors de l’audition relatée dans le PVC n° 10, qui ne respecterait pas les mentions obligatoires prévues par l’article L. 441-3 du code de commerce et semblerait fausse.

Ainsi, il découle de tout ce qui précède qu’il pourrait être présumé l’existence de fausses déclarations de valeur en douanes, commises à l’aide de documents faux, incomplets ou inexacts présentés à l’importation, visant à minorer la valeur en douanes et le montant des droits et taxes dus, ou à bénéficier indûment de franchises fiscales et douanières, réputé importations sans déclaration de marchandises prohibées, prévu par l’article 426-3 du code des douanes et réprimé par l’article 414 de ce même code.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le JLD a autorisé par ordonnance du 1er juillet 2019 la visite aux adresses susmentionnées et a délivré une commission rogatoire :

– au JLD du TGI de Nanterre (92) en ce qui concerne la visite au siège de la société SINOTRANS AIR sis [Adresse 1], tant les pièces à usage professionnel, caves, dépendances et annexes ; ainsi que dans les véhicules de la société stationnés à proximité .

– au JLD du TGI de Bobigny (93) en ce qui concerne la visite à l’entrepôt dédié à l’importation pour la société SINOTRANS AIR [Adresse 2], tant les pièces à usage professionnel que les pièces à usage d’habitation, les caves, dépendances et annexes ; ainsi que dans les véhicules de la société stationnés à proximité.

Les opérations de visite se sont déroulées le 4 juillet 2019 au siège de la société SINOTRANS AIR sis [Adresse 1], de 10H20 à 17H30, en présence de [T] [X], Directeur général de la société SINOTRANS AIR et en présence de [D] [Z], manager des opérations de la société, [T] [X] ayant signé le procès-verbal de visite et saisies.

Les opérations de visite se sont déroulées le 4 juillet 2019 à l’entrepôt dédié à l’importation pour la société SINOTRANS AIR [Adresse 2], de 10H20 à 19H45, en présence de [F] [P], responsable du site, désigné par [X] [T] comme représentant de l’occupant des lieux pour assister aux opérations de visite domiciliaires, celui-ci a signé le procès -verbal de visite et saisie.

Le 18 juillet 2019, la société SINOTRANS AIR a interjeté appel de l’ordonnance du JLD en ce qu’elle ordonnait la visite au siège de la société SINOTRANS AIR sis [Adresse 1]), et en ce qu’elle ordonnait la visite à à l’entrepôt dédié à l’importation pour la société SINOTRANS AIR [Adresse 2] (RG 19/13101).

Le 18 juillet 2019, la société SINOTRANS AIR a exercé un recours contre le procès verbal de visite domiciliaire du 4 juillet 2019 au siège de la société SINOTRANS AIR sis [Adresse 1]), et a exercé un recours contre le procès verbal de visite domiciliaire du 4 juillet 2019 à à l’entrepôt dédié à l’importation pour la société SINOTRANS AIR [Adresse 2] (RG 19/13103).

L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 22 avril 2020, à cette date l’affaire a été renvoyée à l’audience du 4 novembre 2020 du fait de l’état d’urgence sanitaire (confinement national), A cette audience, la jonction des dossiers a été évoquée, la décision a été mise en délibéré pour être rendue le 13 janvier 2021, délibéré prorogé au 3 février 2021.

SUR L’APPEL

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 21 novembre 2019 et le 27 octobre 2020, la société SINOTRANS AIR fait valoir:

RAPPEL DES FAITS :

la société SINOTRANS AIR (ci -après SINOTRANS) a pour activité la sous-traitance du transport de marchandises provenant de l’étranger, principalement la Chine, après dédouanement et entrée des marchandises sur le territoire douanier. Compte-tenu de la barrière de la langue, et des particularités auxquelles sont confrontées les sociétés chinoises (contrôle strict des changes, restructions dans l’usage d’internet…), les expéditeurs ont besoin d’un partenaire local capable de les conseiller dans le choix d’un commissaire en douane, de rechercher des transporteurs locaux et de prendre en charge l’organisation de l’acheminement une fois les marchandises dédouanées, d’interagir avec les différentes parties si des difficultés se font jour, pour fluidifier le transport des marchandises (enjeu majeur).

C’est le positionnement et l’activité de SINOTRANS, société française (dirigeant de nationalité chinoise et salariés maitrisant la langue et connaissant les habitudes des sociétés chinoises).

Pour opérer le dédouanement des marchandises, SINOTRANS fait appel à un commissionnaire agréé en douanes, la société STILE. Ce dernier prend en charge le dédouanement des marchandises, grace aux informations reçues des expéditeurs chinois, avant de remettre les colis à SINOTRANS.

Le JLD de Créteil a autorisé les visites et saisies au siège social de SINOTRANS AIR et dans les locaux destinés aux activités d’importation en zone cargo à [Localité 16], ainsi que dans les véhicules. Le 4 juillet 2019, les agents de la DNRED ont procédé aux opérations de saisies et de visite, la société SINOTRANS AIR a fait appel des ordonnances et a exercé un recours contre l’ensemble des opérations menées.

Discussion : il est rappelé le rapport du Sénat relatif à la Loi LME qui a adapté la rédaction de l’article 64 du code des douanes aux exigences de la CEDH, notamment dans l’arrêt Ravon. Il est rappelé les termes de l’article 64 du code des Douanes, ainsi que l’obligation du juge de vérifier de manière concrête que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ( cass com 29 octobre 1991, n° 90-19.605, bull, Cass com novembre 1993, n° 92-19.416).

En substance l’ordonnance retient qu’il existerait des éléments permettant de caractériser des ‘présomptions suffisantes’ de fraude aux motifs que :

‘après vérification auprès d’un échantillon de destinataires finaux sélectionnés aléatoirement, les valeurs déclarées pour le dédouanement sont systématiquement minorées (page 6 de l’ordonnance), une facture ne respectant pas les mentions obligatoires prévues par l’article L 441-3 du code de commerce aurait été fournie par SINOTRANS AIR et ‘semble fausse’ (page 7).

En conséquence ‘ les éléments qui précèdent laissent présumer l’existence de fausses déclarations de valeur en douanes, commises à l’aide de documents faux, incomplets ou inexacts présentés à l’importation, visant à minorer la valeur en douanes et le montant des droits et taxes dus, ou à bénéficier indûment de franchises fiscales et douanières, réputé importations sans déclaration de marchandises prohibées, prévu par l’article 426-3 du code des douanes et réprimé par l’article 414 de ce même code’.

L’ordonnance devra être infirmée du fait que les faits présentés dans l’ordonnance sont des contraventions douanières, la requête et les pièces de l’administration sont insuffisantes pour caractériser des présomptions d’infractions douanières, elle ne mentionne pas la possibilité pour l’auteur présumé des infractions douanières de faire appel à un conseil, la mesure ordonnée n’apparaît pas proportionnée.

I ‘ Sur la nature contraventionnelle des infractions présumées dans l’ordonnance

L’ordonnance retient que les faits décrits constituent l’infraction de fausses déclarations de valeur en douane visant à minorer la valeur en douane et le montant des droits et taxes dus, ou à bénéficier indûment de franchises fiscales et douanières , ces déclarations auraient été faites au moyen de fausses factures. Ainsi il est soutenu que les infractions douanières visées dans l’ordonnance sont celles de fausses déclarations de valeur en douane, sanctionnées par l’article 412- 2° du code des douanes.

Ainsi, les infractions présumées sont des contraventions douanières de troisième classe.

Il est indiqué que la nature contraventionnelle des infractions retenues est confirmée par le procès-verbal de visite relatif aux opérations ayant eu lieu dans les locaux professionnels de [Localité 16] (pièce n° 4).

Dans ces conditions, le JLD ne pouvait pas autoriser la visite sur le fondement de l’article 64 du code des douanes, celui-ci admettant la possibilité de réaliser des opérations de visite et saisie « pour la recherche et la constatation des délits douaniers, visés aux articles 414 à 429 et 459 [du même code] ».

Concernant les affirmations de la DNRED contenues dans la requête, et retenues dans l’ordonnance, il est précisé que les déclarations prétendument minorées n’ont pas été « commises à l’aide de factures, certificats ou tous autres documents faux, inexacts, incomplets ou non applicables » (article 426, 3° du code des douanes), dès lors que ces factures n’étaient pas nécessaires au dédouanement : la facture mentionnée n’a été transmise par SINOTRANS AIR qu’a posteriori et à la demande de la DNRED.

Par ailleurs, le procès-verbal de constat du 11 décembre 2018 mentionne une demande de communication de factures mais la facture n’a jamais été communiquée par l’administration des douanes ( pièce DNRED n° 7)

Ainsi, en son absence, il est impossible de déterminer la raison pour laquelle la DNRED considère qu’elle « semble fausse ».

Il est fait valoir que d’une part, l’article L. 441-3 du code de commerce dispose que « tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l’objet d’une facturation » avant d’en préciser les mentions exigées. Par conséquent, ce texte est inapplicable à la vente pour une activité non professionnelle, comme c’est le cas des ventes sur Marketplace.

D’autre part, quand bien même ce formalisme ne serait pas respecté, l’émetteur de cette facture s’expose à des sanctions pénales et fiscales, mais selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le non respect des règles de facturation ne saurait constituer la nullité des factures litigieuses. Une telle facture ne saurait donc être considérée fausse de ce seul fait.

En outre, les règles françaises de facturation, et le formalisme afférent, ne sauraient s’appliquer aux exportations par des entreprises étrangères vers des particuliers sur le territoire douanier de l’Union (cf. articles 289-0 et 289 du code général des impôts).

Il découle de ce qui précède que le premier juge était donc totalement dans l’incapacité, au vu des pièces produites et des éléments présentés, de retenir que les infractions présumées seraient des délits douaniers, et non de simples contraventions, et que par conséquent, il ne pouvait pas autoriser une visite domiciliaire fondée sur l’article 64 du Code des douanes. L’ordonnance doit être annulée.

II ‘ Sur l’insuffisance manifeste de la requête et des documents produits par l’administration des douanes permettant de présumer l’existence d’une fraude

Il est critiqué la présentation trompeuse des faits en page 6 de la requête.

Il est argué que d’une part, SINOTRANS est parfaitement étrangère à l’établissement du prix à l’importation et à sa déclaration aux douanes, n’étant ni l’expéditeur, ni l’importateur, mais bien un simple prestataire logistique.

D’autre part, la DNRED ne détaille en rien comment elle a déterminé la valeur en douane retenue pour prétendre qu’elle serait minorée dans la déclaration faite par STILE pour le compte des expéditeurs chinois.

La lecture du procès-verbal du 11 décembre 2018 (pièce n° 7) semble laisser apparaître que l’administration assimile la valeur en douane au montant de la facture reçue par le client final, sur la base de cinq destinataires sollicités par elle.

Au cas présent, la valeur en douane doit évidemment être distinguée des prix pratiqués sur le marché européen par des revendeurs professionnels aux consommateurs.

Il est indiqué que la valeur à l’importation avancée par l’administration est une valeur de vente domestique à un consommateur européen, telle que figurant sur la plateforme AMAZON ou ALI EXPRESS.

Ces prix de revente aux consommateurs comprennent (1) la marge pratiquée par les revendeurs finaux, (2) les frais d’acheminement des marchandises au sein de l’Union européenne, (3) les frais de mise en marché ou encore (4) la commission perçue par la plateforme pour ses prestations.

Or, la base taxable n’est pas cette transaction domestique, mais bien celle conclue, en vue de l’export, par l’expéditeur chinois. Il est cité un passage tiré du Guidance Customs Valuation Implementing Act de la Commission européenne du 28 avril 2016 clarifiant sur un sujet connexe le fait que la valeur transactionnelle ne saurait être une vente domestique.

Il est soutenu que l’établissement des prix, qui relève de la responsabilité conjointe des vendeurs chinois et du déclarant en douane STILE, est vraisemblablement fondée sur la vente des usines en CHINE aux grossistes, car elle constitue la vente qui donne lieu à l’export à destination du territoire douanier de l’Union européenne.

Dans ces conditions, la valeur de la transaction domestique, retenue par l’administration des douanes à partir du prix de vente au consommateur final est donc particulièrement absurde et dénuée de tout fondement, ne correspond en rien au montant devant être déclaré et ne saurait induire une quelconque suspicion d’infraction de ce fait.

Par conséquent, la DNRED a induit en erreur le JLD, lequel ne pouvait pas conclure que les valeurs déclarées par les expéditeurs chinois auraient été minorées.

Il est demandé donc l’annulation de l’ordonnance.

III ‘ Sur l’absence de mention, dans l’ordonnance, de la faculté pour l’auteur présumé des infractions de faire appel au conseil de son choix

Il est mis en exergue que l’ordonnance ne mentionne qu’incidemment MM. [T] et [D] et paraît se concentrer sur la société SINOTRANS AIR comme auteur présumé.

Il est soutenu que les auteurs présumés des infractions n’ont pas été explicitement mentionnés dans l’ordonnance (v. page 7).

Par ailleurs, aucune mention n’est faite de la faculté, pour l’auteur présumé des infractions, de faire appel à un conseil de son choix.

Ainsi, SINOTRANS AIR n’a jamais été informée qu’elle pouvait bénéficier de la possibilité de faire appel à un conseil de son choix en tant qu’auteur présumé des infractions visées dans l’ordonnance.

De surcroît, contrairement à la requête, l’ordonnance n’est pas explicite sur le fait que SINOTRANS est l’auteur présumé de l’infraction.

Il est argué qu’étant un simple prestataire logistique n’ayant pas de lien avec la procédure de dédouanement ou la valorisation des marchandises, SINOTRANS AIR pouvait, logiquement, ne pas se sentir visée par les visites domiciliaires qu’en qualité d’occupant des lieux dont la responsabilité pénale ne pouvait être engagée.

C’est pour cela que, durant les opérations à [Localité 16], le représentant de l’occupant des lieux a indiqué ne « pas souhaiter faire appel au conseil de son choix », ce qu’il aurait évidemment fait s’il avait été informé de cette même faculté pour la société, en tant qu’auteur présumé.

Il est fait valoir que si le dirigeant de SINOTRANS AIR a déclaré souhaiter faire appel à un conseil de son choix lors des opérations ayant eu lieu au siège de la société, c’est uniquement car il a été informé de cette possibilité en qualité d’occupant des lieux.

Aussi, s’il a bien contacté son conseil, mention est faite dans le procès-verbal d’une conversation téléphonique ayant duré moins de 6 minutes, à la suite de laquelle le dit conseil ne s’est même pas déplacé pour assister l’appelante durant les opérations de visite et saisie.

Il est soutenu que si elle avait été correctement informée, SINOTRANS aurait agi d’une toute autre manière et demandé la présence constante de ses conseils dans le cadre des deux visites domiciliaires la concernant.

Il est cité l’arrêt Ravon de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (ci-après CEDH) en date du 21 février 2008 rappelant, entre autres, le droit d’avoir une assistance juridique dès le stade de l’enquête préalable.

Au vu de ce qui précède, il est demandé l’annulation de l’ordonnance.

IV ‘ Sur l’absence de contrôle de proportionnalité quant à l’autorisation de la visite domiciliaire

Il découle de l’article 8 de la CESDH ainsi que de la jurisprudence de la CEDH une exigence de contrôle in concreto de la proportionnalité de la mesure de visite domiciliaire autorisée.

En l’espèce, il est patent que le premier juge n’a procédé à aucun contrôle de proportionnalité.

En effet, l’ordonnance ne motive à aucun moment le caractère proportionné des mesures autorisées et reprend telles quelles les nombreuses inexactitudes ou erreurs matérielles contenues dans la requête.

Il est argué que le JLD aurait dû indiquer en quoi les moyens déjà offerts à la DNRED, tel que le droit de communication prévu par l’article 65 du code des douanes ou le droit d’accès aux lieux et locaux à usage professionnel prévu par l’article 63 du même code, ne permettaient pas de recueillir les éléments de preuve recherchés.

En conclusion, il est demandé de :

-infirmer les ordonnances rendues le 1er juillet 2019 par le JLD du TGI de CRETEIL ;

Et en conséquence,

-annuler les opérations de visite et saisie autorisées par ordonnance du JLD du 1er juillet 2019 et réalisées le 4 juillet 2019 ;

-ordonner la destruction de toute copie sous quelque forme que ce soit des documents dont la saisie est annulée, à charge pour l’administration de justifier de la destruction effective de ces documents dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir ;

-dire et juger que passé ce délai, s’appliquera une astreinte de 2 000 € par jour de retard jusqu’à la justification effective de la destruction de ces documents ;

-dire et juger que la DNRED sera rétroactivement réputée ne jamais avoir détenu les pièces saisies ;

-condamner la DNRED à verser à la société SINOTRANS AIR la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 11 février 2020, déposées au greffe de la chambre le 14 février 2020, l’Administration des douanes fait valoir:

I RAPPEL DES FAITS :

Le 26 juin 2019, la DNRED a sollicité auprès du JLD de Créteil l’autorisation de mettre en oeuvre le procédure de visite domiciliaire et de saisie prévue à l’article 64 du code des douanes.

Cette demande était motivée par la fait que l’administration des douanes disposait d’éléments sérieux et concordants laissant préumer que la société SINOTRANS, son gérant M [T] [X] et son manager des opérations MLIU [Z] , avaient commis des infractions douanières consitant en un délit réputé importation sans déclaration de marchandises prohibées, selon les articles 426-3, 426-4 et 414 du Code des douanes.

Cette société était notamment soupçonnée d’être impliqués dans un schéma de fraude visant à effectuer de fausses déclarations portant sur la valeur en douane à l’aide de fausses factures. L’enjeu étant , d’une part de faire dédouaner les marchandises issues de ventes en ligne sur des plateformes de e -commerce en Chine sans payer de droits et taxes à l’importation, et d’autre part, de masquer l’expéditeur réel des marchandises.

Par ordonnance du 1er juillet 2019, au vu des pièces et explications fournies par l’administration des douanes, le JLD a autorisé concernant la société SINOTRANS AIR, la visite des lieux au siège de la société, dans l’entrpôt et dans les véhicules de la société.

Les agents des douanes ont procédé aux visites domiciliaires , et aux saisies, le 4 juillet 2019.

II DISCUSSION : Sur l’ordonnance de visite domiciliaire du 1er juillet 2019.

1- Sur la nature des infractions présumées dans l’ordonnance

Au cas présent, la fraude suspectée par l’administration consiste en une minoration de valeur en procédant au dédouanement de marchandises via la procédure express des envois de valeur négligeable issues de ventes en ligne sur des plateformes de e-commerce en CHINE, sans payer de droits et taxes à l’importation et masquer ainsi l’expéditeur réel des marchandises.

Il est rappelé le texte de l’article 426, 3°-4° du Code des douanes.

En l’espèce, la société SINOTRANS AIR est soupçonnée d’avoir sciemment procédé à de fausses déclarations de valeur en douane à l’aide de factures fausses ainsi qu’à des man’uvres en bénéficiant systématiquement de la franchise fiscale destinée aux « envois de valeur négligeable » et de la procédure de dédouanement manuelle expresse pour des « documents, imprimés et envois de valeur négligeable ».

En effet, l’appelante utilise, afin d’effectuer les formalités de dédouanement de marchandises, les services d’un représentant en douane, la société STILE, laquelle dispose d’une convention avec la douane lui permettant d’utiliser la procédure de dédouanement manuel express.

En outre, elle reçoit les données des « consolidateurs chinois » et transfère au représentant en douane la lettre de transport et le manifeste qui reprend notamment la valeur de la marchandise. Ne figurent pas dans les documents communiqués les factures afférentes aux colis qui sont disponibles sur demande des clients (destinataires finaux) aux « consolidateurs chinois ».

Or, il apparaît que les factures produites par les destinataires finaux ne correspondent pas aux valeurs apparaissant dans les listings fournis par la société SINOTRANS à la société STILE.

Il est indiqué que ces valeurs étaient systématiquement minorées, ce qui a laissé suspecter aux enquêteurs que de faux documents étaient produits à l’appui du dédouanement.

Par ailleurs, il est fait observer que les factures sont toutes TTC puisqu’il s’agit de ventes à des particuliers mais que, in fine, cette TVA n’est pas acquittée lors du dédouanement puisque les marchandises qui sont déclarées en « envoi de valeur négligeable » sont admises en franchise de droits de douane et de TVA.

Suite à un droit de communication exercé sur le fondement de l’article 65 du code de douanes et à la demande réitérée du service, M. [D], manager des opérations, a fourni une facture censée couvrir l’une des marchandises importées ( PJ4) , qui semble toutefois être fausse et ne pas respecter les termes des articles L. 441-3 du code des douanes et 242 nonies A annexe 2 du code général des impôts (ci-après CGI).

Il est soutenu que l’indication dans la requête que cette facture se trouve en pièce n° 7, alors que celle-ci est en fait l’organigramme du groupe, n’est qu’une simple erreur matérielle, qui ne préjudice en rien aux droits de la défense dans la mesure où c’est M. [D] lui-même qui l’

a adressé au service par courrier de sorte que l’appelante ne saurait prétendre ne pas avoir connaissance de cette pièce, qui n’est d’ailleurs qu’un élément secondaire parmi d’autres plus probants.

Il est fait valoir que ces marchandises sont, avant d’être expédiées vers la FRANCE, regroupées auprès de « consolidateurs chinois » et vendues sur des sites de e-commerce, ce qui permet de masquer le flux réel des marchandises et de ne pas afficher l’expéditeur réel de celles-ci.

Enfin, les marchandises dédouanées auprès de la société STILE correspondent en fait à des ventes par correspondances, qui, en application de l’article 50 octies du CGI, ne peuvent pas bénéficier de la franchise TVA à l’importation.

Dès lors, au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que le JLD de CRETEIL a autorisé la visite domiciliaire dans les locaux de la société SINOTRANS AIR.

2 ‘ Sur l’insuffisance matérielle de la requête

Il est fait valoir que les agents de la DNRED ont procédé à une enquête approfondie avant de présenter leur requête au JLD.

Il est rappelé les éléments de faits retenus dans la requête adressée au JLD.

S’agissant de l’argument selon lequel la société SINOTRANS ne serait qu’un simple prestataire logistique, il est mis en exergue que celle-ci non seulement est mentionnée comme unique destinataire sur la déclaration en douane mais adresse aussi à la société STILE les documents nécessaires au dédouanement des marchandises.

En outre, lorsque le service dispose d’éléments permettant de remettre en cause la valeur déclarée, la valeur en douane est déterminée selon la méthode de la valeur transactionnelle, prévue par l’article 70 du CDU. Or, il découle de la détermination de la valeur transactionnelle réelle par l’administration que la valeur en douane déclarée par la société SINOTRANS était minorée et que les colis n’étaient en fait pas éligibles à la procédure des envois de la valeur négligeable.

A titre d’exemple, à la ligne 201 du manifeste de la LTA 160-47632664 du 24 juin 2018 fourni parla société STILE, une commande d’un montant de 20 $ (soit 17,08 €) a été expédiée par un « consolidateur » à destination de Mme [B], qui a produit une facture d’un montant de 104,99€.

De surcroît, en application de l’article 50 du CGI, la procédure d’envoi négligeable ne pouvait pas être utilisée pour ces envois puisqu’en l’espèce, il s’agit d’achats par correspondance sur des plate-formes de e-commerce.

Sur la base de ces éléments, la DNRED a pu en toute logique suspecter une fraude sur une minoration de valeur.

Ainsi l’ordonnance rendue considère que seule la visite domiciliaire des locaux cités permettra d’obtenir les docupents nécessaires à la caractérisqtion de la fraude et qu’ainsi ‘la requête de l’administration des douanes, appuyée sur des pièces dont l’origine est appremment licite, est donc justifiée’. Sauf pour la société SINOTRANS à apporter la preuve de l’illécéité des pièces fournies par l’administration, il est de jurisprudence constante qu’en se référant et en analysant les seuls éléments d’information fournis par l’administration, le juge apprécie souverainement l’existence des présomptions d’agissement frauduleux justifiant la mesure autorisée ( crim 23 mai 2002 n° 01-82.701). C’est à bon droit que le JLD a autorisé les agents des douanes à procéder à une visite domiciliaire dans les locaux de la société SINOTRANS sur la base des informations recueillis et des documents en possession de l’administration des douanes au moment de la demande.

Il est enfin rappelé que les procès-verbaux et rapports rédigés par des agents assermentés font foi jusqu’à inscription de faux des constatations matérielles relatées.

3 ‘ Sur l’absence de mention relative à la faculté de faire appel à un conseil

Aux termes de l’article 64 du code des douanes, l’ordonnance doit comporter « (‘) la mention de la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant, ainsi que l’auteur présumé des infractions mentionnées au 1, de faire appel à un conseil de son choix ».

En droit, la référence à l’auteur présumé a été codifiée à l’article 64 du code des douanes par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 et désigne la personne qui, sans faire elle-même l’objet de la visite domiciliaire, est visée dans la motivation de l’ordonnance comme susceptible d’avoir enfreint la réglementation douanière.

Il est argué que, de fait, les diligences prévues pour « l’auteur présumé » ont vocation à s’appliquer uniquement dans les cas où il n’est pas l’occupant des lieux, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, puisque l’ordonnance mentionne dans les lieux à visiter les adresses où sont situées les société SINOTRANS à [Localité 16] et [Localité 13], l’ordonnance n’avait donc pas à poretr la mention de ‘l’auteur présumé’ puisque c’est bien l’occupant des lieux qui faisait l’objet de la visite domiciliaire.

Il est précisé que l’article 64 du code des douanes n’impose pas sous peine de nullité de mentionner dans l’ordonnance la qualité « d’auteur présumé ».

4 ‘ Sur l’absence de contrôle de la proportionnalité de la mesure

Il est fait valoir qu’avant la présentation de la requête et l’obtention de l’autorisation de visite et saisie, les agents des douanes ont mis en ‘uvre des mesures justes et proportionnées destinées à faciliter la manifestation de la vérité, faisant usage des pouvoirs conférés par les articles 65, 67F et 63 ter du code des douanes tant auprès de la société SINOTRANS que de la société STILE.

Il est rappelé la chronologie des investigations à travers des PV.

Il est argué que c’est sur la base des éléments issus de ces premières investigations que le JLD a considéré que des agissements frauduleux pouvaient être présumés et que seul l’autorisation d’une visite et saisie sur le fondement de l’article 64 du code des douanes pouvait permettre d’en rapporter la preuve.

Par conséquent, l’ordonnance du 1er juillet 2019 est parfaitement valide en tous ses points.

En conclusion, il est demandé de :

-dire n’y avoir lieu à annulation de l’ordonnance de visite domiciliaire rendue le 1er juillet 2019 par le JLD du TGI de CRETEIL et de la procédure subséquente ;

-dire n’y avoir lieu à annulation des procès-verbaux de visite domiciliaire et de saisie, et de la procédure subséquente.

SUR LE RECOURS

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS en date du 21 novembre 2019 et 27 octobre 2020 la société requérante fait valoir:

I RAPPEL DES FAITS :

Le JLD de Créteil a autorisé les visites et saisies au siège social de SINOTRANS AIR et dans les locaux destinés aux activités d’importation en zone cargo à [Localité 16], ainsi que dans les véhicules. Le 4 juillet 2019, les agents de la DNRED ont procédé aux opérations de saisies et de visite :

– au siège de la société SINOTRANS AIR sis [Adresse 1] ,

– dans les locaux professionnels destinés aux activités d’importation situés [Adresse 2]

– dans les véhicules de la société stationnés aux adresses visées.

La société SINOTRANS AIR a fait appel des ordonnances et a exercé un recours contre l’ensemble des opérations menées.

II DISCUSSION :

La DNRED n’a pas informé SINOTRANS de sa faculté en tant qu’auteur présumé des infractions présumées de faire appel à un conseil de son choix pour assister aux opérations de visite domiciliaire dans les locaux dont elle n ‘est pas l’occupant. La DNRED a procédé à des saisies massives entrainant immanquablement une violation du secret professionnel.

1 ‘ La violation du droit de faire appel à un conseil

Il est rappelé que dans sa requête la DNRED vise la SARL SINOTRANS comme ‘personne morale mise en cause’, l’ordonnance ne mentionne qu’incidemment MM. [T] et [D] et paraît se concentrer sur la société SINOTRANS AIR comme auteur présumé.

Il est soutenu que les auteurs présumés des infractions n’ont pas été explicitement mentionnés dans l’ordonnance (v. page 7).

Par ailleurs, aucune mention n’est faite de la faculté, pour l’auteur présumé des infractions, de faire appel à un conseil de son choix, alors que l’article 64 du Code des douanes le prévoit.

Ainsi, SINOTRANS AIR n’a jamais été informée qu’elle pouvait bénéficier de la possibilité de faire appel à un conseil de son choix en tant qu’auteur présumé des infractions visées dans l’ordonnance.

De surcroît, contrairement la requête, l’ordonnance n’est pas explicite sur le fait que SINOTRANS est l’auteur présumé de l’infraction.

Il est argué qu’étant un simple prestataire logistique n’ayant pas de lien avec la procédure de dédouanement ou la valorisation des marchandises, SINOTRANS AIR pouvait, logiquement, ne pas se sentir visée par les visites domiciliaires qu’en qualité d’occupant des lieux dont la responsabilité pénale ne pouvait être engagée.

C’est pour cela que, durant les opérations à [Localité 16], le représentant de l’occupant des lieux a indiqué ne « pas souhaiter faire appel au conseil de son choix », ce qu’il aurait évidemment fait s’il avait été informé de cette même faculté pour la société, en tant qu’auteur présumé.

Il est fait valoir que si le dirigeant de SINOTRANS AIR a déclaré souhaiter faire appel à un conseil de son choix lors des opérations ayant eu lieu au siège de la société, c’est uniquement car il a été informé de cette possibilité en qualité d’occupant des lieux.

Aussi, s’il a bien contacté son conseil, mention est faite dans le procès-verbal d’une conversation téléphonique ayant duré moins de 6 minutes, à la suite de laquelle le dit conseil ne s’est même pas déplacé pour assister l’appelante durant les opérations de visite et saisie.

Il est soutenu que si elle avait été correctement informée, SINOTRANS aurait agi d’une toute autre manière et demandé la présence constante de ses conseils dans le cadre des deux visites domiciliaires la concernant.

Il est cité l’arrêt Ravon de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (ci-après CEDH) en date du 21 février 2008 rappelant, entre autres, le droit d’avoir une assistance juridique dès le stade de l’enquête préalable. En l’espèce il y a violation de l’article 64 du code des douanes et des droits de la défense de la société SINOTRANS.

Au vu de ce qui précède, il est demandé l’annulation de l’intégralité des opérations de visite et saisies pratiquées le 4 juillet 2019 par la DNRED dans les locaux et dans le véhicules de SINOTRANS .

2 ‘ Sur les saisies massives et indifférenciées de documents par la DNRED au cours des visites domiciliaires

Il est soutenu que lors des visites domiciliaires qui se sont déroulées dans les locaux de SINOTRANS AIR, de nombreux supports informatiques ont été totalement ou partiellement saisis par la DNRED, ainsi qu’il résulte de la lectures des deux procès-verbaux (pièces n° 4 et 5).

Il découle toutefois de l’article 64 du code des douanes que la copie intégrale d’un support informatique n’est autorisée que lorsque « l’occupant des lieux ou son représentant fait obstacle à l’accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou leur saisie ».

En l’occurrence, le dirigeant de SINOTRANS AIR a parfaitement coopéré avec l’administration des douanes lors des opérations de visite et saisie.

D’ailleurs, le procès-verbal ne comporte aucune mention concernant l’obstacle qui aurait justifié la copie intégrale de supports informatiques de SINOTRANS AIR.

Il est argué qu’il est erroné de soutenir, comme le fait la DNRED, que « la messagerie électronique est insécable par nature ». En effet, le simple tri par l’emploi de mots clés dans le moteur de recherche de la messagerie permet de sélectionner et procéder à la saisie de messages ciblés de nature à intéresser l’enquête.

Au cas présent, les agents de l’administration ont pratiqué des saisies massives et indifférenciées, en violation de l’article 64 du code des douanes.

S’agissant des arguments développés par la DNRED dans ses conclusions, il est soutenu que l’affirmation selon laquelle il aurait été procédé au recensement des supports présents susceptibles d’intéresser l’enquête n’est pas une constatation matérielle mais une déclaration. Dès lors, conformément à l’article 336 2° du code des douanes, le procès-verbal ne fait foi que jusqu’à preuve contraire, et non jusqu’à inscription de faux.

En tout état de cause, une telle disposition ne saurait priver le Premier président d’apprécier si les dispositions de l’article 64 du code des douanes ont été respectées.

3 ‘ Sur la violation du secret professionnel

Il est cité le texte de l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ainsi que la jurisprudence de la Cour de cassation rappelant notamment que le secret professionnel des avocats ne se limite pas à l’activité de défense en justice.

Il est fait valoir que le secret des correspondances avocat-client est également protégé par la jurisprudence européenne.

En l’espèce, la DNRED a saisi de très nombreuses correspondances bénéficiant du privilège légal.

La requérante produit, à titre illustratif, différents courriels contenus dans les messageries globalement saisies (pièce n° 7) mais indique ne pas avoir été en mesure de dresser une liste exhaustive des correspondances couvertes par le secret professionnel, au vu de la masse des fichiers saisis.

Il est soutenu qu’en ne précisant pas dans son procès-verbal le mode opératoire utilisé, et les éventuels moteurs de recherche ou mots-clefs utilisés, la DNRED empêche le Premier président d’exercer son contrôle quant à la conformité du déroulement des opérations avec les exigences de l’article 64 du code des douanes.

Il est argué que lorsqu’en page 13 de ses conclusions, la DNRED avance qu’« une saisie globale est justifiée et n’apparaît pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi », elle reconnaît qu’aucun tri préalable n’a été fait.

Il est souligné que selon une jurisprudence constante, la violation du secret professionnel « intervient dès que le document est saisi par les enquêteurs ».

En outre, les fichiers saisis sont des fichiers extraits en « hash MD5 », c’est-à-dire des fichiers images reproduisant intégralement le support informatique copié. Ce ne sont donc pas des fichiers sélectionnés qui ont été copiés sur les disques durs de l’administration des douanes mais un fichier informatique unique et insécable pour chaque disque dur.

Ainsi, chacun des fichiers forme un tout techniquement indivisible, sauf à altérer la fiabilité des données informatiques contenues.

Il est donc impossible d’expurger a posteriori ces fichiers des correspondances d’avocat tout en conservant leur intégrité, et d’exclure les courriels sans lien avec le champ de l’autorisation.

Dans ces conditions, la saisie massive opérée et l’impossibilité technique d’y remédier porte également atteinte au secret des correspondances et au respect à la vie privée, protégé par l’article 8 de la CESDH.

Pour ces raisons, il est demandé l’annulation de l’intégralité des opérations de visite et saisie ou, à tout le moins, des saisies informatiques effectuées, ainsi que la destruction de toute copie sous quelque forme que ce soit des documents dont la saisie est annulée.

En conclusion, il est demandé de :

-annuler les opérations de visite et saisie autorisées par les ordonnances du JLD du 1er juillet 2019 et réalisées les 4 juillet 2019 :

– au siège de la société SINOTRANS AIR sis [Adresse 1] ;

– dans les locaux professionnels destinés aux activités d’importation situés au [Adresse 2] ;

– les véhicules de la société SINOTRANS AIR stationnés aux adressés susvisées ou à proximité immédiate ;

-ordonner la remise des pièces litigieuses ;

-ordonner la destruction de toute copie sous quelque forme que ce soit des documents dont la saisie est annulée ;

-condamner la DNRED à verser à la société SINOTRANS la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 11 février 2020, déposées au Greffe le 14 février 2020, l’administration des douanes fait valoir :

I RAPPEL DES FAITS :

Le 26 juin 2019, la DNRED a sollicité auprès du JLD de Créteil l’autorisation de mettre en oeuvre le procédure de visite domiciliaire et de saisie prévue à l’article 64 du code des douanes.

Cette demande était motivée par la fait que l’administration des douanes disposait d’éléments sérieux et concordants laissant préumer que la société SINOTRANS, son gérant M [T] [X] et son manager des opérations MLIU [Z] , avaient commis des infractions douanières consitant en un délit réputé importation sans déclaration de marchandises prohibées, selon les articles 426-3, 426-4 et 414 du Code des douanes.

Cette société était notamment soupçonnée d’être impliqués dans un schéma de fraude visant à effectuer de fausses déclarations portant sur la valeur en douane à l’aide de fausses factures. L’enjeu étant , d’une part de faire dédouaner les marchandises issues de ventes en ligne sur des plateformes de e -commerce en Chine sans payer de droits et taxes à l’importation, et d’autre part, de masquer l’expéditeur réel des marchandises.

Par ordonnance du 1er juillet 2019, au vu des pièces et explications fournies par l’administration des douanes, le JLD a autorisé concernant la société SINOTRANS AIR, la visite des lieux au siège de la société, dans l’entrpôt et dans les véhicules de la société.

Les agents des douanes ont procédé aux visites domiciliaires, et aux saisies, le 4 juillet 2019.

II DISCUSSION : sur les opérations de visite domiciliaire et de saisie du 4 juillet 2019.

1 ‘ Sur l’absence de mention relative à la faculté de faire appel à un conseil

Concernant les locaux situés à [Localité 13]

Au cas présent, la visite domiciliaire a été effectuée au siège de la société SINOTRANS AIR en tant qu’occupant des lieux.

Aux termes de l’article 64 du code des douanes, il n’y a pas lieu de notifier l’ordonnance à l’ « auteur présumé » puisque cette notion n’est présente que lorsque l’occupant des lieux n’est pas l’auteur présumé de l’infraction, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Au cas particulier, l’occupant des lieux, à savoir la société SINOTRANS AIR représentée par M. [T], s’est vu notifier son droit de faire appel à un conseil de son choix, ce qu’il a accepté. Il a ainsi contacté Maître SHANG You.

Il est soutenu que le fait que Me SHANG n’ait pas souhaité se déplacer sur les lieux de la visite ne peut pas être imputé à l’administration des douanes.

En outre, le fait que l’ordonnance ait été notifiée verbalement à l’occupant des lieux au début des opérations de visite domiciliaire et non à l’auteur présumé de l’infraction n’est pas une cause de nullité.

De surcroît, la société SINOTRANS AIR peut difficilement prétendre ignorer être considérée comme auteur présumé des infractions dès lors que l’ordonnance lui a été notifiée verbalement dans ses locaux et qu’une copie intégrale lui a été remise contre récépissé.

Dans ces conditions, aucun grief ne peut être retenu à l’encontre de la DNRED.

Il est rappelé que l’arrêt Ravon, citée par la requérante dan ses écritures, se réfère principalement au fait qu’avant la loi de 2008, aucune procédure en appel n’était envisageable suite à une visite domiciliaire et que l’ajout de la notion d’auteur présumé dans la loi n’est intervenu que pour palier l’absence d’information de l’auteur des faits lorsque l’occupant des lieux n’est pas l’auteur présumé des infractions.

Enfin, les visites domiciliaires se déroulent sous le contrôle du juge qui désigne un officier de police judiciaire (ci-après OPJ) afin de contrôler la légalité des opérations, ce qui concoure à la parfaite validité des opérations menées.

Concernant les locaux situés à [Localité 16]

Il est fait valoir que M. [P] [F], désigné par M. [T], dirigeant de la société, pour le représenter durant les opérations de visite et saisie, a été informé de son droit de faire appel à un conseil, ce qu’il n’a pas souhaité faire.

Il est indiqué que l’ordonnance lui a été notifiée verbalement dans ses locaux et qu’une copie intégrale lui a été remise contre récépissé.

Dès lors, l’occupant des lieux, à savoir la société SINOTRANS AIR, a été informé des éléments de fait et de droit motivant la visite domiciliaire.

2 ‘ Sur les saisies massives et indifférenciées de documents et données informatiques

En l’espèce, les agents des douanes ont procédé à une saisie de fichiers informatiques et à des copies de disques durs de cinq personnes parmi les salariés et de MM. [D] [Z] et [T] [X] au sein de la société SINOTRANS AIR ainsi qu’à une saisie de plusieurs fichiers dans l’entrepôt de la société.

Ainsi, une sélection des comptes de messageries et des disques durs de personnes pouvant réellement intéresser les agents des douanes a été effectuée, afin de ne pas procéder à une saisie qui aurait dépassé le champ de l’ordonnance du 1er juillet 2019.

Or, s’agissant des disques durs et des messageries informatiques, il est indéniable que les éléments de nature à établir le rôle et la responsabilité des personnes morales et physiques figurent nécessairement au sein de ces supports.

Par conséquent, les agents des douanes ont réalisé un « recensement des supports présents » et sélectionné « ceux particulièrement susceptibles de présenter un intérêt, eu égard aux éléments recherchés ».

Il est argué que les agents ont procédé à une pré-sélection des éléments utiles à l’enquête avant d’effectuer une copie partielle ou intégrale de ces supports à l’aide d’un logiciel dédié et ont donc procédé à la saisie des documents se rapportant aux agissements retenus dans l’ordonnance.

Il est soutenu que la copie du disque dur du dirigeant de la société SINOTRANS AIR et de son manager des opérations se révélait particulièrement susceptible de contenir des documents se rapportant aux agissements retenus dans l’ordonnance.

Il est fait valoir que la requérante ne démontre pas ses allégations.

Par ailleurs, la recherche par mots clés n’est pas une procédure obligatoire et la société SINOTRANS AIR n’a pas saisi le JLD au cours de la visite domiciliaire afin de solliciter l’arrêt des opérations.

Dès lors, le moyen tiré des saisies massives, indifférenciées et disproportionnées ne saurait être accueilli.

3 ‘ Sur la violation du secret professionnel

Selon une jurisprudence constante, la saisie globale est valide si les données informatiques ne sont pas divisibles entre elles et l’administration n’a pas à s’expliquer sur les critères qu’elle choisit pour sélectionner des documents.

Par ailleurs, s’il est interdit aux enquêteurs de saisir un document présentant de façon manifeste les caractéristiques d’un document protégé par le secret professionnel, il n’en demeure pas moins que l’identification, au moins formelle, des documents concernés est nécessaire pour que la protection légale puisse s’appliquer.

Au stade de l’enquête, aucune disposition légale n’impose à l’administration de dévoiler contradictoirement les moteurs de recherche ou les mots-clefs utilisés pour identifier les documents saisis, mais il appartient à la société de critiquer la pertinence des documents retenus dans le cadre d’éventuelles poursuites.

En outre, la messagerie électronique est insécable par nature. Il n’est donc pas possible d’un point de vue technique de pas la saisir en sa globalité. Chaque messagerie est stockée dans un fichier conteneur unique.

Il est soutenu que ce mode de stockage ne peut être changé ni par l’utilisateur ni par l’administrateur, seul l’endroit du stockage peut être choisi.

Il est mis en exergue que la requérante ne produit aucun élément susceptible de contredire les indications techniques quant au caractère insécable de l’ensemble indivisible formé par les fichiers messageries et les fichiers informatiques.

Ainsi, une saisie globale est justifiée et n’apparaît pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi, le seul fait qu’une messagerie électronique contienne des éléments entrant dans le champ de l’enquête suffisant à valider la saisie globale opérée.

Par ailleurs, la société SINOTRANS AIR a bénéficié de toutes les garanties, y compris la possibilité de contacter le juge, dont elle n’a cependant choisi de se prévaloir.

Enfin, il appartient à l’ordre des avocats et aux salariés d’identifier les documents protégés par le secret et d’en solliciter la restitution auprès de l’administration.

Selon la jurisprudence de la Cour d’appel de PARIS, seuls les documents dont il sera relevé au cas par cas qu’ils sont couverts par le secret ne devront pas être utilisés dans l’enquête.

En l’espèce, il a été dressé un inventaire des données informatiques saisies sur les deux sites occupés par la société SINOTRANS AR. Les données ont été gravées sur des CD-ROM, dont un exemplaire nommé « ABACDI-b » a été remis à M. [T] pour les opérations informatiques réalisées sur le site de la Défense.

S’agissant de l’entrepôt de la société, une copie des données extraites ont été gravées sur quatre CD-ROM et mis sous une enveloppe scellée « B3000001051 » paraphé contradictoirement.

Pour l’ensemble de ces raisons, les opérations de visite et saisie sont parfaitement valides et ne sauraient être annulées.

En conclusion, il est demandé de :

-dire n’y avoir lieu à annulation de l’ordonnance de visite domiciliaire rendue le 1er juillet 2019 par le JLD du TGI de CRETEIL et de la procédure subséquente ;

-dire n’y avoir lieu à annulation des procès-verbaux de visite domiciliaire et de saisie, et de la procédure subséquente.

SUR CE

SUR LA JONCTION

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient en application de l’article 367 du code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre les affaires, de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG N° 19/13074 et 19/13101 (appels) et sous les numéros de RG 19/13077 et 19/13103 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien RG 19/13074.

SUR l’APPEL :

Sur la nature contraventionnelle des infractions présumées dans l’ordonnance et sur l’insuffisance manifeste de la requête et des documents produits par l’administration des douanes permettant de présumer l’existence d’une fraude.

La partie appelante estime que le JLD ne pouvait accorder l’autorisation de visite sur le fondement de l’article 64 du code des douanes alors qu’il ne pouvait retenir des infractions présumées de délit douanier au vu des éléments présentés par l’administration des douanes, que les pièces et documents produits par cette administration étaient insuffisants pour permettre au JLD de rendre sa décision, qu’il sera répondu sur ces deux moyens qui soulèvent la question de la motivation de l’ordonnance du JLD.

Il convient de préciser que l’ordonnance du JLD de Créteil du 1er juillet 2019 vise la présomption de ‘ l’existence de fausses déclarations de valeur en douane , commises à l’aide de documents faux, incomplets ou inexacts présentés à l’importation , visant à minorer la valeur en douane et le montant des droits et taxes dus, ou à bénéficier indument de franchises fiscales et douanière’,

que ces infractions sont constitutives du ‘délit douanier réputé importation sans déclaration de marchandises prohibées, prévu par l’article 426-3° du code des douanes’, que cette infraction est réprimée par l’article 414 du code de Douanes, qu’il s’agit d’un délit et non d’une contravention, que la procédure de visite domiciliaire est donc applicable, sous réserve que la présomption de ce délit soit suffisamment établie.

Le JLD de Créteil, dans sa décision du 1er juillet 2019, vise une série d’articles et de textes applicables en matière de procédure douanière sur le territoire douanier de l’union , rappelle de façon succincte l’activité et le fonctionnement de la société SINOTRANS AIR ( présidée par monsieur [X] [T] lui même secondé par monsieur [Z] [D]) en lien avec la société STILE, et précise le régime de dédouanement concernant les ‘petits colis’ dont la valeur est inférieure à 22 euros et qui bénéficient d’une franchise de TVA.

Le JLD, pour motiver sa décision d’autorisation de visite retient :

‘Attendu que les dirigeants de la société SINOTRANS AIR, ont indiqué qu’ils dédouanaient plusieurs vols par jour. Pour le seul mois d’avril 2018 ce flux concerne 278 vols […] représentant 2 816 284 colis dédouanés […] la valeur déclarée est donc de plus de 26 millions d’euros. Sur cette base la TVA à récupérer pour avril 2018 serait de 5, 2 millions d’euros.

Attendu que les données correspondant aux expéditeurs dans les listings ne permettent pas d’identifier les vendeurs ou les expéditeurs des marchandises (voir PJ n°4).

Attendu qu’aprés vérification auprés d’un échantillon de destinataires finaux sélectionnés aléatoirement, les valeurs déclarées pour le dédouanement sont systématiquement minorées (voir documents des PJ n°4 et n°5 pour les données déclarées et les documents de la PJ n°6 pour les valeurs acquittées par les clients finaux).

Attendu que la société SINOTRANS AIR n’a pas été en mesure d’exp1iquer pourquoi les valeurs présentées par les clients finaux au service ne sont pas les mêmes que celles reprises sur les listings de dédouanement. (voir PJ n°7).

Attendu que la société SINOTRANS AIR, après trois relances du service a fourni à ce jour une seule des factures demandées lors de l’audition relatée dans le PVC 10 ( voir PJ n°7), cette facture ne respecte pas les mentions obligatoires prévues par 1’artic1e L441- 3 du code de commerce et semble fausse.

Attendu que les éléments qui précèdent laissent présumer l’existence de fausses déclarations de valeur en douane, commises à l’aide de documents faux, incomplets ou inexacts présentés à l’importation, visant à minorer la valeur en douane et le montant des droits et taxes dus, ou à bénéficier indument de franchises fiscales et douanières, délit douanier, réputé importation sans déclaration de marchandises prohibées, prévu par l’article 426-3° du code des douanes et réprimé par l’article 414 du code de Douanes.’

Ainsi le JLD s’appuie sur les pièces communiquées par l’administration des douanes ( PJ 4, 5, 6 et 7). Selon sa motivation, la présomption de commission du délit douanier susvisé repose en grande partie sur la pièce n° 7 qui serait une ‘facture présumée fausse’, or il résulte de l’examen in concreto des pièces que la pièce n° 7 est l’audition libre de monsieur [X] [T] directeur général de SINOTRANS AIR, en date du 11/12/2018 , à l’issue de laquelle des documents ont été saisis ou communiqués, et d’un organigramme de la société SINOTRANS Air en anglais et chinois, visé en pièce AZ00, que la’ présumée fausse facture’ visée tant dans la requête de l’administration des douanes que dans l’ordonnance du JLD en pièce 7 n’est pas produite , que dans ses conclusions l’administration des douanes semble indiquer que la facture serait produite en PJ 4 et qualifie ce manquement à une simple ‘erreur matérielle’, qu’ après vérification il s’avère que les pièces en PJ 4 comportent : un PV de constat dans le cadre de l’article 65 du Code des douanes, deux listings, un document émanant de STILE, deux documents rédigés en anglais, que la ‘fausse facture’ caractérisant le délit douanier n’est pas produite, que le JLD a motivé sa décision en partie sur cette pièce et qu’il s’agit d’un défaut de diligence majeur, tant de la part de l’administration des douanes que du JLD de Créteil.

En ce qui concerne les pièces visées dans la requête sur lesquelles s’appuie le JLD pour rendre sa décision, il convient de relever que les pièces 1 (fiche entreprise de SINOTRANS) et 8 (habilitations) n’apportent aucun élément utile à l’établissement de la fraude présumée, que les pièces 4 et 5 comportent des documents rédigés en anglais difficilement exploitables, que les pièces 2 à 7 sont des PV d’audition et des PV de constat effectués dans le cadre de l’article 65 du code des douanes, que de nombreux documents saisis ou communiqués dans le cadre de cette enquête n’ont pas été transmis au JLD, que les pièces sont insuffisantes pour établir la présomption d ‘un délit douanier.

Il résulte de l’article 64 du code des Douanes que ‘le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée, cette demande doit comporter tous les éléments d’information en posession de l’administration de nature à justifier la visite’.

Enfin , il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation et de la CEDH que ‘si la procédure de visite domiciliaire est de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance, droit reconnu par l’article 8 de la CESDH, cet article énonce qu’il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi, et qu’elle constitue une mesure qui dans une société démocratique est nécessaire à la prévention des infractions pénales’. L’article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de la vie privée et familiale est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose qu’il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi, et qu’elle constitue une mesure qui dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays […].

Il en résulte qu’il appartient aux acteurs intervenant dans l’application de l’article 64 du Code des douanes , qui est une procédure non contradictoire, tant l’administration des douanes que le juge des libertés et de la détention, d’être particulièrement vigilant et rigoureux dans la mise en oeuvre de cet article et en particulier dans la communication et la vérification des pièces qui fondent la requête et l’ordonnance.

Il résulte de l’analyse des pièces accompagnant la requête de l’Administration des douanes et visées par le juge afin de motiver sa décision, qu’elles sont soit inexactes, soit insuffisantes, soit absentes, que le JLD s’est abstenu d’une vérification concrète des pièces et de la requête, que le moyen selon lequel la requête et les pièces produites sont insuffisantes pour présumer l’existence d’une fraude sera retenu.

Dès lors et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens soulevés, il convient de prononcer l’annulation de l’ordonnance du 1er juillet 2019 rendue par le Juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Créteil.

-SUR LES RECOURS

L’ordonnance rendue par le JLD de Créteil le 1er juillet 2019 ayant été annulée, il convient de déclarer nulles les visites domiciliaires du 4 juillet 2019 dans les lieux sis :

– au siège de la société SINOTRANS AIR sis [Adresse 1],

– à l’entrepôt dédié à l’importation pour la société SINOTRANS AIR [Adresse 2],

-dans les véhicules de la société SINOTRANS AIR,

Il convient donc d’ordonner la restitution à la société SINOSTRANS AIR de l’ensemble des documents saisis, sans possibilité pour l’Administration des douanes d’en garder copie ou d’en faire usage.

Les circonstances de la procédure ne justifient pas qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société SINOTRANS AIR.

-sur la condamnation de l’Administration des douanes aux dépens

Il résulte des termes de l’article 367 du code de douanes, qu”en matière douanière , en première instance et sur appel, l’instruction est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d’autre’,

Dès lors, il convient d’exonérer les douanes de toute condamnation aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort:

-Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 19/13074 et 19/13101 (appels) et sous les numéros de RG 19/13077 et 19/13103 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien RG 19/13074.

– Annulons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande instance de Créteil du 1er juillet 2019 ;

-Déclarons irrégulières les opérations de visite et saisie auxquelles ont procédé les agents de l’administration des douanes le 4 juillet 2019 dans les locaux sis :

-au siège de la société SINOTRANS AIR sis [Adresse 1],

– à l’entrepôt dédié à l’importation pour la société SINOTRANS AIR [Adresse 2],

-dans les véhicules de la société SINOSTRANS AIRstationnés à proximité ;

-Ordonnons la restitution à la société SINOTRANS AIR de l’intégralité des pièces saisies lors des opérations de visites et saisies susvisées, sans possibilité pour l’Administration des douanes d’en conserver la copie et de les utiliser directement ou indirectement, en original ou en copie ;

– Rejetons toute autre demande ;

– Disons n’ y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Disons n’y avoir lieu à dépens.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Elisabeth IENNE-BERTHELOT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x