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29 juin 2022
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
21/05261
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 29 JUIN 2022
N° RG 21/05261 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PEAF
Décision déférée à la Cour : Décision du 15 JUILLET 2021
BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER
DEMANDEURS AU RECOURS:
Maître Jauffré CODOGNES
[Adresse 2]
[Localité 4]
En personne
Société SPELAS AVOCAT NOTAIRE RAYNAUD FALANDRY [G] [F]
représentée par Maitre [M] [F] [U], notaire associé
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Jauffré CODOGNES de la SELAS RAYNAUD-FALANDRY-CODOGNES-BOTTIN
DEFENDEURE AU RECOURS :
Madame [N] [W]
Avocat à la Cour
[Localité 4]
Non comparante
Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
En présence de
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL
Cour d’appel
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non représenté
MONSIEUR LE BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER
Maison des avocats
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Gilles LASRY, délégataire
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
L’affaire a été débattue le 19 AVRIL 2022, en audience publique, en formation double rapporteur, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et M. Frédéric DENJEAN, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
M. Frédéric DENJEAN, Conseiller
Greffier, lors des débats et lors de la mise à disposition : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, prévu au 15 juin 2022 prorogé au 29 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Me [N] [W], avocate inscrite au barreau de Montpellier, a été liée par un contrat de collaboration libérale avec la SPELAS inter-barreaux Avocat Notaire Raynaud-Falandry-[G]-[F], ayant pris effet le 1 janvier 2021, et dont la notification de rupture a été délivrée le 22 mars 2021 avec un arrêt de la période de prévenance délivré le 3 mai 2021.
Par requête en date du 3 mai 2021 à M. le bâtonnier de Montpellier, Me [H] [G] a indiqué que l’attitude de Me [W] a annihilé la relation de confiance et de loyauté nécessaire au maintien de la collaboration, et sollicité en application de l’article 142 du décret du 27 novembre 1991, et au regard de l’urgence, de :
Statuer à bref délai en application de l’article 148 du décret du 27 novembre 1991.
Constater que le contrat de collaboration liant la SPELAS à Me [W] est rompu depuis le 22 mars 2021.
Constater que le délai de prévenance a pris fin au plus tard le 3 mai 2021.
Ordonner à Me [W] de restituer sans délai les clefs des locaux professionnels de [Localité 4] et [Localité 6], restituer les documents en sa possession (codes civil, CPC, CP, CPP et Dalloz action pratique des baux commerciaux ed. 2020-2021) ainsi que les ouvrages et à détruire les documents en sa possession.
Ordonner à Me [W] de communiquer à la SPELAS le nom de ses clients personnels.
Lui interdire d’utiliser la case attribuée à la SPELAS.
Par requête en date du 15 juin 2021, Me [W] a saisi le bâtonnier au visa de l’article 148 du décret du 27 novembre 1991 sur le problème de l’imputation de la rupture, et pour obtenir le versement des rémunérations de mai et juin 2021 pour un montant de 4.200 euros hors taxes, de 1.500 euros hors taxes au titre des repos compensateurs, de 3.000 euros au titre du préjudice moral, et de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par décision en date du 15 juillet 2021, l’ancien bâtonnier [P] [O] désigné par le bâtonnier en exercice, a estimé que la demande sur le fondement de l’article 142 du décret du 27 novembre 1991 qui n’a jamais été précédée de la tentative de conciliation obligatoire prévue par ce texte est irrecevable, et sur le fondement de l’article 148 a :
Ordonné la jonction des instances.
Jugé que les demandes respectives des parties tendant à saisir le bâtonnier du prononcé de l’imputation de la rupture contractuelle durant le délai de prévenance relève des dispositions de l’article 142 du décret du 27 novembre 1991 et non de celles de l’article 148 du même décret.
Déclaré, dès lors, les demandes irrecevables comme n’ayant pas été précédées de la tentative préalable de conciliation prévue par l’article 142 du décret du 27 novembre 1991.
Jugé que les demandes financières de Me [W] relèvent bien des dispositions de l’article 148 du décret du 27 novembre 1991.
Condamné dès lors la SPELAS à lui verser la somme de 3.996,77 euros à titre de provision sur sa rémunération des mois de mai et juin 2021 (soit le montant de la demande de Me [W] au titre des rémunérations dues sous déduction de l’acompte de 203,23 euros perçu).
S’est déclaré incompétent sur la demande relative au paiement d’une indemnité de repos compensatrice et de l’indemnisation du préjudice moral.
Rejeté la demande d’allocation d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile faute de pouvoir d’application de ce texte par le bâtonnier.
Par déclaration en date du 13 août 2021, Me [G] et la SPELAS Raynaud-Falandry-[G]-[F] ont interjeté appel de la décision de l’ancien bâtonnier du 15 juillet 2021.
Par conclusions en date du 24 novembre 2021, le parquet général a indiqué s’en rapporter sur le fond du litige et l’opportunité de confirmer la décision entreprise.
Par dernières conclusions déposées via le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 20 janvier 2022, auxquelles Me [G], présent sur l’audience, s’est référé sans vouloir les soutenir oralement, la SPELAS demande à la cour, au visa des articles 142 et suivants du décret du 27 novembre 1991 et de la jurisprudence :
Principalement, d’annuler la décision du bâtonnier en date du 15 juillet 2021.
Subsidiairement, de réformer la décision du bâtonnier en date du 15 juillet 2021.
Et statuant à nouveau, de
-de déclarer les demandes formulées par Me [W] irrecevables.
-constater que le contrat de collaboration liant la SPELAS à Me [W] est rompu depuis le 22 mars 2021.
-constater que le délai de prévenance a pris fin au plus tard le 3 mai 2021.
-ordonner à Me [W] de restituer, sans délai, les clefs des locaux professionnels de [Localité 4] et de [Localité 6], restituer les documents en sa possession ainsi que les ouvrages (codes civil, CPC, CP, CPP et Dalloz action pratique des baux commerciaux ed. 2020-2021) et à détruire les documents en sa possession.
-ordonner à Me [W] de communiquer à la SPELAS le nom de ses clients personnels.
-interdire à Me [W] d’utiliser la case attribuée à la SPELAS.
Subsidiairement, de débouter Me [W] de toutes ses demandes.
En toutes hypothèses, de :
-de débouter Me [W] de toutes ses demandes.
-Dire n’y avoir lieu aux dépens ni à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle expose :
Sur la nullité de la décision du bâtonnier, que les convocations sont nulles car conformément à l’article 144 alinéa 2 du décret du 27 novembre 1991, les parties sont convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception au moins huit jours avant l’audience alors qu’en l’espèce la SPELAS n’a reçu aucune convocation et que la convocation adressée à Me [G] ne respectait pas le délai ; qu’il ne peut y avoir réouverture des débats conformément aux dispositions de l’article 151 du décret précité ; que le bâtonnier ne peut selon l’article 143 de ce même décret désigner un délégué ; que la non communication des correspondances adressées à Me [W] constitue une violation du principe de la contradiction ; que la carence dans la tentative de conciliation préalable résulte du silence du bâtonnier et de sa saisine à bref délai ; que le bâtonnier aurait dénaturé les demandes de la SPELAS.
Sur la requête de la SPELAS, conformément au Règlement intérieur national, que Me [W] a communiqué lors de la procédure devant le bâtonnier des échanges protégés par le secret professionnel, le secret des correspondances entre avocats et vraisemblablement le secret de l’instruction, que le maintien de la collaboration était irrémédiablement compromis, d’autant que Me [W] a manifesté par son comportement la volonté de mettre fin au contrat de collaboration.
Sur la requête de Me [W], que les faits reprochés ne font pas partie du débat, ne constituent pas une cause de rupture du contrat, ni une source de préjudice.
Sur les sommes dues au titre de la rétrocession et des congés payés, que le contrat de collaboration libérale n’est pas un contrat de travail de sorte que les congés non soldés ne peuvent donner lieu à une indemnité compensatrice et qu’après la rupture du contrat, elle ne peut prétendre à obtenir une rétrocession.
Sur le préjudice moral, que Me [W] ne démontre en rien l’existence d’un préjudice dû à l’absence de rétrocession.
Par dernières conclusions déposées via le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 26 janvier 2022, soutenues oralement à l’audience, Me [W] demande à la cour, au visa de l’article 122 du code de procédure civile, de l’article 1 de la loi du 31 décembre 1990, du décret n°2017-794 du 5 mai 2017 et son article 24, des articles 142 et 148 du décret de 1991, des articles 14 et 14.4.1 du règlement intérieur national, de l’article 6 de la commission (convention’) européenne des droits de l’homme, de l’article 954 du code de procédure civile, de :
Déclarer irrecevable pour défaut de qualité et défaut d’intérêt le recours inscrit par Me [G] sur la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats de Montpellier du 15 juillet 2021.
Déclarer irrecevable pour défaut de qualité le recours inscrit par Me [M] [F] [U], notaire pour la SPELAS Inter-Barreaux Raynaud-Falandry-[G]-[F] sur la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats de Montpellier du 15 juillet 2021.
En toute hypothèse, si la cour ne devait pas déclarer irrecevables les recours inscrits par Me [G] à titre personnel, d’une part, et par Me [M] [F] [U], notaire, pour la SPELAS, de confirmer sur le principe la décision déférée, et ce faisant,
D’infirmer la décision déférée en ce qu’elle n’a alloué que 3.996,77 euros à titre de provision à Me [W].
Y ajoutant, de condamner la SPELAS au paiement de la somme complémentaire de 1.050,00 euros HT représentant 2,5 jours par mois au titre de 15 jours de repos rémunérés pour la période de collaboration de 6 mois.
De confirmer pour le surplus la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats de Montpellier du 15 juillet 2021.
De juger que les demandes formalisées par Me [G] à titre personnel sont irrecevables pour n’avoir aucun intérêt ni aucune qualité à l’égard de Me [W] et qu’elles ne sauraient être prises en compte dans le cadre des dispositions des articles 142 et 148 du décret du 27 novembre 1991.
Y ajoutant, de :
Condamner solidairement Me [G] et la SPELAS au paiement de 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à Me [W].
Statuer ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :
Sur la recevabilité des recours, tout d’abord sur l’irrecevabilité tirée du défaut de qualité et du défaut d’intérêt de Me [G] pour interjeter appel, qu’il n’est pas partie à la procédure, la décision du bâtonnier étant intervenue entre la SPELAS et Me [W] de sorte qu’il n’a pas qualité à interjeter appel et que Me [W] est liée à la SPELAS, et non à Me [G], par un contrat de collaboration. Ensuite, sur l’irrecevabilité tirée du défaut de qualité de Me [M] [F] [U], notaire, pour interjeter appel aux intérêts de la SPELAS, que pour un litige opposant un collaborateur avocat à son maître de stage avocat, seul un associé avocat peut représenter la société, le recours exercé par un notaire étant donc irrecevable.
Sur la régularité procédurale, qu’en saisissant le Bâtonnier avant toute tentative de conciliation, la SPELAS n’a pas respecté les conditions de l’article 142 du décret de 1991 et ne peut justifier d’une quelconque urgence de nature à faire obstacle à la conciliation. Que par ailleurs, elle n’a pas précisé l’identité des parties dans sa requête.
Sur le fond du dossier, qu’aucun travail n’était donné à la collaboratrice, qu’il ne ressort de l’enquête déontologique aucun manquement de cette dernière aux principes de la déontologie ou au secret professionnel, que les conclusions adverses ne justifient pas de manquements graves justifiant la rupture de la relation contractuelle.
Sur les frais irrépétibles, qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais exposés pour défendre ses droits.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Après demande de renvoi de l’affaire le 28 janvier 2022, l’affaire était appelée à l’audience du 19 avril 2022.
MOTIFS
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ;
En l’espèce, concernant l’irrecevabilité tirée du défaut de qualité et du défaut d’intérêt de Me [G] pour interjeter appel, il n’est pas contestable qu’il n’est pas partie à la procédure, la décision du bâtonnier étant intervenue entre la SPELAS et Me [W], de sorte qu’il n’a pas qualité à interjeter appel, Me [W] étant liée à la SPELAS, et non à Me [G], par un contrat de collaboration ;
De même, concernant l’irrecevabilité tirée du défaut de qualité de Me [M] [F] [U] pour interjeter appel aux intérêts de la SPELAS, celui-ci étant notaire il ne peut intervenir dans un litige opposant un collaborateur avocat à son maître de stage avocat, puisque seul un associé avocat peut représenter la société ;
En effet, conformément aux dispositions de l’article 1 de la loi du 31 décembre 1990 modifiée par l’ordonnance du 31 mars 2016 « les sociétés constituées pour l’exercice en commun des professions d’avocat, ‘ de notaire, ‘ ne peuvent accomplir les actes d’une profession déterminée que par l’intermédiaire d’un de leurs membres ayant qualité pour exercer cette profession » ;
Par conséquent, il convient de déclarer irrecevable pour défaut de qualité et défaut d’intérêt le recours inscrit par Me [G], ainsi que déclarer irrecevable pour défaut de qualité le recours inscrit par Me [M] [F] [U], notaire de la SPELAS Inter-Barreaux Raynaud-Falandry-[G]-[F], sur la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats de Montpellier du 15 juillet 2021 ;
L’article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est condamnée aux dépens, il conviendra de condamner in solidum Me [G] et la SPELAS Inter-Barreaux Raynaud-Falandry-[G]-[F] aux entiers dépens d’appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et mis à disposition ,
Déclare irrecevable Me [G], ainsi que Me [M] [F] [U], notaire pour la SPELAS Inter-Barreaux Raynaud-Falandry-[G]-[F], sur la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats de Montpellier du 15 juillet 2021 ;
Condamne in solidum Me [G] et la SPELAS Inter-Barreaux Raynaud-Falandry-[G]-[F] aux entiers dépens d’appel ;
Dit n’y avoir lieu à condamner en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT