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27 mai 2021
Cour de cassation
Pourvoi n°
19-19.681
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 mai 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10272 F
Pourvoi n° K 19-19.681
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 MAI 2021
1°/ M. [N] [B], domicilié [Adresse 1],
2°/ la société Wallisa Marine Investment Capital – Wamicap -, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2] (Grand Duché de Luxembourg), représentée par son gérant M. [N] [B], société de droit luxembourgeois,
ont formé le pourvoi n° K 19-19.681 contre l’ordonnance n° RG 17/19399 rendue le 4 juillet 2019 par le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans le litige les opposant au directeur général des finances publiques, représenté par l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d’enquêtes fiscales, domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [B] et de la société Wallisa Marine Investment Capital – Wamicap -, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d’enquêtes fiscales, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [B] et la société Wallisa Marine Investment Capital – Wamicap – aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] et la société Wallisa Marine Investment Capital – Wamicap – et les condamne à payer au directeur général des finances publiques, représenté par l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d’enquêtes fiscales, la somme de 2 500 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [B] et la société Wallisa Marine Investment Capital – Wamicap -.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’ordonnance attaquée d’AVOIR débouté M. [N] [B] et la société WALLISA MARINE INVESTMENT CAPITAL (WAMICAP) de leur demande d’annulation des saisies globales de la messagerie de M. [B] ;
AUX MOTIFS QU’il résulte du procès-verbal de visite et de saisie dans les locaux situés [Adresse 4], dressé le 13 octobre 2017, que les agents des finances publiques ont procédé à l’examen des données accessibles à partir de l’ordinateur portable de marque HP modèle ELITEBOOK, présent dans le bureau, de [N] [B]. Ayant constaté la présence de documents entrant dans le champ de l’autorisation de visite et de saisie, ils ont procédé à la création d’un fichier archive de la boîte mail [Courriel 1] et ont indiqué réaliser la suppression à partir du fichier backup.pst des courriels d’avocats conformément à la liste communiquée par M. [B] à savoir [P] [Q], [C] [K], [D] [H] et [E] [C].
Le procès-verbal établi le même jour suite aux opérations de visite et de saisie réalisées [Adresse 5] mentionne qu’au cours de la visite il a été procédé à l’examen des données accessibles à partir de l’ordinateur fixe de marque DELL présent dans le bureau de M. [N] [B] et qu’il a également été constaté la présence de documents en lien avec les présomptions de fraude, visées. Il est indiqué qu’un répertoire messagerie a été créé pour y inclure une copie de la boîte [Courriel 1] et de ses archives et que les mails en provenance et à destination des avocats dont la liste a été fourme par M. [B] ([P] [Q], [C] [K], [D] [H] et [E] [C]) ont été supprimés des copies de la boîte mail.
Un fichier de messagerie doit être regardé comme étant un fichier informatique indivisible qui peut être saisi dans son entier s’il est susceptible de contenir des éléments intéressant l’enquête.
Lorsqu’un support de documents est indivisible et insécable, l’administration est ainsi en droit d’appréhender tous les documents qui y sont contenus si certains de ces documents se rapportent au moins en partie aux agissements visés par l’ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie domiciliaires. Il appartient ensuite aux demandeurs au recours de préciser et produire les éléments du fichier qui seraient insaisissables en indiquant la raison pour chacun des éléments concernés, la présence de courriels insaisissables dans une messagerie électronique n’ayant pas pour effet d’invalider la saisie des autres éléments de cette messagerie.
En conséquence les fichiers de messagerie [Courriel 1] indivisibles et insécables, ont pu être saisis dans leur totalité, étant précisé qu’il résulte des procès-verbaux que ces fichiers ont été authentifiés par une unique empreinte numérique, ce qui n’empêche pas l’identification et l’édition des courriels qu’ils contiennent en vue du contrôle de la validité de la saisie. Le moyen sera donc rejeté.
Sur l’absence de description de opérations techniques : Les requérants soutiennent que les procès-verbaux ne rendent pas compte des opérations techniques réalisées par les agents des finances publiques et rendraient ainsi impossible le contrôle du juge. Ils font valoir qu’aucune indication sur les mots clés utilisés n’est donnée et que, contrairement à ce qui est ‘mentionné sur les procès-verbaux, aucun tri ni aucune suppression n’a été effectuée sur la messagerie électronique.
L’article L 16 B du livre des procédures fiscales n’oblige pas les enquêteurs à révéler les modalités techniques, mots de passe ou moteurs de recherche utilisés lors des opérations. Ils ne sont ainsi pas tenus de justifier de leur moyen de sélection ou d’exclusion et de l’efficacité des procédés utilisés. L’absence de précision sur ce point ne porte pas atteinte aux droits des occupants des lieux dès lors qu’ils ont été en mesure de contester l’étendue des saisies réalisées et d’obtenir un contrôle juridictionnel effectif des mesures, au regard notamment du respect du secret professionnel. Il convient donc d’écarter le moyen.
1) ALORS QUE les enquêteurs ne peuvent utiliser des procédés déloyaux afin d’obtenir des preuves de la fraude fiscale qu’ils recherchent, sans méconnaitre l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ; que M. [B] et la société WAMICAP ont exercé un recours contre les opérations de visite domiciliaire, en soutenant qu’elles devaient être annulées, dès lors que les procès-verbaux des opérations de visite domiciliaire ne rendaient pas compte de la réalité du déroulement de les visites, ceux-ci mentionnant la saisie de la messagerie électronique de M. [B], en prétendant avoir exclu les messages portant sur les correspondances avec ses avocats dont il avait préalablement communiqué la liste aux enquêteurs, messages qui apparaissaient pourtant dans les copies restituées qui avaient été remises pour l’une à M. [B] et pour l’autre à son représentant, l’une des copies comportant même un dossier « AVOCAT », contrairement aux mentions desdits procès-verbaux ne rendant dès lors pas compte des opérations de saisies massives et indifférenciées ; que, faute d’avoir répondu à cette articulation essentielle des conclusions invoquant le caractère déloyal des opérations, faute pour les enquêteurs de s’expliquer sur les opérations de saisie massive et indifférenciée de courriels, ce que confirmait l’annulation de la saisie de mails portant atteinte tant au droit au respect de la vie privée qu’au secret des correspondances avec un avocat, le Premier président qui ne s’explique aucunement sur les motifs qui justifieraient que des messages d’avocats aient été trouvés sur la copie remise quand les enquêteurs prétendaient les avoir supprimés, a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE les procès-verbaux d’enquête doivent rendre compte avec précision du déroulement des opérations et des moyens techniques utilisés pour réaliser ces opérations, afin de permettre au Premier président de s’assurer du caractère loyal desdites opérations ; que les conclusions pour les demandeurs soutenaient que les procès-verbaux devaient d’autant plus être annulés que ne précisant pas quels procédés techniques auraient été utilisés pour procéder à la suppression des correspondances avec les avocats, ils ne permettaient de s’assurer de la loyauté dans la recherche des preuve ; qu’en estimant que l’article L.16 B du livre des procédures fiscales n’exige pas de telles précisions, le Premier président a violé l’article L. 16 B IV qui impose de rendre compte des opérations ;
3) ALORS QU’à tout le moyen, en estimant que l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales n’exige pas une telle précision, ce qui priverait le Premier président de toute possibilité d’exercer un contrôle concret des opérations, le Premier président a méconnu les exigences des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;
4) ALORS QUE l’autorisation de visite domiciliaire permet uniquement de rechercher la preuve des agissements de fraude fiscale, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles et de procéder à leur saisie, quel qu’en soit le support ; que, dans les conclusions déposées pour les demandeurs, il était soutenu que la saisie de la totalité d’une messagerie électronique, sans procéder au ciblage des messages utiles à l’enquête, ce que permettait certains logiciels, portait une atteinte disproportionnée à la vie privée et au secret des correspondances avocats/clients, relevant que cette messagerie pouvait être divisée, dès lors que les enquêteurs prétendaient eux-mêmes avoir procédé à l’annulation des messages avocat/client, après avoir copié la messagerie ; qu’en refusant d’annuler la saisie de toute la messagerie de M. [B], au motif qu’une telle messagerie doit être considérée comme indivisible, établissant une présomption dispensant les enquêteurs de limiter les saisies aux documents susceptibles d’être la preuve de la fraude recherchée, le Premier président a méconnu tant l’article L.16 B du livre des procédures fiscales que les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’ordonnance attaquée d’AVOIR débouté M. [N] [B] et la société WALLISA MARINE INVESTMENT CAPITAL (WAMICAP) de leur demande d’annulation de la pièce n° 9 visée dans leurs conclusions ;
AUX MOTIFS QUE la pièce n°9, produite par les requérants, est un protocole en date du 2 juillet 2012 entre la société FINANCIERE EUROPE A et les sociétés CMA CGM, MERIT SAL HOLDING et MERIT CORPORATION SAL, relatif à l’acquisition d’actions de la société COMPAGNIE DU PONANT SA et de créances sur la société COMPAGNIE DU PONANT SA.
Les requérants soutiennent que ce document est couvert par le secret professionnel et que, ayant été établi plus de 6 mois avant la création de la société WAMICAP le 27 décembre 2012, il ne peut être en lien avec la société WAMICAP, visée par les présomptions de fraude.
L’administration fiscale réplique que le protocole n’est pas couvert par le secret professionnel, dès lors qu’il porte le nom “ASHURST”, qui est le cabinet d’avocats de la société FINANCIERE EUROPE A et non des sociétés COMPAGNIE DU PONANT ou WAMICAP, et qu’il est inhérent à la vie quotidienne de la société WAMICAP et à des conséquences financières, comptables et fiscales sur cette société.
Le protocole ne peut être considéré comme couvert par le secret professionnel de l’avocat dès lors que ce document n’est pas une correspondance entre un avocat ou son client ni une consultation adressée par un avocat à son client ni une note d’entretien. Il ne s’agit en effet que d’un document contractuel entre sociétés et s’il porte en tête le nom du cabinet ASHURST., qui n’est au demeurant pas le conseil des sociétés COMPAGNIE DU PONANT ou WAMICAP, ce cabinet n’en a pas été le signataire.
S’agissant de la question de savoir si ce document entre dans le champ de l’autorisation accordée, il convient de rappeler que l’article L16 B du livre des procédures fiscales ne limite pas l’autorisation de saisie aux documents appartenant ou émanant des personnes visées par des présomptions de fraude mais permet de procéder à la saisie des pièces et documents se rapportant aux agissements frauduleux ; ainsi peuvent être saisis des documents comptables de personnes physiques ou morales pouvant être en relations d’affaires avec la société suspectée de fraude, des documents appartenant à des sociétés du groupe ou des pièces pour partie utiles à la preuve des agissements présumés.
En l’espèce l’ordonnance du juge des libertés et de la détention a autorisé, la saisie de tous documents ou supports d’information illustrant les présomptions de fraude selon lesquelles la société de droit luxembourgeois WAMICAP réaliserait sur le territoire une activité professionnelle de gestion de ses participations au sein du groupe COMPAGNIE DU PONANT, par l’intermédiaire de son gérant [N] [B].
Dès lors le protocole d’acquisition d’actions de la société COMPAGNIE DU PONANT SA, même antérieur de quelques mois à l’immatriculation de la société WAMICAP, peut être considéré comme en lien avec l’activité du groupe COMPAGNIE DU PONANT et par là avec l’activité financière de la société WAMICAP. La demande d’annulation de la saisie de la pièce n°9 des requérants sera donc rejetée.
ALORS QUE l’article L. 16 B I du livre des procédures fiscales permet la saisies des documents et fichiers se rapportant à la fraude recherchée ; qu’en refusant la restitution d’un document portant sur un protocole d’acquisition du 2 juillet 2012 entre Financière Europe et CMA CGM relatif à l’acquisition d’actions de la société COMPAGNIE DU PONANT SA, aux motifs que la société WAMICAP gérait ses participations au sein du groupe COMPAGNIE DU PONANT par l’intermédiaire de son gérant et que le protocole d’acquisition étant en lien avec l’activité du groupe, l’était dès lors avec la société WAMICAP, quand ce protocole antérieur à la création même de WAMICAP ne pouvait être un élément de preuve de la fraude recherchée, portant sur la cession non déclarée d’actions dans la société COMPAGNIE DU PONANT HOLDING, le Premier président a violé l’article L.16 B du livre des procédures fiscales et 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
ALORS QU’en tout état de cause, en n’expliquant pas en quoi un tel protocole était utile pour apporter la preuve de la fraude fiscale recherchée, quand il concernait deux sociétés distinctes de WAMICAP, le Premier président a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.16 B du livre des procédures fiscales et 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.