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25 février 2016
Cour d’appel de Paris
RG n°
15/03305
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRÊT DU 25 Février 2016
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 15/03305
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Février 2015 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 13/01077
APPELANTE
Madame [S] [D]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Laura GROSSET BRAUER, avocat au barreau de PARIS,
toque : E0706
INTIMEE
SARL AJC IMMO
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Guillaume LETAILLEUR, avocat au barreau d’ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 janvier 2016 , en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Stéphane MEYER, Conseiller, chargé du rapport.
Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
M. Stéphane MEYER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente et par M. Franck TASSET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Madame [S] [D] a été engagée par la société AJC IMMO, pour une durée indéterminée à compter du 3 avril 2012, en qualité de négociateur-VRP.
Le 5 juillet 2013, elle a annoncé son état de grossesse à son employeur.
Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 17 juillet 2013, puis en congé de maternité, puis de nouveau en arrêt pour maladie.
Le 15 novembre 2013, Madame [D] a saisi le Conseil de prud’hommes de Longjumeau, notamment d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Au terme de la seconde visite du 15 mai 2014, le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste.
Madame [D] était convoquée pour le 8 juillet 2014 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 11 juillet suivant pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Son dernier salaire brut mensuel s’élevait à la somme de 3’448 euros.
Devant la juridiction prud’homale, Madame [D] a formé des demandes afférentes à la résiliation judiciaire de son contrat, à titre subsidiaire, à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a demandé des dommages et intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de sécurité et une indemnité de congés payés.
Par jugement du 26 février 2015 notifié le 16 mars 2015, le Conseil de prud’hommes de Longjumeau a rejeté la demande de résiliation judiciaire et déclaré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, mais a a condamné la société AJC IMMO à payer à Madame [D] la somme de 1’500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de son obligation de sécurité, celle de 805,28 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, ainsi qu’une indemnité de 1’000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Madame [D] a interjeté appel de cette décision le 25 mars 2015.
Lors de l’audience du 8 janvier 2016, Madame [D] demande à la Cour d’infirmer le jugement, de dire que sa demande de résiliation judiciaire était justifiée, à titre subsidiaire, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la Société AJC IMMO à lui payer les sommes suivantes :
– 6.896,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 689,60 euros au titre des congés payés afférents,
– 42.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité de résultat, ainsi que la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a condamné cette société à lui verser la somme de 805,28 euros au titre des 15 jours de congés payés restant dus au titre du solde de tout compte.
Elle demande enfin la condamnation de la Société AJC IMMO à lui verser une indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les dépens.
Au soutien de ses demandes, Madame [D] expose’:
– que la résiliation judiciaire était justifiée par les nombreux manquements de l’employeur dont elle rapporte la preuve et à titre subsidiaire, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que ces manquements sont à l’origine de son inaptitude
– qu’elle n’a pas bénéficié de visite médicale d’embauche
– que 15 jours de congés payés ne lui ont pas été réglés.
En défense, la société AJC IMMO demande la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande de résiliation judiciaire et déclaré le licenciement justifié et demande que le montant des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité soit ramené à de plus justes proportions. Elle demande également que la pièce n° 32 soit écartée des débats.
Elle fait valoir’:
– que la demande résiliation judiciaire n’est nullement justifiée, Madame [D] ayant en réalité cherché des prétextes pour quitter l’entreprise et constituer sa propre entreprise
– qu’aucun de ses griefs n’est établi
– que la pièce n° 32 est une correspondance privée dont le secret a été violé
– que Madame [D] ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué
– que l’entreprise reconnaît le bien-fondé du grief relatif à l’absence de visite médicale d’embauche mais estime que le montant des dommages et intérêts accordé à cet égard est exagéré.
A l’audience, le conseil de la société AJC IMMO déclare oralement s’en rapporter à justice quant au bien-fondé de la demande relative aux congés payés.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l’incident de procédure
Il résulte des dispositions de l’article 9 du Code civil, ainsi que du principe général de loyauté dans l’obtention des preuves, qu’au soutien de leurs allégations, les parties ne peuvent porter atteinte de façon disproportionnée au secret des correspondances.
En l’espèce, la pièce n° 32 dont la société AJC IMMO demande qu’elle soit écartée des débats est une lettre que son gérant avait adressée le 7 décembre 2013 aux bailleurs, Monsieur et madame [F], et aux termes de laquelle il déclarait’:
« Je vous écris à nouveau pour vous faire part des très grosses difficultés financières que rencontre l’agence de [Localité 1] suite au passage de Monsieur [N] comme responsable d’agence et Madame [D] comme négociatrice et Madame [Q] comme assistante. En effet, pendant leur un an et demi d’activité, ils ont « coulé » l’agence par leur manque de travail, d’implication et donc de résultats. Je les ai donc licenciés mais ils ont laissé un trou de plus de 150 000 € dans les caisses.’»
Cependant, Madame [D] produit une attestation de Madame [F], laquelle déclare lui avoir elle-même volontairement remis cette lettre.
Par conséquent, la production par Madame [D] de cette lettre, qui ne comporte aucun élément relatif à la vie privée de son auteur, ne porte atteinte, ni au principe général de loyauté dans l’obtention des preuves, ni au secret des correspondances.
La demande formée par la société AJC IMMO à cet égard doit donc être rejetée.
Sur la demande de résiliation judiciaire
Il résulte des dispositions de l’article 1184 du Code civil que le contrat de travail peut être résilié aux torts de l’employeur en cas de manquement suffisamment grave de sa part à ses obligations contractuelles.
Lorsque le salarié est licencié postérieurement à sa demande de résiliation, cette dernière, si elle est accueillie, doit produire ses effets à la date du licenciement.
En l’espèce, Madame [D] reproche tout d’abord à la société AJC IMMO des propos discriminatoires et des menaces à compter de l’annonce de son état de grossesse, entraînant ses arrêt de travail pour maladie.
Au soutien de cette allégation, elle produit une attestation de Monsieur [N], à l’époque responsable d’agence, qui déclare que, le 5 juillet 2013, l’un des deux gérants lui a demandé si elle allait garder l’enfant lorsqu’elle a annoncé son état de grossesse.
Elle a fait état de ce fait par lettre adressée le 5 août 2013 à son employeur, lequel a contesté par lettre du 12 septembre suivant.
Au soutien de cette contestation, la société AJC IMMO produit l’attestation de Monsieur [M], directeur d’agence, qui déclare avoir assisté à l’entretien en cause et dément la réalité de ces propos.
La preuve de ce premier grief n’est donc pas établie.
Madame [D] produit ensuite l’attestation de Madame [Q], à l’époque assistante commerciale, qui déclare que le 13 juillet 2013, le co-gérant de l’entreprise a déclaré’: «enceinte ou pas enceinte, on peut se débarrasser de toi».
Pour contester ce témoignage, la société AJC IMMO fait valoir que Madame [Q] a quitté l’entreprise à la même période que Madame [D] pour exercer une activité concurrente.
Cependant, à lui seul, ce fait n’est pas de nature à ôter toute crédibilité à ce témoignage, alors que la société AJC IMMO produit elle-même une attestation postérieure de cette même personne, qui déclare seulement avoir librement quitté l’entreprise et ne remet nullement en cause ses propos antérieurs.
Madame [D] expose également que, malgré sa demande du 1er octobre 2013, elle n’a pu bénéficier d’une visite de reprise en raison de l’affiliation tardive de l’entreprise à un centre de santé au travail.
Elle produit à cet égard la copie de sa lettre du 1er octobre 2013, que l’employeur ne conteste pas avoir reçue, ainsi que la lettre que l’inspecteur du travail lui a adressée le 3 décembre 2013, déclarant que l’entreprise n’était plus affiliée à un centre de santé au travail depuis le mois de juin 2009.
La société AJC IMMO fait valoir que Madame [D] ne justifiait pas d’un arrêt de travail de plus de trois mois, comme prévu par l’article R 4624-20 du Code du travail.
Cependant, aux termes de l’article R 4624-22 du même code, le salarié bénéficie d’un examen par le médecin du travail après un congé de maternité et au titre de l’article R 4624-17, indépendamment des examens périodiques, le salarié bénéficie d’un examen par le médecin du travail à la demande de l’employeur ou à sa demande. Or, en l’espèce, Madame [D] a formulé une telle demande.
Pour ces deux motifs, il incombait donc à l’employeur d’organiser la visite, alors qu’aux termes de l’article L 4121-1 du Code du travail, il a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
Par ailleurs, Madame [D] établit ne plus avoir perçu de revenus à compter du 21 décembre 2013, l’employeur ayant omis de transmettre ses attestations de salaire à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie.
Il résulte en effet d’une lettre de la CPAM de l’Essone, datée du 6 février 2014, que la société AJC IMMO n’avait pas fait parvenir d’attestation de salaire concernant le congé de maternité de Madame [D], les indemnités journalières lui ayant été réglées sur présentation d’une déclaration sur l’honneur datée du 6 janvier 2014 et de ses bulletins de paie.
Madame [D] se plaint ensuite de n’avoir pu bénéficier des garanties au titre des contrats collectifs de santé et de prévoyance.
Elle rapporte la preuve de cette allégation en produisant des courriels de l’organisme de prévoyance, qui déclare que ses arrêts de travail du 17 juillet et du 22 août 2013 ont été refusés pour motif de déclaration tardive, que concernant l’arrêt de travail du 28 avril 2014 le dossier a été instruit mais que les décomptes de la CPAM ne leur sont pas parvenus.
Contrairement aux allégations de la société AJC IMMO, cette tardiveté n’est nullement imputable à Madame [D], l’organisme ayant expressément rappelé que les déclarations de l’arrêt de travail auraient dû être effectuées par l’employeur.
Il résulte de ces considérations que, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs de Madame [D], ces faits étaient suffisamment graves pour que soit prononcée la résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur, à la date du licenciement.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé sur ce point.
Sur les conséquences de la résiliation judiciaire
La résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A la date de la rupture, Madame [D] avait plus de deux années d’ancienneté et est donc fondée à percevoir une indemnité compensatrice de préavis de deux mois de salaire sur le fondement des articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail, soit la somme de 6’896 euros ainsi que les congés payés afférents, soit 689,60 euros.
L’entreprise employant moins de onze salariés, Madame [D] a droit en réparation à une indemnité correspondant au préjudice subi, conformément aux dispositions de l’article L 1235-5 du code du travail.
Elle ne produit aucun élément relatif à sa situation professionnelle après son départ de l’entreprise.
Au moment de la rupture, elle était âgée de 29 ans et comptait plus de deux ans d’ancienneté.
Au vu de cette situation, il convient de lui allouer une indemnité de 15’000 euros.
Sur la demande au titre de la violation de l’obligation de sécurité
Aux termes de l’article L 4121-1 du Code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l’article R 4624-10 du même code, il doit organiser une visite médicale d’embauche auprès du médecin du travail. L’absence d’une telle visite cause nécessairement un préjudice au salarié.
En l’espèce, Madame [D] n’a pas bénéficié de visite médicale d’embauche en raison, non d’une simple négligence de l’employeur, mais bien d’une carence volontaire résultant de son défaut d’affiliation à un centre de santé au travail depuis 2009 et il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société AJC IMMO à lui payer la somme de 1’500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de son obligation de sécurité.
Sur la demande de solde de congés payés
Il ressort des documents de fin de contrat qu’au jour de son licenciement, Madame [D] disposait encore de 15 jours de congés payés, lesquels ne lui ont pas été réglés et qui s’élèvent à 805,28 euros.
La société AJC IMMO ne fournit d’ailleurs aucune explication à cet égard.
Il convient donc de confirmer le jugement sur ce point.
Sur les frais hors dépens
Il convient de condamner la société AJC IMMO à payer à Madame [D] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts en cause d’appel et qu’il y a lieu de fixer à 1’500 euros, ainsi que de confirmer le montant de l’indemnité allouée en premier instance
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société AJC IMMO à payer à Madame [S] [D] la somme de 805,28 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, celle de 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité, ainsi qu’une indemnité de 1’000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Infirme le jugement pour le surplus et y ajoutant, condamne la société AJC IMMO à payer à Madame [S] [D]’:
– à titre d’indemnité de préavis’: 6.896,00 €
– à titre de congés payés afférents’: 689,60 €
– à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive’: 15’000 €
– en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile : 1’500 €
Déboute la société AJC IMMO de sa demande visant à déclarer irrecevable la pièce n°32
Déboute Madame [D] du surplus de ses demandes
Condamne la société AJC IMMO aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT