Secret des correspondances : 24 mars 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-21.925

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Secret des correspondances : 24 mars 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-21.925
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24 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n°
20-21.925

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 mars 2022

Cassation partielle sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 315 F-B

Pourvoi n° V 20-21.925

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 MARS 2022

La société Matières [U] [T], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-21.925 contre l’arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la cour d’appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l’opposant à la société Ad Lucem, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Matières [U] [T], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Ad Lucem, et l’avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 17 septembre 2020) et les productions, se plaignant de faits de concurrence déloyale, de parasitisme, de détournement de clientèle et de débauchage de personnel commis à son détriment par la société Ad Lucem créée par l’un de ses anciens salariés, la société Matières [U] [T] (anciennement société Océan) a saisi un juge des requêtes d’une demande de désignation d’un huissier de justice aux fins d’investigations au siège de la société sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

2. Par ordonnance du 11 juin 2014, le président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a accueilli la requête et a donné pour mission à l’huissier de justice de se rendre au siège de la société Ad Lucem et d’y effectuer toutes investigations concernant les actes de concurrence déloyale concernant la société Matières [U] [T], et notamment, à exercer ses recherches sur l’ensemble du système d’information de la société Ad Lucem, notamment à partir de tel ou tel mot-clé comme “MA’S”, “[U] [T]” ou “Océan” ou tous autres se rapportant aux marques utilisées, fournisseurs, collaborateurs, produits et couleurs, à analyser les outils informatiques, ainsi que tous les fichiers et documents de l’entreprise, y compris le livre d’entrée de sortie du personnel, et à copier, décrire, faire reproduire tous documents à ce sujet.

3. L’huissier de justice a exécuté sa mission le 9 juillet 2014.

4. Le 24 mai 2019, la société Ad Lucem a assigné en référé la société Matières [U] [T] à fin de rétractation de l’ordonnance du 11 juin 2014.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société Matières [U] [T] fait grief à l’arrêt de déclarer la société Ad Lucem recevable en sa demande, d’infirmer l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 25 septembre 2019 et, statuant à nouveau, de rétracter l’ordonnance sur requête du 11 juin 2014, de dire que la mesure d’instruction exécutée le 9 juillet 2014 était privée de fondement, de constater la nullité, d’ordonner la restitution à la société Ad Lucem de tous les documents et données captés, copiés ou enregistrés à l’occasion de cette mesure sur support informatique, photographique ou écrit dans un délai d’un mois à compter de la décision, et d’interdire à la société Matières [U] [T] d’utiliser à quelque fin que ce soit et notamment à l’occasion d’une instance judiciaire, même en cours, ces données et documents tels que consignés dans le procès-verbal de constat du 9 juillet 2014 et qui lui ont été remis par l’huissier de justice sur un disque dur externe, alors « que la cour d’appel a l’obligation de ne pas dénaturer le jugement qui lui est déféré ; qu’il résulte des termes clairs et précis de l’ordonnance déférée que « la juridiction des référés » avait été saisie de la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête ; qu’en retenant, pour en faire abstraction, que la mention du juge des référés dans le chapeau de la décision aurait procédé d’une erreur manifeste, aux motifs inopérants que la société Ad Lucem avait délivré une assignation en référé-rétractation qui ne faisait pas mention du juge des référés, et que l’ordonnance avait été rendue par le président du tribunal de commerce « statuant publiquement en référé », la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette ordonnance, et violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l’article 496, alinéa 2, du code de procédure civile que l’instance en rétractation d’une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire et que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. Dès lors, seul le juge des requêtes qui a rendu l’ordonnance peut être saisi d’une demande de rétractation de celle-ci.

7. Ayant constaté que le président du tribunal de commerce, juridiction des requêtes désignée par l’article 875 du code de procédure civile, avait été saisi en référé d’une demande de rétractation de son ordonnance du 11 juin 2014, la cour d’appel en a exactement déduit, hors de toute dénaturation, et abstraction faite d’un motif erroné, mais surabondant, tiré de ce que la mention de la juridiction des référés dans l’en-tête de l’ordonnance du 25 septembre 2019 procédait d’une erreur manifeste, que la demande de la société Ad Lucem était recevable.

8. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La société Matières [U] [T] fait grief à l’arrêt d’infirmer l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 25 septembre 2019 et, statuant à nouveau, de rétracter l’ordonnance sur requête du 11 juin 2014, de dire que la mesure d’instruction exécutée le 9 juillet 2014 était privée de fondement, de constater la nullité, d’ordonner la restitution à la société Ad Lucem de tous les documents et données captés, copiés ou enregistrés à l’occasion de cette mesure sur support informatique, photographique ou écrit dans un délai d’un mois à compter de la décision, et d’interdire à la société Matières [U] [T] d’utiliser à quelque fin que ce soit et notamment à l’occasion d’une instance judiciaire, même en cours, ces données et documents tels que consignés dans le procès-verbal de constat du 9 juillet 2014 et qui lui ont été remis par l’huissier de justice sur un disque dur externe, alors « que le secret des affaires et le secret des correspondances ne constituent pas, en eux-mêmes, des obstacles à l’application de l’article 145 du code de procédure civile, dès lors que la mesure d’instruction sollicitée procède d’un motif légitime et qu’elle est nécessaire à la protection des droits du requérant ; que tel est le cas lorsque la mesure d’instruction, quelle que soit son étendue, est circonscrite dans son objet, en ce qu’elle n’autorise le requérant à accéder qu’aux seuls éléments de nature à établir les faits litigieux ; que l’ordonnance sur requête, qui ne confiait à l’huissier de justice la mission d’effectuer toute investigation, sur le seul « système d’informations » de la société Ad Lucem, que « concernant les actes de concurrence déloyale perpétrés contre » la société Matières [U] [T], ne l’autorisait à « copier, décrire, faire reproduire » que les documents « à ce sujet » ; qu’en retenant que la mesure ordonnée, en ce qu’elle autorisait l’huissier de justice à procéder à ses recherches sur le système informatique de la société Ad Lucem à partir de mots-clés, dont seuls des exemples étaient fournis, relatifs aux marques utilisées, aux fournisseurs, aux collaborateurs, aux produits et couleurs, et aurait permis l’accès à des informations sur l’intégralité de l’activité de la société Ad Lucem, potentiellement sans lien avec la société Matières [U] [T], aurait ainsi porté une atteinte disproportionnée aux droits de la société Ad Lucem, quand cette mesure ne permettait à la requérante d’avoir accès qu’aux documents de nature à établir « les actes de concurrence déloyale perpétrés » à son encontre, la cour d’appel a violé l’article 145 du code de procédure civile. »

 


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