Secret des correspondances : 24 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15470

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Secret des correspondances : 24 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15470
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24 février 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/15470

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 24 FEVRIER 2023

N° 2023/67

Rôle N° RG 19/15470 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE7J5

SARL SELECTIMMO

C/

[O] [N]

[L]

Copie exécutoire délivrée

le :

24 FEVRIER 2023

à :

Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Chloé GOBET-LOPES, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 27 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01912.

APPELANTE

SARL SELECTIMMO, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [O] [N] [L], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Chloé GOBET-LOPES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [O] [N] [L] a été embauché par la SARL SELECTIMMO selon contrat à durée indéterminée en qualité de négociateur immobilier statut VRP non cadre, à compter du 1er avril 2015 moyennant une rémunération constituée de commissions sur les affaires réalisées par son intermédiaire.

Le contrat de travail de Monsieur [N] [L] a été rompu suite à la conclusion d’une rupture conventionnelle en date du 19 octobre 2015.

Monsieur [N] [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille aux fins d’obtenir la somme de 11.669 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 1166.90 euros de congés payés y afférents, la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant jugement du 27 septembre 2019, le conseil de prud’homme de Marseille a notamment :

– Dit que Monsieur [N] [L] [O] occupait la fonction d’agent de Maîtrise AM2 et en conséquence,

– Condamné la société SARL SELECTIMMO, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à Monsieur [N] [L] [O] les sommes suivantes :

. 3 776.75 euros bruts au titre de rappel de salaires,

. 377.67 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– Condamné la société SARL SELECTIMMO, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à Monsieur [N] [L] [O], la somme de 2.500 euros au titre de dommages et intérêts.

– Débouté les parties de leurs autres demandes,

– Condamné la SARL SELECTIMMO à payer au salarié la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que condamné aux entiers dépens.

Suivant déclaration du 7 octobre 2019, la société SELECTIMMO a relevé appel de ce jugement et demande à la Cour, par conclusions notifiées par voie électronique le 8 avril 2020 de :

INFIRMER la décision rendue le 27 septembre 2019 par le Conseil de prud’hommes de Marseille

Au principal,

-Ordonner que soient écartées des débats, les pièces obtenues par fraude par le salarié, à savoir la pièce n° 12: le mail de Madame [U] à Monsieur [K] du 31 mars 2015, le mail de Madame [U] à Monsieur [K] du 8 avril 2015 et le mail de Madame [U] à Monsieur [K] du 10 avril 2015,

-Condamner reconventionnellement Monsieur [O] [N] [L] au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Sur le fond,

-Débouter Monsieur [O] [N] [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-Le condamner au paiement de la somme de 1.500 euros pour la procédure d’appel et 1.500 euros pour la procédure de premiere instance, en application des dispositions de l’article 700 du Code de procedure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 février 2020, Monsieur [O] [N] [L] a formé appel incident et demande à la Cour de :

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de MARSEILLE en ce qu’il a dit que le salarié occupait une fonction d’agent de maitrise niveau AM2 ;

INFIRMER le jugement susvisé en ce qu’il a limité la condamnation de l’employeur aux sommes de 3.776.75 euros bruts au titre des rappels de salaire et 377.67 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

En conséquence :

A titre principal :

Condamner la SARL SELECTIMMO au paiement d’une somme d’un montant de 11.669 euros à titre de rappel de salaires ainsi qu’à la somme de 1.166.90 euros à titre de congés payés y afférents ;

A titre subsidiaire :

Condamner la SARL SELECTIMMO au paiement d’une somme d’un montant de 5.913.75 euros à titre de rappel de salaires ainsi qu’à la somme de 591.37 euros à titre de congés payés y afférents ;

En tout état de cause :

CONFIRMER le jugement attaqué en ce qu’il a dit et jugé que le comportement de l’employeur a été déloyal,

INFIRMER ledit jugement en ce qu’il a limité la condamnation de la SARL SELECTIMMO à la somme de 2.500 euros au titre des dommages et intérêts ;

CONDAMNER la SARL SELECTIMMO au paiement d’une somme d’un montant de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef ;

DEBOUTER la SARL SELECTIMMO de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

La CONDAMNER au paiement d’une somme d’un montant de 2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

L’instruction de la procédure a été close suivant ordonnance du 27 octobre 2022.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la reclassification et le rappel de salaire afférent

Monsieur [N] [L] soutient qu’il n’exerçait pas les fonctions d’un simple négociateur VRP non cadre, mais qu’il relevait en réalité de la classification Agent de Maitrise AM 2 prévue à l’Annexe I ‘tableau des classifications des postes de travail et des qualifications professionnelles’, suivant avenant n°33 du 15 juin 2006 de la convention collective de l’immobilier, administrateur de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers du 9 septembre 1988. A ce titre, il soutient qu’outre la négociation des ventes, il exerçait également les fonctions de Manager, tel qu’il résulte des termes de son contrat de travail et des pièces qu’il verse aux débats, l’employeur lui ayant confié la direction de l’agence secondaire de [Localité 3]. Il fait valoir que, n’ayant perçu aucune rémunération fixe durant toute la relation contractuelle, soit pendant 7 mois, il est fondé à réclamer la condamnation de la société SELECTIMMO à lui payer la somme de 11.669 euros bruts à titre de rappels de salaire. S’agissant de la demande de rejet de sa pièce n°14 communiquée en appel (échanges de mails sur la période du 31 mars 2015 au 10 avril 2015 entre Monsieur [Z] [K], gérant de la société, et Mme [R] [U], juriste en droit social auprès du cabinet d’expertise comptable CFEC-CBSA), il expose que, contrairement à ce qui a été indiqué par erreur lors de ses conclusions en pemière instance, il n’a pas bénéficié d’un accès libre à la boite mail de Monsieur [K], mais que c’est ce dernier qui lui a transféré les échanges de mail intervenus avec le comptable, afin de lui prouver qu’il se préoccupait de la rédaction de son contrat de travail, de sorte qu’il n’y a aucune atteinte au secret des correspondances, la demande de dommages et intérêts de l’employeur devant être rejeté.

La société SELECTIMMO soutient que Monsieur [N] [L] ne peut revendiquer le statut d’Agent de Maîtrise AM2 car les dispositions de la convention collective qu’il invoque ne le concernent pas ; qu’il ne dispose pas du diplôme de l’éducation nationale niveau 3 requis et que les descriptions d’emplois relevant de la grille de ce statut ne correspondent pas à ses fonctions. Elle affirme que Monsieur [N] [L] relevait du statut spécifique de négociateur immobilier VRP prévu à l’avenant n° 31 du 15 juin 2006 à la CNN des métiers de l’immobilier ; qu’il n’encadrait aucune équipe, les autres personnes travaillant au siège social étant toutes travailleurs indépendants, et qu’il n’était pas le directeur de l’agence de [Localité 3], Monsieur [K] étant directeur des agences de [Localité 4] et [Localité 3] ; qu’il lui appartient d’apporter la preuve des fonctions d’encadrement réellement exercées, ce qu’il ne fait pas. La société SELECTIMMO indique que, lors de son embauche, Monsieur [N] [L] n’avait aucune expérience immobilière, ce dernier ayant dû suivre une formation de négociateur immobilier du 15 au 17 juin 2015. Elle demande à la cour d’écarter des débats les échanges de mails entre Monsieur [K] et Madame [U] obtenus illégalement, l’intimé ayant ‘piraté’ l’ordinateur de Monsieur [K] pour les obtenir et les ayant ensuite transférés sur son adresse mail personnelle. Elle sollicite la condamnationde Monsieur [N] [L] à lui verser une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice qui en est résulté (atteinte au secret des correspondances).

En dernier lieu, la société appelante demande à la cour de noter que la demande de rappel de salaire formée par le salarié ne tient pas compte de la rémunération mensuelle fixe de 1.430 euros brut qui lui a été versée d’avril 2015 à octobre 2015, soit un total de 10.746,45 euros, alors qu’il n’a réalisé aucune vente.

***

Sur la demande de rejet de pièce

Le salarié peut produire en justice des documents dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, lorsqu’ils sont strictement nécessaires à l’exercice des droits de la défense dans le litige l’opposant à l’employeur.

En l’espèce, la société SELECTIMMO sollicite le rejet de la pièce n°12 (en réalité n°14 du bordereau de communication de pièce de l’intimé en cause d’appel) consistant en un mail de Madame [U] à Monsieur [K] du 31 mars 2015, un mail de Madame [U] à Monsieur [K] du 8 avril 2015 et un mail de Madame [U] à Monsieur [K] du 10 avril 2015, au motif que ces courriels auraient été obtenus frauduleusement en piratant la boite mail de Monsieur [K], directeur de l’agence.

La cour observe que, s’il s’agit d’un échange de mails entre Monsieur [Z] [K], dirigeant de la société SELECTIMMO, et Mme [R] [U] juriste de son cabinet d’expertise comptable, et dont Monsieur [N] [L] n’est pas en copie, le salarié justifie que ces mails ont fait l’objet d’un transfert de la boite professionnelle de Monsieur [K] vers sa boite mail personnelle, de manière concomitante (soit le même jour 8/04/2015 à 10h47 puis à 12h01 puis le 10/04/2015 à 13h04 pour les échanges suivants).

Or, alors que Monsieur [N] [L] soutient que Monsieur [K] a lui-même transféré les différents échanges avec le cabinet comptable pour le rassurer sur les conditions de son embauche, la société SELECTIMMO ne démontre pas que ce transfert serait l’objet d’un piratage frauduleux.

Les transferts de mail vers la boite personnelle de Monsieur [N] [L] ayant été opérés durant la période d’embauche en avril 2015 alors que les relations entre les parties étaient des relations de confiance, ils ne permettent pas d’accréditer la thèse selon laquelle le salarié se serait approprié frauduleusement ces informations dans le but de les produire en justice.

En outre, le fait que certains collaborateurs, en la personne de [D] [S] et [X] [T], attestent qu’ils n’avaient pas de libre accès à la boite mail du Directeur [Z] [K], n’empêche pas le fait que le directeur ait pu lui même transférer les éléments concernant les modalités de son embauche à Monsieur [N] [L], principal intéressé.

Ces mails constituent par ailleurs des éléments de preuve essentiels en ce qu’ils traduisent la volonté de l’employeur d’embaucher l’intimé en qualité de négociateur VRP avec l’ajout de la fonction de ‘Manager’.

En conséquence, la société SELECTIMMO ne démontrant pas qu’ils ont été obtenus frauduleusement, il n’y a pas lieu d’écarter des débats les mails litigieux (constituant la pièce n° 14 du bordereau de communication de pièces du salarié intimé).

Dans la mesure où l’employeur ne rapporte pas la preuve de la violation du secret des correspondances qu’aurait commise Monsieur [N] [L], ni d’un préjudice qui en serait résulté, il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts formée par la société SELECTIMMO à ce titre.

Sur la reclassification professionnelle

Il incombe au salarié qui revendique une classification différente de celle qui lui a été allouée par son employeur d’apporter la preuve des fonctions réellement exercées dans l’entreprise et du fait qu’elles ne correspondaient pas à la classification qui lui a été attribuée.

En l’espèce, Monsieur [O] [N] [L] embauché en qualité de ‘Négociateur immobilier’ statut VRP non cadre revendique la classification ‘Agent de Maitrise’ AM 2 prévue à l’Annexe I ‘tableau des classifications des postes de travail et des qualifications professionnelles’, suivant avenant n° 33 du 15 juin 2006 de la convention collective de l’immobilier.

L’article 1 de l’avenant n° 31 du 15 juin 2006 à la convention collective nationale de l’immobilier décrit ainsi les fonctions du négociateur immobilier : ‘Le négociateur VRP est un salarié. A titre principal, il représente son employeur auprès de la clientèle, exerce sa profession à titre exclusif et constant, prospecte la clientèle à l’extérieur de l’agence et lui rend visite en vue de prendre et de transmettre des commandes. Il ne realise pas d’opérations commerciales pour son compte personnel’.

Dans son préambule, cet avenant n° 31 du 15 juin 2006 stipule que les négociateurs immobiliers ne sont pas classés à l’un des niveaux de la grille conventionnelle mais bénéficient du statut résultant du présent avenant, exception faite des négociateurs exerçant des fonctions d’encadrement et bénéficiant à ce titre d’un statut cadre, qui seront classés dans la grille de l’annexe I de la CCNI.

L’Annexe I ‘tableau des classifications des postes de travail et des qualifications professionnelles’, suivant avenant n° 33 du 15 juin 2006 de la convention collective de l’immobilier, désigne ainsi les agents de maitrise AM2 :

Autonomie/Responsabilité :

Le salarié classé à ce niveau doit être capable de planifier et de contrôler les tâches qui lui sont assignées en fonction d’objectifs à atteindre.

Il peut avoir la responsabilité technique du travail réalisé du personnel de qualification inférieure. Peut exercer des fonctions de coordination ou de pilotage.

Niveau de formation (repère indicatif) :

Diplôme de l’éducation natiole niveau III

Emplois repères (indicatif) :

Juriste, Agent de location-gérance, comptable immobilier, Gestionnaire de copropriété 2, technicien qualifié, Economiste de la construction et Négociateur débutant (1)

Fonctions repères (indicatives) :

-Analyse et gère le contrat de bail, assure la bonne exécution du mandat de gestion et les relations avec les locataires, établit les documents administratifs et financiers,

– Collecte les données chiffrées aupres des differents services de l’entreprise et assure l’élaboration des documents de gestion,

– Assiste aux rendez-vous avec les architectes ou techniciens, assiste aux expertises et assure le suivi administratif et financier des immeubles,

– Assure la gestion des chantiers ou des opérations,

– Assure la commercialisation des nouvelles opérations et la recommercialisation des biens existants pour le compte de sociétes immobilieres et foncières.

La cour constate que la grille de classification professionnelle ne prévoit le niveau de formation (diplôme niveau III) ainsi que les différentes ‘fonctions repères’ qu’à titre indicatif, de sorte que, contrairement aux affirmations de l’employeur, Monsieur [N] [L] peut prétendre au statut AM2 revendiqué, même en l’absence d’un tel diplôme et en exerçant des fonctions non listées dans la grille.

Il doit en revanche démontrer, qu’outre les prospections et négociations en vue des ventes immobilières, il était notamment amené à planifier lui-même ses actions, et pouvait exercer des fonctions de coordination ou de pilotage, ou avait la responsabilité technique du travail réalisé par le personnel de qualification inférieure.

A ce titre, Monsieur [N] [L] soutient qu’il a été recruté en qualité de manager et a exercé des fonctions d’encadrement en tant que Directeur de l’agence secondaire de [Localité 3].

L’article 3 du contrat de travail de Monsieur [N] [L] signé le 1er avril 2015 stipule effectivement que :

« Monsieur [O] [N] [L] est engagé pour exercer les fonctions de Négociateur Immobilier Statut VRP. A ce titre, le salarié sera chargé d’accomplir principalement les tâches relevant de ses fonctions’,

et ajoute :

‘Le salarié devra également manager une équipe d’agents commerciaux et veiller au bon déroulement des opérations ».

Il ressort des échanges de courriels intervenus entre Monsieur [K], gérant de la SARL SELECTIMMO, et sa comptable, que l’employeur a souhaité confier à Monsieur [N] [L] des fonctions s’apparentant à celles d’un directeur d’agence.

Ainsi, le cabinet d’expertise comptable en charge de la comptabilité de la société SELECTIMMO écrivait à son représentant le 31 mars 2015 :

« Lorsque vous embauchez un salarié il y a nécessairement des charges sociales à payer, que cela soit sur la part fixe comme sur la part variable. Le problème c’est que vous ne pouvez pas prendre un agent commercial pour être Directeur d’agence, cela est interdit par la loi. Un directeur d’agence est nécessairement en statut salarié ».

Le 8 avril 2015, Monsieur [K] demandait au cabinet d’expertise comptable :

‘Par contre, est ce qu’on peut rajouter un truc pour [O] [L] pour qu’il se sente un peu supérieur. Genre avec un rôle de manager”.

Le cabinet d’expertise comptable lui répondait le même jour : « Comme il est négociateur immo avec un statut particulier, il me parait un peu difficile de le mettre en plus manager. Ceci au regard de sa rémunération et de son statut », ce à quoi Monsieur [K] a répondu « Rajoutez lui un petit truc pour qu’il se sente supérieur aux autres’ ».

A l’appui de sa revendication, Monsieur [N] [L] verse aux débats plusieurs pièces :

-des cartes de visites « ERA IMMOBILIER » personnalisées sur lesquelles apparaissent « [O] [L] ‘ Manager » remises par la société (cf bons de commande et facture réglée par la société);

-une attestation de Monsieur [I], client de la SARL SELECTIMMO, qui rapporte :

‘Monsieur [O] [L] m’a été présenté par Monsieur [Z] [K] comme son directeur d’agence ERA de [Localité 3]. Ainsi, j’ai pu constater son professionnalisme et sa rigueur dans la gestion de mes dossiers, ayant toujours considéré son comportement comme irréprochable’ ;

– Dans un SMS adressé par Monsieur [K] à ERA IMMOBILIER (ainsi qu’en copie à Monsieur [N] [L]), celui-ci indique expressément, au sujet d’une formation : ‘ [O] s’est barré le 3ème jour car [Y] lui a supprimé son tel (il est directeur d’agence je te rapelle’)’ ;

– un article de presse paru dans « Les Echos » dans lequel Monsieur [N] [L] est identifié comme ‘manager de l’agence ERA Selectimmo de [Localité 3]’ ;

-l’annuaire interne de l’agence sur lequel sont mentionnés le directeur, les managers ainsi que les négociateurs, Monsieur [L] apparaissant encore comme manager et non comme négociateur.

La cour relève que Monsieur [T], qui atteste que Monsieur [L] [O] a toujours eu le même statut que lui, négociateur immobilier, et n’a jamais été présenté comme directeur d’agence, le seul directeur de l’agence de [Localité 4] et de [Localité 3] étant Monsieur [K] [Z], a été embauché à compter du 5 novembre 2015, soit postérieurement à la relation contractuelle liant les parties à l’instance, de sorte que son témoignage n’est que très peu probant.

La société SELECTIMMO soutient que Monsieur [N] [L] n’encadrait aucune équipe et exerçait seul à l’Agence de [Localité 3], les personnes citées par le salarié, Mme [J] et Mme [A], étant autoentrepreneurs, sans lien hiérarchique avec l’intimé.

Si Madame [J] et Madame [A], sans être salariées, avaient effectivement signé des contrats de courtage immobilier, elles travaillaient cependant exclusivement pour le compte de la société SELECTIMMO et témoignent avoir été encadrées par Monsieur [N] [L], manager de la succursale de [Localité 3].

Madame [J] indique ainsi : ‘J’atteste avoir travaillé durant plus de 8 mois entre mai 2015 et janvier 2016 au service de Monsieur [Z] [K] avec pour manager d’agence Monsieur [O] [N] [L] dans la succursale située à l’époque [Adresse 7] (13). Monsieur [K] n’a eu de cesse que de présenter Monsieur [N] [L] comme le manager de l’agence de [Localité 3] notamment lors de formations ERA à [Localité 2] où les deux étaient présents, non pas par manque de compétence mais en qualité de nouveaux franchisés ERA. A ces formations ainsi que sur la quasi-totalité de mon expérience au sein de cette entreprise, j’ai également collaboré avec Mme [V] [C], elle aussi négociatrice en immobilier sur l’agence de [Localité 3] et donc sous le management de M. [N] [L] ».

Madame [A], quant à elle, atteste :

« (‘) avoir travaillé avec l’agence ERA SELECTIMMO représentée par M. [K] [Z] durant la période de février 2014 à mars 2016 comme agent commercial.

J’atteste sur l’honneur que M. [L] [N] [O] était bien présenté par M. [K] [Z] au reste de l’équipe de [Localité 5] comme le manager de l’agence de [Localité 3]. J’ai moi-même eu l’occasion de me déplacer en renfort à [Localité 3] sous ses ordres et constaté que M. [L] [N] exerçait bien l’activité de manager d’agence de [Localité 3] notamment pour son équipe composée de [E] [J] et [V] [C].

J’atteste par ailleurs qu’il s’était bien présenté en formation « intégration directeur » à [Localité 8] auprès de la franchise ERA IMMOBILIER, au côté de M. [K] [Z] du 25 au 28 février 2015 ».

Au regard de ces éléments, Monsieur [N] [L] démontre qu’il exerçait des fonctions de coordination ou de pilotage, en qualité de manager de l’agence secondaire de [Localité 3] et qu’il pouvait en conséquence revendiquer la classification d’Agent de Maitrise AM2 relevant de l’Annexe I ‘tableau des classifications des postes de travail et des qualifications professionnelles’ suivant avenant n° 33 du 15 juin 2006 de la convention collective de l’immobilier.

Il convient, en conséquence, de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a dit que l’intimé occupait en réalité la fonction d’Agent de Maitrise AM2.

Sur les rappels de salaire

L’avenant n° 64 du 26 février 2015 modifiant l’annexe II « Salaires » au 1 er janvier 2015 prévoit pour le statut AM2, un salaire minimum brut annuel (sur 13 mois) d’un montant de 21.674 euros, soit un salaire brut mensuel de 1.667 euros.

Pour solliciter la somme de 11.669 euros bruts (soit 1.667 x 7 mois) à titre de rappel de salaires et 1.166,69 euros à titre de congés payés y afférents, Monsieur [N] [L] soutient n’avoir perçu aucune rémunération fixe durant toute la relation contractuelle.

La société SELECTIMMO soutient au contraire que l’appelant a d’ores et déjà perçu une somme totale brute de 10.746,45 euros à titre de rémunération, soit une somme mensuelle de 1.430 euros bruts d’avril 2015 à septembre 2015, outre 2.166,45 euros bruts en octobre 2015, précisant que cette rémunération est en adéquation avec les dispositions de l’article 4 de l’avenant n°31 du 15 juin 20016 relatif à la rémunération minimale des négociateurs, qui prévoit ‘les négociateurs immobiliers VRP perçoivent un salaire minimum brut mensuel ne pouvant être inférieur à 1.300 euros’.

L’article 6 du contrat de travail signé par les parties, intitulé ‘Rémunération’, prévoit que ‘La rémunération de Monsieur [O] [N] [L] sera exclusivement constituée de commissions sur les affaires réalisées par son intermédiaire.

A cet égard, il percevra un pourcentage du montant des commissions hors taxes effectivement perçues par l’Employeur. Ce pourcentage est fixé dela manière suivante, étant précisé qu’il tient compte de l’indemnité légale de congés payés :

-40% (soit 36,36 % au titre des commissions + 3,64 % au titre des congés payés) sur les mandats simples qu’il aura obtenus

-45% (soit 40,90% au titre des commissions +4,10 % au titer des congés payés) sur ls mandats exclusifs qu’il aura obtenus.

Dans le cas où le montant des commissions calculées selon les modalités précitées s’avérait insuffisant, l’Employeur assurerait au négociateur une rémunération minimale mensuelle brute sous forme d’avance sur commission d’un montant de 1.300 euros.

En pareille hypothèse, cette avance sera retenue sur le montant des prochaines commissions auxquelles pourrait prétendre le Négociateur’.

Pour vérifier si le salarié a perçu le salaire minimum conventionnel, il doit être tenu compte des sommes perçues à titre d’avances sur commissions qui n’ont pas fait l’objet de récupération de l’employeur.

Il ressort de l’examen des bulletins de paie de l’intimé versés aux débats d’avril 2015 à octobre 2015, que Monsieur [N] [L] a perçu une somme totale de 5.232,05 euros à titre d’avances sur commissions, ainsi qu’une somme totale de 523,20 euros au titre de congés payés y afférents, soit la somme totale de 5.755,25 euros bruts.

En conséquence, il y a lieu de déduire du montant du salaire minimum auquel l’intimé peut prétendre suite à sa reclassification professionnelle au statut d’Agent de Maitrise AM2 (soit 11.669 euros), la somme perçue à titre d’avance sur commissions (soit 5.755,25 euros), soit un total dû de 5.913,75 euros.

Il convient dès lors d’infirmer la décision du conseil sur le montant des rappels de salaire alloués et de condamner la SARL SELECTIMMO au paiement d’une somme 5.913,75 euros bruts à titre de rappel de salaire, ainsi qu’au paiement d’une somme de 591,37 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Monsieur [N] [L] sollicite une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi pour exécution déloyale du contrat de travail, faisant valoir que la société SELECTIMMO a sciemment omis d’appliquer le statut correspondant aux fonctions qu’elle entendait lui confier, ce qui lui a causé un préjudice notamment financier.

L’employeur, qui conteste la reclassification professionnelle de l’intimé, estime ne pas avoir manqué à ses obligations et soutient qu’il ne caractérise pas son préjudice.

***

Il ressort des pièces versées aux débats et notamment de l’échange de mails entre Monsieur [K] et Mme [U] entre le 31 mars et le 8 avril 2015 que l’employeur n’a pas appliqué à Monsieur [N] [L] le statut auquel il pouvait légitimement prétendre au regard des missions contractuellement confiées.

Il en résulte un préjudice pour le salarié en ce qu’il a perçu une rémunération inférieure à celle correspondant à la fonction exercée, ce qui a eu des répercussions également sur le paiement de sa retraite future, ainsi que sur sa prise en charge par Pôle Emploi.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui lui a alloué la somme de 2.500 euros en réparation du préjudice subi du fait du comportement déloyal de l’employeur.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de condamner la société SELECTIMMO à payer à Monsieur [O] [N] [L] une indemnité de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

L’employeur qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement déféré sauf sur le montant des rappel de salaire et incidence congés payés alloués au salarié au titre de sa reclassification professionnelle,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Condamne la société SELECTIMMO à payer à Monsieur [O] [N] [L] la somme de 5.913,75 bruts à titre de rappel de salaires et la somme de 591,37 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

Y Ajoutant :

Condamne la société SELECTIMMO à payer à Monsieur [O] [N] [L] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne la société SELECTIMMO aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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